POV Joshua
Il m’a embrassé. J’ai été embrassé par… Un homme. Pire que ça, un inconnu. Ce n’est pas le fait qu’il soit un homme qui m’ennuie, non, du tout, ça, je peux en faire abstraction et ce n’est pas comme si je n’étais pas conscient de mon côté bisexuel. Mais bordel, il m’a enlevé. Et il m’embrasse. Ce mec n’est non seulement pas normal, mais en plus, il est en manque… Mais je ne peux pas dire que j’ai détesté sentir ses lèvres sur les miennes. C’était chaud… Doux et agréable. C’était quelque chose que je n’avais jamais ressentit… Je dois arrêter de penser à ça. Là, tout de suite, maintenant. Je me suis ensuite levé, brusquement, après l’avoir claqué. Pur réflexe, mais que je n’ai pas hésité à continuer. Je n’ai pas voulu le stopper, et j’ai préféré fuir, dans la salle de bain. Et je suis encore dans la pièce, effondré contre la porte, à tenter de ne pas pleurer à nouveau… Je n’ai pas pu m’en empêcher tout à l’heure, comme je n’ai pas pu m’empêcher d’accuser l’autre de ce qu’il se passait. Je sais que mes parents n’ont pas toujours été très fair-play avec moi et m’ont souvent laissé seul, mais de là à accuser mon père d’avoir orchestré tout ça… Il y avait un gouffre. La tête posée contre la porte en bois, je referme les yeux. Je ne veux pas faire face à tout ça… Pourquoi avait-Il débarqué, pourquoi avait-Il tout perturbé ?!
Je me lève, finalement, me trainant difficilement vers le meuble, agrippant le bord pour ne pas tomber. Un rapide regard vers la glace m’apprend que j’ai l’air de ne pas avoir dormi depuis deux jours avec mes cernes violets sous les yeux, et que mes cheveux sont encore plus emmêlés que d’habitude, si c’est possible. Agacé, je lève le bras pour rabattre la mèche folle qui pointe fièrement vers le haut, avant qu’une manche deux fois trop grande ne me cache le miroir. Imbéciles de vêtements trop grands… Même s’ils sont chauds et doux. J’ai l’air d’un gamin perdu… Et je n’ai vraiment pas envie de sortir de cette pièce. Promenant mon regard sur la pièce, j’examine soigneusement l’endroit, pour passer le temps. La pièce n’est pas trop spacieuse, mais pas tellement étroite non plus. Elle est agréable… Chaleureuse, même si c’est assez stupide de dire ça d’une salle de bain. Me hissant sur la pointe des pieds, je tends le bras, dégageant ma main des divers tissus pour ouvrir un placard, farfouillant sans gêne dedans. Il m’a enlevé et amené ici, je prend donc le droit de fouiller… Non ?
Des médicaments, de l’alcool à 70°, des compresses de gaze, des pansements, de la pommade… Rien d’intéressant. Refermant la porte de la pharmacie d’un geste blasé, je recule doucement, m’affalant sans élégance sur les toilettes, le battant étant refermé. Fermant les yeux, je tente de me caler confortablement sur mon inconfortable siège… Avant de soupirer. Rester enfermé dans cette pièce ne me mènera à rien… Je ferais mieux de sortir et d’éviter de le croiser, même si ça risque d’être difficile ici. Grognant, je me relève et ouvre la porte. Et une délicieuse odeur de café chaud vient chatouiller les narines… J’ai envie de retourner dans la salle de bain, et en même temps… Ca fait longtemps que je n’ai pas eu de café… Trainant les pieds, je retourne dans la pièce où j’avais laissé l’autre, désormais vide. Mais l’odeur de café me guide… Je finis par me retrouver dans la cuisine, contemplant le dos de l’asiatique. J’ai beau dire, ce gars… Il est bien foutu. Il a des épaules larges, un dos que j’ai pu jugé assez musclé et bien fait quand il m’a pris dans ses bras… Et un derrière à se damner ! Je vais stopper là mes pensées… Ce sera mieux. M’approchant de lui, je passe à côté de lui, ne le regardant pas, et me jette presque sur le café. La cafetière dans une main, je cherche désespérément une tasse, un bol, n’importe quoi pour boire ce breuvage dont l’odeur me titille le nez et me faire presque saliver…
Et là, je la vois ! Blanche, avec une délicate anse aussi blanche, elle semble m’attendre, posée sur le meuble… Et étrangement, il a assez de café pour deux. Je relève la tête, fixant hargneusement le brun, l’air de lui en vouloir, encore. Il esquisse un sourire et secoue doucement la tête sans me lâcher des yeux. Ses cheveux volètent doucement et tombent en mèches diverses sur son visage… J’ai envie d’approcher ma main et de dégager son visage pâle, de plonger mes yeux dans les siens… Je repense soudainement au pourquoi je suis allé dans la salle de bain, et j’ai bien envie d’y retourner. Mais le café me retient ici. Et le café est plus fort que la raison, c’est bien connu. Attrapant la tasse, je me sers une tasse du liquide noir et fumant, reposant avec précaution la cafetière. Posant mes deux mains sur la tasse en porcelaine, j’apprécie l’amère odeur du liquide noir, alors que mes mains se réchauffent au contact de la surface lisse. Amenant la porcelaine jusqu’à mes lèvres, j’ouvre la bouche, avalant avec délice le café chaud. Il est bon en plus… Frissonnant de plaisir au contact du liquide brulant sur ma gorge, je vide entièrement la tasse, la reposant avec précaution sur le comptoir, faisant volte-face pour fixer l’autre. Il me regarde, un sourire que je ne saurais interpréter aux lèvres. Moqueur ou amusé ? Je ne sais pas… En tout cas, il sourit, même s’il tente de dissimuler cette mimique derrière sa main.
Il finit par abaisser sa main, son sourire ayant disparut. Seul le coin de ses lèvres reste légèrement tiré, figé dans un masque à moitié souriant, et à moitié de glace. Je boude, tournant la tête vers la fenêtre pour ne pas croiser son regard perturbant. Mais un mouvement de sa part me force à le regarder à nouveau. Machinalement, je mordillais ma lèvre inférieure en voyant le brun s’approcher à pas mesuré, quasi félins, empreints d’une sensualité renversante… Il a toujours cet étrange sourire aux lèvres. Je recule, appuyant le bas de mon dos contre le meuble, sans pouvoir reculer plus. Il avance toujours, posant ses mains de chaque côté de mon corps, sur le comptoir. Je frissonne, tandis qu’il approche son visage du mien. Son souffle chaud vint heurter mes narines, j’ai les yeux plongés dans les siens, bien malgré moi. Il me donne l’impression de dévorer mon visage du regard, je frissonne, j’ai chaud et froid à la fois. Que se passe-t-il ?! Mon cœur s’accélère subitement, sans que je puisse le contrôler. Il refuse de m’obéir, de se calmer. Ma tête me dit de résister, mon corps de m’abandonner à cette situation improbable. On se fixe, sans dire un mot. Cette attirance… N’est pas normale. Loin de là. A-t-on jamais pris conscience du charme que peut dégager un autre homme, sans être gay ? Je ne crois pas. Même si, je crois, qu’au moins une fois dans sa vie, un mec se dit forcément « Lui, c’est vraiment une bombe. » L’homme qui me fait face est une bombe, un concentré explosif d’un charme félin et d’un exotisme foudroyant. Je crois n’avoir jamais ressentit ça…
Ses lèvres frôlent lentement, insupportablement les miennes, et en louchant légèrement, j’entraperçois un morceau d’une langue rose qui glisse sur la commissure de mes lèvres, récupérant une goutte de café. J’espère qu’il a ce qu’il voulait et qu’il va se décoller, qu’il va partir, me laisser me calmer… Peine perdue. Sa langue continue sa course, traçant des courbes sinueuses sur mon menton, glissant dans mon cou et taquinant ma carotide. Je suis totalement crispé, et pourtant, je me sens… Bien. Comme si un agréable brasier s’étendait en moins, me réchauffant de secondes en secondes. Il se rapproche un peu plus, et je sens l’une de ses mains se poser avec douceur mais sans hésitation sur ma hanche. Je sursaute légèrement, électrisé par ce contact surprenant et déroutant. Ma respiration s’accélère, je crois ressembler à un poisson, avec mes yeux écarquillés et ma bouche stupidement ouverte, alors que je tente de reprendre ma respiration, avec difficulté… Et ces étranges sons, on dirait une fille qui gémit… Avec horreur, constatant que nous sommes les deux seules personnes dans la pièce et apparemment dans la maison, je réalise que ces gémissements sont bels et biens les miens, et n’appartiennent pas à une quelconque fille égarée dans un coin de la pièce ou sous un meuble. Je rougis violemment et gesticule dans le genre débile, manquant de tomber. L’autre me rattrape et me colle à lui pour m’éviter de faire plus ample connaissance avec le sol, qui pourtant me parait bien sympathique en ce moment. Des cheveux que je devine noirs me chatouillent le cou avec douceur, et je frissonne à nouveau, submergés par ces sensations improbables. Mes jambes ont l’air en coton…
D’un réflexe malheureux, je m’accroche à son cou, cachant mon visage au creux de celui-ci, pour ne pas qu’il voit mes joues que je devine pivoines. Je sens son sourire alors qu’il pose nonchalamment ses deux mains sur sa taille. Et nous restons là, comme deux légumes. Ou deux mollusques accrochés à leur rocher, au choix. Je crois qu’il apprécie la situation… Et moi aussi. Un peu. Presque pas… Même s’il sent agréablement bon. Un mélange de vanille et de citron, déroutant. Envoutant. Je frotte doucement mon nez contre son cou, il a la peau douce et un grain de peau serré, presque parfait. Il ne frémit pas, ne tremble pas… Je crois même qu’il est pratiquement statufié là. Ses mains restent immobiles dans mon dos, et sa tête se pose lentement sur moi. Tournant légèrement mon visage vers lui, je le vois, les yeux clos, son front reposant contre mon épaule. Il est beau. Pas le genre de beauté artificielle, le genre qu’on les pin-up, ces filles et ces mecs surmaquillés, grimés de sorte que seule cet artifice qu’est la beauté pour eux ressorte. Non, lui, il a ce charme fou, cette beauté sauvage et naturelle… Me penchant doucement, je dépose un baiser sur le coin de sa bouche, regrettant presque immédiatement ce geste. Peu de temps. Un œil doré s’ouvre, il a l’air surpris. J’hausse les épaules, prenant un air détaché et blasé.
- La faute du café.Comme si ça expliquait tout… C’est le cas, non ? Un léger rire le secoue et il se redresse, déposant un baiser sur mon front avant de me fixer, l’air goguenard. Je détourne la tête pour ne pas croiser ces yeux trop dorés, et je le repousse doucement, mais fermement. Il a fait le premier pas, nous avons fait ensemble le second. Mais je ne suis pas prêt pour le troisième… Je ne veux pas me lier à cet inconnu, à ce type dont j’ignore tout. Alors je lui offre un pauvre sourire et je m’extirpe de sa rassurante et chaleureuse étreinte, pour faire quelques pas, pour m’éloigner un peu de lui. Je me retourne seulement quand j’arrive à la porte. Et je le vois. Il s’est tourné, son regard doré ne m’a pas lâché lors de mon éloignement, son sourire narquois danse toujours sur ses lèvres délicates et pourtant si sûres d’elle pour me voler un baiser.
Je crois que je reprendrais bien du café finalement.