Je tente ma chance et je mets un texte qui me tient à coeur. C'est mon plus récent écrit sans compter mes nombreux drabbles et fan-fics. Il n'a pas eut vraiment de succès, peut-être aussi parce que je l'ai beaucoup travaillé et qu'un résumé réduierait mes efforts à néant. Ce texte est un original, les personnages m'appartiennent. Un tit mot sur le pseudo qui est le même que celui sur FF.net et fictionpress, voilà ^^! (Je suis une connue des service de fan-fic * se planque * ) ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Mémoire d’une jeune fille… Les mots qui vont suivre ne sont pas les miens, je ne suis que celle qui les retranscrit, pour que son histoire ne sombre pas dans l’oubli. Le début de son récit a été coupé à en juger par les pages arrachées... Je ne vous en dis pas plus et vous laisse lire le texte original. Le 26 février 18?? Mon pauvre ami, je te demande pardon pour ce que je viens de te faire subir avant de prendre cette plume pour te couvrir d’encre noir. Je t’ai amputé de ma jeunesse où j’écrivais sur tes pages précieuses mes humeurs. Oserais-je dire mes joies et mes peines ? Car elles comportaient plus de plaintes sur ce que je subissais de jour en jour, que des moments de bonheur. Sans doute est-ce pour cela que je les ai arrachées avec autant de ferveur… Déchirer ce passé de souffrances pour commencer une nouvelle page de ma vie ? Si seulement cela m’était possible… Ces feuilles du passé, je les ai faites brûler au fond du jardin en une petite cérémonie d’adieu. Moi et mon autre moi à l’encre de chine sur du papier coûteux. Ma jeunesse partie en fumée en quelques secondes par ce temps sec et froid… Les flammes qui consument le papier blanc et noir, le feu qui lèche mon écriture, me laissant lire quelques mots dont je devine la suite avant que cela ne retourne au Néant. Mon semblant de lutte n’aura servi à rien… Je suis à l’aube de ma seizième année depuis cet hiver et hier, mes parents m’ont annoncé qu’ils m’avaient arrangé un mariage pour les premiers jours du printemps. Bien évidemment, à un homme des plus influents de la région afin que leurs cupides intentions soient satisfaites. Je crois que si je leur demande un nouveau carnet, ils me l’offriront sans rechigner, juste parce qu’ils ont trouvé un « avenir », disent-ils, pour moi. Cet avenir, je n’en veux pas… Je ne l’ai pas souhaité… Être la femme de cet individu qu’on dit être un bel homme. Je ne l’ai pas encore rencontré mais j’ai laissé traîner mes oreilles pour percevoir les bruits de couloirs. Ainsi, j’ai appris qu’il était chef d’une armée au servir de notre seigneur… Rien que ça ! Mes parents ont trouvé un bon parti pour ma misérable carcasse, je le plains le pauvre de s’être fait embobiné de la sorte. Lorsqu’il me verra… Que dira-t-il à mes parents ? Moi qui ai accepté sans broncher de prendre cet homme pour mari puisque c’est tout ce qu’il me reste à faire ? Je suis « inutile » dans cette famille, un fardeau qu’ils entretiennent depuis seize ans. Je ne peux pas partir au front et porter fièrement le blason de notre famille, pas plus que je ne puis remplir le rôle de l’épouse idéale. Cependant, le parasite va bientôt quitter le domicile familial et ma vie ne sera plus un fardeau pour eux mais pour ce mari qu’ils m’ont choisi. Je ne serais plus la bouche à nourrir en plus, ma mère ne sera plus obligée de m’acheter des kimonos faits sur mesure et mon père ne se lamentera plus en me voyant. Pardon, je t’ai délaissé un instant mais tout cela me donne à réfléchir. Des pensées bien douloureuses. Il y a quelques minutes, mon regard s’est posé sur l’unique miroir de ma chambre et sais-tu ce que j’ai vu mon cher ami ? Quelqu’un qui n’est pas moi. Il y a mille façons de me décrire et pourtant, aucune ne convient vraiment. « Magnifique », « splendide » sont des termes que j’ai entendus très longtemps autour de moi pour me complimenter mais à travers ces compliments je souffrais d’autant plus. Un visage fin… Les yeux soulignés d’un contour noir pour faire ressortir le bleu si dérangeant de mes yeux et mes lèvres couvertes de rose car ma mère les préférait ainsi… Pour encadrer ce visage si parfait, de longs cheveux noirs comme le charbon, très souvent relevés en chignon orné de bijoux, barrettes et autres breloques luxueuses. Des cheveux que je n’ai jamais eu le droit de couper… Jamais, c’était interdit, proscrit, banni même du langage et si j’y pensais… Non, je ne devais pas y penser car sinon, cette pensée serait devenue une obsession et je l’aurais fait. Et pour exalter cette beauté artificielle qui est la mienne, mon corps est caché sous les plus luxueux kimonos, avec leur abondance de soieries, de détails brodés de perles et de pierres précieuses. Le luxe, on l’étale sur les vêtements pour le montrer aux yeux du monde. Pour prouver que l’on peut vivre dans l’opulence la plus totale, que l’on mérite le respect qui est dû à notre rang. Etre envié… Voilà ce que mes parents aiment, se faire envier par leurs connaissances de moyenne condition. Et avec ce mariage, ils s’assurent la supériorité sur les autres. Ce n’est que de la poudre aux yeux… Une façade qui cache leurs origines roturières. Et qui cache bien d’autres choses… Je vais devoir refermer tes pages mon ami, ma mère m’appelle… Elle voulait discuter du kimono pour la cérémonie du mariage… Je pense qu’elle veut l’embellir pour montrer que je suis « la fleure de cerisier la plus ravissante au monde ». J’espère bientôt revenir coucher sur le papier ce que je ressens et ce que je sais. Le 13 Mars 18?? Je te rouvre enfin mon cher ami… Et je m’excuse par avance de tâcher tes pages de ma main tremblante. L’événement que je t’ai annoncé lors de la dernière fois arrive dans cinq jours… Que les dieux et que mes ancêtres aient pitié de moi. Je tremble comme une feuille morte, ballottée par le vent glacial alors qu’elle essaie de s’accrocher avec désespoir à la branche de son arbre. Je suis comme cette petite feuille, je ne souhaite pas passer à un autre arbre, ni même tomber sur le sol… Je veux rester dans cette maison, même si les plus douloureux souvenirs sont ancrés dans chacun de ses murs, même si je ne suis qu’un parasite aux yeux de ceux qui m’ont donné le jour, même si… Ils doivent me détester. Mais peuvent-ils haïr encore plus leur enfant qu’ils ne me abhorrent déjà ? Mes parents sont heureux oui, mais heureux de se défaire de moi. Je vois clair dans leurs sourires polis et aimables envers les invités. Le tableau parfait des parents comblés à l’idée de me marier. Ce que les gens ne voient pas, ce sont les regards qu’ils me lancent… Je dirais que leurs yeux sont comme des sabres prêts à me couper la gorge si je fais une fausse note, un seul faux pas qui affirmerait que oui je suis… J’en tremble… Je crains même mes parents et ce mot… Passons sur ce point là, je ne souhaite pas tâcher plus que nécessaire tes pages. Après un bref instant à la fenêtre, je suis plus tranquille. Le Printemps s’est installé et domine le paysage avec son herbe grasse et verdoyante. Lorsque je me suis octroyé un moment de solitude, j’ai vu que les bourgeons étaient sur le point de fleurir très prochainement… Je pense que pour le mariage, les cerisiers seront en fleur… De magnifiques fleurs roses. J’aimerais éclore comme ces bourgeons au lieu de devoir rester dans ce cocon qui m’étouffe. Je vais finir par me flétrir avant même d’avoir ouvert mes pétales. Cependant de quoi seront faits ces pétales que je dois montrer au monde… Je n’en sais rien moi-même… Lesquels puis-je montrer réellement ? On va bientôt m’enchaîner à un destin que je méprise de jour en jour… Plus le jour de la cérémonie se rapproche, plus je me dis que j’aurais du refuser. Refuser… Etait-ce une solution envisageable ? La réponse me saute bien évidemment au visage, rien qu’en relisant ma question. Non. Je n’ai pas mon mot à dire, je vis sous le toit de tyrans qui font régner leur droit sur moi, leur enfant et ils me marieront à cet homme que je n’ai toujours pas vu pour s’assurer leur sécurité. J’ai beau être la chair de leur chair… Je n’ai qu’une seule envie, dire que ce sont des traîtres. Le 13 Mars 18??, plus tard dans la nuit Pardonne ma précipitation mon cher ami, j’ai entendu ma mère m’appeler et j’ai dû refermer tes précieuses pages rapidement pour te dissimuler sous la table. Si ma mère avait le malheur de croiser mes mots couchés sur le papier, elle me giflerait et ensuite te brûlerait… Or j’ai besoin d’écrire, de me confier, de laisser une trace de ce que je ressens… Même si cela sombrera dans l’oubli le plus total lorsque mes cendres auront rejoint la Terre Mère. En ce moment, je suis vraiment comme l’écume qui se fait porter par la mer contre son gré cependant, je sais où je vais échouer… Dans les bras d’un homme inconnu. J’aimerais rester plus longtemps pour écrire mais ce fut une journée éprouvante et demain comme les jours qui vont suivre sont entièrement consacrés à cette si fabuleuse cérémonie. La flamme de la bougie se met à danser depuis quelques minutes à cause de ma fenêtre qui est ouverte et c’est amusant de la voir virevolter au gré de la brise légère. Parfois, on dirait un couple de danseurs enlacés… Ce serait plaisant que ce soit moi et mon futur mari. Vague illusion que je me dois de repousser. Je ne veux pas de ce mariage, je le crains maintenant plus que toute autre chose. J’aimerais me dérober… Oui, partir loin d’ici. Mais comment ? Qui pourrait être assez digne de confiance pour être mon complice et m’aider à me réfugier hors de cette maison maudite ? Ah je rêve, je fabule… Les montagnes avec les arbres bourgeonnants, les plaines verdoyantes et surtout, rencontrer des gens qui ne me jugeraient pas. Un regard nouveau sur ma personne comme une seconde peau, un nouveau souffle à cette vie qui commence à s’éteindre. Quel drôle de coïncidence, au moment où j’ai écrit ce mot, le vent a soufflé ma bougie. Je vais tenter de ne pas y voir un mauvais présage et te refermer pour te mettre à l’abri de tout regard hostile. Je pense que je n’aurai pas le temps de te rouvrir avant la cérémonie ; sauf si par miracle j’arrive à me dérober aux yeux perçants de ma mère. Mais vais-je pouvoir continuer à écrire après mon mariage ? Tu le sauras dans cinq jours mon ami… Et alors, je te couvrirai d’encre pour tout te relater, je m’en fais le serment. Le 21 Mars 18?? Je suis vraiment impardonnable de t’avoir délaissé autant de temps mon cher journal. Il s’est écoulé trois longs jours depuis la cérémonie et j’ai une quantité de choses à te confier… Mes mains tremblent mais d’une toute autre émotion que la dernière fois. Je ne sais par quoi commencer… Suis-je bête, par le commencement. Par ce fameux jour qui a scellé mon destin au sien. J’ai tout le temps que je souhaite devant moi pour écrire et ne m’arrêterai que lorsque tout serra retranscrit sur tes précieuses pages. Le 18 Mars 18?? Le jour fatidique… Ce jour que je redoutais tant était arrivé à grands pas après notre dernière séparation. Tout était prêt dans les moindres détailles. Mes kimonos, les invités, la réception qui précéderait le mariage Trois jours entiers pour tout organiser. Ma mère donnait ses ordres aux serviteurs comme un metteur en scène le ferait avec sa troupe mais… Je voulais donner mon avis sur certains points. Après tout, c’était mon mariage, pas le sien, non ? J’avais bien le droit de préférer telle fleur ou telle décoration. Mon adorable mère vit cela d’un mauvais œil et je sentis son regard critique me transpercer. Avait-elle vu mon anxiété ? La peur qui gagnait de plus en plus de terrain et qui m’empêchait de dormir ? J’ai réussi à faire taire sa méfiance en donnant mon avis sur certaines choses qui « me tenaient à cœur pour mon mariage », la gratifiant de sourires tendres, de gestes affectueux. Elle consentit à me faire plaisir en me voyant participer aux préparatifs avec un tel engouement. Rien de plus qu’un artifice pour tenter de cacher le malaise qui me gagnait. La veille du mariage, elle m’a même préparé une tisane qui aide à dormir, pour calmer cette appréhension qui était en moi et qu’elle semblait voir comme un loup au milieu de la neige. Que ne ferait-elle pas pour ne pas me voir partir en courant. Cupide. Non, je devrais plutôt noter cupides. Ils sont deux à avoir machiner ce coup. Je m’égare un peu, je devais te parler de la cérémonie il me semble. Mais maintenant, je n’ai plus peur de marquer un tel mot dans mon journal, elle ne sera plus jamais à mes côtés pour le lire. Tu es a l’abri de son regard critique et moi, de sa langue de vipère. Le matin du mariage, les servantes se sont toutes activées autour de moi telles un essaim d’abeilles autour de leur reine. Je me devais d’être splendide pour cet homme. On m’a fait revêtir le kimono blanc traditionnel que ma mère m’avait fait faire sur mesure. Il y avait à profusion des plis, des couches de tissus soyeux, des ceintures… Trop d’abondance… On aurait dit une de ces catins de luxe mal fagotées qui mettaient plus de tissu pour tenter de plaire davantage alors que cela ne fait qu’enlaidir. Puis le maquillage. Mes yeux furent étirés d’un trait noir à la manière des geishas, mon regard bleu rivière souligné de noir pour lui rendre toute sa splendeur énigmatique, mes lèvres teintes de rouge pour cette occasion unique. Et ma peau légèrement poudrée pour m’embellir. Mais n’étais-je pas déjà magnifique ? Il pleuvait des compliments autour de moi, des regards admiratifs, envieux mais moi… Moi je tremblais de peur sous ces couches de perfection et de beauté. J’aurais donné n’importe quoi pour que tout cela fonde comme neige au soleil et fuir. Fuir le plus loin possible de cet endroit, vers la liberté, vers une vie que j’aurais choisie. Au lieu de cela, je tremblais, immobile au milieu de ma chambre, à me contempler dans le miroir en me disant que j’étais magnifique. Magnifique et pourtant, ce n’était pas moi… Une figure usurpatrice dont je ne pouvais me débarrasser sans subir le courroux de mes parents et celui de mes ancêtres. D’ici quelques heures mon destin serait scellé et j’étais comme le papillon dans la toile de l’araignée. Incapable de fuir le piège que mes parents avaient tissé. J’ai ouvert la fenêtre de ma chambre afin de respirer l’air frais, la brise vint caresser ma nuque dévoilée par la somptueuse coiffure de cérémonie, m’arrachant un frisson tant il faisait frais dehors. Les yeux clos, je savourais cet instant de calme et de bien-être que me prodiguait cette essence de liberté. Ephémère liberté… Tu as caressé mon visage qui avait envie de pleurer, chassant les larmes qui menaçaient de monter au bord de mes yeux maquillés. J’ai lentement ouvert les yeux sur le monde que je connaissais depuis mon enfance. Le grand jardin familial où j’ai grandi tout comme ce prunier qui fut un de mes compagnons de jeu. J’embrassai du regard tout ce que j’aimais dans ce jardin et que je ne reverrais plus jamais. Ce soir, je vivrais chez un inconnu qui serait mon mari. Mon moment de quiétude fut interrompu par ma mère qui était venue me chercher et je l’ai suivie, refermant la fenêtre de mon passé pour lui tourner le dos. Il le fallait, afin de mieux affronter mon avenir. Je voyais ce futur comme un cauchemar sans nom, sans fin… Mes mains tremblaient et je les cachais dans les manches très amples du kimono. Le sourire de mon père m’accueillit et il me baisa le front avant que l’on ne parte pour le sanctuaire. Seule la famille assistait au mariage ce qui allégeait un peu le nombre de personnes qui auraient les yeux rivés sur moi. Tous ces regards critiques, jaloux, je ne les aurais pas supportés. Le trajet se déroula dans le calme le plus total… On aurait dit que je me rendais à un enterrement et non à mon mariage… Mais je n’allais pas dire un mot, ma voix aurait tremblé. Je me contentais de suivre le cortège de mes parents tout en regardant le paysage qui m’aidait à m’apaiser… pour le moment. Plus mes pas me rapprochaient du temple, plus mon envie de m’éloigner augmentait. J’avais envie de partir ce mariage, ce mari que l’on m’imposait pour le confort de mes parents. Quitter ce kimono trop lourd et chargé de honte pour me dévoiler, être moi. Au loin, comme pour augmenter mon angoisse, j’ai entendu un bruit de métal… Semblable aux chaînes du destin qui allait bientôt être passées autour de mon cou, de mes poignets, de mes chevilles… Je ne serai alors plus que l’épouse de cet homme, sa chose… Pourquoi n’a-t-il donc pas choisi une de ces belles Geishas qui défilent dans les rues de notre ville ? Je pense que ces femmes d’amusements seraient comblées de retrouver leur honneur auprès d’un homme puissant. Pourquoi a-t-il accepté de me prendre moi comme épouse plutôt qu’elles ? Elles lui auraient coûté moins cher à entretenir car elles n’ont pas de familles aussi cupides que la mienne. Ces questions restent sans réponse pour moi… Peut-être un jour oserais-je les poser ? Lorsque je cessai de m’interroger, j’étais devant l’entrée du temple, me rendant compte que le trajet avait été trop court. Mon regard se posa sur l’homme qui se tenait en face du prêtre shintô. L’espace d’un instant j’ai retenu ma respiration et mon regard ne put se détacher de lui. C’était un homme grand avec de larges épaules carrées. Ses cheveux noirs étaient attachés en une queue de cheval qui descendait majestueusement dans son dos. Il portait le kimono traditionnel, fait d’un tissu noir élégant, pour cette cérémonie unique, sacrée… J’étais incapable de faire un pas, voire même de remuer le petit doigt. Mon destin se tenait là, à quelques mètres de moi. Il ressemblait à ce que j’en avais oui les derniers jours de la préparation mais le voir enfin… Ma mère me poussa légèrement d’une simple pression de sa main dans mon dos et je fis un pas en avant. Je tremblais de tout mon être, de honte et de peur. Le premier pas avait été amorcé et je ne pouvais plus faire marche arrière. Je ne pouvais plus m’enfuir… Ma respiration se fit plus courte, l’angoisse tendant chaque parcelle de ma peau. Il se retourna pour poser son regard sur moi et mes yeux se baissèrent afin de ne pas croiser les siens. Non, il lirait ma peur… Ma détresse… Mes pas étaient lents, voulant retarder le plus possible cet instant où je serais à ses côtés pour commencer cette funeste cérémonie. Je sentis ma mère exercer une seconde pression dans mon dos mais cela ne me fit pas accélérer le pas, bien au contraire. Les yeux rivés au sol, je continuais de suivre la ligne invisible de ma chute. Un à un mes pas me conduisaient vers l’autel sacré et mon cœur commençait à battre plus vite tel un animal traqué. La peur commençait à envahir tout mon être. Mes mains tremblaient de plus belle et fort heureusement, le kimono fait de couches de tissus les cachait majestueusement. Je ne percevais plus le monde qui m’entourait, rien… Je crois que ma mère m’a dit quelque chose pour me forcer à avancer plus vite mais je n’entendais plus ses conseils hypocrites. Puis mon regard croisa le bas de son kimono noir et la marche sur laquelle je devais monter pour être au même niveau que lui avant de m’y agenouiller… Le même pied d’égalité devant les dieux qui allaient nous unir. Mes yeux se sont clos pour ne pas affronter cette réalité trop pesante, espoir futile que tout cela ne soit qu’un rêve. Puis mon pied s’est avancé sur la marche avant que l’autre ne le suive, le bois de mes geitas résonnant dans ma tête comme le bruit de ma chute. Je n’avais aucune envie de me montrer digne de ce jour rêvé par tant de jeunes filles, pas plus que je voulais me montrer digne de mes parents. Toujours aveugle, je m’agenouillai à ses côtés sur le tapis blanc. C’est un contact inconnu qui me réveilla. Mon regard s’ouvrit au monde et il se posa sur lui… Cet homme au visage plutôt froid, où l’on pouvait lire les années de combat, de luttes, venait d’effleurer ma main tremblante. Son regard noir planté dans le mien était doux, rassurant… J’en rougis de gêne et posai mon regard sur le prêtre qui commença alors la cérémonie de purification… Mais ce simple contact avait eu pour effet de me calmer… Mes mains ne tremblaient plus, mon cœur était moins affolé. Le prêtre nous purifia devant les Dieux, l’autel se chargeant d’offrandes faites par les deux familles pour honorer notre mariage à leurs yeux. Puis, nous bûmes le saké froid selon la tradition. Une gorgée dans trois coupelles différentes… Clore la cérémonie sur un chiffre propice au bonheur. J’en doutais fortement… Nous nous étions agenouillés en parfaits inconnus et nous nous sommes relevés en tant que mari et femme. En quelques minutes ma vie a basculé comme j’ai changé de nom. Je ne suis plus Asahi Tsukihime, je suis dorénavant Asahi Kyotsumo, épouse de Tôshiro Kyotsumo. (Pardon, l’émotion a fait trembler ma plume lorsque j’écrivais ces dernières phrases alors j’ai suspendu mon pinceau un instant. Je reprends de ce pas le déroulement de ces évènements.) Nous nous sommes donc tous dirigés vers ma maison puisque ma mère avait tout organisé et puis, je devais me changer… Quitter ces couches de pureté pour revêtir un kimono aux tons plus clinquantes. Un somptueux kimono de couleur rouge sang avec des dragons brodés de fils d’or. Je me sentais déjà mieux sans ces couches et ces couches d’abondances hypocrites. Mais un certain malaise me guettait toujours, l’anxiété de la nuit de noce. Le banquet se déroula comme à tout mariage. Les convives mangèrent les plats préparés par nos cuisiniers, ma mère ravie que tout se déroule pour le mieux et moi… J’étais au côté de mon mari dans un silence quasi religieux. Je répondais poliment aux compliments, aux questions lorsqu’elles en valaient la peine. Mais mon attention était centrée sur lui. Du coin de l’œil, je l’observais. Calme comme le roc, une certaine élégance se dégageait de cette personne qui semblait plus à l’aise sur un terrain de guerre que dans un banquet de mariage. Une conclusion s’imposait à moi : il inspirait le respect par sa simple présence. Je surpris plusieurs fois son regard couler sur moi, comme si c’était une chose naturelle avant de continuer à parler avec son interlocuteur. Un étrange sentiment de respect et de… tendresse se mélangeait en moi. J’avais beau me dire que je n’aimerais jamais cet homme, il m’inspirait une certaine confiance. Au court de cette soirée, tout ce que je retins, ce fut l’âge de mon mari… Je l’ai entendu dans une des multiples conversations qui gravitaient autour de nous. Il avait vingt-sept ans… Pardonne la brièveté de mon récit sur ce banquet festif ou l’ennui fut le principal acteur. La soirée aurait sans doute duré… Mais il exprima le désir de rentrer chez lui. Certaines de mes affaires me suivirent et je partis au côté de cet homme charismatique pour une demeure inconnue… Pour une vie inconnue… L’anxiété me gagnait au fur et à mesure que l’on avançait… Une fois chez lui, je pris à peine le temps de regarder les lieux, je le suivais muettement et je tremblais comme une feuille morte au gré du vent d’automne. Il n’y avait plus que lui et moi… Et cette simple idée me paralysait de peur. Tout mon être essayait de rester d’apparence calme mais il me semblait que, celui qui était dorénavant mon mari voyait ma peur dans mes yeux et mes mains qui tremblaient légèrement. Aveuglement je l’ai suivi… Jusque dans la chambre qui me tira un frisson d’appréhension. Il agissait avec les gestes les plus naturels qui soient… Il posa son katana sur un socle de bois avant de se masser la nuque et de se retourner vers moi… Moi qui demeurais à l’entrée de la chambre comme un bambou inflexible. -« Approche Asahi. » Voilà les premiers mots qu’il m’a adressés… Sur un ton d’ordre doux, son regard sur ma personne tremblante. Mes joues ont été gagnées par le feu de la honte et de la gêne avant que je n’ose avancer vers lui à petits pas… Une fois à sa hauteur, mon regard est venu sur son visage qui m’a adressé un sourire. C’était la première fois que je le voyais sourire depuis le début de cette journée… Ses traits tirés par les nombreuses batailles n’étaient pas faits pour sourire de cette manière… Cela me touchait davantage encore et mes yeux se baissèrent de honte. Je n’étais qu’imposture face à cet homme. Une pâle image de beauté, de l’épouse qu’il attendait sans doute de moi. Et pourtant, dans mon esprit, il était un peu l’idéal que j’avais de la personne avec qui je voudrais vivre ma vie… Quelqu’un de fort, de tendre… Et pour le moment, il avait ces deux qualités. Sa main est venue effleurer ma joue, caressant une des mèches ébènes qui tombaient devant mes yeux. Ses doigts remontèrent jusque dans ma coiffe pour en retirer le peigne, et mes cheveux dévalèrent dans mon dos comme l’eau d’une cascade, effleurant mes reins à travers le kimono de soie rouge. Son autre main se glissa autour de ma taille et il me guida vers lui… Lui qui s’assit sur le lit et qui m’incita à venir sur lui. J’obéissais tout en tremblant de peur. Mon regard fuyait le sien et il me releva la tête de sa main, geste doux mais autoritaire. Tous ses gestes muets étaient des ordres que je comprenais avec trop de perfection… L’angoisse me fit frissonner violemment lorsque sa main dans mon dos y fit pression afin de me rapprocher de lui, pour que son corps et le mien entrent en contact à travers le tissu de nos kimonos… Non ! Pas cela… Je pris appui sur son torse de ma main, détournant le regard, incapable de prononcer un mot de refus. J’étais son épouse, il avait le droit de profiter de ses devoirs conjugaux… Non… Avant que je ne comprenne ce qui m'arrivait, il me fit basculer sur le lit, se plaçant au dessus de moi tel un loup sur sa proie, son regard ancré dans le mien plein de surprise, ses cheveux glissant par dessus ses épaules larges pour venir caresser une des miennes dénudées par le mouvement rapide de ce retournement de situation. Ses yeux me dévoraient… -« Tu es magnifique… » Me souffla-t-il. Mon cœur s’emballa tel un animal traqué, la panique se déversa dans mes veines comme un poison qui me paralysait. Je ne le quittais pas du regard tandis que lui s’avançait vers mon visage, ses lèvres effleurant les miennes avant de glisser dans mon cou. Je crois bien qu’un soupire désespéré a passé la barrière de mes lèvres tandis que sa main glissait sur ma cuisse, dévoilée durant ma courte chute sur le lit. -« Non, je devrais plutôt dire que tu es beau… » Je crois bien qu’à ce moment là, mon pauvre cœur rata un battement… Comment savait-il ? Ses lèvres continuèrent leur chemin brûlant dans mon cou alors que sa main remontait pour défaire mon kimono et dévoiler la vérité qu’il venait de prononcer… Mon mari s’est alors redressé pour me contempler et… Je me suis vu tel que je suis à travers son regard. J’ai su à ce moment précis qu’il n’avait sans doute jamais douté de ma vraie nature… Que les artifices ne l’avaient pas trompé sur moi… Mon cher journal, j’espère que tu ne m’en voudras pas mais je garde le reste pour moi. Cette nuit est mienne, je ne te laisse en souvenir que le début. Mon cœur bat encore rapidement rien que d’avoir écrit ces lignes… La curiosité me dévore de savoir s’il m’a choisi parce que je suis moi… Un homme dont l’apparence porte à croire que je suis une femme. Non, je suis sa femme, du moins, officiellement. Je ne sais si je continuerais à écrire régulièrement sur tes précieuses pages. J'essaierai tout du moins de te confier les évènements importants pour moi. Pour laisser une trace de mes sentiments et de ma vie. Le 8 Août 18?? Voilà cinq mois que je t’ai délaissé mon cher ami. Je suis vraiment impardonnable. Cependant, je n’avais guère de temps à te consacrer, tout mon temps ayant été accaparé par Tôshiro depuis les dernières lignes que j’ai posées sur tes feuilles. Je sais que les lignes qui vont suivre sont paradoxales mais… Le temps m’a fait changé d’avis. De ce mariage arrangé est née une sorte d’amour. Je ne dirais pas que c’est le grand amour comme il est si souvent conté dans les pièces de théâtres ambulants voire même dans certains livres. C’est un amour tendre, qui suffit à me rendre heureux. Bien que j’agisse vraiment comme une épouse… Durant trois long mois, il a dû partir en campagne sur les ordres de son seigneur et je me suis retrouvé seul dans sa maison… J’ai eu tout le loisir de me familiariser à cet endroit avec lui et lorsqu’il ne fut plus là, les murs semblaient vides. Le calme le plus total y régnait mais il était inquiétant… Cependant, pour rien au monde je n'aurais couru me réfugier chez mes parents comme une jeune fille apeurée. Je me suis débrouillé seul, en attendant son retour… Cette demeure était mienne. Mais je ne te cacherais pas que lorsqu’il est revenu, mon cœur a fait un bond dans ma poitrine. Je lui ai sauté au cou. J’avais eu si peur pour lui… Peur qu’il ne soit blessé gravement, qu’il ne me revienne pas. Tôshiro n’avait que quelques éraflures et il me couvrit d’attention durant trois jours… Je lui ai répondu avec tout mon amour et je crois qu’il l’a ressenti. Il sait à quel point je tiens à lui… Il est tout ce qu’il me reste puisque je n’adresse plus vraiment la parole à mes parents qui ne daignent même pas venir me voir. Voici un bien piètre résumé de ces longs mois d’absence… Et ce ne seront pas les seuls. Mon ami, aujourd’hui fut un jour ou j’ai posé la question… Celle qui m’a toujours laissé songeur. Pourquoi m’avait-il choisi moi ? Cette après-midi, je suis allé chercher des pêches sur l’arbre de notre jardin et Tôshiro m’a rejoint, m’aidant à atteindre les branches qui étaient bien trop haute pour moi. Mais ce n’est pas les pêches qu’il a capturé, c’est moi… Ses mains se glissant autour de ma taille me tirèrent d’agréables frissons. Et ses lèvres dans mon cou… Mon cœur se met à battre plus rapidement rien qu’à ce souvenir plaisant. Je me suis laissé aller contre lui, n’arrivant jamais à lui résister, levant mon regard vers lui avec un sourire tendre. Et sans que je puisse contrôler quoi que ce soit, ma question tomba, comme la pluie de la mousson. -« Pourquoi m’as-tu choisi moi plutôt qu’une femme ? » Il a posé un regard surpris sur moi puis il a relâché ma taille pour me retourner. J’ai suivi le mouvement dicté par ses bras puissants, mon regard toujours planté dans le sien et lorsque je fus en face de lui et qu’il me serra contre son corps… J’ai rougi. Une de ses mains se détacha de ma taille pour venir caresser ma joue en feu. -« Je ne t’échangerais pour aucune autre femme en ce monde. » Ces mots, je crois qu’ils resteront gravés dans ma mémoire jusqu’à ma mort tant ils ont fait battre mon cœur. Pour la première fois, je me sentais supérieur aux autres filles… Alors que j’étais un homme. Tôshiro n’a jamais dit de phrases très sentimentales comme des « je t’aime », pas plus que moi d’ailleurs… Nos gestes ont toujours parlé pour nous. Ils étaient même plus explicites que ces mots aussi abstraits… Cependant, cette phrase en avait l’allure… Masquée, détournée, mais elle y ressemblait. Sais-tu ce que j’ai regretté à cet instant mon cher ami ? Pour la première fois, j’ai réellement regretté de ne pas être une femme. Pourquoi donc ? Car je ne pourrai pas lui donner d’héritier… C’est bien étrange de ma part d’avoir un tel désir mais… J’ose l’avouer, je l’aime. Et j’ai toujours peur qu’il soit appelé pour partir en campagne et qu’il n’en revienne pas… Une partie de lui aurait pu se retrouver dans ce petit bout de vie… Hélas, cela ne sera jamais le cas… Je le regrette… Pourtant, j’ai senti à son étreinte que cela avait peu d’importance pour lui… Dans la chaleur de ses bras, je me suis abandonné, laissant s’envoler mes regrets pour abreuver mon cœur de sa tendresse… Je te quitte sur cette note de tendresse toute particulière, qui plus est je suis à court d’encre de chine. Les douceurs de Tôshiro resteront un secret pour toi que moi, je connais dans les moindres détails… Le 21 Mars 18?? Mon cher ami, vois quelle date nous sommes… Sans parler des années. Pardon de t’avoir délaissé dans mon tiroir. Tu as pris une mince couche de poussière que je n’ai à vrai dire même pas pris le temps de retirer d’un souffle… Mon pinceau tremble… Mes larmes pleuvent sur tes pages encore blanches de mon écriture. Six ans se sont écoulés depuis la dernière fois où je t’ai écrit mais… Le bonheur cela ne s’écrit pas, cela se vit. J’ai profité égoïstement de ma vie sans en coucher une traître ligne sur ton papier pourtant si précieux à mon cœur. Ah mon cœur… C’est lui qui m’a poussé à te déterrer de ton trou pour venir me confier. Je suis désolé, j’ai du calmer mes larmes qui se précipitaient à mes yeux comme la pluie qui roule sur les graviers un soir de déluge. Lorsque je revois cette date inscrite sur le papier… Je me dis que tout est si invraisemblable. A cette même date, à mon mariage, j’ai cru que ma vie basculerait dans un cauchemar sans nom, tel un Enfer. Mais au lieu de cela, Tôshiro m’a offert le Paradis… Son amour, sa tendresse, furent ma loi en ce monde. Il était devenu au fur et à mesure ma raison de vivre. Cette date bienfaitrice, je la maudis ! Elle m’a tout donné… Elle m’a tout pris… Mes larmes recommencent à couler le long de mes joues alors que mon cœur meurtri se serre. J’ai encore du mal à le croire mais la preuve est dans mon autre main, serrée depuis de longues minutes contre moi… Tout ce qu’il me reste de mon amant, je le tiens dans le creux de ma main. Son katana… Et un pan de son kimono tâché de son sang… Tôshiro m’a quitté… Je ne peux me résoudre à écrire ce mot. Ma douleur est trop grande… Mes larmes en sont le témoin silencieux, tout comme tes pages couvertes de leurs taches salées. Comment l'ai-je su? C’est le vice capitaine qui est venu en personne me l’annoncer… Un de ses très bons amis… Je J’ai posé mon pinceau pour pleurer tout contre le katana de Tôshiro. Pardon de t’avoir abandonné. Maintenant mes idées sont plus claires bien que ma douleur soit immense… Immense, c’est un mot encore trop faible pour décrire la souffrance de cette perte. Que vais-je devenir sans lui ? Lui qui a accepté une épouse telle que moi… Ai-je seulement le droit de continuer à l’être aux yeux de tous ? L’air que je respire me donne mal à la tête, l’eau a le goût amer du sang, j’ai l’impression de voir ton fantôme. Ai-je perdu mes sens en te perdant toi mon amour ? Ma vie a-t-elle encore un sens sans toi à mes côtés ? Tôshiro, je sais que tu ne liras plus jamais ces lignes mais je vais l’écrire quand même. Ces mots que je n’ai prononcés qu’une seule fois avant que tu ne partes pour cette bataille qui t’a arraché à moi… Je dois les écrire, avant de ne plus en être capable. Tôshiro, je t’aime. Tu as donné un sens à ma vie, moi qui vivais sous le masque d’une femme imposé par mes cupides parents. Je t’appartiens pour toujours… Les pages du journal du jeune Asahi s’arrêtent ici. Un mélange d’encre de chine mouillée et…Quelques taches de sang… Je vous remercie d’avoir lu ces lignes, mon travail de les aider à vivre encore un peu à travers ces mots est accompli. ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ |