La suite est là, une semaine après ! Bonne lecture ! Deuxième partie : Quand la princesse enchante le prince. Le soir du Bal arriva rapidement et quand elle partit sur le cheval blanc que je lui offrit, elle me remercia, majestueuse dans sa robe blanche cousue de fils d’argent. Si j’avais eu un cœur sensible, je sais que ma gorge se serait serrée sur les mots que je dus prononcer afin de lui rappeler les engagements du pacte : - Il me faut le vœu Blanche, sinon je reprendrai ce que je t’ai offert. Je n’aime pas travailler pour rien. - Je ne veux pas gâcher la chance que vous m’offrez Rinina. Merci pour tout. Elle se pencha, m’embrassa sur la joue et, drapé d’une capeline blanche cachant sa robe et protégeant sa peau du froid, elle partit au galop. Quand elle arriva au Palais, j’étais déjà installée sur une branche d’arbre et j’observais le Prince David qui s’ennuyait ferme. Assit sur le siège à la droite de son père, il subissait les regards des femmes réunies là : celle venues pour elle-même et celles venues pour leurs filles. Il faut dire qu’en plus d’être de sang royal, il était plutôt séduisant avec ses cheveux noir d’ébène sur lesquels reposait une couronne d’argent et son ensemble bleu nuit qui mettait en valeur sa silhouette fine. Mon plan se déroula encore mieux que prévu car quand Blanche entra dans la salle, le regard de David s’illumina. Avec toute la grâce d’une reine, elle s’avança jusqu’au trône et fit la révérence pour s’excuser de son retard en déployant autour d’elle son immense robe blanche. Ses cheveux blancs et argents noués en chignon auréolaient sa tête fine du reflet de la lumière des lustres de la salle de Bal. A peine leva-t-elle les yeux que David lui tendit la main pour l’aider à se relever et la mena jusqu’à la piste de danse ou je les vis tournoyer au rythme des airs joués par les musiciens. De loin, je les apercevais qui discutaient, qui riaient, s’appréciant mutuellement. Ils semblaient être seuls dans la grande salle. La chaleur rougissait les joues de la jeune femme et, afin de se rafraîchir, ils sortirent dans les jardins du Palais et vinrent s’asseoir sur le rebord d’une fontaine juste sous la branche sur laquelle j’étais perchée. Ils continuèrent leur discussion sur un grand écrivain dont j’avais les principales œuvres dans ma chaumière et que Blanche avait particulièrement apprécié au contraire de David contre qui elle argumentait. A un moment, un silence complice s’installa entre les deux interlocuteurs et le Prince en profita pour se lever et alors qu’il regardait le ciel il déclara : - Mira est visible aujourd’hui. - Une étoile étonnante qui n’apparaît qu’une trentaine de jours par an et se cache le reste du temps, compléta Blanche en me surprenant. L’astronomie n’était pas un enseignement qui venait des deux semaines passées avec moi. - Vous connaissez les étoiles ? demanda David surpris. - Un ami les observait constamment, lui confia-t-elle. - J’adore les étoiles. Elles ne cherchent pas à me soutirer quelque chose, elles ne veulent rien de moi en échange de leur éclat, elles ne me mentent pas. Elles sont différentes des femmes… mais vous… Sa façon d’aborder le sujet un peu enfantine me fit sourire mais ce n’était pas le cas de Blanche. Quelque chose la torturait, je le vis à sa façon de froncer les sourcils d’un air anxieux. Doucement, j’entrai dans son esprit et y trouvai un chaos inimaginable, celui de quelqu’un qui sombre dans la tristesse la plus profonde et j’entendais raisonné les mots du Prince « elles ne cherchent pas à me soutirer quelque chose… ». Ma vision se troubla et je compris que c’était Blanche qui pleurait. Elle se sentait coupable, elle avait voulu faire la même chose que les autres femmes : elle s’était rapprochée de lui pour obtenir un vœu et par la même occasion réaliser son rêve égoïstement. Il se rassit près d’elle et lui saisit le visage avant d’essuyer d’un geste les larmes qui coulaient sur ses joues. - Que vous arrive-t-il ? Ai-je dit quelque chose de mal ? Si je vous ai blessé ou quoi que se soit… - Non… non je vous assure mais je… Elle ne pu continuer sa phrase car déjà David déposait délicatement ses lèvres sur celle de Blanche. Bizarrement je ressentis comme un pincement au cœur ; rien avoir avec de la tristesse, seulement un reste des pensées coupables de Blanche qui étaient restées en moi après mon incursion dans son esprit. - Ne pleurez plus Blanche, murmura-t-il près de sa bouche quand il mit fin à leur baiser. - Je ne peux pas… je ne mérite en rien vos sentiments d’affection mon Prince. Je vous ai trompée comme d’autres avant moi. Je n’avais besoin que d’un vœu mais je ne peux pas… Je dois partir, dit-elle en se levant mais il l’attrapa par le poignet, le visage saisit par une vive inquiétude. « Les hommes sont des êtres si fragiles à cause de leurs sentiments… » pensai-je - Vous reverrais-je ? - Toutes les nuits si vous observez les étoiles… Elle libera son poignet d’un geste et commença à s’enfuir en courant vers la forêt qui entourait le Palais, suivie de près par David qui ne semblait pas vouloir la laisser partir. Il la perdit de vue au bout de quelques centaines de mètres de course entre les arbres mais moi je pus la suivre. Je vis des plumes blanches commencer à s’échapper de la chevelure blanche de la jeune femme qui reprenait peu à peu son apparence d’origine. En brisant notre pacte, elle allait redevenir une chouette. Les Sorcières ne travaillent pas sans contrepartie, c’est une règle immuable. Quand elle eut fini sa transformation, elle alla se poser sur la branche d’un chêne et je la rejoignis. J’avais dans le cœur une rage immense car mon plan avait échoué, mais je n’arrivais pas a en vouloir à cette chouette qui avait partagé ma vie durant 15 ridicules petits jours. Dans son langage d’animal, elle s’excusa et un instinct venant de mon enfance de Non-initiée me poussa à serrer contre ma peau froide son plumage doux. Lorsque je portai ma main à ma joue, je la sentis humide. Devenais-je si émotive en côtoyant des êtres comme eux. ? Je décidai que non, l’humidité devait venir d’une goutte de pluie perdue depuis longtemps dans les feuilles des arbres. Deux mois plus tard, je cherchais toujours un moyen d’atteindre le niveau de Grande Sorcière. J’avais oublié David et Blanche, du moins autant que je le pouvais car la jeune chouette venait souvent se poser près de ma chaumière pour me dire un triste bonjour. J’avais abandonné l’idée de pouvoir tirer quoi que se soit du sort que je lui avais jeté et cela me frustrait : si mes consœurs Sorcières apprenaient que j’avais usé de magie sans rien en retour, j’avais la certitude que les railleries fuseraient pour au moins une bonne centaine d’années. Nous ne sommes pas des bénévoles, pour du travail gratuit aller plutôt voir les Fées. J’essayai de me transformer en Blanche humaine avec succès mais je ne pouvais utiliser son apparence : je risquais alors d’être enchaîné au Prince par son vœu et lui prendre la vie par la suite aurait pu être dangereux pour l’ensemble des Sorcières du Royaume. Je me préparais une décoction quand je sentis une odeur familière venir vers ma chaumière. Dans ma mémoire, je cherchai qui était le fou qui s’aventurait si loin dans les marais de la forêt et qui venait dérangé une Sorcière. Quand il frappa à la porte, j’avais déjà reconnu l’odeur royale et savait que celui qui se tenait derrière la porte n’était autre de David. Les cheveux ébouriffés et son visage sale d’un voyage de plusieurs jours, il me regarda avec des yeux francs et me dit : - Dame Sorcière, vous êtes mon dernier espoir, j’ai déjà demandé à toute les Fées et les Sorcières du Royaume de m’aider sans qu’aucune ne parvienne à m’aider. J’ose espérer que vous êtes plus puissante qu’elles toutes pour pouvoir me ramener la femme qui hante mes nuits et m’empêche d’observer les étoiles tant son visage m’obsède. - Entre et ferme la porte. Mais laisse passer la chouette avant. Je l’avais sentie qui arrivait, et comme prévu elle entra dans la chaumière et vint se poser sur mes genoux alors que je venais de m’asseoir dans mon fauteuil. Nous échangeâmes des regards de compréhension et je lui caressai affectueusement la tête. - Tu la veux vraiment ? Même si elle ne le veut pas ? - Pourquoi ne le voudrait-elle pas ? - Ne détestes-tu pas les femmes qui s’approchent de toi par intérêt ? - Si, mais quoi qu’elle puisse me demander, je le lui offrirai pour qu’elle revienne auprès de moi. - Blanche, qu’en penses-tu ? demandai-je à la concernée que David regarda avec stupeur avant qu’une lueur de compréhension se fasse dans son esprit : les plumes blanches retrouvées dans les bois à proximité du Palais, les visites nocturnes de la chouette comme l’avait promis son aimée, la couleur des cheveux de Blanche et sa soudaine disparition : tout s’expliquait. - C’est elle ? demanda-t-il tout en sachant la réponse. - Oui, la veux-tu toujours? - Oui. - Ne la préférais-tu pas sous sa forme humaine ? J’essayais de l’influencer pour qu’il fasse le vœu qui me semblait le meilleur pour Blanche et lui. Je devenais vraiment trop proche d’eux et de leurs sentiments en les côtoyant. - Si elle le souhaite. - Demande-le alors! criai-je à bout de patience devant ce jeune demeuré qui ne semblait pas comprendre ce qu’on voulait de lui. - Rendez-lui forme humaine Dame Sorcière. Avec un soupir de satisfaction, j’accomplis la tâche qu’il m’avait demandée, donnant des cheveux, une peau et un corps humain à Blanche pour la deuxième fois. Elle apparut dans le plus simple appareil devant nos yeux. Gêné, David la couvrit rapidement de sa veste et la serra dans ses bras. Je l’entendis murmurer doucement : - Tu es la plus belle de mes étoiles, Blanche. Je t’aime. - Merci de m’avoir cherché… Je t’aime. De mon côté, je savourais l’apparition sur la peau de mon poignet d’une troisième étoile noire : j’avais réussi ! Voila pourquoi aujourd’hui je suis tellement satisfaite de moi. J’avais deviné le potentiel de cette petite sans même m’en rendre compte en bonne Sorcière que je suis. Assise dans mon fauteuil, je jette un coup d’œil sur le parchemin ouvert sur la table : « Invitation au mariage du Prince David et de sa fiancée Blanche… ». Ils sont devenus bien trop entreprenants avec moi ces deux-là mais je me souviens de leur sourire en partant. Ils m’avaient presque donné envie de faire le bien autour de moi. Presque. Je suis une Sorcière, pas une Fée. |