Vous avez une sainte horreur de ce genre de page-type destinée à brosser en quelques lignes écrites à la hâte les principaux traits de votre caractère. Vous savez pourtant que vous aimer jeter un œil sur celles qui jalonnent les sites-écritoire, alors bon gré, mal gré, vous vous prêtez au jeu.

Et là, déjà : le blanc…

Le portrait chinois est éculé. Le questionnaire de Proust ( le saint homme) vous donne de l’urticaire. Et vous vous refusez à pondre l’un de ces dithyrambes pleins d’arrogance qui tonne, pour qui veut bien le lire entre les lignes, que l’écriture est votre futur métier.

Allons bon.

Vous réfléchissez un instant, vaguement ennuyée. Vous voyez difficilement ce que vous pourriez raconter d’original qui puisse valoir la peine d’être lu.

20 ans. Parisienne.

Un cursus incertain, furieusement teinté de grec et de latin. C’est votre snobisme, vous en avez bien conscience, dans cette société qui ergote de plus en plus la légitimité d’études comme les votre. Dieu sait que vous les aimer pourtant : Stace, Catulle, Eschyle, Sophocle… Vous n’en finissez pas de vous délecter des merveilles de la tragédie et du symbolisme de la mythologie. La Sorbonne vous récompense assez d’avoir peiné pendant deux ans dans les couloirs austères d’une de ses classes préparatoires dont on fait tant d’histoires. A présent, vous revivez. Les feuilles barbouillés de dessins futiles et les livres entamés dans tous les coins de votre chambre témoignent assez de cette renaissance tant attendue. Après réflexion, vous décidez que vous passerez sous silence votre caractère tyrannique et impulsif qui vous met si souvent mal à l’aise…

Et d’ailleurs, vous ragez à demi-mots d’avoir choisi dans vos jeunes années, un pseudonyme aussi ridicule que celui sous lequel vous vous êtes à nouveau inscrite ici. C’est un moindre mal, évidemment, mais auriez aimé faire mieux.

Avant de vous aventurez dans des considérations inutiles, vous abandonnez ça et là quelques informations truculentes sur votre compte.

Vous lisez Baudelaire, Rimbaud, Hugo…

Vous chérissez Gide lorsqu’il envoûte Nathanaël, les romans de Camus et son « Caligula », le théâtre de Sartre, les « Enfers » de Dante, le Spleen des Romantiques, les cris de la poésie engagée, le génie de Lautréamont et la cruauté de Laclos (et l’inverse également…)

Vous aimez le clair-obscur et les portraits ambigus, la subtilité dans les intrigues, les histoires douloureuses, les héros qu’on veut détester et les méchants que l’on a du remord à trop aimer…Votre cœur va vers les mangemorts de l’auteur en vogue du moment, une certaine JKR qui fait hausser les épaules à vos camarades lettrés.  

Vous collectez les citations, un autre de vos vices, « vous aimez ces petits morceaux d’intelligences ». Mais vous ne savez pas trop à laquelle céder le privilège de la première page. Quelques vers ? Vous en aimez peu. Et puis vous en voyez une qui vous tente assez finalement. Vous ne l’avez encore pas trop usée et elle symbolise bien la raison pour laquelle vous « publiez » des fics :