Malfoy secoua la tête pour y chasser les nombreux flocons de neige qui s'étaient logés dans ses cheveux. Perdant légèrement l'équilibre, il sembla préférer descendre du rebord glissant. Se tournant légèrement vers l'ouverture qui donnait sur les escaliers, il aperçut Harry, et son visage pâle se tordit en un rictus.

« Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-il en s'approchant du brun, l'ait agacé.

- Et toi ? »

Draco fusilla d'abord Harry du regard puis, secouant la tête, l'air résigné, il lui tourna à nouveau le dos. Harry pris son geste comme un encouragement et il s'avança jusqu'à lui, ses pas crissant dans la neige fraiche. Les mains dans les poches, debout juste à coté de Malfoy, il admira le paysage qui s'offrait à lui du haut de la tour d'Astronomie. Alors que le ciel était sombre et couvert à cette heure avancée du soir, le blanc de la neige éclatait avec splendeur dans la plaine autour d'eux et sur les montagnes au loin. Des flocons de neige tombaient silencieusement offrant une atmosphère apaisante. Après plusieurs longues minutes de contemplation, Harry se souvint soudainement de ce qu'il l'avait amené jusqu'ici et il soupira. Il leva les yeux vers le visage de Malfoy, mais celui-ci semblait à nouveau perdu dans ses pensées. Harry s'éclaircit la gorge et Malfoy bougea imperceptiblement à coté de lui, semblant revenir à la réalité.

« Tu m'as suivi jusqu'ici, Potter ? » demanda-t-il de son habituelle voix trainante sans pour autant lui adresser un regard.

Harry fixa un instant le visage de Malfoy et, étonné, constata que son expression n'était pas celle à laquelle il s'était attendu. Malfoy avait parlé d'une voix agacée, mais son visage était resté stoïque. Il détourna le regard, troublé, et posa à nouveau ses yeux sur le paysage enneigé.

« Oui, je t'ai suivi » admit-il finalement en haussant les épaules. Il attendit une réaction de Malfoy mais aucune ne vint alors il poursuivit : « J'avais besoin de te parler seul à seul. »

Malfoy tourna alors son regard vers lui et haussa un sourcil sceptique.

« Seul à seul… ?

- Oui. »

Il entendit le blond soupirer légèrement à coté de lui.

« Tu sais que tu n'es pas censé faire ça, Potter. Je suis sous surveillance judiciaire jusqu'à mon procès. J'ai reçu une interdiction totale de parler en privé avec qui que ce soit d'ici là. Cela ne t'exclut bien entendu pas.

- Je suis au courant, Malfoy. »

Leurs regards se croisèrent l'espace d'un instant, puis Malfoy détourna les yeux en soupirant à nouveau.

« J'avais oublié que tu étais au-dessus des lois, c'est vrai » dit-il d'un ton sarcastique, mais une nouvelle fois, son visage était resté impassible.

Le trouble qu'Harry avait ressentit quelques secondes auparavant revint aussitôt. Comment pouvait-il rester aussi calme ? Malfoy semblait avoir tellement changé. Bien sûr leur antipathie réciproque n'avait disparut, mais elle ne s'exprimait plus de la même manière et surtout semblait avoir perdu tout de son intensité d'autrefois. C'était si troublant de se retrouver là en sa compagnie, et ne pas recevoir ou envoyer des répliques mordantes comme ils en avaient pris tout les deux l'habitude.

« Ton absence à la cérémonie de ce soir a été très remarquée, reprit Malfoy d'un ton neutre. Ils s'attendaient tous à t'entendre prononcer un discours mièvre à en faire fuir un Puffskein, puis à te congratuler pendant des heures en s'extasiant du triomphe du Bien sur le Mal pendant le reste de la soirée. »

Harry éclata d'un rire franc, et Malfoy le fixa d'un air légèrement surpris.

« Je n'aurais pas pu en dire mieux, Malfoy. Tu sais, je partage tes sarcasmes à ce propos. D'où mon absence. Poudlard a survécut aux siècles, aux guerres… à Fred et George même d'ailleurs, ajouta-t-il avec un léger sourire nostalgique, aux Serpentards… »

Son sourire s'agrandit quand il aperçut une lueur de colère dans les yeux de Malfoy.

« J'imagine qu'il pourra survivre sans moi » conclut-il en haussant les épaules, toujours souriant. « Mais la réouverture de Poudlard n'est pas ce à propos de quoi je suis venu te parler ce soir. Je suis simplement là pour te rendre ce qui t'appartient, Malfoy. »

Le blond lui lança un regard intrigué et sa bouche s'ouvrit de surprise quand Harry sortit une baguette de la poche de sa cape. Il la lui tendit avec un léger sourire. Malfoy s'en empara d'un geste rapide et il la scruta avec attention, oubliant de refermer la bouche. Harry eut un petit rire à cette image et Malfoy lui lança un regard noir en serrant de manière instinctive sa baguette contre lui.

« Après la bataille, je me suis soudainement retrouvé avec trois baguettes et je t'avoue que la mienne me suffisait amplement. Cela fait déjà plusieurs semaines que je cherche à te la restituer mais… et bien tu es plutôt bien surveillé, Malfoy, tu le sais sûrement mieux que moi.

- Tu es au courant que je ne suis pas censé faire de magie jusqu'à mon procès aussi, j'imagine ? demanda Malfoy tout en caressant sa baguette d'un geste qui ressemblait à s'y méprendre à de la tendresse.

- Je sais, souffla Harry en hochant la tête. Mais ce que le ministère de la Magie ne sait pas ne le tuera pas, n'est-ce pas ? »

Malfoy afficha à nouveau un air surpris. Puis une ombre passa soudainement dans ses yeux et l'expression de son visage se durcit. Il fusilla Harry du regard et lui jeta négligemment sa baguette dans les mains.

« Je n'ai pas besoin de ta pitié, Potter, cracha-t-il d'un ton sec en le repoussant brutalement. Je n'ai besoin de la pitié de personne.

- Oh oui… Certainement, Malfoy… C'est ma pitié et non la tienne, qui importe à présent, énonça Harry d'une voix blanche en lui rendant son regard noir. Tu t'en souviens, n'est-ce pas ? »

Malfoy lui lança un regard meurtrier, mais ses yeux trahissaient son trouble.

« Oui, Malfoy, j'étais là sur cette même tour, cachée sous ma cape d'invisibilité à t'observer le soir de la mort de Dumbledore. J'ai suivi avec attention votre petite conversation. Et j'ai remarqué ton trouble quand il t'a proposé de combattre à ses cotés avec l'Ordre du Phénix. Tu n'as besoin de la pitié de personne, hein ? En es-tu si sûr ? Si Dumbledore n'avait pas eu pitié de toi ce soir-là, serais-tu encore de ce monde aujourd'hui ?

- Qu'est-ce que tu veux dire, Potter ?

- Dumbledore avait demandé à Rogue de te surveiller, il savait parfaitement ce que tu préparais, qu'on t'avait confié la difficile tache de le tuer. Tu crois toujours que Rogue était du coté de Voldemort, n'est-ce pas ? Tu crois toujours que le vieux fou s'est trompé en lui faisant confiance. Que son erreur lui a couté la mort, hein ? Tu te trompais et tu te trompes toujours, Malfoy ! Dumbledore avait tellement pitié de toi qu'il est allé jusqu'à demander à Rogue de le tuer pour que tu n'aies pas à la faire toi-même, pour que tu ne perdes pas le peu d'innocence qu'il te restait encore. Il a eu pitié de toi, et c'est sa pitié qui pourrait très bientôt te sauver la peau. Ils ne pourront t'accuser d'aucun meurtre, et tu pourrais t'en tirer grâce à cela. »

Au départ, Malfoy le fixa avec un mélange d'étonnement et de méfiance, qui se transforma peu à peu en une rage furieuse. Il se jeta soudainement sur lui et en à peine une seconde, Harry se retrouva étendu dans la neige, à moitié assommé et le regard hagard. A califourchon sur lui, Malfoy l'attrapa par le col de sa robe et rapprocha son visage du sien, plongeant son regard dans ses yeux.

« Je n'ai besoin de la pitié de personne, Potter, susurra-t-il, les dents serrées de rage. Et encore moins de celle d'un lâche tel que toi. Pourquoi n'as-tu rien fait pour sauver Dumbledore puisque tu es si fort ? Pourquoi m'as-tu laissé le tenir en joue pendant tout ce temps, et pourquoi as-tu laissé Rogue le tuer, puisque tu es si brave ? J'aurais peut-être eu pitié de toi, qui sait ? Tu es tellement lâche…

- NE ME TRAITE PAS DE LACHE ! » hurla Harry.

Dans sa colère il réussit à retourner la situation et se retrouva au-dessus de Malfoy, sa main autour de la gorge du blond.

« Touché, Potter ? se délecta Malfoy d'une voix froide en haussant un sourcil provocateur.

- Tu n'es plus en mesure de faire de sarcasme, Malfoy », souffla Harry en resserrant sa prise sur sa gorge, le faisant légèrement suffoquer.

A présent, son visage était si proche de celui de Malfoy qu'il pouvait sentir son souffle rapide sur ses joues. Un léger trouble dut passer dans son regard à ce moment là, parce que Malfoy afficha alors un sourire suffisant et il lui lança d'une voix moqueuse :

« Oh, mais tu serais peut-être bien pédé, Potter ? »

Malfoy ne vit pas arriver le coup de poing qui s'écrasa violemment sur son visage un instant plus tard. Gémissant, les lèvres en sang, il accusa le coup. Harry profita de ce moment de flottement pour resserrer sa prise sur sa gorge et il l'obligea à se redresser. Il le fit s'adosser aux remparts derrière lui, et s'agenouilla dans la neige en le fixant d'une colère froide.

« Tu sais quoi ? commença-t-il d'une voix emplie de haine. Tu as raison, Malfoy, j'ai pitié de toi. Tu es tellement… pathétique… »

Malfoy cracha à la figure d'Harry, la salive pleine de sang, et en retour il reçut un second coup de poing furieux qui lui explosa le nez. Un filet de sang s'échappa de sa bouche alors qu'il laissait échapper un nouveau gémissement de douleur. A présent, la haine déformait totalement le visage d'Harry. Il serra rageusement la gorge de Malfoy sous la fureur. Une lueur de panique apparut alors dans les yeux du blond et il tenta de le faire lâcher prise en agrippant ses mains.

« Lâche… moi… » suffoqua-t-il, les yeux exorbités.

Se rendant soudainement compte de ce qu'il était en train de faire, Harry le tira brusquement en avant et laissa Malfoy s'écraser lourdement la tête la première sur le sol enneigé de la tour. Encore fou de rage, il l'attrapa par les cheveux, lui faisant relever son visage meurtri et ensanglanté. Des gouttes de sang tachaient la neige, l'empourprant progressivement. Harry se pencha sur lui et colla sa bouche sur son oreille.

« Je te souhaite de pourrir pour le reste de ta vie à Azkaban, Draco », murmura-t-il, avant de le relâcher brusquement, son nez ensanglanté s'écrasant brutalement dans la neige.

Malfoy poussa un gémissement de douleur qu'Harry n'entendit que de manière étouffée. Tenant son poing douloureux en grimaçant, il avait déjà quitté la tour, après avoir jeté négligemment la baguette de Malfoy dans la neige derrière lui.

La scène se brouilla. L'entrée du douze Square Grimmault remplaça petit à petit le décor hivernal et un Harry Potter au visage joyeux – qui contrastait largement avec celui grimaçant de haine qui avait quitté la tour d'Astronomie quelques secondes plus tôt - se précipita jusqu'à la porte d'entrée où quelqu'un venait de frapper. Son sourire s'effaça soudainement quand il aperçut le visage désagréable de Malfoy derrière la porte. Il lui offrit un regard noir et s'apprêtait à lui refermer la porte au nez, mais Malfoy glissa rapidement son pied dans l'entrebâillement, l'en empêchant.

Harry le fixa avec agacement. Il jeta un rapide coup d'œil derrière lui, l'air paniqué, mais les rires et exclamations derrière lui le rassurèrent, confirmant que personne n'avait remarqué ce qui se passait à l'entrée. Il se retourna vers Malfoy et soupira en apercevant son regard déterminé.

« Qu'est-ce que tu fais là ? » demanda-t-il d'une voix ennuyée.

Un sourire moqueur apparut sur le visage du blond.

« Je n'ai pas envie de rire, Malfoy, et encore moins en ta déplaisante compagnie. Comment sais-tu où j'habite ? Et comment es-tu arrivé jusqu'ici ? Je croyais que tu étais sous surveillance judiciaire, tu n'as donc rien à faire là. »

Il lui adressa un nouveau regard noir et Malfoy soupira.

« J'avais besoin de te parler… »

Il hésita avant d'ajouter les yeux brillants :

« Seul à seul. »

Harry réprima un sourire. Ce connard ne pouvait pas l'amadouer avec de l'humour. Il n'avait jamais pu l'encadrer et cela n'allait pas changer de si tôt.

« Je n'ai rien à te dire, Malfoy. Et de toute manière je suis en pleine fête d'anniversaire, donc tu n'as qu'à revenir plus tard… »

Il tenta de fermer la porte mais le pied de Malfoy la bloquait toujours. Il le fusilla du regard puis comprit avec regret que le blond ne partirait pas tant qu'il ne lui aurait pas parlé. Une nouvelle fois, il se retourna rapidement pour s'assurer que personne ne s'était aperçut de l'identité de son visiteur, puis il sortit dans la rue, bousculant Malfoy au passage qui se rattrapa à la rambarde des escaliers pour ne pas tomber. La porte du numéro douze claqua, enfin libérée. Harry se tourna vers Malfoy et avec un dernier soupir, lui fit signe de le suivre. Il traversa la rue et pénétra dans le square face à la maison.

Il se retourna légèrement pour s'assurer que Malfoy le suivait bien avant de bifurquer sur la droite. Arrivé sous un immense chêne, il prit appui contre le tronc avec nonchalance et fit face à Malfoy, croisant ses bras sur sa poitrine pour se donner une certaine contenance. Il haussa un sourcil impatient quand Malfoy resta à la fixer plusieurs secondes, muet.

« Je suis tout ouïe, Malfoy, alors parle avant que je ne perde patience. Mon filleul m'attend et…

- C'est bon, Potter, j'ai compris, le coupa le blond de sa voix trainante.

- Alors parle qu'on en finisse. »

Malfoy le fixa un bref instant, l'air hésitant, avant de lâcher, d'un ton neutre :

« Je voudrais que tu témoignes en ma faveur à mon procès. »

Harry ne réagit par immédiatement. Avait-il bien entendu ? Le regard sérieux de Malfoy répondit à sa question. Il soupira lourdement et se passa une main dans les cheveux, quelque peu incrédule.

« Tu sais que tu as un putain de culot, Malfoy ? Je te souhaitais Azkaban à vie il y a encore six mois et aujourd'hui, toi tu viens me demander de t'aider à tout faire pour te l'éviter… ? »

Malfoy hocha la tête mais son regard ne perdit rien de sa détermination.

« Désolé, mais tu ne veux pas qu'on t'aide par pitié, tu te souviens ? lança Harry d'un ton rude en se redressant. Il va falloir que tu te démerdes tout seul… comme un grand… Je ne peux pas te sauver la vie tout le temps, après tout… », finit-il avant de commencer à lui fausser compagnie.

Malfoy le rattrapa fermement par le bras. Harry soupira et il leva son regard vers lui. Malfoy le fixait de manière incertaine et il semblait chercher ses mots. Puis il prit une profonde inspiration et planta son regard acier dans celui d'Harry en resserrant sa prise sur son bras.

« J'ai besoin de ton aide, Potter. »

Harry resta soufflé. Jamais il ne pensait un jour entendre ça de la bouche de Malfoy. Jamais.

« Content ? » ajouta le blond en affichant une grimace de dégout.

Harry éclata de rire à la vue du visage de Malfoy, mais son rire se bloqua dans sa gorge quand le blond lui enfonça douloureusement sa baguette dans la gorge.

« Ne te fous pas de moi ! s'exclama-t-il en le fusillant du regard.

- Ca va… Malfoy..., prononça Harry difficile, et la pression sur sa gorge se fit plus douce. Laisse-moi au moins profiter de l'instant… »

Il fit une courte pause puis reprit, une lueur triomphante dans les yeux :

« … avant de m'embarquer là-dedans et d'accepter de t'aider. »

Harry posa sa main sur le bras de Malfoy pour le faire lâcher prise et ce dernier abdiqua sans effort. Il semblait être bien trop abasourdi pour réagir. L'étonnement n'était pas quelque chose qu'Harry avait eut très souvent l'occasion de lire sur le visage pâle de Malfoy, mais cela lui allait bien mieux que le sarcasme et la haine. Il paraissait plus accessible ainsi, plus humain.

« On se voit donc prochainement, Malfoy… à ton procès », dit-t-il d'une voix calme et une lueur de gratitude sembla briller l'espace d'un court instant dans les pupilles du blond.

Il lui tendit la main et Malfoy la serra, sans pour une fois qu'ils ne s'écrasent mutuellement les doigts. Harry lui adressa un léger sourire puis il commença à s'éloigner. Après quelques pas, il se retourna brièvement vers lui et lui lança d'une voix amusée :

« Et tâche de ne pas te faire prendre avec ta baguette d'ici là. Je ne voudrais pas avoir à expliquer au Magenmagot à son complet comment elle s'est retrouvée en ta possession… et comment, grâce à elle, tu as pris la liberté de visiter Londres pendant tout ce temps… »

La scène se brouilla une nouvelle fois et le décor se transforma en une immense pleine verdoyante présentement noyée sous un violent orage d'été. Une pluie drue et violente tombait du ciel orageux, et un coup de tonnerre raisonna quelque part dans le ciel sombre. Près d'un bosquet d'arbre quelques mètres plus loin, plusieurs pierres tombales étaient regroupées, leur silhouette se dressant sinistrement vers le ciel. L'une d'elle était couverte de fleurs, une silhouette humaine à ses cotés.

Harry plissa les yeux pour mieux la distinguer et un éclair lui offrit furtivement la vision d'un Draco Malfoy trempé, agenouillé devant la tombe en fleur, la tête baissée. Il s'approcha lentement de la scène en frottant d'une main agacée son visage où des gouttes de pluie venaient lui piquer les pommettes et les yeux derrière ses lunettes. Arrivé tout près de Malfoy, à présent un peu plus à l'abri de la pluie sous les arbres, il tenta d'accrocher son regard pour signaler sa présence, mais ses cheveux blonds dégoulinants tombaient sur son visage, le dissimulant totalement à Harry.

Il reporta son attention sur la pierre tombale qui se dressait devant lui et lut les inscriptions gravées en or sur le marbre gris :

Lucius Malfoy
1954 – 1999
Memento quia pulvis es

Il fronça les sourcils, tentant de saisir le sens des mots latins, mais ses connaissances linguistiques étaient bien trop modestes. Ses yeux se posèrent à nouveau sur Malfoy et il croisa son regard.

« Je suis sincèrement désolé pour ton père, Malfoy. »

Sa voix n'avait pas été plus forte qu'un murmure. Malfoy se redressa, passant une main tremblante dans ses cheveux trempées. Ses yeux et son visage étaient rouges, mais devant Harry il semblait s'efforcer d'afficher une expression neutre. Il hocha simplement la tête, acceptant les mots d'usage qu'il avait déjà très certainement entendu des dizaines de fois ce jour-là, puis il s'adressa à Harry d'une voix légèrement cassée :

« Je n'ai pas encore eu l'occasion de te remercier pour ce que tu as fais pour moi et ma mère, Potter.

- Ce n'est peut-être pas le bon moment… dit Harry en levant la main pour qu'il ne poursuive pas ses remerciements, mais le blond repoussa son bras et ouvrit la bouche pour parler. Ecoute, Malfoy, le coupa-t-il en secouant la tête. J'ai simplement dit la vérité, c'est tout. Et je suis satisfait que cela ait pu vous aider…

- Tu as peut-êtresimplement dit la vérité, Potter, mais tu aurais pu ne rien dire du tout. Sans ton témoignage, j'imagine que je croupirais à Azkaban aujourd'hui et…

- Et cela n'a aucune importance. Le fait est que tu n'y es pas, alors ne cherchons pas à savoir ce qui aurait pu arriver, puisque ça n'est pas arrivé.

- Tu parles comme Granger, tu sais. »

Un léger sourire se forma sur les lèvres d'Harry. Il dirigea son regard vers Malfoy, s'attendant à découvrir une expression moqueuse sur son visage mais ce dernier s'était détourné et il fixait à nouveau la tombe grise de son père, la tête basse. Harry regarda, hypnotisée, une petite mèche de ses cheveux blonds glisser lentement sur son visage. Il eut l'envie soudaine de la lui glisser derrière l'oreille. Il retint brusquement son geste en sursautant. Par Merlin, qu'est-ce qui lui prenait ?

« Tu ne serais pas pédé, Potter ? »

Malfoy s'était redressé et il le fixait à présent d'un regard froid et cruel. Ses mots déclenchèrent en Harry une brutale montée de honte et de colère. Il serra les poings rageusement et s'apprêtait à se jeter sur lui, mais Malfoy posa une main sur son bras pour l'apaiser. Harry lui lança un regard rancunier et le blond lui répondit par un léger sourire d'excuse.

« Je plaisantais, Potter.

- Menteur, murmura Harry d'un air accusateur.

- Bien ! si tu veux… tempéra Malfoy en levant les mains devant lui. Peut-être que je le pensais, très bien. Quoiqu'il en soit je n'ai pas envie de me battre avec toi aujourd'hui, d'accord ? Je viens d'enterrer mon père et…

- Tu fais comme si c'était moi qui t'avais provoqué, Malfoy ! s'exclama Harry, avec un regard noir. Ce n'est pas moi qui viens tout juste de t'insulter !

- C'était mérité ! se défendit Malfoy en lui rendant son regard. Tu agis comme un putain de pédé, Potter ! Déjà sur la tour d'Astronomie, et aujourd'hui encore ! Et qu'est-ce que tu es venu foutre ici, d'abord ? Tu t'es dit que dans mon deuil tu pourrais profiter de moi, c'est ça ? Tu crois vraiment que je vais me consoler dans les bras de bébé-Potter ? Oh ! mais laisse-moi deviner… encore une fois cette pitié, hein Potter ? »

Harry l'écouta débiter sa litanie, la bouchée ouverte et les yeux exorbités. Il n'arrivait pas à croire ce qu'il entendait. Comment Malfoy pouvait-il lui dire des choses pareilles ? Il secoua la tête et tenta de fermer son esprit pour ne plus entendre les mots blessants qui sortaient encore de la bouche de Malfoy, mais les insultes s'insinuaient malgré lui dans sa tête, faisant battre son cœur à tout rompre.

« FERME-LA ! » hurla-t-il soudainement, tremblant de rage.

Le silence tomba brusquement dans la plaine. Les yeux clos, le cœur encore bondissant, Harry prit plusieurs profondes inspirations. Autour d'eux, la pluie semblait s'être arrêtée et il entendait seulement le clapotis régulier des gouttes de pluie tombant des feuilles de l'arbre au dessus de lui. Il soupira, encore tremblant, puis ouvrit lentement les yeux. Il crut tout d'abord que Malfoy n'était plus là, qu'il était simplement partit, mais en baissant les yeux il le vit, assis dans l'herbe mouillé devant lui. Il était recroquevillé sur lui-même, le corps secoué de sanglots. Le cœur d'Harry se pinça douloureusement et il se maudit intérieurement. Bien sûr que Malfoy n'avait pas totalement pensé ce qu'il venait de lui dire. Il était simplement triste et désespéré après la mort de son père et Harry avait été son défouloir l'espace d'un instant. Quel con il faisait !

« Eh… Malfoy… commença-t-il d'une voix apaisante en posant une main hésitante sur son épaule.

- Qu'est-ce que tu veux, Potter ? demanda Malfoy d'une voix étouffée. Tu vas me consoler en me lançant une nouvelle fois un sort cruel dont tu as le secret ? »

Harry sentit son cœur se pincer à nouveau et il tenta de refreiner le sentiment de culpabilité qui s'immisçait lentement en lui. Ce n'était pas le moment pour les remords.

« Non, dit-il d'un ton qu'il voulut le plus ferme possible. Je veux juste que tu saches que je suis là… »

Malfoy renifla et Harry roula les yeux. C'était déjà assez difficile d'agir ainsi avec lui, ses sarcasmes ne l'aidaient certainement pas. Mais il les mit sur le coup de l'habitude et décida de ne pas y faire attention.

Il resta un long moment debout près de Malfoy, la main sur son épaule, perdu dans ses pensées. Puis le blond commença à remuer légèrement en reniflant discrètement. Harry retira sa main. Levant son visage vers lui, Malfoy plongea ses yeux gonflés dans les siens et Harry lui tendit la main pour l'aider à se relever. A présent face à face, les yeux brillants, ils se fixèrent longuement. Soudainement, de manière totalement inattendue, Malfoy se pencha vers lui et il posa ses lèvres sur les siennes, les paupières closes. Les yeux grands ouverts, Harry resta interdit, totalement figé. Puis Malfoy se recula et sa bouche se tordit en un rictus de dégoût.

Le décor se brouilla. A présent, il se trouvait dans la rue principale du Chemin de Traverse.

L'endroit avait profondément changé depuis la mort de Voldemort, et semblait avoir retrouvé son atmosphère joviale qui l'avait toujours caractérisé. L'air était frais, mais le soleil brillait faisant étinceler l'épaisse couche de neige qui recouvrait la rue. Des enfants courraient sur les allées, et leurs rires résonnaient entre les murs des magasins, donnant du baume au cœur aux nombreux passants.

Harry, emmitouflé sous une épaisse cape d'hiver, déambulait parmi la foule, le visage caché sous l'ombre de son chapeau. Dans ses bras, Teddy, son filleul, la tête capuchonnée posée sur son épaule, regardait paisiblement les gens autour d'eux, bercé par les mouvements réguliers de la marche de son parrain. Parfois, quelques passants se retournaient sur eux, en souriant tendrement à la vue de l'enfant.

Arrivé près de Fleury et Bott, qui semblait bondé en cette veille de Noël, Harry se mit en retrait du flot incessant des passants, et il posa doucement Teddy par terre.

« Andromeda avait raison, j'aurais mieux fait de te poser chez Molly avant de venir ici, souffla-t-il en se massant douloureusement la nuque.

- Tata Moyi ? s'exlama Teddy avec joie et ses yeux se teintèrent de rose.

- On ira chez les Weasleys demain, mon grand. Pour le moment, il faut qu'on trouve quelque chose pour Hermione. Tu vas m'aider à lui trouver un cadeau de Noël, d'accord ? »

Teddy hocha fébrilement la tête. Harry remit sa capuche en place avec un léger sourire, puis se redressa et le prit par la main.

« Quelle scène touchante, Potter », s'éleva alors une voix trainante, terriblement reconnaissable.

Harry stoppa net et ses yeux croisèrent ceux de Draco Malfoy. Son corps agit de manière automatique et il eut un mouvement d'agacement.

« Fais-moi plaisir pour Noël, Malfoy, tu veux bien ? siffla Harry en gardant sa voix basse afin que Teddy ne l'entende pas. Dégage de mon chemin. »

Ils se fusillèrent mutuellement du regard, puis Malfoy baissa les yeux vers l'enfant aux pieds d'Harry et sa bouche se tordit d'un rictus méprisant. Instinctivement, Harry rapprocha Teddy de lui.

« Toi et Weasley n'avez apparemment pas attendu pour répandre votre sang impur, grimaça Malfoy, mortellement sérieux. Je ne savais pas que tu avais déjà de la marmaille, Potter. Les journaux auraient-ils oublié d'en parler ? »

Harry éclata d'un rire franc, l'agacement le quittant aussitôt. Comment ce crétin pouvait-il croire que Teddy était son fils ? Autour d'eux, quelques personnes se retournèrent pour voir ce qui se passait, et Harry enfonça un peu plus sa tête sous son chapeau, en continuant à rire. Malfoy semblait s'offusquer de sa soudaine hilarité, mais il fallut à Harry plusieurs secondes avant qu'il ne parvienne à se contrôler. Il inspira profondément, l'air froid brulant légèrement sa gorge puis, enfin calmé, plongea son regard dans celui du blond et y lut une profonde fureur.

« Tu ne te lasses jamais de te foutre de ma gueule, Potter, susurra dangereusement Malfoy, la mâchoire serrée.

- Et toi tu devrais peut-être être un peu plus observateur, répliqua Harry en réprimant un sourire. Teddy a plus d'un an et demi. Tu crois vraiment qu'il y a deux ans, alors que Voldemort et le Ministère était à mes trousses, j'ai eu le temps de penser à construire une famille ? Et tu penses vraiment que j'aurais risqué ma vie pour toi dans la Salle sur demande si ça avait été le cas ?

- Je ne t'ai rien demandé, Potter.

- Tu as raison. Pas cette fois en tout cas. Mais n'est-ce pas toi qui es venu me supplier l'année dernière de t'empêcher Azkaban à vie ? Ni toi qui as pleuré sur mon épaule cet été... ? »

Baissant rapidement les yeux vers Teddy, qui les fixait avec curiosité, il se rapprocha quelque peu de Malfoy et baissa le ton :

« Ni toi qui m'as embrassé, Malfoy ? Parce que je sais ce qui est en train de se passer en toi, en ce moment-même. Tu es jaloux... »

La mâchoire de Malfoy tomba.

« Parce que même si tu n'assumes pas ce que tu as fais sur la tombe de ton père, tu ne peux pas t'empêcher d'être jaloux de moi. Et quoi de pire que de me voir avec de la marmaille, comme tu le dis si bien. Et qui sait, peut-être marié ? Cela signifierait que je ne veux pas de toi, qu'il n'y a pas de place pour toi dans ma vie déjà parfaite. Mais ne te méprend-pas, Draco... »

Harry approcha encore son visage.

« Il n'y a pas de place pour toi. Même si je ne t'ai pas repoussé ce jour-là, je n'aurais jamais pu répondre à ton baiser, parce que je sais qui tu es. Et, d'une manière ou d'une autre, je ne désire pas me risquer à fréquenter des gens tels que toi. Je ne suis pas marié, non, malgré ce que tu as pu croire. Et Teddy n'est que mon filleul. Mais toi... »

Il fixa un instant le regard brillant du blond, avant de finir, d'un ton froid :

« ... toi, tu n'es rien pour moi. »

Ne désirant pas voir la réaction de Malfoy, il se pencha, prit Teddy dans ses bras puis entra sans se retourner dans la boutique bondée de Fleury et Bott.

La scène changea à nouveau. De la musique rythmée et des éclats de rire raisonnaient à présent dans la nuit, et l'ambiance semblait être à la fête. Des dizaines de personnes dansaient jovialement sur une piste de danse, dont Ginny, vêtue d'une longue robe blanche, qui riait avec Hermione en bougeant au rythme de la musique. Harry, habillé d'une magnifique robe de sorcier, discutait près d'une table avec un grand sorcier noir à la voix grave qui portait un anneau d'or à l'oreille. Après un dernier signe de tête, Harry s'échappa de la compagnie du ministre de la Magie, Kingsley Shacklebolt. Il attrapa trois Bièraubeurres pleine sur la table et se dirigea vers la piste de danse, où il était attendu.

Il contourna la piste, pour éviter de renverser les boissons. Passant près d'une tente, il fut soudainement tiré en arrière. Par réflexe, il ne lâcha pas les Bièraubeurres ce qui l'empêcha d'amortir sa chute avec ses mains, et il tomba lourdement sur les fesses. Le liquide sucrée se déversa sur lui et trempa ses vêtements. Il grimaça en se relevant péniblement et tenta de voir qui l'avait tiré derrière la tente. Mais d'ici les lumières de la fête étaient plus faibles et il n'arrivait pas à distinguer quoique ce soit dans le noir. Il sortit rapidement sa baguette de sa poche quand il sentit quelque chose bouger à sa droite, mais avant qu'il n'ait pu faire un geste, un poing arriva de nulle part et s'écrasa violemment sur sa figure. Le coup lui fit aussitôt lâcher sa baguette qui tomba à ses pieds dans le noir. A moitié assommé, il tituba en gémissant, et une main s'agrippa soudainement au col de sa robe pour l'empêcher de tomber à nouveau au sol. La vision brouillée par le sang, Harry tenta de voir son agresseur. Son cœur bondit quand il capta son regard.

Le décor autour de lui changea pour la dernière fois. Il essuya rageusement une larme sur sa joue. Les dernières volutes de fumée du Poudlard Express s'évaporaient dans l'air d'automne alors que lui et Ginny marchaient jusqu'à la sortie du quai, Lily derrière eux. Alors qu'ils passaient à quelques mètres d'une jeune-femme et d'un homme aux longs cheveux blonds, Harry vit son corps se raidir. Jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière la barrière magique, Draco Malfoy le suivit des yeux, le visage impassible. Son regard, remarqua Harry avec douleur, exprimait un intense sentiment de rancune mêlé d'une étrange affection.

Harry laissa échapper un sanglot étranglé en s'effondrant, le cœur lourd, dans son fauteuil de bureau. Il posa son regard sur la Pensine toujours posée sur son bureau et de laquelle de diffusait toujours une douce lueur argentée. Il retint un nouveau sanglot, alors que des images de ce qu'il venait de revivre s'insinuaient par flash dans son esprit. Il inspira profondément pour se ressaisir, secoua la tête avec un air grave puis renifla bruyamment.

« Papa ? »

Il sursauta et se retourna pour apercevoir la silhouette frêle de sa fille dans l'encadrement de la porte.

« Pourquoi tu pleures ? »

Lily le fixait de ses grands yeux verts encore innocents, inquiète. Harry lui sourit pour la rassurer et elle s'avança jusqu'à lui avec un sourire timide. Il replaça une mèche de ses cheveux roux derrière son oreille dans un geste tendre et le sourire de sa fille s'agrandit. Elle essuya avec un de ses petits doigts une larme sur la joue de son père, y déposa un baiser, puis sortit du bureau.

Harry, pensif, fixa un long moment l'endroit où sa fille venait de disparaitre.

A présent, il se rendait compte à quel point il avait été stupide de replonger dans ces souvenirs. Il aurait du faire comme il l'avait planifié dès le début et les laisser se perdre loin de son esprit, enfermés dans cette foutue fiole. Draco Malfoy n'avait été qu'un épisode malheureux et sans importance de sa vie et ne devait jamais devenir plus que cela. Parce que si cela arrivait un jour, Harry était parfaitement conscient qu'il risquait de perdre plus que sa vertu. Il risquait de perdre Ginny et avec elle les enfants. Il risquait de perdre son filleul, ses amis… Tout bonnement, il risquait de perdre sa vie.

Cela valait-il vraiment le coup ? Peut-être pour certaines raisons… mais pas pour d'autres, qui lui paraissaient aujourd'hui plus importantes.

En fait, la chose était à la fois complexe et évidente.

Ce qui était évident c'était qu'il ne devait plus jamais penser à Draco Malfoy. Il ne devait plus jamais penser aux choses agréables qu'il avait pu ressentir en sa compagnie. Il ne devait plus jamais penser à son visage quand il souriait, à ses lèvres contre les siennes cette journée d'été, à son regard ce jour-là sur le quai.

Ce qui était difficile à accepter cependant, c'était le fait que Draco Malfoy avait certainement suscité en lui de bonnes choses, mais que, par la force des choses, celles-ci devaient dormir à jamais en lui. Il ne devait plus jamais les faire se réveiller à nouveau.

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