« Regarde, Rose ! Je crois que c'est Poudlard ! »
Deux yeux ébahis collés à la fenêtre du compartiment contemplaient avec émerveillement la silhouette sombre du château de Poudlard se dessiner au détour d'une montagne. Le scintillement des lumières sur le lac en contrebas offrait aux élèves un spectacle magnifique.
« Waaaah ! C'est trop beau ! » s'exclama Rose en souriant à Albus.
Quand Albus posa un premier pied sur le quai de la gare de Pré-au-Lard quelques minutes plus tard, il ressentit un mélange complexe d'excitation et d'angoisse, une angoisse si grande qu'elle prit finalement le dessus et le laissa si étourdi que quand il eut fini de descendre du train, il n'eut plus qu'une seule envie : y retourner.
« Ne sois pas un tel lâche, Al' » dit Rose derrière lui en le poussant pour qu'il ne rebrousse pas chemin.
Albus suivit finalement la file des élèves se dirigeant vers l'avant du quai où, à travers la pénombre, il pouvait déjà distinguer la silhouette haute et imposante d'Hagrid. Cette figure familière le rassura quelque peu, et il avança d'un pas plus assuré jusqu'au groupe d'élèves de première année regroupés autour du demi-géant.
« Bonjour Hagrid ! s'exclama Rose, qui semblait bien plus confiante que tous les premières années réunis autour d'eux.
- Bonjour Rose ! Tes parents se portent bien ? Je ne les ai pas vus depuis quelques mois déjà. »
Rose hocha vigoureusement la tête.
« Oh, mais c'est Albus ! s'exclama soudainement Hagrid en apercevant le fils d'Harry à coté de Rose. Comment vont Ginny et Harry ? Passe mes félicitations à ta mère dès que possible, ajouta-t-il plus bas en se penchant vers Albus.
- Pourquoi ? » demanda celui-ci en fronçant les sourcils. Sa mère n'avait rien accompli qui méritait de félicitation depuis qu'elle avait quitté l'équipe de Quidditch des Holyhead Harpies des années plus tôt quelque temps avant la naissance de James – à part peut-être quelques bons articles qu'elle avait pu écrire dans la Gazette du Sorcier quatre ans plus tôt pendant la Coupe du monde.
Devant son incompréhension Hagrid parut soudainement très gêné et son gros visage rougit à tel point qu'on aurait pu le confondre avec une grosse tomate.
« J'aurais pas du dire ça… Ecoute, oublie ça. »
Mais Albus ne put oublier, et sa curiosité eut du mal à se tarir alors qu'ils arrivaient près du lac de Poudlard.
« Tu ne voudrais pas arrêter de marcher sur ma cape ! dit un garçon blond quelques rangs plus hauts d'Albus et Rose, en se retournant vers la fille contre laquelle il criait. Je ne suis pas un vulgaire tapis !
- Eh ben, y en a un qui ne manque pas de caractère dis moi » lui souffla Rose avec un sourire aux coins des lèvres, mais son sourire se fana soudainement quand elle se rendit compte de l'identité du garçon. « Hé, dit-elle à son cousin en attirant son attention avec un léger coup de coude. C'est Scorpius Malfoy. »
C'était le fils de l'homme blond que son père avait regardé très étrangement sur le quai à King's Cross. A la place de la fille, il aurait sauté au cou de ce Malfoy sans hésiter. Il n'était pas de nature bagarreuse, mais lui avait appris à se faire respecter.
« Nous y voilà, dit Hagrid de sa grosse voix. Montez dans les barques à présent. Pas plus de quatre ou cinq par barque. Je monterai dans la dernière. »
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La Grande Salle était plus impressionnante que tout ce qu'Albus avait pu voir dans sa vie. Alors que les premières années marchaient d'un même pas vers la table imposante des professeurs, Albus leva les yeux au ciel et il resta bouche bée. C'était comme regarder le ciel étoilé, mais avec l'impression d'être bien plus près des étoiles. Pourquoi James ne lui avait-il pas parlé de ça ! En parlant de son frère, il tenta de le trouver parmi les élèves dans la Grande Salle, mais tout ce qu'il réussit fut de marcher sur la robe de la fille devant lui, et il s'excusa confusément. A ses cotés, Rose essaya de ne pas rire trop fort. Un coup de coude plus tard, la jeune fille semblait calmée, au grand soulagement d'Albus. Il ne désirait pas particulièrement se faire remarquer dès le premier jour.
Le directeur adjoint - un certain Slughorn - qui était également le directeur des Serpentard, les accompagnait. C'était un très vieil homme – Albus aurait pu parier un Gallion qu'il avait plus de cent ans – plutôt gros, avec une énorme moustache poivre et sel qui lui dissimulait à demi le visage - ce qui était plutôt une bonne chose, pensa Albus à la vue de ses deux yeux proéminents globuleux.
« Mr Rusard, le Choixpeau s'il vous plait »
Le concierge de Poudlard s'avança dans l'allée jusqu'à eux, un imposant morceau de chiffon noir dans les mains. Mais lorsqu'il le posa sur un tabouret, Albus se rendit compte que le chiffon en question était en fait un très très vieux chapeau. Décidément, tout semblait bien vieux et rapiécé ici.
« Tu te souviens, ma mère nous avait parlé de Choixpeau, lui chuchota Rose qui se tenait toujours à coté de lui. C'est lui qui décide de nous placer dans une des maisons de Poudlard. »
Albus hocha la tête, en essayant d'ignorer son estomac qui se tordait douloureusement dans son ventre. Finalement, la douleur disparut lorsqu'il éclata de rire, accompagné de la plupart des premières années autour de lui, quand le Choixpeau se fendit en deux et se mit à chanter d'un ton enjoué une chanson à la gloire de Poudlard. La prestation fut largement acclamée par l'ensemble des élèves, et Albus en oublia presque ce qui devait se passer par la suite.
Slughorn déroula un long parchemin et il se mit à lire les noms des premières années, qui les uns après les autres allaient jusqu'au Choixpeau, le posaient sur leur tête, s'asseyaient sur le tabouret et attendaient avec plus ou moins d'appréhension le nom de la maison de Poudlard dans laquelle ils étaient sur le point de passer les sept prochaines années. Albus essaya de retenir le visage et le nom des élèves envoyés à Gryffondor, mais tous ses efforts furent réduits à néant quand un garçon blond s'avança jusqu'au Choixpeau et monopolisa soudainement toute son attention. C'était Scorpius Malfoy. Le Choixpeau ne prit pas trop de temps à réfléchir et il fut très vite envoyé à Serpentard. Albus fronça les sourcils et il lança un regard interrogateur à sa cousine.
« Je comprends mieux pourquoi papa voulait tant que je le surpasse à l'école. C'est un Serpentard, tout comme devait l'être son père. »
Albus comprit que ce Scorpius devait en fait être le fils du rival de son père et de l'oncle Ron quand ils étaient encore tout les deux à Poudlard. L'oncle Ron avait souvent parlé de lui – et pas en très bon terme – par contre son père n'aimait pas trop aborder ce sujet. Albus savait qu'il n'aimait pas trop parler de la rivalité entre les deux maisons de Poudlard et le fait qu'il ait donné à son propre fils les prénoms de deux hommes ayant appartenus aux deux maisons antagonistes y était sûrement pour beaucoup. Ce que lui avait dit son père sur le quai à propos de Serpentard lui revint en mémoire, et cela réussit à le soulager un peu.
Pourtant, quand son tour vint et qu'il dut marcher sous les yeux de tous jusqu'au tabouret, son estomac se réveilla à nouveau et se fut rempli d'appréhension qu'il enfila le Choixpeau et s'assit gauchement sur le tabouret.
« Oh, encore un Potter, parla une voix grave qui semblait sortir tout droit de l'intérieur de sa tête. Je vois que tu possèdes de très grandes qualités. Le choix n'est pas difficile, cependant. »
Albus se sentit soulagé en entendant cela. Finalement il n'aurait pas du s'en faire. Il allait aller à Gryffondor, tout comme son frère.
« Gryffondor ? Non, mon garçon ! Je vais plutôt t'envoyer à... »
Albus sentit son cœur sauter à l'intérieur de sa poitrine lorsque le Choixpeau annonça d'une voix forte :
« SERPENTARD ! »
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Fermer les yeux ne servait à rien. A chaque fois qu'il les rouvrait, la tenture de son lit ne changeait malheureusement pas de couleur. La pilule était dure à avaler, mais Albus devait bien admettre qu'il était à Serpentard, que le Choixpeau avait décidé de l'y envoyer, et qu'il ne lui avait pas du tout laissé le temps de contester cette décision.
Il l'a fait pour moi, lui revint en mémoire les paroles de son père. Devait-il le croire encore à présent ? Si le Choixpeau lui avait laissé le choix à lui aussi, il aurait mille fois préféré être à Gryffondor avec James et Rose. Mais non, lui était à Serpentard, et cette décision sans appel sonnait comme une condamnation.
L'un d’eux était un Serpentard et il était probablement l'homme le plus courageux que j’aie jamais connu. C'était la seule pensée qui pouvait consoler Albus. Son père lui avait souvent parlé d'Albus Dumbledore, qui avait été un peu comme un grand-père bienveillant pour lui selon ses dires, mais il ne savait pas grand-chose à propos de Severus. Mise à part qu'il avait été professeur de potions, directeur de Poudlard et qu'il était mort « en héros », Albus ne savait rien de lui. Il n'avait en fait jamais vraiment demandé à son père, et ce denier n'en avait jamais dit plus non plus.
Soupirant longuement, Albus se consola à l'idée qu'être à Serpentard allait peut-être finalement l'aider à découvrir plus facilement de choses sur l'homme de qui il avait hérité son deuxième prénom. Les élèves devaient bien savoir quelque chose à son propos, ou au moins trouverait-il quelques indices en regardant attentivement les trophées et parchemins qui ornaient la Salle commune, et dont certains semblaient appartenir à un très lointain passé.
Il n'était décidément pas en état pour s'endormir. Sa tête était noyée de réflexions, et il semblait impossible pour Albus à cet instant de mettre tout ça dans un coin de son esprit pour y repenser plus tard.
Tirant lentement la tenture verte de son lit, il sortit son corps de la chaude couverture, glissa ses pieds au sol et sortit d'un pas souple et discret de son dortoir en prenant garde à ne se cogner à aucun lit. La Salle commune était vide, à son grand soulagement. Il s'avança dans la lumière verte diffusée par l'eau du lac sous lequel avait été construire la pièce, et s'approcha de l'immense cheminée qui trônait en son centre. Les braises encore allumées à l'intérieur diffusaient une agréable chaleur et il s'assit sur le tapis tout près. En soufflant légèrement sur les braises il parvint à rallumer quelques flammes qui s'occupèrent de consumer les quelques morceaux de bois qui avaient été épargnés par le feu.
Bien qu'il n'ait pas souhaité se retrouver ici, il devait bien avouer que l'endroit était très agréable. Certes la décoration n'était pas des plus chaleureuses – les murs étaient en pierre brut, ce qui donnait à la pièce un aspect assez semblable à une caverne – mais Albus aimait l'atmosphère qui s'en dégageait. Ses yeux s'attardèrent un instant sur les figures compliquées gravées sur le manteau de la cheminée. Ce qu'il appréciait tant dans cet endroit lui apparut alors comme évident. C'était le mystère qui s'en dégageait.
Il frotta ses yeux douloureux hypnotisés par les flammes dansant dans l'âtre. L'odeur et le bruit du bois crépitant lui étaient familiers, ce qui l'aidait à se sentir bien. Il ramena ses genoux contre sa poitrine et ferma les yeux. Le silence de son dortoir, seulement perturbé par les respirations endormies de ses camarades, n'avait réussi qu'à asseoir et accroître son angoisse. Ici par contre, il se sentait apaisé. La tête posé sur ses genoux, il se sentait tomber peu à peu dans un léger sommeil.
Il sursauta en entendant des pas légers venir dans sa direction. Une ombre apparut à sa droite et il leva le visage pour tenter de voir le visage de celui qui osait rompre l'apaisement qu'il avait enfin trouvé en se retrouvant seul ici. La lumière diffusée par les flammes déclinantes de la cheminée ne lui permit cependant pas de voir qui était le garçon.
« Qu'est-ce que tu fais assis-là ? » demanda celui-ci d'une voix peu amicale. Albus pouvait même distinguer une certaine pointe d'agacement.
« Et toi que fais-tu ici à cette heure ? rétorqua-t-il.
- Tu m'as réveillé en sortant du dortoir.
- Oh… » Albus ne s'attendait pas à ça. « Désolé » dit-il simplement.
Le garçon s'accroupit à coté de lui et tourna son regard vers le feu. Son visage fut aussitôt baigné de lumière et Albus le reconnut. C'était Scorpius Malfoy. Ses cheveux blonds plutôt longs étaient quelques peu ébouriffés et quelques mèches lui tombaient sur le visage. Quant il tourna son visage vers Albus, il ne semblait pas être en colère cependant, plutôt curieux.
« Tu n'arrivais pas à dormir ? lui demanda-t-il.
- Non.
- Difficile la première nuit loin de papa maman, hein ? dit-il moqueur.
- Ce n'est pas ça » se défendit Albus. Mais il n'osa pas en ajouter plus. Il détourna le regard et fixa à nouveau l'âtre. Le garçon l'agaçait, mais sa présence n'était cependant pas désagréable.
« Tu t'appelles Potter, c'est ça ?
- Oui, Albus Potter, répondit Albus en fixant à nouveau le garçon, étonné que celui-ci connaisse son nom.
- Moi c'est Scorpius Malfoy, dit-il en lui tendant une main, qu'Albus serra aussitôt.
- Je sais, laissa-t-il échappé et Scorpius fronça les sourcils. Je veux dire, j'ai entendu ton nom lors de la Répartition.
- Personnellement, je connais ton nom parce que mon père m'a parlé de toi. »
Albus resta bouche bée pendant un instant devant l'honnêteté du garçon. Un point pour lui, pensa-t-il. Puis il ne put s'empêcher de poser la question qui le taraudait :
« Et qu'est-ce que ton père t'a dit à propos de moi ? demanda-t-il en haussant un sourcil interrogateur.
- Que tu es le fils d'Harry Potter, bien sûr.
- Tu connais mon père ? »
Albus ne comprit pas le sourire en coin qu'arbora alors le garçon.
Scorpius était étrange, mystérieux même. Et cette caractéristique n'était pas pour déplaire à Albus, bien au contraire. Scorpius lui apparaissait finalement plutôt sympathique, mais il était un Serpentard, et James lui avait toujours dit de se méfier des Serpentards. Il sourit en se souvenant soudainement qu'il était à présent lui-même un Serpentard. Devait-il se méfier aussi de lui-même ?
« Pourquoi tu souris ? demanda Scorpius.
- Parce que je viens de me rendre compte que j'étais un Serpentard maintenant, répondit simplement Albus.
- Pourtant l'idée ne semblait pas t'enchanter tout à l'heure pendant la Répartition. Tu tirais une de ces têtes pendant le repas !
- Je sais. Je ne m'attendais pas à être à Serpentard, c'est tout. Ma famille a toujours…
- … été à Gryffondor, oui je vois ce que tu veux dire. J'aurais sûrement réagit de la même manière si le Choixpeau m'avait envoyé là-bas. Mais tu sais, j'ai entendu tes prénoms tout à l'heure lors de la Répartition et Severus Rogue a été le directeur de Serpentard pendant longtemps, donc ne soit pas si…
- Comment connais-tu ce nom ?! » s'exclama Albus d'une voix forte, et Scorpius plaqua une main sur sa bouche pour le faire taire.
« Chut ! Ne réveille pas tout le monde ! dit-il d'une voix agacée en désignant d'une main la porte menant aux dortoirs.
- Pardon, s'excusa Albus en rougissant. C'est juste que je ne connaissais moi-même pas son nom et je me demandais justement… »
Il se tut brusquement en réalisant qu'il risquerait de passer pour un idiot en continuant. Scorpius le fixait déjà d'un air interrogateur. Il secoua brièvement la main en chuchotant un rapide « oublie ça » et tourna son regard de nouveau vers le feu – du moins ce qu'il en restait à présent – en essayant d'ignorer le regard insistant du garçon.
« Je te rappelle que tu m'as réveillé en plein milieu de la nuit, que tu m'as forcé à venir ici alors que je dormais encore quelques secondes plus tôt…
- Je ne t'ai pas forcé à venir ici ! protesta Albus en veillant à garder sa voix basse cette fois-ci.
- … alors maintenant tu vas me dire très vite ce qu'il en est sur Severus Rogue, sinon tu risques vraiment de regretter de m'avoir réveillé ! »
Les yeux gris de Scorpius lançaient de tels éclairs qu'Albus n'hésita pas longtemps avant de tout lui raconter. Il lui expliqua donc qu'il ne savait pas grand-chose sur l'origine de son deuxième prénom, mais qu'il voulait justement profiter du fait d'être à Serpentard pour découvrir quelques détails intéressants, d'autant plus que le silence de son père à ce propos attisait plus encore sa curiosité. A la fin de sa tirade, Scorpius affichait un regard sérieux – et pas du tout moqueur comme Albus s'y était attendu.
« Je pourrais te dire tout ce que je sais sur Severus Rogue, si tu veux » lui proposa-t-il.
Albus ne put pas croire à sa chance et il afficha un large sourire. Il ne pensait pas que cela allait s'avérer aussi facile.
« Mais ! Parce qu'il y a un mais... »
Le sourire d'Albus se fana soudainement.
« En échange, dit Scorpius, promet-moi de faire quelque chose pour moi. »
Albus acquiesça rapidement, légèrement inquiet pour la suite.
« Promet-moi que la prochaine fois que tu te lèveras en pleine nuit…
- Je ferais attention de ne plus te réveiller, oui, promis, finit Albus soulagé que ce ne soit pas autre chose.
- … tu viendras me réveiller, corrigea Scorpius, les yeux brillants. Mon père m'a toujours dit que la nuit est le moment propice à beaucoup de choses, mais dormir n'était pas dans ses recommandations.
- Où veux-tu en venir ? demanda Albus les sourcils froncés.
- Je suis sûr qu'il y a beaucoup de choses à voir dans ce château la nuit. Et on formerait une super équipe tout les deux, tu ne crois pas ? »
Albus répondit avec franchise au large sourire de Scorpius. Il allait peut-être finalement se plaire à Serpentard… qui sait ?
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