Myungsoo regarde par la fenêtre. Le vent. Les arbres. Les voitures. Les feux tricolores. Les poteaux électriques. Et rien de tout cela. Il est attentif. Non pas aux poteaux électriques. Non pas aux feux tricolores. Non pas aux voitures. Ni aux arbres. Ni au vent. Il est attentif. Seulement à son angoisse. Son cœur. Son incompréhension de lui-même, lorsque pris de joie il pense à son ami. Il souffle. Son ventre, si vite contracté par un doute soudain. Il se demande. Encore. Comme chaque fois qu’il est seul maintenant. Encore. Si sa joie est normale. Si sa joie est justifiée. Et si elle est, surtout, une joie permise. Il doute. Comme tout le monde après tout. Se dit-il. Pour se rassurer. Pour se rassurer d’être comme les autres. D’être celui qu’il se jure d’être. D’être celui dont la joie n’est que la simple forme d’une amitié solide. D’être seulement un ami bizarre pour une seconde. Pour seulement une seconde. Une. Il inspire fortement comme pour respirer une atmosphère de courage. Il a le droit d’avoir un doute, seulement pour une seconde. « Seulement une seconde ».

Il ouvre la vitre. Respire l’air. Sent les odeurs du tilleul. Des pots d’échappement. Il regarde le feu passer au vert. Il attend son ami. En laissant la joie parcourir son corps.

En bas de l’immeuble une voiture s’arrête. Un gros suv moiré aux vitres foncées. Il est pris d’une telle excitation qu’il ne tient plus en place. Il se recoiffe. Il s’arrange les vêtements. Refait ses lacets. Se tape les joues. Se pince les lèvres. Et se met en vitesse à entamer un bout de la chorégraphie.

Son cœur frappe son torse comme autant de pas dans le couloir. Il est épuisé par la danse. L’attente. Par son regard fixé sur son amitié étrange. Il est amoureux. Seulement pour un seconde.

Une.

La porte s’ouvre et Sungyeol est là. Il lui sourit. Le prend dans ses bras très fortement. Une seconde. Écoulée. Pourtant. Il doute. Encore. Toutes les secondes qu’il passe dans ses bras. Il doute. Trop fort. Il doute si fort que ce n’est presque pas un doute.

Il est agacé par lui-même. Par cette personne qu’il est en cette seconde. Et qu’il ne connait pas. Il est rouge de colère. Rouge de honte. De ne pas se comprendre. Il étouffe dans les bras qui chauffent son cœur. Il meurt d’envie  d’affranchir l’amitié, de franchir la folie de ses fougues, les frontières de ses lèvres. Quand doucement il demande « Tout va bien ? », alors que tout va mal.

Il pousse son ami. Car il étouffe. « J’étouffe ». « Laisse-moi ». Il part. En marchant vite. Très vite. Le plus loin possible de son ami. Il le déteste. Il le hait. Il ne veut plus le revoir, et fait mine de ne pas l’entendre, quand de loin il l’appelle par son surnom.