Résumé :
"Tous les membres d'une équipe de sport renommée se retrouvent pour un événement à fêter. Et pourtant, deux d'entre eux semblent être à l'opposé de cette ambiance festive..."
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Sans un mot
David quitte l'équipe ce soir.
Le dernier match de la saison a eu lieu il y a trois jours, et nous fêtons son départ dans ce bar branché. Toute l'équipe est là, ainsi que le manager, le coach, son assistant, et tant d'autres qui devraient être importants. Il y a aussi les inévitables groupies, triées sur le volet, et les petites amies ou femmes.
Je n'ai ni l'une ni l'autre, tout comme David, et quelques autres. Mais nous sommes les seuls à ne pas profiter des jeunes filles appétissantes si bien sélectionnées par notre « trouve –tout » comme nous le surnommons. De la drogue au plan cul, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il répond présent et rapporte ce que l'un des joueurs de notre équipe vedette qui a désormais fait plus que ses preuves pourrait bien désirer. J'ai déjà fait appel à lui, une fois, en quatre ans. Mais uniquement pour savoir où sortir sans les autres, un soir de déprime dans une ville inconnue après un match perdu, il y a longtemps.
J'ignore si David lui a déjà demandé quoi que ce soit. Des filles ? De la drogue ? Les deux ? Il me semble un peu perdu, lui qui sourit toujours jusqu'à illuminer ses yeux si bleus, chassant ses mèches rebelles de son front d'une main négligente, ce geste si simple qui a fait de lui la coqueluche des femmes, et lui a ouvert les portes du mannequinat bien avant qu'il n'entre dans l'équipe. Arrivé après moi, parti avant...
Il est pourtant encore si jeune, mais à part sa carrière d'égérie d'une grande marque dont il vient de signer le contrat à ce qu'il se murmure, il a décidé de changer de direction, de profession, tant qu'il est encore jeune, comme il le dit parait-il.
Je ne le comprends pas. Nous sommes des stars, et l'époque où une mauvaise blessure pouvait briser une carrière est pratiquement révolue tant la science a avancé. Alors, pourquoi ? Ce n'est pas comme s'il ne pouvait pas suivre des cours tout en restant avec nous. Les entrainements sont durs, réguliers, et ont certes lieu très souvent. Mais pas assez pour qu'un bosseur sachant ce qu'il désire comme lui ne puisse atteindre cet autre rêve en même temps.
David n'a jamais cessé d'être un mystère pour moi.
Sur le terrain, nous sommes toujours en parfaite symbiose, sachant ce que l'autre a en tête et pouvant y répondre avant même que les autres aient seulement entrevu notre manœuvre, les gars de notre équipe compris.
Mais après le match, que ce soit dans les douches, aux soirées, ou simplement dans la vie de tous les jours, il m'apparait comme un mur impénétrable, lui, le beau gosse plus jeune d'à peine quelques années semble me toiser de toute la hauteur d'une expérience inconnue sans pourtant aucun dédain. Je n'ai pas de prises sur lui. J'arrive juste à le saluer, à échanger les banalités d'usage avant un entrainement, ou les encouragements et la promesse d'être là quand il aura besoin de moi pour un match, qu'il me répète toujours, sans jamais me regarder, étrangement.
Il n'y a que sur le terrain que j'ai l'impression que nous existons l'un pour l'autre.
Mais David part ce soir.
Je mords presque avec violence dans le morceau de citron après avoir avalé un nouveau shot de Tequila, moi, Jeff, Riley et une des groupies s'étant lancé dans une sorte de concours dont personne ne sortira vainqueur et instiguée par la jeune femme, celle-ci en profitant pour venir lécher le sel à même le creux du pouce de mes deux équipiers. Elle avait tenté la manœuvre avec moi en premier lieu, mais un regard avait suffi à lui faire comprendre que c'était peine perdue. Je sais que je plais aux femmes, et après tout, même si nous sommes des sportifs, et que nous ne sommes pas choisis pour notre belle gueule, je peux la comprendre. Mon nez n'a pas été malmené par le terrain comme les bars, je suis rasé de près, mes cheveux courts coiffés d'un peu de gel pour leur donner un air naturellement ébouriffé, comme la styliste de ma petite sœur me l'a conseillé, je sais être un bien meilleur partit que mes deux compères.
David a, quant à lui, dû essuyer bien plus d'avances que moi, et je me demande pourquoi il ne profite pas de cette dernière soirée à fond, comme nous l'avons fait après bien des victoires. L'autre soir non plus, son humeur n'était pas à la fête, et il nous avait quitté bien plus tôt que d'habitude, partant du bar sous une pluie de sifflements...
Va-t-il s'esquiver ainsi ce soir aussi ?
J'aimerais avoir pu nouer une amitié avec lui, même superficielle, comme je l'ai fait avec chaque membre de l'équipe, même ceux qui n'ont été que de passage. Mais il ne m'a jamais donné aucune prise à laquelle m'accrocher, aucune fente où me glisser. Il me ferait presque penser à un miroir...
Finalement, la soirée passe, quelques gars invitent les filles à danser, et je ne sais comment, je ne suis plus sur ma chaise, mais sur le canapé à côté de David, la tête penchée et appuyée dessus pour le regarder, alors qu'il sourit en avalant un shot de Tequila. Je mets un moment à comprendre que j'ai réussi à l'embarquer dans ce jeu stupide sans gagnant, alors que j'ai déjà bien trop bu, et fait signe à une serveuse d'apporter deux verres et une grande bouteille d'eau pétillante. Même si David à l'air presque sobre, cela ne pourra pas lui faire de mal, et me fera le plus grand bien.
Je m'excuse d'avoir perdu le fil de la conversation, et il rit, me répondant qu'il n'y en avait pas vraiment, ou pas encore. Je tente alors d'en amorcer une, difficilement, pour savoir la raison de son départ, son fameux projet, mais la musique doit être trop forte, car seul un sourire doux me répond, tandis qu'il verse de l'eau dans l'un des verres que la serveuse a si rapidement apporté, sachant plus que certainement qui nous sommes. Il me le tend, de la buée s'étant déjà formée dessus, le rendant glissant, et nos doigts s'effleurent, le faisant lâcher le verre prestement. Heureusement j'avais déjà une prise assez forte sur celui-ci pour n'être que légèrement éclaboussé au niveau de mon jeans de marque.
Je ris, car même si le tissu est foncé, on pourrait croire que j'ai eu un accident fort gênant, et David s'excuse, une expression de gêne mêlée de honte incroyable changeant radicalement son visage dont je pensais connaitre pratiquement toutes les facettes possibles grâce à nos entrainements, entre autres, et nos soirées pour le reste.
Bien sur, j'ignore celle qu'il pourrait avoir avec une femme, car, à la réflexion, je ne l'ai jamais vu céder à quelques groupies, ou simple femme présente dans le bar ou la boîte de nuit où nous avons pu passer la soirée, voir la nuit. Peut-être est-il encore plus pudique que moi sur ses relations. J'ai cédé, au début, avant de préférer choisir par moi-même, et plutôt entouré d'amis, ou seulement des membres de l'équipe dont je me sens le plus proche... Sans doute fait-il pareil de son côté, mais j'ai beau lui répéter que ce n'est pas grave, que ce n'est que de l'eau, il semble toujours aussi mal à l'aise, et finis par regarder sa montre. Le moment que je craignais est arrivé, me dis-je, sans savoir pourquoi je ne souhaitais pas le voir venir, et il commence effectivement à se lever.
Ma première réaction est de faire puérilement comme si je n'avais rien remarqué, et enfin boire ce verre. Les bulles me piquent la langue, et la glace a rendu l'eau délicieusement fraiche, me dégrisant légèrement, même si ce n'est sans doute qu'une impression.
David a visiblement compris mon manège, car il s'éloigne pour aller saluer les autres. Ceux-ci protestent, comme si souvent, mais il a bien trop l'habitude désormais pour se laisser avoir par un dernier verre, ou un quelconque tour de ce genre. Il s'approche ensuite des deux tables que nous avions mises l'une contre l'autre en début de soirée pour dire au revoir aux membres du groupe restant, et enfin reviens vers moi.
Je n'arrive pas à croire qu'il s'agit surement d'une des dernières fois que je le vois. Peut-être même la dernière. Je me lève alors, heureux de ne pas voir le petit univers du club tourner autour de moi de manière trop prononcée, et lui annonce que je le raccompagne jusqu'à l'entrée, me moquant bien de la tache qui ne doit de toute façon pas se voir sur ce jean sombre avec l'éclairage tamisé loin de la piste de danse. Il semble hésitant, puis finit par prendre sa veste. La mienne est dans ma voiture, que je doute emprunter pour rentrer ce soir vu mon état, et j'ignore si je vais filer en douce après son départ de toute façon. Les gars me verront encore bien des fois avant que je ne finisse par quitter l'équipe.
David part ce soir.
Au lieu de marcher devant ou derrière moi, il reste à mon niveau, et je ne peux m'empêcher de glisser une main contre ses reins lorsque nous devons traverser un groupe plus récalcitrant. Je l'ai à peine effleuré, et pourtant tout son corps s'est tendu alors qu'il me jette un regard étonné... ou était-ce autre chose ? Je ne sais pas, j'ai vraiment trop bu.
Nous continuons, passons devant le vestiaire où nous n'avons rien à récupérer, et ouvrons les portes qui donnent sur le hall à peine éclairé servant de tampon avec l'extérieur pour le bruit de la musique. Trois marches, et nous serons dehors.
Nous tendons tout les deux la main vers la même porte, et la laissons retomber de concert. David se tourne vers moi, se léchant nerveusement les lèvres.
Je lui dis alors ce que je pense réellement : combien il va me manquer, que je ne sais toujours pas dans quelle aventure il se lance, ni même s'il a mon numéro et si nous nous reverrons un jour. Je le complimente dans cette bulle sonore presque feutrée, avec la musique semblant si lointaine, tout comme le monde, sur sa façon de jouer, sur ma crainte de ne plus jamais avoir d'équipier ayant son talent, me rapprochant sensiblement en voyant son étrange expression, de peur que ce soit mon état qui me donne l'impression que parler à voix presque basse suffise à se faire comprendre ici.
Soudain, la pulpe délicieusement moelleuse de ce que je mets quelques secondes à identifier comme une paire de lèvres se presse contre les miennes. Une main me tient la mâchoire, l'autre s'est accrochée à ma nuque, me faisant prendre conscience qu'il est légèrement plus petit que moi, chose que je savais pourtant déjà, et l'absurdité de cette remarque me laisse les bras ballants un instant.
Ce baiser pourrait me paraitre étrange, incongru, voir déplacé, moi qui n'ai jamais ressenti le moindre intérêt pour un homme, et, pourtant, je me surprends à enlacer sa taille d'un bras, serrant son corps contre moi de toutes mes forces, une main plongeant dans les mèches rebelles du côté de son crâne, rapprochant son visage du mien, inclinant la tête en glissant la langue entre ses lèvres fermes. La sienne s'enroule, agile, autour et je me surprends à aimer ce baiser comme aucun autre, l'odeur délicate de l'aftershave de David inondant mon cerveau avec cent autres informations, comme son torse musclé pressé contre le mien, sa poigne, forte, la peau de sa joue, si douce lorsque mon pouce la caresse dans un sens, et très légèrement rêche dans l'autre.
Pas un instant je ne pense à ce qu'il adviendrait si un gars de l'équipe passait maintenant, ou qui que ce soit d'autre. Tous mes sens sont concentrés sur lui, sur la sensation de ses abdominaux contre les miens, et de son bas ventre. Cela n'a rien de désagréable, mais je ne saurai dire s'il est en érection. Je sais par contre, avec étonnement, que je commence à l'être alors que le dos de David heurte l'un des murs latéraux. Je me presse un peu plus, nos lèvres bougeant à l'unisson, nos langues aussi parfaitement en symbiose que nos corps sur le terrain.
Puis il se recule, un sourire, qui me semble pourtant triste, au coin des lèvres, et se dégage lentement de mon étreinte. Il n'ajoute rien, tentant juste de faire pétiller ses yeux comme lors de ses véritables moments de joie, sans y parvenir.
Finalement, il pousse la porte, me regardant le plus longtemps possible, avant de disparaitre, le claquement feutré résonant comme une brisure dans mon cœur. Aucune de mes questions n'a eu droit à une réponse.
Alors, c'est ça, un baiser d'adieu ?
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