Ce soir, l’enfant en moi est morte.
Ce soir, je suis adulte.
Pas parce que j’ai 26 ans. Pas parce que j'ai des responsabilités.
Seulement, parce que ce soir, je me suis rendue compte que tous les rêves d’enfant auxquels on croit petit ne se réaliseront pas. Jamais.
On rêve d’une vie en rose bonbon acidulé. D’un Prince Charmant sur son beau cheval blanc qui vient nous sauver de la morosité. D’une vie de Princesse et d’un Amour immortel qui balaye les barrages que la vie nous impose.
Mais tout ça, ce ne sont que des rêves. Seulement des rêves. Le Prince n’est plus charmant. La Princesse se meurt. L’Amour n’existe plus. Les embûches de la vie nous détruisent petit à petit.
C’est ce qui m’a frappé ce soir.
Pourtant, ma vie, sans avoir été idyllique, n’en fut pas moins heureuse.
J’ai grandi avec mes deux parents – ce qui en soit est déjà pas mal pour quelqu’un de ma génération –, avec une petite sœur – parfois aimée, parfois détestée, tout de suite pardonnée – des grands-parents qui nous ont chéri. On était pas riches, mais tout simplement heureux. Oui, heureux. Satisfaits des petits bonheurs quotidiens.
J’ai grandi avec des hauts et des bas, mais bien plus souvent au sommet. Je suis partie étudier et, un beau jour, je me suis envolée du nid. Heureuse d’être prétendument indépendante, tout en sachant que je pouvais compter sur ma famille au cas où.
J’ai rencontré mon Prince charmant. Pas encore de mariage de Princesse mais qui sait…
Et il y a trois ans, le choc. La mort de mon grand-père m’a forcée à poser un bout de pied dans l’âge adulte … J’ai grandi… Puis, le licenciement de ma mère m’a choqué… J’ai grandi….
Et il y a quatre mois, mon monde a tangué, s’est ébranlé. Nous avons découvert avec stupeur qu’une bête sournoise se tapissait dans les ombres : la Dépression. Elle a choqué mon monde, elle l’a ébranlé mais il ne s’est pas effondré. Il tenait bon, il était soudé.
Et il y a un mois, nouvelle secousse. Cette immondice, cette maladie sournoise a frappé. Encore. Ma mère, dans un geste mêlé de désespoir et de fureur, tente de se donner la mort. Elle échoue. Grâce à Dieu. Mais mon monde tremble plus que jamais. Ma mère est forte. Elle a besoin d’aide mais elle est forte. Toute la famille est là pour l’aider à remonter et à atteindre la surface du lac glacé de la vie. Elle remonte. Petit à petit.
Et là, ce soir, un nouveau combat l’attend. Parce que son Prince charmant n’est plus charmant. Parce que tous les deux se déchirent, se font du mal, se blessent, consciemment ou pas. Ils s’entretuent à petit feu. Chacun ne voyant en face de lui qu’un dragon crachant flammes et vapeurs empoisonnées.
Et là, mon enfance s’est envolée pour de bon. Le divorce et la destruction de mon monde qui va s’en suivre ont déjà détruit, avant même le commencement, une partie de moi. Ce soir, mon enfance s’est envolée pour de bon. Le Prince charmant n’est plus. La Princesse se meurt. L’Amour n’existe plus. La vie et la fatalité ont gagné.
Ce soir, je suis adulte. Non. Ce soir, je suis blasée de la vie. A 26 ans, j’ai l’impression d’avoir connu en trois ans tout ce qu’une vie peut apporter. Je suis passée de la joie et du bonheur à de l’indifférence et de la souffrance. Maladies et blessures ont fait de moi une adulte peut-être finalement trop brutalement. Le miroir des apparences s’est brisé. Ma vie est basée sur des non-dits et des cachotteries pour nous protéger ma sœur et moi. Protection dérisoire puisque tout nous reviens d’un seul coup, en plein visage.
La vie n’est rien qu’un combat qu’il faut mener mais surtout qu’il faut avoir envie de gagner. Parfois, le défaitisme l’emporte. Parfois, un petit bonheur souriant et gazouillant relance la roue pour quelques temps. Jusqu’à quand ?
Je me sens cynique et désabusée en voyant ce que j’écris… mais la petite fille est bien morte. Inutile de rêver en rose… tout est gris. Le Prince charmant devient un ogre à la nuit tombée et la Princesse est abandonnée.
Ce soir, j’ai décidé de ma vie. Plus de rêves, ils ne sont pas nécessaires et blessent plus qu’ils n’encouragent. Plus de projets, ils seront contrariés.
Ce soir, j’ai décidé de prendre ma vie comme elle vient – avec ses bonheurs glorifiés à l’extrême jusqu’à ne voir qu’eux. Oubliant les malheurs – ou du moins essayer. Profiter de la vie comme si demain ne devait pas exister. Soutenir ma Princesse jusqu’à lui rendre le sourire et aider mon ogre à redevenir un Prince.
Ce soir, je commence ma vie. Non… Mon combat.
Mardi 19 septembre 2006, 01:23
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