POV Izaiah
Il soupira. Lassé. Le garçon n’était pas d’une compagnie désagréable… Mais il restait trop souvent à le fixer, silencieux. Il sentait les yeux verts l’épier, dans les moindres détails, il sentait le regard émeraude courir sur son corps, de la cigarette qu’il fumait négligemment à son visage. Il détestait ça. Le regard était trop franc, trop clair. Trop silencieux. Qu’il parle, bordel ! Ca ne faisait qu’une seule journée qu’ils étaient ici… Et il ne savait toujours pas quoi faire pour faire stopper tout ceci, pour retrouver sa vie d’avant. Et accessoirement, se débarrasser du gamin. Il ne supporterait plus cette situation bien longtemps…
- Bordel, tu veux quoi ?!
Il sursauta, l’air surpris. Avait-il vraiment pensé qu’il ne l’avait pas remarqué ? Ecrasant la cigarette dans le cendrier, il se tourna vers lui, l’air franchement agacé.
- T’es franchement lourd à me fixer comme ça.
Il rougit violemment, et grommela quelque chose comme quoi il ne le fixait pas. Mais oui… Exaspéré, l’asiatique alluma la télé, zappant rapidement les chaines jusqu’à trouver les informations. Il entendit le jeune français se lever, et trainer les pieds jusqu’au canapé, se laissant tomber à ses côtés. Il ne pouvait s’empêcher de le regarder du coin de l’œil, observant le visage efféminé, et le corps dissimulé par les vêtements trop grands pour lui.
- Monte le son. L’asiatique leva un sourcil face à cette demande incongrue venant d’un gosse censé être kidnappé. S’il te plait, soupira le français, après un léger silence.
On lui a pas apprit la politesse à ce gosse ? L’asiatique s’exécuta de mauvaise grâce, augmentant le son de la télé avant de poser la télécommande. Il avait commencé par regarder l’écran d’un œil morne et indifférent, puis s’était inconsciemment penché en avant, hypnotisé. Rapidement, le regard ambré avait dérivé vers le garçon, observant ses réactions. Il l’avait vu se crisper, ses yeux briller d’une lueur qu’il ne lui avait pas vu jusque là. De la colère. De la douleur. De la tristesse.
Il avait envie de tendre la main. De caresser sa joue, de passer ses doigts dans les cheveux dorés, de l’attirer contre lui.
Et là, il avait envie de se claquer. Pour penser à ça. Le regard vert attristé se tourna vers lui. Les incroyables orbes lumineux changèrent, devenant plus sombres, plus colériques, moins tristes. Il se sentait transpercé, directement, par ce regard intense.
- C’est à cause de toi.
Il sursauta. Ces mots. Qu’avait-il fait ? Il le comprenait. Un peu. Se levant, l’asiatique hésita un court instant, avant de se diriger vers lui, s’agenouillant devant lui. Ses mains se posèrent sur le visage fin, le levant au niveau du sien, son regard ambré se perdant dans les yeux couleurs feuilles. Les mains du garçon agrippèrent ses poignets, les serrant entre les doigts fins, comme s’il cherchait à lui faire du mal. Peut-être était ce ça. Peut-être… Il avait l’air si… Perdu. Fragile. Le duel implicitement lancé dura quelques minutes, chacun fixant l’autre dans les yeux, aucun ne voulant les baisser. Puis quelque chose céda chez le blond, qui n’offrit plus aucune résistance et se laissa glisser contre l’asiatique. Les mains quittèrent les poignets pâles, allant agripper les pans de la chemise, le visage se cachant contre le torse. Surpris, le japonais tomba en arrière, sur les fesses, ses bras se refermant sur le corps mince et frêle qui s’était collé à lui si soudainement. Il ne dit rien. Non, il le savait, il aurait dit quelque chose, le garçon se serait braqué. Soupirant silencieusement, il tourna à demi la tête, regardant les informations, laissant le garçon se calmer à sa manière, à son rythme. Et puis, à vrai dire, il ne savait pas du tout comment s’y prendre pour le réconforter. Alors il le laissait faire, regardant d’un œil terne l’écran coloré, son attention entière tournée vers ce corps contre le sien, vers ce cœur qui battait tellement vite, vers ces légers frémissements qui traversaient le garçon.
Le temps passa, dix minutes, une heure ? Ce qu’il savait, c’est que les informations avaient laissés place à une série stupide qu’il ne regardait pas, les yeux dorés s’étant posés sur la nuque du garçon, recouvertes de cheveux blonds dorés, légèrement roux, d’une couleur tout à fait… Délicieuse. Il détourna la tête, mal à l’aise, se crispant légèrement. Il se sentait trop bien, ainsi, avec ce garçon dans les bras. Un examen long et silencieux lui offrit la vue intéressante du grain de peau serré et de la peau légèrement hâlée de ce corps fin. Posant maladroitement ses mains sur le bas du dos du garçon, il le repoussa doucement, tentant de savoir pourquoi il restait installé contre lui. Les yeux verts le fixèrent, et l’asiatique qui avait commencé à ouvrir la bouche la referma, s’immergeant dans les deux orbes d’un vert foudroyant qui l’observait. Il avait l’air… Comme un chaton. Il avait l’air d’avoir peu envie d’être délogé de son refuge. Soupirant faiblement, l’asiatique s’appuya contre le fauteuil en se tournant, invitant silencieusement l’adolescent à reprendre sa place, ce que le blond fit après une courte hésitation. Levant le bras, le brun attrapa un pan du plaid qui trainait sur le canapé, les couvrant tout deux, ses bras s’enroulant autour de la taille du jeune. Bien qu’il refuse de se l’avouer, cette douceur lui faisait du bien. Il appréciait de sentir ce corps contre le sien, ce souffle dans son cou… Les yeux ambrés glissèrent sur la cambrure des reins qui se dessinaient sous la couverture et dont il pouvait apprécier la courbe sous ses doigts, passant aux épaules fines, puis au cou d’où la carotide saillait, la joue posée sur son épaule et enfin les paupières closes, redescendant furtivement sur les lèvres avant que les yeux ne s’écartent pudiquement de l’objet de son attention. Il pouvait sentir le cœur battre contre son torse, un léger frisson parcourir le corps de l’adolescent. Pensif, sa tête se pencha sans qu’il en ait conscience, s’appuyant doucement sur les cheveux soyeux de l’adolescent. Ses yeux se fermèrent, et il s’endormit, serrant presque avec avidité le corps contre le sien, friand de cette chaleur humaine et douce.
Les sons. Des rires, des voix stupides et aigues. Des bruits de fonds, des explosions. Ouvrant soudainement les yeux, la première chose qu’il vit fut ces deux yeux d’un vert trop intense qui le fixait, une lueur indéfinissable dans les yeux. Ils se regardaient en chien de faïence, le blond toujours dans ses bras, aucun n’étant désireux de mettre fin à cet accès de tendresse, à cette étreinte imprévue et non moins agréable. Depuis quand se laissait il si facilement approcher ? Dire que dans la chambre, à l’hôtel, il lui avait interdit de le toucher… Il sous-entendait un « sans permission », mais il avait été sec et brutal, froid. Jamais il n’était revenu si vite sur ses décisions… Un tic nerveux agita la joue de l’asiatique, le blond se mordilla la lèvre. Ils s’observaient, détaillant le visage de l’autre, prenant conscience de détails invisibles jusque là. Sans prononcer un mot, ils gravaient le moment dans leur mémoire, oubliant leur situation, la télé qui marchait toujours, tout ce qui était étranger à eux deux. Puis le blond rompit cet instant, prenant la parole avec son air absent, perdu dans un autre monde.
- Je ne t’aime pas, le prévint le blond, l’air assez peu convaincu par ses propres mots, comme s’il tentait de s’en persuader en formulant à haute voix ces mots, comme si le fait de les énoncer les ancrait plus surement dans la réalité et leur donnerait la consistance de la vérité. Mais… Je ne te déteste pas non plus, ajouta-t-il, toujours aussi sérieux. - Et ? - Et je ne sais pas. Tu me détestes, toi, pour m’avoir enlevé ? Mais tu m’as sauvé ensuite… Tu es compliqué. Tu me kidnappes, et tu m’aides. Pourquoi avoir fait ça ?
Le regard était devenu un peu moins rêveur, un peu plus angoissé, en l’attente de la réponse. Ce n’est pas normal, ils le savent. Mais cette proximité… La main de l’asiatique se leva, sans trembler, se posant sur les cheveux fins et dorés du blond, glissant ses doigts entre deux mèches. Son visage s’approcha du sien, son nez frôlant le sien. Il cherchait un contact, un peu plus de cette douceur. Les yeux verts se teintèrent un peu plus d’angoisse, avant de s’apaiser, subitement. Douloureuse tentation, incroyable attraction. Il ne pouvait, ne voulait plus le lâcher. C’était… Malsain, non ? Il le ressentait ainsi. Il sentait que s’il tentait d’aller plus loin, ce serait mauvais pour eux deux. Il était « l’adulte », il se devait d’arrêter tout ça avant de faire une connerie… Peine perdue. Il était happé, noyé dans le regard vert, et ne pouvait plus s’empêcher de s’avancer. De chercher ce contact.
- Que vas-tu faire ? - Je sais pas. Qu’aimerais tu que je fasse ? - Je… Les yeux verts s’abimèrent dans le doré des yeux de l’autre, hésitant quant à la réponse qu’il devait donner. Vérité ou Mensonge ? - Alors ? - J’aimerais… Que… - Que ?
Le visage de l’asiatique se rapprochait du sien, ses lèvres frôlant les siennes.
- Tu fais… Quoi… ? - Je fais le premier pas.
Les yeux verts se fermèrent alors que des lèvres se posaient sur les siennes. Le baiser, chaste et doux, le fit rougir, mais il se laissait faire. Satisfait, le brun l’observa un moment, avant de fermer les yeux… Et les rouvrit en sentant le contact avec l’autre se finir brusquement et une main atterrir avec une violence inouïe sur sa joue. Surpris, il fixa le corps qui s’était éloigné de lui, rompant tout contact entre eux deux. Les yeux verts brillaient d’une douleur qui fit l’effet d’une douche froide au brun. Pourquoi ? Tendant la main, sa surprise redoubla en voyant le garçon reculer un peu plus, marmonner quelque chose comme quoi il devait aller aux toilettes, se relever et sortir de la pièce, cherchant à tâtons la salle de bain. L’oriental soupira et laissa sa tête retomber sur le canapé, jurant contre sa propre bêtise. Fermant les yeux, il passa sa langue sur ses lèvres, happant les quelques restes du gout de celles de Joshua. Puis un sourire vint s’installer sur ses lèvres, repensant à ce baiser. Il était aussi déstabilisé que l’adolescent… Il détestait se sentir pris au dépourvu, et c’est exactement ce qui venait de se dérouler ici… Se mordant la lèvre, le brun se leva d’un bond, éteignit la télé et décida de se faire du café. Et accessoirement, d’oublier ce qu’il venait de se dérouler dans cette pièce. Rapidement, l’odeur forte du liquide noir se dispersa dans la maison, envahissant chaque pièce de sa fragrance.
Fin POV Izaiah
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