manyfics
     
 
Introduction Les news
Les règles Flux RSS
La Faq Concours
Résultats ManyChat
Plume & Crayon BetaLecture
Nous aider Les crédits
 
     

     
 
Par date
 
Par auteurs
 
Par catégories
Animés/Manga Comics
Crossover Dessins-Animés
Films Jeux
Livres Musiques
Originales Pèle-Mèle
Série ~ Concours ~
~Défis~ ~Manyfics~
 
Par genres
Action/Aventure Amitié
Angoisse Bisounours
Conte Drame
Erotique Fantaisie
Fantastique Général
Horreur Humour
Mystère Parodie
Poésie Romance
S-F Surnaturel
Suspense Tragédie
 
Au hasard
 
     

     
 
au 31 Mai 21 :
23295 comptes dont 1309 auteurs
pour 4075 fics écrites
contenant 15226 chapitres
qui ont générés 24443 reviews
 
     

     
 
Pieds nus sur Masaryk
Par tchou
Originales  -  Romance  -  fr
One Shot - Rating : K (Tout public) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     1 Review    
Partager sur : Facebook | Twitter | Reddit | Tumblr | Blogger


Ce modeste texte est pour un jeune homme qui, j’en suis convaincue, saura se reconnaître. Il a toute ma considération. Et même si je suis méchante, blessante et lunatique, il faut qu’il sache qu’il compte énormément pour moi.

Le texte qui suit n'est pas une histoire, pas vraiment du moins.

oOo

Après avoir poussé la porte d’entrée, elle s’adossa contre celle-ci, poussa un profond soupir et enleva de ses pieds endoloris les geôlières neuves qu’elle trouvait si inconfortables pour les enfermer à jamais dans le placard. Il était déjà tard, la nuit était tombée depuis longtemps et le ciel sans étoile d’un noir d’encre ne laissait place à aucune lumière. L’atmosphère était pesante, l’air étouffant. Et l’obscurité caractéristique des froides nuits de Novembre semblait couvrir d’un lourd rideau les environs, enfermant dans une ouate sombre tout ce qui s’introduisait dans la feutrine immatérielle.

 

Sans aucun doute, il allait bientôt pleuvoir des trombes d’eau. La voûte incertaine exploserait, laissant s’échapper une perturbation atmosphérique autrefois assimilée à la colère des dieux, mais néanmoins dangereuse. Et il faudrait immanquablement aller demander l’aide du voisin, un vieil agriculteur au visage tanné par le soleil et ridé comme un pruneau, qui viendrait avec son tracteur pour faire sortir la voiture du bourbier.

 

Elle déposa sa cape sur le dossier d’un fauteuil confortable et alla se préparer une tasse de café au lait bien sucré. Elle n’alluma pas le lustre, se contentant du faible éclat qui se dégageait du feu. Puis, elle s’assit sur le canapé de cuir en ramenant ses longues jambes ankylosées sous elle, un plaid sur les épaules. Soufflant régulièrement sur sa boisson, elle regardait, l’oeil morne, l’âtre de la cheminée dans laquelle brûlaient des bûches en crépitant faiblement. La première longue gorgée qu’elle avala lui réchauffa le cœur et réconfortait son corps meurtri par la fatigue. Son harassement lui faisait l’effet boomerang d’une journée intense, après laquelle elle avait des difficultés à ne pas courber l’échine, ressentant à la manière d’Atlas le poids des cieux, le poids de ses espérances, le poids de ses décisions.

 

Dehors, un éclair zébra brièvement le ciel avec un bruit puissant, éclairant les murs beige d’une lueur cendrée inquiétante, comme une menace sur le point d’être dévoilée dans l’approche d’une catastrophe menaçant à tout moment d’éclater. La pluie tomba presque aussitôt. Une giboulée forte qui battait les fenêtres du chalet avec la violence finale que délivre un désespéré lors de son dernier combat. Mais contre toute attente, son front se dérida, son visage se détendit : elle souriait. Elle avait toujours aimé les orages, pendant lesquels elle dormait d’un sommeil de plomb. Indifférente aux craintes suscitées par les lourdes averses, les nuits où la lune se cachait derrière une cotonnade écrasante de nuages. Dans moins d’un mois maintenant la neige serait là, pensa-t-elle. Et le chalet ressemblerait alors à du pain d’épice croulant sous le sucre glace.

 

Sortant de ses pensées, elle monta l’escalier d’un pas pesant. Dans la chambre, elle devina à la lampe de chevet allumée que son mari l’avait attendue avant de céder aux appels de Morphée. Elle s’en voulait de le voir dans une position si inconfortable, et dans un geste d’infinie tendresse, elle ramena les draps sur les larges épaules, glissa une boucle soyeuse derrière l’oreille de son homme et éteignit la lumière.

 

Elle se changea dans le noir, le plus silencieusement possible, enfilant pour seul pyjama une chemise bien trop large pour elle. Mais plutôt que de se coucher sur le matelas, elle redescendit dans le salon et sortit par la grande baie vitrée.

 

Elle fut trempée en quelques secondes, mais elle ne s’en souciait pas vraiment. Elle avait l’impression d’avoir quitté la vallée pour les abysses montagneuses tant on n’y voyait rien. La pluie tombait de plus en plus fort à présent, et des éclairs de plus en plus nombreux l’aveuglaient comme des flashs, avec une résonance assourdissante. A l’est, elle pouvait déjà voir que le ciel prenait une teinte violette, l’aube approchant inexorablement, le soleil reprenant son voyage dans le firmament avec une régularité effrayante, mais tellement rassurante. Avoir la conviction qu’une chose au moins subsisterait bien après l’apocalypse des temps modernes qui se mettait lentement et inéluctablement en place, narguant la faiblesse des hommes face aux conséquences de leurs négligences.

 

Elle se coucha sur une paillasse d’herbes hautes, appréciant la sensation glacée de l’eau qui attaquait son corps presque nu comme des centaines de petites balles. Et quand elle fut persuadée que ses larmes seraient noyées dans ce déluge, elle s’autorisa à pleurer. Pleurer pour se soulager, chasser le remord. Pleurer parce que les nerfs lâchent subitement, qu’elle est seule alors qu’elle n’a jamais eu autant besoin d’une épaule sur laquelle s’appuyer un peu, quelques minutes, le temps d’une chanson chuchotée.

 

Ses yeux étaient rougis par la tristesse, son joli visage tordu ne montrait qu’un profond mal-être, son cœur avait gravé la déception. Et son être tout entier tremblait de colère et clamait le regret, en une longue lamentation plaintive qui émanait simplement de sa bouche entrouverte en une grimace pénible. Et cette déformation contrarierait le plus distant des hommes.

 

Elle avait voulu l’impressionner. Lui montrer combien sa vie était réussie, combien elle était enchantée de les avoir, en quelque sorte, délaissés pour d’autres. Et elle avait pensé que son allure y participerait. Alors elle s’était affublée d’un long pantalon noir renforçant encore cette impression longiligne qu’elle avait perpétuellement dégagée, et un haut aux imprimés compliqués, signe de modernité affichée. Sans compter ses affreuses chaussures à talons, ses plus beaux bijoux, et un maquillage bien présent. Trop. Il masquait la couleur de ses yeux, et sa peau autrefois laiteuse avait pris une teinte disgracieuse. Mais on lui reconnaissait néanmoins une certaine « classe mielleuse » chez les courtisans du voisinage.

 

Malgré tout cela, quand il lui ouvrit la porte de son modeste appartement lyonnais, elle regretta. Elle regretta le doute qu’elle avait eu avant d’accepter son invitation, l’accoutrement qu’elle portait alors qu’il avait enfilé son éternel jean usé et ne s’était pas rasé depuis plusieurs jours. Elle regretta sa revendication au luxe. Alors à l’instant même où elle plongea dans ses prunelles grises après en avoir été privée si longtemps, elle su à quel point sa présence lui avait fait défaut, et surtout qu’elle s’était incontestablement trompée en s’accommodant d’une tenue qui ne lui convenait définitivement pas.

 

Jamais il n’aurait eu l’exigence de toutes ces fioritures, elle aurait du s’en souvenir.

 

Lui faisant traverser les lieux après l’avoir embrassée sur les deux joues avec un immense sourire dans lequel on pouvait réellement lire le plaisir de la revoir, il lui offrit un café. Elle avait gardé les yeux baissés, de peur de s’immiscer trop profondément dans son intimité. Sans vraiment s’en rendre compte elle dressait entre eux une barrière de gêne, n’autorisant que des sujets synthétiques. Et elle gardait un ton froid. Où, soyons-en persuadés, il savait qu’il s’y trouvait beaucoup de remords. Mais il n’évoqua pas ce point-là. Comme toujours, elle s’amènerait d’elle-même à lui. Comme au bon vieux temps. Mais sa patience avait des limites. Il ne faudrait pas qu’elle reparte sans l’avoir regardé, au moins une fois…

 

Elle s’en voulait bien sûr de procéder avec méfiance, lui à qui elle aurait confié sa vie. Mais elle se demandait sans cesse si l’homme qu’il était devenu n’était pas trop éloigné de celui qu’elle avait tant aimé. Pouvait-on, après de longues années, rester le même ? Garder le même contact ? Dans l’immédiat… non, aurait-elle répondu. Pour que deux personnes s’entendent encore après si longtemps, il fallait qu’elles évoluent ensemble. L’équation ne pouvait trouver d’autre solution.

 

Elle se sentit appeler doucement, et, sortant de ses pensées, elle remarqua qu’il avait pour elle toujours cette attention affectueuse, accompagné d’un sourire si doux qu’il lui était pénible de ne pas esquiver son regard. Alors que tout ce qu’il cherchait, c’était simplement un peu d’eux. De la manière qu’ils avaient été capables de former un « Nous », un « Eux ». Quelle importance ont les termes, quand deux esprits se trouvent ? Mais jamais, non jamais, il ne laissa voir qu’elle le décevait. Elle se traita d’idiote, ne supportant plus l’idée de gâcher leurs retrouvailles.

 

Elle lui demanda de lui indiquer la salle de bain, sans prêter attention à ce qu’il lui disait, ou s’il attendait alors une réponse de sa part. Tout ce qu’elle savait, c’était ce qu’elle devait faire le plus vite possible pour s’en libérer. Procédant à un examen global de la pièce, elle laissa fleurir sur ses lèvres un sourire plein de tendresse. Elle retrouvait bien là le Nathan qu’elle avait quitté. Tout ce désordre organisé et la propreté datant de plusieurs jours lui exposaient que ce n’était pas lui qui avait changé, mais bien elle qui s’était trompée de voie. Le train était parti un peu trop vite, mais il ralentissait déjà pour attendre ses passagers restés sur le quai. Elle allait remonter dedans, assurément !

 

Quand elle sortit quelques minutes plus tard, son chignon était défait, ses yeux démaquillés. Elle envoya valser ses chaussures sans prendre garde au sort qu’elles subissaient, et retourna enfin dans la minuscule pièce carrelée où il l’attendait. Elle prit son temps pour y revenir, marquant dans sa mémoire tous les détails des lieux, comme si elle pouvait ainsi connaître de lui tout ce qu’elle avait manqué en cinq trop longues années.

 

Il l’observa par-dessus sa tasse fumante et un sourire ravi habita ses lèvres charnues tandis que s’allumait dans ses yeux un feu d’artifice. Il avala un gorgée brûlante, et s’appuya sur le plan de travail avec négligence.

 

-Tu es tellement plus belle au naturel, lui dit-il sans cesser de sourire.

 

-Je sais, répondit-elle doucement, ses joues rosissant légèrement.

 

Juste une façon de lui signaler que la vraie Manon était de retour, et qu’elle n’avait pas oublié qu’au lycée il lui disait cette phrase dix, vingt, cent fois par semaine. Quand elle cherchait à plaire et à se plaire par tous les moyens, alors qu’il lui répétait sans cesse qu’elle n’avait vraiment pas besoin de tout cela.

 

Elle but son café, et grimaça.

 

-Ton café est toujours aussi imbuvable par autre que toi !

 

-Je sais, fit-il en riant.

 

Elle observa les deux fossettes qu’il avait quand il riait, et ses yeux plissés qui paraissaient alors noirs. En elle, une chaleur bienvenue reprenait place dans sa poitrine après l’avoir longtemps délaissée. Et ce sont ses joues creusées et sa mâchoire maintenant moins ronde que celle de l’enfance qui donnèrent à la situation un caractère d’urgence : ils avaient été séparés trop longtemps, beaucoup trop longtemps.

 

Elle posa sa tasse de l’affreux breuvage. Celui-là même qu’il préparait déjà quand ils étaient au lycée, une sous-marque aigre, un authentique goudron du dix-septième siècle, disait-il pour se moquer de son amie qui ne manquait jamais une occasion de lui parler de son café tout à fait infecte. Elle ferma quelques secondes les yeux à ce souvenir, puis essuya la tâche circulaire sur la table en vieux bois avec sa manche, et lui enleva son bol des mains. Sans lâcher son bras, elle le conduisit sur son propre divan. Ils s’assirent en tailleur, comme ils le faisaient auparavant si fréquemment sur leur lit, et plongea une fois de plus dans son regard d’argent qui la troublait tant, mais qu’elle ne pouvait d’ores et déjà plus quitter.

 

-Raconte-moi, je veux tout savoir !

 

Elle avait des trémolos dans la voix, comme si elle allait pleurer. Mais sa gorge n’était pas nouée. Et ses yeux brillaient d’une tout autre lueur que celle de la tristesse qui peut voiler des yeux.

 

Alors pendant de longues heures, ils parlèrent de ce qu’ils étaient devenus, de ce qu’ils avaient vu. Et, bien sûr, il se remémorèrent les bons moments passés ensemble. Les innombrables feux de camp. Ceux où ils avaient fini inconscients, le foie retourné par l’alcool, les cheveux imbibés de bière, les yeux explosés par la fumée du feu. Ceux qui n’avaient jamais commencé parce que le bois avait été trempé par un orage peu avant. Les si nombreuses fois où ils s’étaient brûlé la langue avec des marshmallows grillés. Le jour où elle avait troué sa semelle en marchant sur une braise exilée, ne se rendant compte de la catastrophe que lorsque son pied commençait dangereusement à chauffer.

 

Et puis toutes leurs sorties au cinéma, riant si fort que leurs voisins leur jetaient des regards lourds de reproche. Leur vacances en Italie, une fois les diplômes en poche. Venise, Rome, Florence. Les verreries, les galeries d’art. Les italiens, entre les beaux parleurs aux larges sourires et les minettes à la jupe trop courte. Toutes ces anecdotes qui subsisteront bien après que tout ce soit envolé.

 

Ils ne s’arrêtaient que pour se perdre dans les iris de l’autre, laissant s’installer un silence agréable, si différent de celui qui les avait tant gênés dans la cuisine.

 

Et quand minuit sonna, le temps leur sembla avoir filé trop vite. A sa demande, il l’emmena dans Lyon, tous deux pieds nus. Ils redécouvrirent avec des yeux de gosses les vieux quartiers de tisserands, avec l’espoir fou de pouvoir pénétrer dans les ateliers. Et finalement, ils s’assirent sur le vieux pont Masaryk qui enjambait la Saône, non loin du cimetière de la Croix Rousse, le célèbre quartier de Lyon qui avait abrité un certain nombre de leurs escapades, enterrant dans les murs des rues étroites leur passé d’aventuriers fougueux. Ils regardaient passer les voitures et les péniches dans un silence religieux chargé d’émotion, alors qu’ils crevaient de froid en tee-shirts, semblant réécouter au son des railles fatiguées les cris hystériques qu’ils lançaient. « Jadis. »

 

Puis vint l’heure de se dire au revoir. Il lui avait bien proposé de prendre le divan, craignant qu’elle rentre en voiture si tard, mais elle lui avait bien dit qu’Emmanuel l’attendait. Avec amertume, elle constata que l’obscurité l’empêchait de voir ses si beaux yeux. Mais dans un sens, c’était mieux ainsi. Elle redoutait trop de se perdre à nouveau dans ses passions adolescentes.

 

Elle monta dans sa voiture, et il resta accoudé encore un instant à la portière. Quand elle partit, il se planta au milieu de la rue déserte pour pouvoir la suivre encore un peu du regard. Il agitait à peine la main, et quand elle disparut au coin de la rue, il laissa glisser son bras mollement le long de son corps, glissant dans sa poche arrière de jean ses doigts transis par le froid. Ses pieds étaient nus. Comme avant.

 

Elle mit la musique très fort pour s’empêche de penser et rester concentrée sur la route.

 

 

Et maintenant, elle était dans les herbes, allongée, bien trop peu vêtue pour faire face au froid et la pluie qui dégoulinait toujours le long de son corps. Mais l’eau lui donnait l’agréable impression de se nettoyer de ses sombres préoccupations. Même si elle se demandait toujours si elle avait vraiment aimé Nathan un jour, et si elle n’avait pas raté sa vie en ne construisant pas son avenir à ses côtés en montant à Paris pour la fac. Après tout, même leurs parents respectifs avaient été sensibles à leur relation, et ils les auraient volontiers mariés. Mais elle savait, au fond d’elle-même, que Nathan n’était que son meilleur ami. Même s’ils avaient parfois une relation ambiguë aux yeux de autres.

 

Les autres. Elle aurait aimé les revoir, eux aussi. Nathan lui avait dit qu’il les revoyait régulièrement. Et avec son enthousiasme habituel, il avait proposé de la tenir au courant sur leurs prochaines entrevues. Elle avait accepté sous couvert. Peut-être, avait-elle dit. Sans trop se mouiller, comme toujours, ne promettant rien, pour ne décevoir personne, et surtout pas elle-même.

 

Pourtant elle se trompait encore. C’est en ne s’affirmant jamais qu’elle se décevait.

 

Quelqu’un s’accroupit à ses côtés. Il lui prit la main, et du crier pour couvrir le bruit de l’orage :

 

-Manon, viens ! Tu vas attraper la mort !

 

Comme un automate, elle se leva et rentra à l’intérieur. Il l’amena devant le feu, dans lequel il remit des bûches pour le faire repartir. En quelques secondes le bois sec s’embrasa. Elle regarda les flammes, fascinée par leur couleur violette, témoignant d’une chaleur très élevée.

 

Emmanuel la déshabilla puis l’enveloppa dans un peignoir épais. Elle s’assit sur le canapé, dans la même position que lorsqu’elle était rentrée. Il lui mit le même plaid sur les genoux, enveloppa ses longs cheveux dégoulinants dans une serviette de toilette, et sortit. Elle ne pensait plus à rien, perdue quelque part entre le bois qui craquait tout près, et les feux de son adolescence, quels qu’ils soient.

 

L’homme, aussi blond qu’elle était brune, revint avec deux tasses fumantes. Du café au lait, bien sûr. Il posa les deux tasses sur la table basse en acajou, et vint lui sécher les cheveux avec délicatesse. Elle sourit doucement. Elle savait pourquoi c’était cet homme-là qui partageait sa vie, et non un autre. Il s’assit à côté d’elle, et elle se laissa aller contre sa large épaule. Il passa un bras autour de son corps mince en déposant un baiser sur sa tempe. Fermant les yeux, elle soupira de bien-être.

 

-Merci, tu es un amour, murmura-t-elle avant d’avaler d’une traite sa tasse.

 

Il ne répondit pas tout de suite, fixant lui aussi son regard dans les flammes rougeoyantes.

 

-Tu veux me raconter ? Comment ça s’est passé ?

 

Elle se redressa, son regard sembla à nouveau s’animer. Elle s’assit, le dos bien droit, et posa ses pieds douloureux sur le bord de la cheminée.

 

-Vraiment génial. Je suis tellement contente de l’avoir revu ! T’avais-je déjà dit que…

 

Il couvrit d’un regard protecteur le tout petit bout de femme qui lui faisait face. Elle parlait à nouveau de ses amis avec passion, et la voir si heureuse n’était que ce qu’il demandait. Il voulait volontiers sacrifier sa nuit de sommeil si c’était pour la voir si épanouie.

 

Elle n’était plus une carcasse vide de sentiments. Elle semblait avoir refait le plein, être prête à retourner corps et âmes dans ses activités, utilisant ces émotions pour créer. Dès le lendemain, il en était persuadé, elle courrait acheter une nouvelle toile, et la remplirait dans l’après-midi.

 

Après qu’elle lui eut raconté tout ce qu’elle voulait lui faire partager, ils restèrent un instant silencieux. Il caressait doucement le dos de sa main glacée, par automatisme.

 

-On va se coucher mon ange ? La nuit va être courte, tu vas être épuisée.

 

-Tu n’as qu’à y aller. Je te rejoins rapidement, j’aimerais encore faire une dernière chose avant de monter.

 

Sa voix était rauque après avoir tant parlé. Elle lui sourit gentiment, et ne put s’empêcher de le détailler quand il lui tourna le dos après l’avoir rapidement embrassée. Un bel homme, sans aucun doute. Tendre et attentionné. Mais aussi passionné, et c’était tout ce qu’elle aimait chez lui.

 

Après avoir été poser les tasses dans l’évier, elle prit l’ordinateur portable sur ses genoux, et envoya un mail. Seulement, quand elle ouvrit sa messagerie, elle vit qu’il l’avait devancé. Comme toujours.

 

« Merci pour cette après-midi, j’ai été très heureux de te revoir. J’espère que le trajet s’est bien passé, et que tu reviendras très bientôt. Avec Manu, cette fois-ci. Lauren t’embrasse tendrement, elle m’a vivement reproché de ne pas lui avoir dit que tu nous rendais visite !

Tendrement,

Nathan »

 

Elle sourit, une fois de plus. Oui, elle avait un véritable ami. Qui serait toujours là. Et un homme qui l’attendait là-haut.

 

Huit mois plus tard…

« Comme d’habitude, à peine te voilà partie que je t’envoie mon mail, pour être sûr de te prendre de court et que tu l’aies dès ton arrivée.

Je suis encore une fois très heureux que vous ayez pris la peine de faire la route jusqu’à mon humble demeure, et contrarié que tu n’aies pas emporté le reste du poulet au curry. Je sais bien qu’il est un peu brûlé… mais il est mangeable quand même, non ?

Je te laisse, les autres essayent de regarder par-dessus mon épaule pour savoir à qui j’écris avec autant d’empressement. Elo’ me fait savoir que tu dois absolument lui donner ta recette de charlotte aux fruits… Ah les femmes !

Une dernière chose. La prochaine fois que tu viendras me voir, je veux te voir futur maman… Je suis sûr que tu me comprends parfaitement, et tu ne peux pas m’en vouloir d’avoir envie de serrer dans mes bras et accueillir chez moi tout pleins de mini-Manu et mini-Manon !

Je t’embrasse,

Nathan »

Manon laissa échapper un petit rire, puis passa sa main sur son bas-ventre… Emmanuel arriva alors et la prit dans ses bras. Elle se laissa couler contre son torse musclé, et ferma les yeux de contentement.

 

Si tu savais, vieux frère !

 

oOo

 

A vouloir trop bien faire pour te faire un joli cadeau, j’ai perdu ma simplicité et ma sensibilité. Ca me rend triste, mais j’espère que cette erreur de parcours sera la seule.

 

Tchou’

 
     
     
 
Pseudo :
Mot de Passe :
Se souvenir de moi?
Se connecter >>
S'enregistrer >>