Vous voulez voir comment je vis au boulot ? Je baigne dans CA : (Exemple de la vie quotidienne, là c’est un peu après l’arrivé du sieur Je-bosse-pas-pour-le-café. Occasionnellement, c’est Pascal qui va pas être content avec son café "je veux pas qu'on augmente son prix sinon je me suicide ohlala".) - -Eh bien Chantal, t’as pas l’air de très bonne humeur. -Non. Mon ordinateur portable me fait un caca nerveux, et j’ai perdu mon fichier sur la fiabilité du système basique de l’anti-virus D60 je sais plus quoi… - D60-120R Shooting. Merci de t’en rappeler, c’est moi qui ai donné le squelette. - -Ah merde. -Comme tu dis... 8 pages word ! Avec une superbe mise en page, j’arrive pas à le croire. Je vais me faire fusiller. - 8 ? C’est tout ? - -Comment ça se fait ? -Je sais pas, il s’est mis à planter, j’avais beau cliquer partout il ne me répondait plus. Dire que je lui faisais complètement confiance à c’t’ordi. - Oh oui, c’était ton confident, ton ami, ton amant, tu ne vivais que pour lui, il ne vivait que pour toi… Vraiment, comment elle parle de son outil de travail… C’est un ordinateur, ma vieille. Son espérance de vie est de trois ans, quatre maxi. Et l’informatique c’est pas fiable à 100. Tu vis dedans, tu travailles dedans. Tu devrais le savoir. - -Mais tu l’as éteint et rallumé ? Il ne fonctionne plus du tout ? -Il se bloque dès que je veux ouvrir quelque chose. Ca m’embête beaucoup, j’en ai besoin. Tu ne pourrais pas essayer de le réparer ? -Désolé, moi c’est pas mon truc. - Non, c’est pas ton truc. Tu bosses dans l’informatique depuis des années, tu t’occupes de logiciels pare-feu, mais quand y’a le feu tu peux rien faire. C’est dément. Dis plutôt que ça te fais chier parce que ça fait pas partie de tes heures sup et que c'est pas rémunéré, on comprendra mieux. - -Demande à Jean-Claude. -Il est occupé. - Mon cul, ouais. - -Alors à Sébastien. -Occupé. -Et Marie ? -Occupée. - C’est les chiottes. Ils sont tous occupés. - -Alors à… -Mmm… t’es sûr ? - Ah. Je sens qu’on parle de moi. Même mon nom les effraie. C’est tripant. Comment je les entends ? En fait on bosse tous ensemble dans une grande salle. Nos tables de bureau et notre petit espace intime ne sont délimités que par des faux murs, encore ici, gris, qui ne montent pas jusqu’au plafond. Il suffit que je me penche en arrière pour voir les deux rangées de « boxes », comme je les appelle, dans le couloir où je suis. - -Ben… pas trop le choix. -Non. Je préfère acheter un nouveau portable que de parler à ce… cette personne. - Alors soit ils croient que je ne les entends pas, soit ils font exprès de dire ça pour tenter de me faire me sentir coupable. Ce qui entre nous me fait tellement rire intérieurement. Cette idiote préfère dépenser un truc comme 1200 euros plutôt que me demander que je répare son bébé gratuitement… mais jusqu’où va la connerie humaine ? Ca me dépasse, en tout cas. Restons les yeux rivés sur l’écran, sérieux et totalement prit par ce que nous faisons et faisons semblant de ne pas écouter. - -Ou alors… tu es encore sous garantie ? -Ben non, ça fait trois ans que je l’ai. J’avais une garantie de deux ans. - C’est con, hein ? - -Y’a sûrement quelqu’un dans la boîte qui pourrait t’aider. -Ca, je me le demande. Ils ont tous des Mac ou alors ils ne peuvent pas pour une raison ou pour une autre. Et mon mari, c’est même pas la peine de lui demander, il a déjà du mal avec son coucou… - La question est : va-t-elle faire appel à Super Yuy ? Avec ses Super Pouvoirs de Merlinpinpin l’Enchanteur d’ordinateur en rébellion ? Que je vous explique un truc. Dans la boîte, personne ne m’apprécie vraiment. C’est compréhensible du fait que quand ils me parlent, je peux pas m’empêcher de leur foutre un râteau parce qu’ils m’énervent. Mais comme je suis le seul doué de l’équipe, quand y’a un truc qui va pas, genre l’ordi d’une collègue lâche, ou l’imprimante qui déconne, c’est « (à l'aide !) Yuy… vous pouvez faire quelque chose ? ». C’est pas la supplication, mais plutôt le dénigrement. De toute façon, la supplication ça marche pas avec moi. Je préfère encore qu’on me parle avec froideur qu’avec hypocrisie. J’accepte, parce que je sais le faire et parce que mon psy m’a dit qu’aider les gens leur fait plaisir. Dans le cas de cette bande d’imbécile, ça leur fait pas plaisir que ce soit moi qui leur rend service, mais le résultat est le même : ils ont ce qu’ils veulent. Et ils arrêtent de faire chier le monde. - -Franchement, tant pis hein. Tu lui demandes et c’est tout. -Oui, pour recevoir une de ses petites remarque comme celle qu’il a fait à Marie il y a deux semaines. - Oh. Ils font tous une fixation dessus. C’est maladif. Ok, ça faisait longtemps que j’avais pas fait chialer une nana (vieille en plus). Mais merde, ils peuvent pas aller de l’avant ? C’était y’a deux semaines ! C’est fini ! Au moins elle met plus ce truc rouge. Ca veut dire que j’avais raison. Je lui ai ouvert les yeux. C’est la vérité qui blesse. - -Eh ben tu l’ignores. Mais tu ne vas pas dépenser une somme folle alors que ça peut ne pas te coûter un sou et seulement une mauvaise parole ? -Eh, est-ce que Lisa savait qu’elle tomberait en dépression après lui avoir demandé quelque chose l’année dernière ? - Oula… ça remonte de plus en plus, là. Ils vont chercher très loin. Dommage que ça soit pas le cas pour régler leurs problèmes au boulot. Je l’avais complètement oublié, l’autre nana. Je sais même plus ce que je lui ai dis. - -Deux mois d’arrêt, que lui a donné son médecin. Elle était à ramasser à la petite cuillère. Quel salaud ce type… Je ne comprends pas qu’il n’ait pas été renvoyé. - C’est simple, je fais vivre la boîte. - -Ecoute Chantal, tu lui demandes quand même, et si ça ne va pas, tu me fais un signe. - Elle va quand même daigner se rabaisser pour me demander un service. De toute façon, qu’est-ce qu’ils feraient sans moi ? C’est moi qui répare pratiquement tout, ici. Ils sont trop vieux pour suivre les technologies modernes. Je ne fais peut être pas l’unanimité ici, mais ils sont bien content quand je leur permet d’économiser du pognon. Leur précieux fric qui leur permet de se payer des vacances, ou une nouvelle bagnole, ou alors une console de jeux dernier cri pour leurs gosses. Par contre, pour réfléchir au problème, y’a pu personne. Ah. Elle vient vers moi. Ouh… de près, sa coiffure est encore plus flippante. Ca lui va pas du tout. 37 ans et ses goûts n’ont toujours pas évolués. Non, non, fais pas un pas de plus s’il te plait. Voila. C’est bien. Reste où t’es. - -Yuy, j’ai un service à vous demander, si c’est pas trop demandé… - (T’as dis deux fois demander.) Hoho… le ton glacial prouve qu’elle n’est vraiment pas enchantée de m’appeler au secours. Je pense que c’est pour elle que c’est trop demandé. Moi je m’en fous d’elle. J’en ai rien à foutre qu’elle ait besoin de moi. Puisque je suis là pour ça. Je suis le réparateur-plombier, vous le saviez ? Créer des logiciels anti-virus, c’est juste mon métier secondaire. Je fais ça en option, pour le fun. Bientôt on va me demander de faire le ménage et de repeindre le plafond. - -Hn. -Je sais que je vous importune énooormément, mais j’ai un problème avec mon portable. Et c’est important, j’ai perdu mon dossier de… -Laissez-moi deviner. Vous avez réussi à faire bugger ce pauvre portable avec toute la puissance et le professionnalisme qu’il a dans le ventre ? -… - Continuer à s’occuper de mes affaires sur mon écran et ne pas la regarder, ça les fait tous enrager. Je suis sûr qu’elle fulmine. C’est peut être pour ça que ses cheveux rebiquent dans tous les sens. - -Mais je ne vous ai rien demandé, monsieur… - Elle hausse le ton. J’ai appuyé sur un point perspicace ? - -Si, vous m’avez demandé de le réparer. J’en déduis que vous avez fais une mauvaise manipulation et qu’en tant que perfectionniste de logiciels, vous n’êtes pas capable de venir à bout d’un problème certainement simple contre lequel vous luttez avec votre processeur ? -Bon, si ça vous dérange tellement, je vais demander à quelqu’un d’autre. Je ne peux pas tomber pire que vous question relations sociales. -Non, mais c’est sûr que vous tomberez sur pire que moi question réparation. - Ils croient tous me vanner, avec leurs intonations pincées dans la voix, voire cynique, mais ils me font perdre mon temps. - -Alors c’est oui ou c’est non ? -Ca sera fait pour demain. - Si bien sûr elle a été assez intelligente pour l’amener au bureau aujourd’hui. Oui, ça m’est déjà arrivé qu’on me demande et qu’on l’ai pas sur soi. Et pas qu’une fois. Bon alors, je vais bien voir si elle retourne simplement à sa place et que ça lui trou de cul de dire merci, ou si elle va chercher l’engin. M’étonnerait pas qu’elle ne l’ai pas prit parce qu’il ne marche pas et qu’elle ne veut pas s’encombrer. 2,75 kg, c’est trop lourd. C’est trop d’énergie à fournir. Vous pouvez pas imaginer. - Allez, vu le temps qu’elle met, elle s’est rassise dans son bureau et elle me l’apporte demain. Quelle gratitude. J’accepte de passer ma nuit sur son bébé et elle ne me met même pas au courant qu’en fait elle ne l’a pas emmené. Bravo. C’est vrai, je suis censé deviner. Mais un peu de bon sens ne fait de mal à personne. J’aime à être officiellement informé et en face. « Yuy… aidez moi, mais je vous dis pas quand ! » ‘Tain… - Ah ? Elle l’a ? Eh ben, quel progrès. - -J’ai marqué sur un papier les mots de passe que j’ai mis dans la sacoche. - Ah mais c'est la classe tout ça. Nan parce que figurez vous que la dernière fois qu'on m'a passé un ordi à débloquer, on m'avait pas filer les mots de passe. Du coup j'ai rien pu faire et j'étais bien couillé parce que j'en avais besoin. Si je voulais, je pourrais faire un classeur avec tous les mots de passe qu'on me fourni. - -Je vous le pose à coté de votre chaise. - De rien. Et puis je regarde l’écran, mais le champ de vision humain est un peu plus grand que 30 degrés. - Et… je lui dis pour sa coupe de cheveux ? Parce que… ça fait vraiment peur. Oui ? Non ? Ca va pas faire plaisir à Peacecraft. Ni à elle d’ailleurs. Bon, je suis gentil, je lui dis pas. Conflit intérieur, quand tu nous tiens… - -Euh… au fait, vous vous êtes coiffée avec un pétard ce matin ? - Ca m’a échappé. Je n’ai vraiment pas le contrôle de moi-même. Il fallait que je le lui dise. C’était plus fort que moi. Par contre faudra que j'évite de le dire à ma psy. Elle va encore me faire la morale. - -Je vous ai fais une remarque sur vos chaussures pas bien cirées ? - Mes chaussures ? Qu’est ce qu’elle ont mes chaussures ? Je les cire toutes les semaines. Elle a vu les siennes ? Merde. Je peux pas lui dire pour les siennes, la voila déjà partie. Il va falloir que je regarde discrètement mes grolles pour voir si y’a pas une trace perdue ou alors si c’était juste pour me retourner mon compliment… Pas de trace. C’est bien ce que je me disais. Elle est pitoyable. - -En quoi ça vous regarde, la façon dont elle se coiffe, monsieur… Yuy, c’est ça ? - Et Zorro est arrivééé… Qu’est ce qu’il vient foutre ici, celui là ? Et de quoi il se mêle ? Putain… patron depuis deux jours, et ça y’est il vient défendre sa basse-cour. Il n’a RIEN d’autre à faire? C’est ta copine ? Elle est pas un peu vieille pour toi ? Retourne jouer au golf de bureau, j’ai pas de temps à perdre. - -Je suis un peu maniaque. - L’excuse vraie qui tue. Il ne peut plus m’en vouloir. - -Vous auriez pu vous retenir de dire ça. Comment voulez-vous que l’ambiance reste bonne ? - De. Quoi. Il. Se. Mèle. Putain mais l’ambiance... On s’en fout, l’important c’est que SA boîte tourne. Grâce à qui ? Pas grâce à lui, mais s’il vient se plaindre de l’ambiance, qu’il aille voir ailleurs et qu’il devienne dirlo dans un lycée. Je fais quoi ? Je le teste ? Je prend ce risque ? - -Si vous voulez de la bonne ambiance, la cafet’ c’est le couloir là bas, deuxième porte à gauche. - A moins que ça soit lui qui me teste. A ses yeux qui me fixent, à ce faux petit sourire supérieur et cette position latéralement appuyé contre le mur, il veut me montrer comme tout gosse de riche que, plus jeune que moi, il a un poste bien meilleur et qu’il a tout droit de licenciement sur moi. Connard. Et je suis obligé de le regarder, lui. Parce que sinon les ennuis peuvent vraiment me tomber dessus. - La vache, ces yeux ! Il met des lentilles ou il est aveugle ? J’y crois pas, c’est pas naturel, ça… c’est quoi ? Mauve? Bleu sale ? - -Ce n’est pas à la cafet’ que je trouverai l’ambiance du travail. - Très juste. Mais c’est là où t’as le plus de chance de trouver des groupes qui partagent une de leurs activités préférées. - -Monsieur Yuy, vous paraissez excellent dans votre métier. Ca ne fait pas de vous un excellent collège. - Oh, vraiment ? Et vous, vous paraissez excellent dans la chianterie. Ca ne fait pas de vous un excellent directeur. Mais vous pouvez postulez pour être le défenseur des droits des cons. Lâche moi la grappe. Laisse bosser les pros. Ton air sûr de toi ne m’impressionne pas. T’as 26 ans, j’en ai 27. Je suis ton aîné, même si tu es mon supérieur hiérarchique. Je n’aime pas cette position, une main sur une hanche qui te fait une allure détendue. Avec moi, on est tout sauf détendu. - -Tant que mon travail est bien fait, la sociabilité ça n’est pas mon problème. Si les autres ne sont pas contents, ils n’ont qu’à faire aussi bien que moi. - Tu peux soupirer, j’en ai rien à cirer. - -Oh si, c’est votre problème. J’ai entendu parler de vous, donc je ne m’étonne pas de vos propos. Seulement je n’ai pas qu’un devoir commercial. J’ai aussi un devoir relationnel. Veiller au bien de mes employés, pour moi, c’est comme entretenir les outils qui me permettent de fabriquer quelque chose, de le vendre et par la suite, d’en vivre. Et ne prenez pas la comparaison pour un rabaissement, au contraire. L'artisan n'est rien sans ses outils. - … Ouais, et ? - -J’écoute les gens, et je ne veux pas d’histoires. C’est bon pour les caissières à Cora. Nous sommes une entreprise soudée. Nous sommes dans le milieu supérieur. - … - -Pas à la garderie. Ah bah pour ceux qui voulaient de la confrontation... je confirme, va y avoir des râteaux dans la gueule de certains gboys XD |