-Vous vouliez me voir, monsieur le directeur ? - Je n’arrive toujours pas à m’y faire. Plus jeune que moi, et obligé de l’appeler comme ça. Je n’ai jamais vu de directeur de cet âge. Le paternel a vraiment dû mettre le paquet pour pouvoir lui offrir cette condition. En tout cas, il s’emmerde pas pour me faire chier en pleine concentration, encore une fois. La semaine dernière, ça lui a pas suffit de me faire venir pour rien. Apparemment il a pas bien compris ce que je lui ai dis cette fois là. Je m’arrache les yeux devant un écran alors que lui, déjà, son cul il est confortablement posé sur un fauteuil roulant, que ça le lui trouerait de débloquer des fonds pour nous permettre de nous asseoir correctement sur des vraie chaises, et pas des bouts de plastiques recyclés. - -Monsieur Yuy. Justement je voulais avoir une petite conversation avec vous. - Non sans blague. Je croyais que tu voulais faire une partie de cartes. - -Ca tombe bien, je suis là. - Magie magie, et vos idées ont du génie. - -Je sais que vous êtes là. - A perdre mon temps. Il a fini son petit jeu ? Je peux m’en aller ? - -Monsieur, j’ai devant moi votre dossier et je constate, après près d’un mois de direction, au service de Battlers, que vous êtes un de nos meilleurs éléments. - Oh, merci du compliment. Qu’est ce que tu veux me reprocher ? Nan parce que ça cache quelque chose, là. On me fait pas un compliment comme ça. La dernière fois qu’on m’a dit ça, c’était pour me dire que ma tenue vestimentaire n’allait pas. Faut préciser que l’on vit dans une époque où les dirlos ont des goûts de chiottes et que la mode vaut chère pour ce qu’elle est. - -C’est par exemple vous, je vois, le créateur de Phagocity, l’anti-virus qui a sauvé Battlers il y a cinq ans. - Une gloire. Battlers allait fermer ses portes et se faire bouffer par les concurrents. Et Heero est arrivé. Enfin, j’étais déjà là avant. J’ai juste sorti l'artillerie. - -Cependant… - Ah. Qu’est ce que je disais. Oui mon canard (WC) ? - -Je reçois malheureusement beaucoup de plaintes de vos collègues sur vous. Je n’en ai pas tenu compte au début mais je suis fatigué de répéter que vos problèmes sociaux, qui ne me regardent pas, sont de moindre importance dans le métier que vos collègues exercent. - Ca y’est la grosse vache de secrétaire est encore allé chialer… A moins que ça n’ait été la femme de ménage. Ou les deux. - -Le summum, j’ai même reçu une déposition de démission hier pour cause « d’ambiance déplorable, insoutenable et troubles nerveux ». C’est pour dire de ce que vous faîtes endurez aux autres… - Qui a pu déposer sa lettre de démission pour une cause aussi minable… ? Mmm… Martine l’hystérique ? Celle avec ses chewing-gum ? Lisa la dépressive ? Ouais, ça doit être elle. - -J’ai dû prendre une décision qui ne m’a pas enchanté. - Oh, mon pauvre. Vraiment, toutes mes condoléances. - -Vos collègues vous supportent très mal, voire plus du tout. - Je les emmerde ces feignasses. Pas un pour relever l’autre. Ah c’est sûr, pour se plaindre de la bouffe de la cantine, de leur revenu et de l’ambiance de mon cul, c’est la file. Par contre, pour se creuser la cervelle quant à la qualité des anti-spywares, y’a pu personne. - -Aussi je me vois dans l’obligation de vous licencier. - QUOI ?????????????????!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! - -J'ai... pas bien entendu, là. -Pour le bien de tous, le vôtre aussi, et pour la prospérité de la boîte. - Euh... c'est une blague... ? Il me vire ??? Il débarque comme ça et il me vire ??? - -Alors... vous me licenciez ? Là ? Tout de suite ? Je perds mon emploi ? -Vous comprenez vite, c'est bien. - Il tient si peu à la vie ? Bordel de merde !!! - -Mais enfin ! Vous croyez que c’est grâce à eux qu’on a fait je ne sais plus combien de millions d’euros de bénéfices ?! Qu’on sort chaque année un anti-virus qui tient tête aux plus résistants ?! J’ai créé Phagocity la première fois, et je m’occupe de la plus grande partie des caractéristiques de Shooting ! Si vous me renvoyez vous aurez des juges au cul ! -Techniquement, Battlers ne fait pas de prime à l’individu. Le projet Phagocity a été travaillé par tous. -Vous n’avez pas le droit de me virer ! Je peux vous coller un procès à la tronche ! -Je pense que par rapport à moi vous n’avez pas les moyens de le gagner votre procès si vous vous engagez dans cette voie. Soyez raisonnable, ma tronche est plus coriace que vous ne le pensez. Ne gâchez pas votre vie pour une telle futilité. - Qu’il m’énerve avec ses grands mots… je vais lui faire manger mon poing, il sera peut-être moins calme et posé ! Il n'est même pas ironique ! Il est... tout à fait normal. Pour lui c'est comme si il achetait des patates. Mon sang qui bouillonait à chaque fois que je me prennais la tête avec lui avant est maintenant en erruption. Tout la colère que je ressent envers lui, je la laisse se déverser sans la retenir. Tout la pression accumulée, toute les fois où je me suis contenu devant lui pour éviter au maximum de devenir trop impoli... là je pète un cable. - -Vous faites une monstrueuse erreur. -Règle numéro un, les patrons ont toujours raison. -Règle numéro deux, même quand ils sont cons les patrons ont toujours raison ? -Ne soyez pas offensant, monsieur Yuy. Et ce n’est pas parce que je suis assis et vous non que vous m’impressionnez. Vous tenez vraiment à ce que je vous mette en liste noire, comme ça toutes les entreprises sauront qu’il ne faut pas vous embaucher ? Perdre votre métier ça ne vous suffit pas ? Il faut en plus que vous ayez la certitude de ne pas en retrouver après ? -Je vous demande seulement de réfléchir un minimum avant de prendre des décisions que vous regretterez. -Depuis mon arrivée je n’ai eu que des embrouilles avec vous et à cause de vous. Votre cas ne m’est pas inconnu. Et ne me parlez pas de réfléchir, j'y ai réfléchi et plus d'une fois. Croyez le ou non, cela m'importe peu. -Et c’est en un mois que vous décidez des dix prochaines années d’un homme ?! -Voici la lettre de licenciement. Je vous remercie de vos services. -Allez vous faire foutre, je ne signerai pas. Je ne me ferai pas licencier par un gosse pourri gâté qui a eu son poste comme cadeau pour son bac. -La porte est derrière vous. -La faillite de la boîte aussi. -Je pense vous avoir dis de vous en aller. - Ok. On se calme, on respire. On fait comme ce qu’à dit cette bouffonne de Peace and Love et on tourne sept fois sa langue dans sa bouche. Il me fout à la porte. Ce salaud me fout à la porte. Zen. Je maîtrise la situation. Touuut est sous contrôle. Je vais me calmer, on va discuter et il va changer d'avis. Après il va s'excuser et je vais retourner à mon bureau comme s'il ne s'était rien passé. Et demain je reviens comme d'habitude. Voilà, la vie est belle. Maintenant on parle sereinement à cet ahuri de connard de fils de chiottes qui me dévisage et qui me dit mentalement et avec ses yeux de dégager de son beau bureau avant que je ne casse quelque chose. Je suis calme. On peut y aller. Go. C'est parti. - -Je crois que vous m’avez mal compris… -Moi aussi. C’est pourtant simple, je vous ai gentiment demandé de passer cette porte et… ah et j’aimerai que vous la fermiez derrière vous. - Non mais euh… tu veux pas cent balles et un mars aussi ? Et un cerveau par la même occasion ? Moi j'aimerais que tu ferme ta gueule et que tu m'écoutes. Je suis calme. Toujours. - -Cette porte restera comme elle est tant qu’on ne s’est pas expliqué. -Monsieur Yuy, je n’ai pas que ça à faire… je vous l’ai dis, vos problèmes ne me concernent pas. Et je vous ai tout expliqué. Plus rien ne vous retient ici. Maintenant si vous le voulez bien ou non, la porte... merci. - Tu l'aimes, ta porte, hein ? Ben tu peux te la mettre bien profond. - -Ecoutez. Vous êtes au courant de ma situation professionnelle, je ne sais pas par quel moyen, mais vous êtes au courant. Vous savez que je ne pourrai pas retrouver d’emploi. Et ce poste, je l’ai chèrement décroché. -Moui… qu’est ce que ça peut me faire ? -Je me dis que si vous aviez un peu de bon sens… - Non. J’aurai pas dû dire ça… bon tant pis on continue. - -…vous comprendriez pourquoi il ne faut pas me licencier. -Ah parce que je n’ai pas de bon sens et vous, si ? C’est moi qui démoralise les gens et qui vous agresse dés qu’on me le reproche, peut-être ? - Bon. On va essayer le truc bien chiant de la niaise : se rabaisser et se faire apitoyer. C’est parti. - -Ne soyez pas si… pas humain que moi. -En quel honneur ? - Très bien. Cette psy est définitivement nulle. - -Monsieur le… directeur. Je dois absolument garder ce travail. Vous n’avez pas de réelles bonnes raisons de me le retirer. L'ancien directeur... -Harceler vos associés et maintenant m’insulter ce n’est pas une bonne raison peut être ? Et je ne suis pas l'ancien directeur. - On va sortir les grands moyens et la grande artillerie. Sortez vos mouchoirs. - -Pardon. Vous m’y avez poussé. -Oh. Oh, je suis absOlument désolé. - Et ta débilité aussi elle pousse les bornes. Merde... je peux pas être foutu à la porte... C'est pas possible. Je vais me réveiller parce qu'en fait là je suis en train de rêver... non, plutôt de cauchemarder, et je vais me réviller et tout rentrera dans l'ordre, tout. Tout tout tout. - -Donc en fait vous voulez ruiner ma vie, c'est ça ? -... -Si vous savez que mon antipathie m'est fatal pour une éventuelle embauche et que vous me virez quand même, vous avez vraiment décidé de me pourrir la vie ? Je ne vois que ça comme excuse, et la conclusion de cette histoire. - J'espère que ça te fait réfléchir. Les coudes sur la tables, les mains qui soutiennent la tête, les yeux dans le vague... Fait chier... il faut que je tombe sur un patron qui a gardé sa rancoeur de collégien... Il fronce les sourcils et prend une intonation qui attend en fait une confirmation de ma part. - -Yuy, vous faites-vous suivre ? - Ben voyons. Genre je vais déballer ma vie privée. Mais sinon à part ça, mes problèmes ne te concernent pas, hein. - -Si je vais voir un psychologue ? Soyons franc. Oui. J’en ai même vu plusieurs si vous voulez tout savoir. -Combien ? -Une douzaine. - Pourquoi, tu veux que je te file des adresses ? - -Et ça n’a jamais marché. -Jamais. A part celui que j’avais avant d’avoir ma dernière en date. Je pensais que c’était le mieux de tous les abrutis que j’ai pu voir, jusqu’à ce qu’il me confie à mon actuelle. -Et ça vous aide ? -Je persiste à penser que non. C’est une incapable. -Mais… pourquoi ne changez-vous pas ? -Parce que… - Putain mais pourquoi il me sonde comme ça ?? Qu’est qu’il y a, j’ai une tâche entre les deux yeux ?! Ma coiffure n’est pas en vogue, je sais, mais sérieux, les nattes c’est pour les mecs ?? - -Parce que mon emploi est fixe depuis qu’elle me suit. - C’est ça, croise les doigts devant ton nez, imite les psy. Tu crois que t’as l’air intelligent ? Ben je te rassure pas, c’est pas le cas. - -Elle n’est pas si mauvaise que ça alors, cette dame. - Si. - -… -Quoi qu’il en soit, ne soyez pas trop sévère avec elle. Elle fait certainement tout ce qu’elle peut. Bonne journée. - Non mais attends… j’y crois pas… il va vraiment me virer ??? - -Attendez, vous me licenciez quand même ? -A quel moment vous ai fais-je croire le contraire ? -Vous être un sacré connard. Vous devez bien vous foutre de ma gueule après que je vous ai raconté ma vie privée et mon histoire avec les psy. -Détrompez-vous, je ne me fous pas de votre gueule. Et vous n'êtes pas le seul à aller voir un psychologue. De plus en plus de gens le font, vous n'avez pas à vous en sentir coupable ni d'en avoir honte. -Je ne me sens pas coupable, c'est simplement privé. Vous ne savez pas pourquoi on ne le cri pas sous tous les toits ou quoi ?? -Je ne le répèterai à personne, ne vous inquietez pas. Et de toute façon, j'imaine que ça n'intéresse pas grand monde. -Pourquoi vous m'avez demandez ça ?! -Parce que vous m’intriguez, mais je ne peux tolérer vous voir tout le temps impliqué dans les soucis relationnels de la boîte. - Moi c’est ta connerie qui m’intrigue, trou de balle. - -Si vous me renvoyez… je n’aurai plus les moyens d’aller chez ma psy. - Ah. Ca t’étonne ? T’es déçu ? Bah ouais mon gars, c’est pas remboursé par la sécu cette connerie. Alors soit sympa, pense qu’il n’y a pas que toi qui prends soin de son porte-monnaie. Je sais que ça lui fait pas du bien quand je vais chez la psy une fois par semaine, toutes les semaines, mais ça sera encore pire si j'y vais pas mais que je perds ma paye. Me fais pas ça. Tu peux pas me dégager de cette boîte. J'y suis depuis longtemps, toi t'arrives. C'est pas ton territoire, même si tu l'a annexé. Je me suis pas empoigné avec toi comme avec le Chauve. Et lui a été clément. Il a gardé la tête froide. Il m'a pardonné d'être comme je suis. Tu n'as pas le droit de te croire si supérieur. On ne jette pas un bon outil même s'il présente un défaut. - -Je suis désolé... Heero. |