« Que reste-t-il de nos amours ? Que reste-t-il de ces beaux jours ? Une photo, vieille photo... De ma jeunesse... » Charles Trenet –Que reste-t-il de nos amours ?- Que reste-t-il... ? Les méandres du passé sont si tortueux, les photos ne sont que les représentations des barques que nous utilisions. Mon alliance brille doucement à la lueur de la cheminée, et les cadres étincellent. Ma photo de mariage au centre, vaste comédie que ce mariage avec Ginny mais si nécessaire pour l’équilibre. Je ne l’ai jamais aimée, ou plutôt j’ai cru mais non, il n’y a pas d’explications, je l’ai trompé de nombreuses années et je la trompe encore. Mon amant est décédé il y a peu. C’est assez long comme histoire, et je suis fatigué, j’entends les talons de Ginny claquer furieusement dans le couloir. -Harry ! Nous sommes en pleine RECEPTION ! De quel DROIT t’enfuis-tu dans la bibliothèque ? Elle est furieuse, ses rides se creusent encore plus, elle a mal vieilli, elle n’a que quarante-cinq ans et en paraît soixante, sa robe bleue ne dissimule pas le poids qu’elle a pris en vingt-cinq ans de mariage, et après cinq enfants. Mon verre de whisky m’est plus attractif que son corps, ma cigarette plus délicate que ses cheveux grisonnants. -Ginny, laisse moi s’il te plaît, va dire que je me sens mal, raconte ce que tu veux mais laisse moi seul. Je la sens s’adoucir, je sais qu’elle ferme les yeux et qu’elle inspire doucement. -Bien, reviens dans la soirée quand même, je vais leur dire que tu as une urgence. -Merci Ginny. Et elle m’abandonne à mes souvenirs, la boîte d’ébène posée sur la table basse me demande silencieusement de l’ouvrir. Elle renferme ses souvenirs, nos souvenirs. Mon Dieu, Blaise, pourquoi es-tu parti ? Maintenant, je me demande, que reste-t-il de nos amours ? Te souviens tu de cette chanson française que nous avons entendu, un soir à Paris alors que nous étions en mission pour le ministère ? Je l’écoute souvent, sais tu que j’ai demandé à Draco de me la traduire ? Il m’a regardé un peu bizarrement en me disant que c’était une musique des années quarante. Je lui ai simplement sourit, il n’aurait pas compris. Paris, je m’en souviendrais toute ma vie de ce séjour, c’était quelques jours après mon mariage, on y avait été envoyé, toi, Draco et moi en tant que représentants du ministère. Nous avions bien bu le soir là et les parisiennes étaient vraiment fan de notre accent. Et puis, on a disjoncté, Draco qui commençait à perdre lentement mais sûrement le contrôle de ses mains qui se baladaient partout sur moi et toi qui me réclamais et je t’ai préféré. Ironique, quand on sait que j’avais longtemps été attiré par Draco, à peine marié je trompais Ginny, je l’ai trompé avec toi et Draco. Juste vous deux. Pas tout le temps, juste quand je n’en pouvais plus. Tes lettres me sont d’un certains secours, je te vois, plume entre les dents, assis à ton bureau tandis que je somnole sur ton lit. Je me souviens de ton sourire taquin tandis que tu caresses mon dos avec ta plume, puis, tu délaisses ton outil pour me torturer de tes doigts. Rien qu’à ces souvenirs mon corps ressent ce manque. Tes doigts sur ma chair, dans mon corps, tes lèvres qui me parcourent. Ta langue qui me titille, tes dents qui me mordille, tes mains qui me font gémir. Ton obscénité délicate et délicieuse, ton sexe en moi qui se mouvait, qui me faisait hurler. Tes gémissements de gorge, tes doux cris qui résonnaient dans mon corps, me faisant vibrer, nos corps, nos cris, complémentaires, en harmonie comme une symphonie. Notre amour était la plus belle des chansons, ce sont les derniers mots de ta dernière lettre. Tu es mort peu de temps après. Et Charles Trenet résonne dans ma tête, cette chanson que tu fredonnais sans cesse. Et, je me demande ce qui reste de nous deux, un souvenir tellement fort que, en y repensant j’en tremble. Je me dis parfois que ce n’était pas permis, de t’aimer ainsi et de tromper ma femme de cette manière. Elle ne l’a jamais su que je l’avais trompé. Elle me tuerait et je pourrais te rejoindre. Blaise, mon amour. Puisses-tu me pardonner ma lâcheté ? Mon dieu, je t’aime. Toi, ton souvenir, ton corps, ta voix, ton souffle, je t’aime entier. Putain, je tombe dans le mélodrame du souvenir, et voilà que je pleure, j’ai mal, mal à en hurler. Mais je me tais noyant ma rage dans mon whisky et dans les souvenirs, laissant danser nos portraits dans leurs cadres car, après tout, il ne reste que ça de notre amour...et, doucement, la boîte à musique que tu m’as offerte tombe sur le sol, laissant s’échapper notre chanson... « Que reste-t-il de nos amours Que reste-t-il de ces beaux jours Une photo, vieille photo De ma jeunesse Que reste-t-il des billets doux Des mois d’avril, des rendez-vous Un souvenir qui me poursuit Sans cesse » La musique s’arrête et doucement la porte s’ouvre, laissant pénétrer le doux parfum de Draco. -Harry ? Viens, tout le monde t’attends, ne reste pas là à te morfondre, Blaise ne l’aurait pas supporté. Sa main chaude se pose sur la mienne, froide. Et je le vois fermer mes yeux et ramasser les photos sur le sol, souriant dans les larmes qui commencent à inonder son visage d’ange. FIN |