Pourquoi ? Où ? Comment ? Tu marches. Tu ne sais pas où tu vas. Tu continues. Les ténèbres t’entourent. Le vent est glacial. Tu te sens nue. Tu flottes dans ce semblant d’air. Tu te sens pourtant lourde. Tu marches. Tu ne sais pas ce que tu quittes. La vie ? La mort ? Peut importe. Tu marches. Tu as froid. Tu trembles. Tu crois être aveugle. Tu ne vois rien. Tu n’as envie de rien. Tu ne sens rien. Tu ne touches rien. Tu n’entends rien. Tu marches. Aucuns souvenirs. Aucuns sentiments. Aucunes sensations. Le néant. Tu fixes le chaos qui règne devant toi. Tu avances. Tu ne recules pas. Tu marches. Tu dois avancer. Tu ne sais pourquoi. Mais tu dois avancer. Où aller ? Que faire ? Pourquoi ? Où ? Comment ? Tu ne sais pas. Tu ne te le demandes pas. Tu marches. C’est ton seul but. Ta raison d’être. Ta seule échappatoire. Mais à quoi ? Pourquoi ? Où ? Comment ? Tu marches. Tes pieds se placent l’un devant l’autre. Une litanie incessante. Tu es un automate. Tu fais ce que tu crois devoir faire. Mais tu ne le sais pas. Tu ne sais rien. Pourquoi ? Où ? Comment ? Une voix. Tu entends. Tu sais. Tu respires. Tu vois. Le noir. Tu le vois. Tu sens. Le froid. Le vent. Les larmes. Tu pleures. Tu as peur. Pourquoi ? Où ? Comment ? Cette voix. Tu l’entends. Mais tu ne comprends pas. Ce murmure. Ce souffle chaud. Au creux de l’oreille. Résonnant dans ta tête. Tu t’arrêtes. Tu écoutes. Tu sais. Tu veux comprendre. Tu vois. Partout du noir. Mais tu en a conscience. Tu sais que tu peux. Tu fermes les yeux. Tu tends l’oreille. Ton cœur bat. Tu as toujours peur. Peur de ce murmure inquiétant. Pourquoi ? Où ? Comment ? Tu rives tes sens sur ce qui a brisé ton état presque comateux. Tes répétitions. Cette chaleur sur ta peau. Ces frissons provoqués. Tes mains moites. La caresse de tes cheveux. Celle du vent toujours glacial. Tes tremblements. « Court ! » Et alors tu comprends. Tu ouvres les yeux brusquement. Tu ne réfléchis plus. Tu as toujours peur. Le vent s’est arrêté. Le murmure aussi. Son écho est toujours là. Dans ton crâne. Il percute les parois de ta conscience. Tu as peur. Encore plus peur. Tu ne réfléchis plus. Tes pieds avancent. De plus en plus vite. Tu cours. Pourquoi ? Où ? Comment ? Tu ne sais toujours pas. L’écho du murmure se fait plus présent. Plus sauvage. Tu as peur. Tu cours. Tu veux crier. Tu n’y arrive pas. Tu veux pleurer. Tu le fais déjà. Tu veux t’effondrer. Tu n’as pas le droit. Tu cours. Toujours. Sans t’arrêter. Tu ne peux pas. Tu cours. Pourquoi ? Où ? Comment ? Tu ne sais pas. La voix. Elle est de nouveau là. Tu cours. Non. Tu fuis. Pourquoi ? Où ? Comment ? Tu ne t’arrêtes plus. La voix. Toujours présente. « Court ! » Tu as peur. Mais tu obéis. Pourquoi ? Où ? Comment ? Tu cours. Tes poumons te brûlent. Tu es seule. Tu as froid. Tu trembles. Tu respire difficilement. Tu as peur. Ton cœur bat. Trop vite. Tu as peur. Tu cours. L’adrénaline se diffuse dans tes veines. Ton cerveau est en ébullition. Tes yeux sont écarquillés. Tu cours. « Sauve ta vie ! » Encore cette voix. Tu as peur. Tu cours plus vite. Ton souffle régulier n’est plus qu’un vulgaire souvenir. Tu cours. Pourquoi ? Où ? Comment ? Le son de tes pas te vient aux oreilles. Tu ne les entendais pas avant. Tu trébuches. Tu tombes. Tu cris. Ta chute s’arrête. Tu n’as pas rencontré le sol. Le vide. Rien. Tu flottes. Mais tu es lourde. Tu pleures toujours. Tu entends tes sanglots à présent. Tu te relèves. Pourquoi ? Où ? Comment ? « Court ! Vite ! » Tu sursautes. Tu as peur. Tu n’obéis pourtant pas. Tu te poses des questions. Tu veux savoir. Tu ne veux plus fuir. Tu veux affronter. Tu veux être vivante. Pourquoi ? Où ? Comment ? Alors tu cris. Tu demandes. Tu supplies. « Pourquoi ?! » Tu sens ton cœur battre. Tu sens tes poumons se remplir d’air. Tu sens tes membres frémir. Tu sens tes larmes couler. Tu sens ta détresse. Ta peur. Toujours présente. « Réveille-toi ! » Tu sursautes. La voix. Elle était si près. Si lointaine à la fois. Tu te sens quitter le vide sur lequel tu reposais. Tu t’élèves. Tu as peur. Ton cœur bat. Toujours trop vite. Trop fort. Tu te sens t’envoler. Pourquoi ? Où ? Comment ? Tu as de nouveau froid. Le vent est de retour. Plus puissant. Tu grelotes. Tes dents s’entrechoquent. Tu trembles. Où t’emmène-t-on ? Qu’à tu fais ? Tu as peur. « Calme-toi ! » Blanc. Eblouissant. Tu fermes les yeux. Tes poumons se gorgent d’air. Cela te brûle. Tu tentes de rouvrir les yeux. Ta main vient les cacher. Tu papillonnes. Tu es couchée. Tu te demandes où tu es. Tes yeux s’habituent à la clarté. Ta main s’abaisse. Elle vient retomber mollement sur un matelas. Tu regarde autour de toi. Tu es seule. Tout est blanc. Une chambre. Tu fronces les sourcils. La porte s’ouvre doucement. Une femme entre. Le nez dans ses papiers. Habillée de blanc. Elle relève la tête. Stoppe ses pas. Bouche bée. Cela faisait trois ans que tu étais dans le coma. Trois ans que tu marchais. Trois ans dans le noir. Mais bientôt, ce ne serra qu’un souvenir. Tu apprends que C’est juste après la visite d’un homme que tu t’es réveillée. Un homme charmant parait-il. Tu demandes son nom. Mais tu ne le connais pas. Tu souris. Tu sortiras de cet hôpital. Tu le retrouveras. Tu le remercieras. Mais ce que tu ne sais pas, c’est que cela faisait trois ans qu’il venait tous les jours. Ce jour-là, il était venu te supplier de te réveiller, mais tu gardais les yeux fermés. Alors il t’a dit adieu. Il est partit de cet hôpital trop blanc. Il est rentré chez lui. Trop seul. Et il en a fini avec la vie. Tu lis le journal. Installée dans un café. Par hasard, tu regardes la page des défunts. Tu la parcours des yeux. Tu vois son nom. Tes yeux se teintent de tristesse et d’horreur. Quelques jours plus tard. Tu es devant la tombe. La pierre tombale est fraichement posée. Tu tiens dans les mains un bouquet de fleurs sauvages. C’est celles qu’il t’apportait toutes les semaines. Tu les pose délicatement sur la pierre puis recule de quelques pas. La tombe est jolie. Simple mais belle. Il n’y a que tes fleurs sur cette surface trop lisse. Alors tu promets. Tu promets d’être à cet endroit toutes les semaines. D’apporter un nouveau bouquet. Comme il le faisait pour toi, tu le feras pour lui. Alors tu pars. FIN |