« Je vais l’attendre. »
Sans prendre la peine d’écouter les éventuelles protestations de ses collègues, Cameron sortit en trombes du bureau de House pour se diriger, d’un pas rapide vers l’entrée de l’hôpital. Les deux autres internes se regardèrent quelques secondes, avant de décider qu’ils ne feraient rien. Chase s’affala sur la chaise de son patron, tandis que Foreman, écartant les rideaux de la fenêtre, regardait la neige recouvrir peu à peu le parc désormais désert de l’hôpital. Encore une fois, House était en retard. Évidemment, Foreman s’en était douté. Aujourd’hui, était jour de consultation pour le Dr House, et avec un temps pareil, il ne faisait aucun doute que le diagnosticien arriverait avec un retard plus que considérable.
« Tu crois qu’il va venir ? »
Apparemment, Chase, jouant désormais avec la balle de tennis géante, avait suivi la même réflexion.
Après plus d’une heure de retard, Foreman avait déclaré House déserteur. Il avait fallu un peu moins d’une heure supplémentaire, sans que leur patron daigne se montrer, pour que Chase se rallie son avis, perdant par la même occasion, les 20 dollars, fraîchement prélevés. Évidemment, Cameron en avait décidée autrement, et elle en était certaine : il était arrivé quelque chose à House. C’est donc sur ces pensées inquiétantes, que la jeune femme s’était précipitée hors du bureau de son patron, les laissant tout les deux à leurs certitudes.
Foreman jeta un coup d’œil à sa montre, avant de lâcher un petit rire moqueur.
« Plus maintenant. Ça va faire trois heures. » * * *
Froid. Il faisait froid. Ceci dit, House ne pouvait le savoir. Bien au chaud devant sa télé, le diagnosticien affalé dans le canapé, se lamentait de la mauvaise réception. Il avait désormais épuisé le stocke de ses enregistrement de « The L World », et il s’avérait qu’il était l’heure de son nouveau feuilleton quotidien. Alors qu’il tentait de savoir avec qui Jenny trompait John, trois coups secs contre la porte l’obligèrent à détourner momentanément son attention du poste. Il songea à feindre l’absentéisme, mais la lumière de sa lampe, aussi faible soit elle, se voyait très nettement de l’extérieur. House réalisa aussi que le son de la télé devait se propager à travers la porte, trahissant ainsi sa présence. Les coups se répétèrent, suivi d’une voix malheureusement trop connue.
James Wilson se tenait devant la porte du diagnosticien, légèrement irrité d’avoir à jouer la baby-sitter pour un médecin trop fainéant. De plus, depuis un certain temps, il essayait d’éviter House autant qu’il le pouvait. Ce qui n’était pas une chose aisée lorsque l’on travaille dans le même CHU, et que vos bureau son pour ainsi dire, communicants. Mais, s’il pouvait bien aller contre sa volonté et celle de House, il ne pouvait allez contre celle de Cuddy.
« House, ouvre. »
La rumeur du feuilleton lui répondit à travers la porte.
« Je sais que tu es là, alors, ouvre ».
De l’autre côté de la porte, au fond de son canapé, House semblait hésiter. Il pouvait, s’il en avait envie, ignorer royalement le cancérologue. Après tout, ça ne serait que justice. Cependant, il se doutait que Wilson ne se serait pas déplacé de lui-même, et que la démarche avait due lui être ordonné par quelqu’un d’important.
C’est donc dans un soupir à fendre l’âme, que House se traîna en boitant jusqu’à la porte, et qu’il entrouvrit juste assez pour voir le visage de Wilson, à moitié emmitouflé dans une écharpe. Le propriétaire des lieux considéra Wilson de haut en bas, avant de l’inviter à entrer. Celui-ci hésita, avant de se décider. Il se dirigea mollement vers le canapé, le contourna et éteignit la télé sans avis au préalable.
« - Tu es en retard. Cuddy s’impatiente. - Oh. Et elle envoie le gentil docteur me chercher, rétorqua le diagnosticien. - Tu sais, je peux toujours te laisser te débrouiller. L’hôpital n’est pas si loin que ça, non ? Menaça Wilson. - Oui, tu pourrais aussi dire à Cuddy que je suis malade. - Et donner à un autre médecin les patients qui t’attendent à la clinique ? »
House ouvrit de grands yeux, haussant exagérément les sourcils, faisant comprendre à Wilson que cela serait une excellente idée. Malheureusement pour House, le cancérologue en avait décidé autrement. Il se détourna de l’écran noir et embrassa l’appartement du regard, évitant soigneusement House. « Je te laisse cinq minutes pour te préparer » Puis, le regardant de la tête au pieds. « Même si deux pourraient suffire »
Sur ces mots, il quitta l’appartement, avant de rejoindre sa voiture. Bien sûr, il savait que House ne serait pas là d’ici un petit quart d’heure. Et c’est bien pour cela qu’il se décida d’ouvrir le journal de ce matin.
Et c’est à peine dix minutes plus tard, à la plus grande surprise de Wilson, que son ami ouvrit la portière, un sourire d’excuse sur les lèvres.
« - J’aurais voulu faire plus en retard. »
Wilson haussa les yeux au ciel, et passa la première avant de s’engager dans la rue. Au dehors, Noël battait son plein. On était le 3 décembre, et pourtant, House pouvait déjà le sentir. Il savait pertinemment que la salle d’attente avait été bariolée de rouge et jaune, et qu’un sapin à la taille démentiel avait du être élevé dans l’hôpital. Cuddy était très à cheval là-dessus.
Le trajet dans la voiture était silencieux. Trop silencieux, et House se mit en tête d’arranger ça.
« - C’est gentil à toi de venir me chercher. En manque de conquête ? Wilson serra ses mains sur le volant, mais ne daigna répondre. House renchérissait. - Alors c’est çà… Cuddy ordonne et toi, tu obéis… Je croyais que ça t’était passé. - L’un de nous deux doit être responsable non ? Grinça Wilson - Moi ? Je suis responsable, s’exclamait House, une main sur la poitrine en guise de bonne foie. - Arrête ça. Il y a une épidémie de grippe aujourd’hui, pas assez de médecin. Et bien sur, tu ne prends pas la peine de répondre au téléphone. Cuddy était hors d’elle. C’est moi qui ait du calmer le jeu. - Je suis désolé. - Tu ne l’es pas. Tu savais ce qu’il allait se passer. Et tu comptes toujours sur moi. La voix de Wilson était un murmure, se parlant plus à lui-même qu’à l’homme assis à ses côtés. - Je n’ai jamais demandé à ce qu’on me…. Commença House, légèrement crispé. - Alors, comporte toi en adulte, une fois de temps en temps. »
Sur ces dernières paroles, Wilson arrêta la voiture, et en sorti brutalement. House regarda par la fenêtre. Ils étaient déjà arriver à l’hôpital, et Wilson n’avait pas pris la peine d’aller jusqu’au parking. Il attendait, mains dans les poches, l’air soucieux, et frustré. En y repensant, cela faisait un petit moment que House avait noté un changement de comportement chez Wilson. Un matin, il était arrivé, sur les nerf et irascible. Ce jour là, House n’ayant rien à faire, s’était évertué à savoir ce qu’il se passait.
« - Oh, mais dis moi, tu t’es encore disputée avec ta femme ? - House, je suis occupé là. En effet, Wilson auscultait un patient, et le diagnosticien se trouvait assis sur une chaise, parlant sans vergogne devant celui-ci. - Alors, tu t’es trouvé une nouvelle amoureuse. Elle a remarqué que tu découchais souvent. Oh, non… c’est çà, elle t’a fait une crise de jalousie, c’est ça ? C’est qui ? Une infirmière, la petite nouvelle chez la neo-nat ? Wilson ne répondait pas. Allez, tu peux me le dire… Cuddy ? - Toi ! House avait écarquiller les yeux, ne comprenant pas ce que sous entendait l’oncologue. - C’était toi la cause de la dispute. Maintenant que tu sais, sors de cette chambre s’il te plaît. - Quoi ? Elle croit qu’on couche ensemble ? » Wilson avait dégluti un peu trop bruyamment pour que son esprit ait été tranquille.
Depuis ce jour, House titillait Wilson, sur le fait qu’elle pensait qu’ils couchaient ensemble. Bien sur, il savait qu’elle lui reprochait de passer juste un peu plus de temps avec lui qu’avec elle, mais il préférait l’autre solution. C’était infiniment plus drôle.
Le reste du chemin, jusqu’au hall de l’hôpital, se fit dans le plus grand silence. Une fois arrivé devant l’hôpital, House constatait sans grand étonnement que deux sapins étaient déjà presque installés dehors, des hommes s’affairaient autour, guirlande électriques et rubans multicolores à la main. A n’en pas douter que l’hôpital ne serait bientôt plus un endroit fréquentable.
A peine entré dans le hall, que Wilson partait de son côté, lancer un vague « chance » à son collègue. Celui-ci se traînait plus qu’il ne marchait vers l’accueil pour faire acte de présence, il jeta un coup d’œil à sa montre et interpella une personne au hasard.
« 15h07, le Dr House arrive pour ses consultations, merci de bien vouloir le noter. »
« Dr House »
L’appelé se retourna et vit arrivé Cameron à grand pas.
« - Oh, je suis attendu à ce que je voit. Je vous manquais à ce point ? Cameron tiqua, et se mis sur la défensive. - Vous aviez plus de trois heures de retard, se plaignit elle. - Et donc, vous vous êtes inquiétez, et vous accourez pour me bordez ? Il était de mauvaise humeur. Déjà ce matin, mais depuis que Wilson l’avait fait chier avec ses pseudo responsabilité, il était encore plus sur les nerfs. Et pour rajouter au tableau, sa jambe lui faisait un mal de chien. Il attrapait son tube de vicodin, et s’en enfila trois d’un coup, sous l’œil désapprobateur de Cameron. - Vous ne…. - Allez border Chase, je suis sur qu’il n’attends que ça. »
D’un air mauvais, il se dirigea vers son bureau, afin d’y déposer ses affaires. Arrivé à destination, il vit Chase assis confortablement dans son fauteuil, sa DS entre les mains. House devait avouer qu’il avait du culot, mais là, c’est à la limite du suicide. Il abattit sa canne sur son propre bureau, faisant claquer le bois à quelques centimètres de Chase, trop absorbé pour l’avoir entendu entrer. Celui sursauta et rattrapa la DS qui se dirigeait pourtant inexorablement vers la moquette.
Le jeune homme déglutit bruyamment face à son patron furax, à raison. Dans la salle adjacente, ils pouvaient voir Foreman ricaner de ce qu’il arrivait à son collègue.
« Vous n’avez pas des consultations ? Des recherches ? Quelque chose à faire, au lieu de me tourner dans les pattes ? »
Les trois élèves se regardèrent avant de déguerpirent aussi discrètement que possible. House en colère était encore moins fréquentable que d’habitude. Et, de toute façon, ils allaient sûrement trouver quelque chose à faire. Alors que Foreman allait sortir, House ouvrit violemment la porte qui menait à la salle de conférence.
« - Combien vous vous êtes fait ? Foreman regardait House d’un air innocent et étonné. - Quoi ? - Allez, combien ils avaient parié ? - 20. »
House arqua un sourcil, et fit une moue que Foreman interpréta comme : « petit joueur », ou peut être bien, « quoi ? Mais je vaux mieux que ça ! » Cet échange professionnel terminé, Foreman sortit du bureau, en quête de travail. * * *
House regardait le patient en face de lui. Il se demandait si sa stupidité était congénital, ou est ce qu’un mauvais coup sur la tête l’avait rendu ainsi. L’imbécile présent devant lui n’avait rien trouvé de plus amusant que de mettre un de ces tout nouveau ipod, minuscule et ultra puissant, à l’intérieur de sa bouche.
« Pour voir si ça faisait bien caisse de résonance »
Bien sur, c’était inévitable. Il l’avait avalé.
A n’en pas douter, l’homme en question devait être un abruti congénital. Cependant, il fallait bien avouer que les écouteur qui criaient à 120 décibel coincés dans l’œsophage, combiné avec la résonance naturel du conduit digestif donnait un son assez amusant. House croyait bien reconnaître une musique qui passait souvent à la radio ces temps ci, mais il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.
« Alors, qu’est ce que vous allez faire ? »
Le patient regardait House avec un air visiblement inquiet.
« Déjà, appeler un collègue. Il est 19h00, et mes consultations sont terminées. Pas de problème, ça ressortira de toute façon par voie naturelle. »
Il abandonna le patient et annonça à l’accueil que ces consultations étaient terminées, en précisant que le Dr Cuddy avait un patient à traiter dans la salle d’examen n°1, avant de se diriger aussi vite qu’il le pouvait vers son bureau. Il avait vu des dizaines de patients. Des dizaines de pauvres abrutis dont le seul problème étaient qu’ils regardaient un peu trop les séries médicales. Résultat, il suffisait d’une grippe pour qu’ils préparent le cercueil et adhère à une assurance obsèques. Pour aujourd’hui, il avait assez de tout ça. Il voulait se reposer, et se dépêcher de récupérer ses affaires dans son bureau.
Il le trouva vide. Il appréciait particulièrement cette pièce, lorsque le calme y régnait. Alors que son idée première était de ne pas s’attarder, il décida de se prendre un peu de temps et s’installa confortablement par terre, son casque diffusant les Pink Floyd sur les oreilles. Il ferma les yeux, et même s’il ne voyait son bureau, il en avait une visualisation fictive parfaite.
Il s’imaginait assis dans son bureau, discutant avec une personne quelconque. Il se voyait, assis à son bureau, son ordinateur à ses côtés, sa DS entre ses doigts nerveux. Il pouvait voir parfaitement la lumière pénétrant dans son bureau par la fenêtre derrière lui, le mettant en contre jour pour son interlocuteur. Il pouvait presque entendre les voix de ses trois assistants discuter de leur derniers cas dans la salle adjacente. Son attention se reporta sur la personne en face de lui. Il n’arrivait pas à voir qui c’était, mais il était sur de la connaître. Mentalement, il éteignit sa DS et se pencha en avant. Rien à y faire, l’homme… Comment savait il que c’était un homme… ? Aucune importance. Il reprit sa progression mentale et arriva au niveau de l’homme. Son visage était flou, mais cette voix qui lui parlait, enfin, qui parlait seul désormais, il la connaissait. Wilson. Wilson qui lui souriait. Sans doute l’un des plus beau sourire qu’il lui avait jamais fait. Et sans qu’il y fasse attention, il avait déjà attrapé la cravate de son ami entre ses mains, le forçant à remonter à sa hauteur.
Et ses yeux s’ouvrirent.
Il rencontra le plafond.
Apparemment, il s’était endormi.
Il regarda sa montre et y lut une heure trop tardive pour être encore ici. Il était temps de retourner chez lui. Qui plus est, il devait couver une grippe lui aussi.
To be continued... |