Claimer : les personnages et les idées sont à moi…même la choucroute
Rating : T +
Note : bonjour. C’est un défi un peu particulier, car il m’a tout de suite donné une idée (et le Panthéon entier sait que ce n’est pas souvent que ça m’arrive). Pour une fois, je crois avoir totalement respecté le thème, donc, même si la qualité du texte n’est pas faramineuse, je suis tout de même assez contente de moi. Bonne lecture.
Thème : choucroute garnie
Mots :
Piégé
Soubresaut
Rouge à lèvre
Grippe
Trisomique
Roux
Exacerbé
Choucroute garnie
Il a toujours détesté la choucroute.
Cette odeur âcre et qui prend à la gorge, cet arrière-goût piquant qui reste pendant des heures sur le fond de la langue. Rien que le simple fumet d’une choucroute garnie suffit à lui donner la nausée, et il ne parle même pas de l’aspect répugnant – toute cette viande lui fait penser à un étalage de tripes fraîchement sorties des entrailles d’un animal quelconque.
Il fixe en silence les longs cheveux roux qui partent en vagues floues des épaules jusque sur la table. La nappe blanche est tachée de bière, la serviette porte quelques traces de rouge à lèvres, comme des traînées de sang contrastant violemment avec l’orange criard de la chevelure ondulée. Les joues sont d’une couleur peu naturelle, un rose vif en dessous duquel il peut apercevoir en transparence une multitude de taches de rousseur. Il trouve ça d’une laideur confondante et d’une vulgarité sans bornes.
Lorsqu’il a accepté ce dîner, il ne s’attendait pas à se retrouver ainsi face à son pire cauchemar. Ce n’est pas vraiment de sa faute : il est hypocondriaque, végétalien, et la moindre mention de nourriture d’une provenance animale lui fait irrémédiablement penser à des choses atroces comme la grippe aviaire ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Alors, forcément, il s’est senti piégé.
Ce n’est pas de sa faute. Pas vraiment.
Il y a quelque chose de dérangeant chez cette femme. La rondeur du visage, la mollesse de la bouche, quelque chose dans les yeux vides qui lui fait penser à une trisomique. Rien de ce qui a pu s’échapper de ses lèvres n’a d’ailleurs pu le détromper.
Alors, vraiment, ce n’est pas de sa faute.
La scène lui apparaît avec une netteté encore exacerbée par l’éclairage violent de la pièce – un halogène qui fait ressortir tous les défauts de la peau livide, du décor sinistre, et met en relief toute cette débauche de nourriture immonde.
Le corps est encore agité d’un dernier soubresaut, et il réprime un haut-le-cœur. Alors, il replie soigneusement sa serviette, repousse son siège et se lève de table, le plus calmement possible. Dans sa poche, le petit flacon de verre tinte avec un bruit rassurant et cristallin. Il souffle distraitement la bougie inutile qui trône au milieu de la table et attrape sa veste posée sur le dossier de sa chaise.
« Merci pour le repas », dit-il simplement avant de quitter l’appartement.