La poussière qui s'élevait à chacun de ses pas ne la ralentit pas. Elle n'y fit même pas attention. Lentement les longues jambes parcouraient un chemin devenu habituel, une sorte de rituel après chaque journée épuisante. Dans le ciel, quelques nuages de basse altitude, bien blancs, qui semblaient voler à cause du vent.
Mh... C’était comme ça qu'il les aimait, ses nuages. Elle passa devant une maison qu'elle connaissait bien. Les volets étaient tous ouverts... sauf un... à l'étage, qui resterait à tout jamais fermé. Dehors, le linge qui séchait ne comporterait plus une seule tenue pour un jeune homme d'une vingtaine d'années. De toute façon, personne dans cette maison n'en aurait plus jamais besoin... Elle leva la tête vers le ciel, encore, pour avoir un léger sourire qui s'évanouit à mesure que les souvenirs revenaient. Etre ninja, c'est se battre, c'est voir la mort, c'est mourir.
Etre ninja, c'est renoncer à avoir une vie normale, c'est mettre en danger la vie de sa famille, de ses amis.
Alors pour être ninja, faut-il vivre seul? Renier toute relation? Refuser toute affection? Tout lien? Eh bien ça n'avait pas marché pour eux alors... Fonder une famille c'était un bien grand mot, une belle utopie par la même occasion. Quelque chose qu'ils savaient tous deux irréalisable. Quelque chose qui finissait toujours par se briser. Et le destin avait sans doute voulu le leur démontrer rapidement. Elle tourna un peu la tête, pour apercevoir un terrain d'entraînement, au loin.
Une jeune femme blonde était en train de s'entraîner avec un homme d'une importante masse corporelle. Une équipe qui ne se faisait pas beaucoup entendre, une équipe autrefois soudée, une équipe sur laquelle on pouvait compter.
Une équipe qui avait commencé à se briser à la mort d'un membre plus qu'important. Une équipe qui s'était vu affaiblie... Une équipe qui avait subit une nouvelle perte, plus importante encore. Elle espérait juste, en regardant ces deux jeunes gens s'entraîner, qu'il avait retrouvé celui qu'il considérait presque comme un deuxième père... Le chemin de terre s'arrêtait juste devant une petite barrière blanche, qu'il suffisait de pousser pour pouvoir marcher sur de petits graviers blancs et gris. Elle poussa cette barrière, pénétra dans l'enceinte de ce lieu particulier et ralentit sa marche en s'aventurant dans une allée bordée de petites stèles blanches. Elle eut un soupire tremblant tout en resserrant la petite fleur sablée et la feuille de basilic fraîchement cueillie dans ses mains. Il faudrait qu'elle remercie son frère d'avoir pensé à la fleur... Les stèles lui faisaient froid dans le dos. Elle regardait quelques noms, qui lui étaient, hélas, parfois familiers. Elle aurait voulut tout oublier de ces missions de plus en plus dures à cause d'une organisation sans foi ni loi. Elle aurait voulut oublier le cri déchirant qui lui avait transpercé les tympans quand il était tombé devant elle.
Il y a tellement de choses qu'elle aurait voulu oublier.
Mais pour lui, elle ne les oublierait pas. Parce que les oublier, ça signifiait l'oublier lui, et si elle décidait de ne pas l'oublier, alors elle vivrait avec toutes ses horreurs le restant de ses jours. Quitte à faire des cauchemars toutes les nuits.
Quitte à ne pas réussir à regarder certaines personnes, comme cette jeune femme blonde et cet homme enveloppé qui lui souriaient tristement. Quitte à perdre la raison. Quitte à pleurer chaque fois qu'elle était seule.
Quitte à le revoir mourir à chaque pas qui la menait à la toute dernière stèle de la rangée réservée aux chuunins. Quitte à finir par n'en plus pouvoir et arrêter tout. La mort, c'était quelque chose d'horrible, quelque chose qui fait peur, qui effraie. Mais c'était aussi une solution. La solution à tous ses problèmes.
Mais elle n'était pas lâche, alors elle vivrait en souffrant. Souffrant d'entendre, voir et sentir la mort partout autour d'elle.
Elle continuerait de vivre, dans le souvenir, dans la souffrance, dans l'espoir de ne pas oublier. Les pieds se stoppèrent devant une stèle un tantinet plus grande que les autres, plus resplendissante également. Mais ça, c'était uniquement dû au fait qu'elle soit neuve.
Elle joignit ses mains à plat, écrasant légèrement ses deux cadeaux et murmura une petite prière avant de s'agenouiller lentement.
Ses yeux fermés étaient pourtant rivés sur l'espèce de petit escargot représentant le symbole de Konoha. Elle les rouvrit et frissonna alors qu'une brise fraîche venait lui caresser le visage, glaciale. Un maigre sourire s'étira sur ses lèvres, la jeune femme déposa soigneusement le basilic et la fleur de Suna sur le petit rebord prévu à cet effet. Elle joignit de nouveau les mains, murmura une prière et une larme s'écoula doucement sur sa joue, sans qu'elle ne s'en rende réellement compte.
Pendant deux longues heures, elle resta ainsi, priant pour cet homme qui ne méritait pas d'être mort ainsi, puis finalement elle rouvrit ses paupières et baissa ses mains, les mettant à plat sur son kimono bleu nuit. Les yeux rivés sur le nom gravé en kanji puis en caractères normaux, elle était tellement prise dans son observation qu'elle n'entendit ni ne vit une autre femme arriver. Cette femme posa une main sur l'épaule à la fois forte et frêle, et resta silencieuse à son tour. -Temari-san... Elle releva un peu la tête, non pas pour regarder la nouvelle venue mais pour observer le ciel où ne restait plus aucun nuage visible. -C'était à cette heure-ci qu'il rentrait... parce qu'il n'y avait plus de nuages, murmura-t-elle. -Temari-san, ton frère ne veut pas faire attendre Gaara-sama... Il t'attend, souffla l'autre. -La dernière chose qu'il m'ait demandée, je ne l’aie encore dite à personne... Elle se releva lentement, les yeux toujours accrochés au nom gravé. -Ce n'était pas un "je t'aime" ou "prend soin d'untel ou untel". Non... Elle fit demi-tour et commença à marcher à pas doux. L'autre femme sur les talons. Arrivée à la barrière blanche cependant, elle se retourna, regardant de loin quelques stèles. -Non, personne ne sait ce qu'il m'a dit... ce flemmard... Elle reprit sa marche, une larme perlant au coin de son oeil droit. Au loin, au fond d'une rangée de stèles réservées aux chuunins, une stèle plus grande que d'autre. Sur un petit rebord, une petite fleur que l'on ne trouve que dans le désert et un brin de basilic, venant tout droit du plus feignant des clans de Konoha.
Dans le ciel, plus aucun nuage.
Dans le coeur de la jeune femme venant quotidiennement, une promesse qu'elle s'efforcera de tenir jusqu'au bout. "Temari! Il suffira de ne pas m'oublier" End |