Chant Magnétique Il faisait nuit et la Lune brillait à travers les hautes fenêtres. Un jeune homme marchait distraitement dans l'ombre du couloir. Sa chevelure blonde semblait briller dans la lumière, mettant en relief un visage pensif. Drago Malefoy effectuait comme tous les soirs sa ronde de préfet, profitant de la tranquillité nocturne du château. Ce soir, il avait déjà renvoyé deux élèves dans leur dortoir, leur promettant un rapport détaillé au professeur Rogue. Des Gryffondors, après tout, ne méritent que ça. Il se rendait maintenant dans son dortoir, le plus doucement possible, peu désireux de retrouver l'hypocrisie de ses camarades. Il avait besoin de calme et regrettait de ne pas pouvoir jouer de son violon. Oui, Drago jouait du violon depuis longtemps. Il jouait pour son père, de manière irréprochable et totalement conditionnée. Une posture parfaite, des airs classiques, rien de plus. Mais il avait découvert que jouer selon ses désirs, se laisser emporter par la musique était bien plus exaltant. Malheureusement, il ne pouvait se permettre ces écarts chez lui ou devant ses camarades. Il était un Malefoy et un Malefoy ne se laisse pas aller à ces fantaisies imbéciles, d'après son père. Son violon était donc resté dans son étui depuis deux semaines, depuis la rentrée scolaire. Et il lui manquait. La Musique lui manquait. Elle était son échappatoire, il pouvait se confier à travers elle, sans restriction et sans peur de jugement. Elle lui permettait de laisser tomber son masque durant des instants magiques. Et elle lui manquait depuis deux semaines. Il en avait besoin. Un bruit dans une salle le sortit de ses pensées. Une porte qu'il n'avait jusque là pas remarquée était légèrement entrebâillée et laissait s'échapper une lumière tremblotante. Une lumière de baguette. Drago s'approcha doucement, heureux de pouvoir surprendre encore un élève. Il poussa la porte qui s'ouvrit silencieusement et entra dans la pièce. Une salle entièrement vide avec de gigantesques fenêtres donnant sur le parc. La lumière s'était éteinte, laissant l'endroit dans une ambiance froide, éclairée uniquement par la lune. Une silhouette se détachait devant une des fenêtres. Un garçon en apparence, de dos. Il n'avait pas vu Drago entrer. Le préfet eu un sourire victorieux et commença lentement à s'approcher, veillant à ne pas faire de bruit jusqu'à la dernière seconde. Il voulait avoir la satisfaction de le faire sursauter, qui que se soit. Il n'avait après tout rien à faire là. C'est alors qu'une voix s'éleva. Une voix grave. Une voix douce. Une voix claire. Une voix... envoûtante. Le garçon chantait. Un chant lent, comme empli de tristesse, nostalgique. Un chant... magnétique. Drago se figea. La Musique... Il cessa tout mouvement et écouta. Il se laissa emporter par la voix de ce jeune homme, par cette chanson inconnue dans une langue qu'il ne reconnaissait pas. Une langue roulante, chantante, des mots sans signification qui ondulaient, s'envolaient, portés par cette voix magique. Des mots plein de tristesse, de regrets et de nostalgie. Des mots bientôt emplis de colère et d'incompréhension, de solitude. Drago se força à respirer. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait retenu son souffle. Une mélodie lui vint en tête, un accompagnement de cette chanson. Il voulait son violon. Il voulait jouer, entrer dans le chant de ce garçon qu'il ne voyait pas. Juste une silhouette. Et une voix. Drago sentit alors quelque chose dans sa main. Un étui à violon. Son étui et son violon. Sans plus se poser de questions, conscient de la chance qu'il avait, il sortit lentement l'instrument. Le garçon chantait toujours. Délicatement, il frotta l'archet sur les cordes, produisant un son délicat. Le garçon chantait toujours. Il entama alors une mélodie, sans réfléchir aux notes, accompagnant la voix instinctivement. Le garçon chantait toujours. Drago jouait comme il l'aimait, il jouait selon son coeur, selon son âme, il laissait tomber tous les masques. Il avait son violon et il jouait. Les yeux fermés, il jouait. Soudain, le garçon sembla prendre conscience de la présence du violoniste et se retourna. Brusquement. La lumière de la lune éclairait son visage. Le garçon avait arrêté de chanter. Drago ouvrit les yeux. Potter. Harry Potter. ooOOoo J'ai faussé compagnie à Ron et Hermione. En pleine dispute. Pour changer. Je ne suis même pas sûr qu'ils aient remarqué mon départ. Je leur ai faussé compagnie et je suis sorti de la salle commune. J'ai toujours ma cape sur moi, couvre-feu ou pas couvre-feu, je suis sorti. J'ai erré un moment dans les couloirs. La lumière de la lune est belle dans le château. Sans m'en rendre compte, je me suis retrouvé devant la Salle sur Demande. La porte est apparue et je suis entré. Une salle vide, des fenêtres immenses laissant entrer la lumière de la lune. J'ai allumé ma baguette pour en faire le tour. La pièce est vide. Parfaitement, totalement, entièrement vide. Comme moi peut-être. Je me suis approché d'une fenêtre et j'ai éteins ma baguette. Je ne voulais pas de lumière. La lune éclairait le parc. J'ai observé la lune, j'ai observé le parc, le lac. Et l'espace d'un instant, j'y ai vu un loup, un chien, un cerf, un rat. Sirius... Il est mort. Il m'a laissé. On me l'a pris. Sans m'en rendre compte, je me suis mis à chanter. Dans cette langue que je m'étais créée dans mon enfance. Une langue faite de mots entendus à droite à gauche, de mots qui m'ont ému, de mots qui sonnaient agréablement. Ma langue. Mon chant. Mon échappatoire. Les mots viennent seuls, ma voix invente une mélodie. Je chante. J'ai besoin de chanter. Le chant me permet de m'exprimer. D'être moi même. Exit le Survivant, je chante. Exit l'Elu, je chante. Je me confie à la Lune. Je chante. Ma tristesse. Sirius. Ma nostalgie. Les instants de bonheur, sans prise de tête. Tellement rares. Mes regrets aussi. Ma naïveté, les instants trop courts avec Sirius. Ma colère. Ils ne me comprennent pas. Je ne veux pas être le Survivant. Je veux vivre. Tout simplement vivre. Ils ne me voient pas. Ce n'est qu'un masque. Tout ça n'est qu'une vaste pièce de théâtre et moi je suis l'acteur principal. Alors quand je suis seul, je chante. J'évacue tout ce qui m'oppresse. Je deviens moi, je laisse le chant m'emporter. J'ai l'impression d'entendre un son. Je chante. On dirait un violon. Je chante. J'entends une mélodie, qui accompagne mon chant. Un violon. Une mélodie qui ressemble tellement à mon chant. Une mélodie dans laquelle transparaissent les mêmes sentiments. Une mélodie qui m'accompagne. Je ne suis pas seul. Ce n'est pas la Salle, elle ne m'a jamais accompagnée. Je chante. Je n'avais pas entendu la porte s'ouvrir. Je chante. Le violon prend de l'assurance. Je me retourne. Je ne chante plus. Je le vois. Drago Malefoy. Et un violon. ooOOoo Les deux jeunes hommes se dévisagèrent, l'air surpris. Aucun d'eux ne voulait prendre la parole. Harry n'avait tout simplement rien à dire. Il avait besoin de chanter, peu importe la présence de l'autre. Drago était toujours sous le coup de la musique. Il y avait tellement longtemps qu'il ne s'était pas laissé allé ! Si Harry fut surpris de ne pas voir l'arrogance habituelle sur le visage du Serpentard, il n'en laissa rien paraître. Il fut le premier à bouger. Il se retourna simplement. Et se remis à chanter. C'était comme une drogue. Il en avait besoin. Il devait chanter, il voulait se libérer et tant pis si il offrait un nouveau de sujet de moquerie à Malefoy. Drago resta un moment sans bouger, de nouveau pris dans le chant magnétique de Potter. Tellement empli d'émotions, ressemblant tellement à une confession... Comme lui lorsqu'il prenait son violon. Ses bras bougèrent seuls, et la musique envahit de nouveau la pièce. Harry chantait et Drago jouait. Chacun laissait le poids qu'il portait sur les épaules s'évader dans cette musique libératrice. Harry chantait. Draco jouait. Une musique pleine de tristesse, de nostalgie. Des sentiments tellement semblables que le chant s'accordait au violon. Ou peut-être était-ce le violon qui s'accordait au chant. Aucun n'aurait pu le dire. Ils se confessaient à la Lune. Et qu'importe que ce soit en présence de l'autre. La musique coulait, s'enroulait, s'envolait, revenait, gagnant en intensité. Harry se retourna pour voir Drago jouer. Celui-ci avait les yeux clos. Alors Harry ferma les yeux à son tour et continua à chanter. Encore et encore. Il y avait tellement de chose en lui! Et la musique du violon l'aidait. Elle le portait, l'entraînant toujours plus loin sur le chemin des confidences. Drago avait fermé les yeux sans s'en rendre compte. Il n'avait conscience que de la musique. Comme elle lui avait manquée ! Il laissait son corps agir, envoûté par le chant de Harry. Ils avaient mis leurs âmes à nu et profitaient de cet instant privilégié. Un de ces moments si rares qu'il ne faut pas le laisser passer. Ne surtout pas se poser de questions. Se laisser aller tout simplement, ne plus réfléchir, laisser son corps, son cœur, son âme agir. La musique arriva à son terme. Enfin apaisée. Calme, lente, soulagée. Et les jeunes gens la laissèrent s'évanouir dans la pièce. Jusqu'au dernier écho. Et ils ouvrirent les yeux. Le regard vert rencontra le regard gris. Pas une parole ne fut échangée. Les mots sont inutiles quand il y a la musique. Les mots sont des intrus dans des moments comme ceux ci. Encore secoué par ce moment, Drago ne bougea pas. Harry sortit de la salle, l'âme légère. Il passa près de Drago et sortit, simplement. Drago reste encore un peu, laissant la félicité l'envahir. Il se sentait bien. Vraiment bien. Un bien être que seule la musique à le pouvoir de lui procurer. Et cette musique là avait été si intense! Il sortit à son tour de la salle, son violon à la main, et rejoignit son dortoir. La nuit était là et la Lune veillait sur le château maintenant endormi. Le lendemain, Draco eut la surprise de voir la chouette blanche si reconnaissable atterrir devant lui. Il prit le parchemin et y lu un mot. Un unique mot. Merci. Il le mit négligemment dans sa poche et lança un regard vers Harry. Qui ne le regardait pas. Lors de sa ronde le soir même, perdu une nouvelle fois dans ses pensées, Draco se retrouva devant la Salle. Sans réfléchir, il y entra. Potter était là. Et son violon aussi. Si quelqu'un se promène dans ce couloir après que tout le monde soit couché, il peut avoir la chance d'entendre de la musique. Un morceau de violon intense. Et un chant émouvant. Une musique... magnétique. [29/06/08 Version corrigée] Voilà, un petit texte qui m'en aura fait voir! J'avais l'idée dans la tête depuis trop longtemps! Ecrit d'un trait sur un coup de tête, un texte qui est sorti de mes tripes. Posté encore une fois sur un coup de tête, relu bien des mois après, il n'y a pas beaucoup de changements, deux trois petites fautes et toujours une impression de brouillon pour moi. Mais on m'a dit que c'est ce qui faisait sa force... En espérant que vous avez apprécié! |