Only when I lose myself
It’s only when I lose myself
in someone else
that I find myself...
(Martin L. Gore)
C’est seulement lorsque je me perds à l’intérieur de quelqu’un d’autre que je finis par me trouver moi-même.
Je suis si vide à l’intérieur, tu comprends, qu’il faut bien que je trouve quelque chose pour me remplir.
Alors, je cherche, je n’arrête jamais de chercher ce qui pourrait combler ce vide.
Des livres, des tas de livres, un simulacre de culture autodidacte pour dissimuler à quel point je suis creuse. Des tonnes de sujets d’intérêt dont je finis par me lasser au bout de six mois – simplement parce qu’au fond, je ne m’y intéressais pas tant que ça.
Simplement parce qu’au fond, je sais que je pourrais essayer de remplir tout ce vide encore et encore, il resterait toujours autant de néant.
Des hommes, des dizaines d’hommes, pour tenter de remplacer l’amour par le sexe, un ersatz de sentiment pour dissimuler à quel point je suis seule.
Pour avoir l’illusion qu’il y a quelque chose à l’intérieur de moi qui n’est pas complètement mort. Pour donner le change et faire croire que ma vie est bien remplie, alors qu’au fond, je sais bien que ça ne suffit pas.
Des amis, un nombre incalculable de relations superficielles en réalité, pour dissimuler le fait que je n’ai personne sur qui vraiment compter.
Parce qu’au fond je préfère faire la fête avec des gens qui ne me connaissent pas, plutôt que d’avouer que ça ne va pas à des personnes qui me connaissent trop et pourraient pointer du doigt toutes mes faiblesses et tous mes défauts.
Je suis si laide à l’intérieur, tu comprends. Il faut bien que je me camoufle. Il faut bien que je me déguise.
Alors, je souris, je suis celle qui sera toujours là pour aller boire un verre ou danser toute la nuit, celle qui préfère ne penser à rien plutôt que de penser qu’elle a mal.
Il faut bien porter le masque. Je suis si faible à l’intérieur, tu comprends.
Alors tous les jours, j’enfile mon armure de vêtements. Des vêtements excentriques, choquants, provocants parfois – une armure qui m’expose autant qu’elle me protège du regard des autres. Une armure pour qu’on me montre du doigt et qu’on murmure sur mon passage, pour que je rajoute encore des protections.
Pour que personne ne devine ce qui se cache derrière, jamais.
Je suis si laide à l’extérieur, tu comprends. Il faut bien que je maquille tout ça, pour que personne ne comprenne ce que je suis à l’intérieur.
Alors tous les jours, je hisse mes couleurs, je me fais princesse au teint de pêche et aux yeux de velours, reine cruelle à la bouche écarlate. Je pose sur mon visage un masque avenant, grotesque ou effrayant.
Comme un clown grimaçant qui dissimule sous le rire la laideur de son âme, comme une Colombine qui se farde pour ne pas révéler la tristesse de son cœur. Et jour après jour, les masques se superposent, les couches d’argile s’empilent les unes sur les autres comme une carapace de plus en plus solide.
De plus en plus lourde.
Je suis si fatiguée à l’intérieur, tu comprends.
J’attends le jour où les masques se briseront sous leur poids, où l’armure s’effondrera sur elle-même en m’écrasant dessous. Ce jour-là, je me dis qu’il ne restera que du vent, et peut-être que je me sentirai plus légère, puisque je n’ai aucune substance. Puisque je n’ai rien qui me retient, rien à quoi m’attacher, puisque j’ai fait tout ça pour me protéger et qu’au fond, je sais bien que c’est la raison pour laquelle je n’ai rien.
Je suis si triste à l’intérieur, tu comprends.
Je suis si seule à l’intérieur, tu comprends.