Disclaimer : Tous les personnages de cette fic appartiennent à jkrowlings, mis a part Ethan et Coleman. Vous pouvez vous amuser à chercher les différents noms cités dans les livres, j’espère que vous vous amuserez autant que moi (tout est relatif… :p). Sachez cependant que « Lynkilen » est la traduction norvégienne pour « éclair de feu » (oui parce que celui là, il peut être dur a trouver :p) Couple : HP/SS/GW (..non je plaisante :p). Couple EL/CC
Dédicace : A sean, et ses textes mutants qui roxent plus que tout, et parce qu’elle est Sean :p A Grenadine, sans qui ce texte ne serait pas lisible. Ma sauveuse, toujours prête à aider la sous douée de l’orthographe que je suis. Merci ma Dine, j’aimerais avoir plus d’amis comme toi tu sais <3
Note du champi : Tout d’abord, le plus important. Cet OS est pour Artoung, du premier mot au dernier. Pour ton anniversaire bien sûr (oui oui, même après tous ces mois de retard :p), parce que tu es grande (pas vieille è_é), même si j’ai conscience que je n’atteindrais jamais le niveau des merveilleux cadeaux que tu m’as fait (« Dans la peau » et la « Contredanse »Et si vous ne les avez pas lues, je vous ordonne de quitter cette page pour aller lire ces fics qui sont juste sublimes). Parce que j’ai été amoureuse pendant longtemps de l’auteur que tu es, et que j’ai du mal à me convaincre que tu es juste encore plus fantastique en vrai ^^
Sinon, Akroma et Gevoel se sont jointes à moi pour te souhaiter un bon anniversaire :D Les liens des illus seront à la fin de la fic, pour éviter tout spoiler ;) Vous verrez, elles sont juste magnifiques *-* encore merci les belles, vous roxxez à mort.
Ceci mis à part, ce texte est un OS sur un personnage assez peu représenté dans le fandom *tousse : et on se demande pourquoi…* mais que Artoung apprécie donc j’ai décidé de tenter le coup. J’ai souffert, et j’espère que cela ne se ressentira pas trop… Quoiqu’il en soit, je suis désolée ma toung de t’avoir gâché ton perso é_è Mais je voulais essayer au moins une fois de faire autre chose que du HPDM (oui, vous pouvez me lancer des tomates :p). Et je suis désolée pour la longueur de cet « OS », il a muté à l’insu de mon plein gré ¬¬…
L’étoile du berger Chapitre I
Ethan Lynkilen a onze ans et, comme les sorciers de son âge, il fait sa rentrée à Poudlard. Il se sent mal à l’aise dans sa robe d’hiver au tissu lourd. Le col le gratte et il ne rêve que du moment où il pourra enfin la retirer. Il ne peut empêcher son regard de déraper sur son propre torse, là où, dans quelques minutes, l’insigne de sa future maison prendra place.
Quand Mc Gonagall ouvre les portes, avec un simple effleurement de la main, Ethan retient une grimace. Tout à ses réflexions, il n’a rien écouté du discours d’accueil de l’enseignante. Il voit du coin de l’œil un autre garçon rire et lui retourner une œillade complice, qu’il ignore. Il se tient bien droit, le visage le plus neutre possible, alors que les lourdes portes grincent à n’en plus finir. Et quand, enfin, il pénètre dans la grande salle, il en a le souffle coupé.
Enfant sorcier, il a pourtant grandi avec les récits de Poudlard fait par son père, de sa foret interdite, du plafond enchanté, des bougies par milliers, des vieilles pierres gorgées d’histoire. Mais, depuis sa traversée du lac, depuis que la silhouette du vieux château s’est découpée sur la lune, depuis qu’il a foulé le sol de l’endroit, il se sent presque trahi. On lui a raconté tant de chose, qu’il était convaincu d’arriver en territoire connu. Mais on ne l’avait pas préparé à autant de majesté, à autant de magie. Il se sent minuscule, misérable, et pourtant son sang bout dans ses veines à l’idée qu’il pourrait bientôt considérer ce lieu comme chez lui. Un sentiment de possessivité extrême le prend à la gorge, l’étouffe. Et, en observant les quatre tables qui dévorent tout l’espace et ses élèves souriant, bavardant, qu’il rejoindra bientôt, il est plus fier qu’il ne l’a jamais été.
Comme les autres il suit la stricte Mc Gonagall, se sentant malhabile et pataud dans sa tenue trop neuve. Il essaye d’ignorer les regards des plus âgés, son sentiment d’égalité se dissipant rapidement pour le laisser presque effrayé. Ces regards entre douce moquerie, indulgence attendrie et nostalgie le font rougir et baisser la tête. Quand finalement ils s’entassent tous devant l’estrade au fond de la salle, il tente de reprendre contenance. Il relève la tête et observe avec curiosité le tabouret où repose un vieux chapeau, râpé par le temps. Un chapeau de cuir qui sourit. Le choixpeau. Son regard dérape ensuite sur la table des enseignants et il reconnait aussitôt le grand Albus Dumbledore, entouré de tous les professeurs couvant les premières années d’un regard curieux. Intimidé, il les dévisage discrètement, s’étonnant de les trouver assez fidèles aux descriptions qu’on lui a faites. Seuls manquent à l’appel le terrible professeur Rogue, au teint blafard et au nez crochu, et la professeure de soins aux créatures magiques, Mme Brûlopot, affectueusement surnommée par les élèves ‘la manchote’. Il ne parvient cependant pas à identifier un homme relativement jeune aux cheveux blonds, ondulés et permanentés et à l’expression stupidement aguicheuse. Quand il parvient à s’arracher au spectacle des professeurs discutant, c’est pour s’apercevoir que le choixpeau est en train de chanter un hymne vantant les mérites des quatre maisons. Il ne l’écoute que d’une oreille alors que, soudain, une idée atroce lui vient à l’esprit. Et si le choixpeau refusait de le répartir ? Et si le directeur était obligé de le renvoyer à ses parents parce qu’il y avait eu une erreur et qu’il n’avait au final pas sa place à Poudlard ? Quand le choixpeau se tait, Mc Gonagall monte sur l’estrade et déroule un parchemin. Son regard sévère scanne les futurs élèves rassemblés devant elle avant qu’elle n’entame la lecture de la liste d’une voix vibrante. Les élèves défilent et le regard d’Ethan se perd dans le ciel magique et orageux qui gronde au dessus de sa tête. « Colin Crivey » Etonné, Ethan voit s’avancer le garçon qui avait rit de sa distraction dans le couloir - il reconnait l’énorme appareil photo pendant à son cou - et il lève les yeux au ciel. L’enfant sautille au lieu de marcher, et cette démarche bondissante déclenche quelques rires dans l’assemblée. Les yeux du directeur pétillent d’amusement et même la terrible professeure de métamorphose laisse échapper un sourire en coin devant son enthousiasme. Puis le châtain se hisse plus qu’il ne s’assoit sur le tabouret et pose sur sa tête le vieux couvre chef. Ses jambes battent dans le vide et Ethan est étonné de voir qu’il existe des personnes de son âge plus petites que lui. Ce Colin doit atteindre son menton, et il se sait pourtant de taille modeste. Le garçon disparait littéralement sous le choixpeau, qui tombe en vagues de cuir molles sur ses épaules. Des ricanements s’élèvent ici et là dans la salle et Mc Gonagall hausse un sourcil avant de s’approcher. Elle pince les lèvres et attrape l’extrémité du chapeau du bout des doigts avant de le soulever légèrement. Un sourire ravi et de grands yeux bleus apparaissent et, après quelques secondes, l’objet magique semble presque se fendre en deux en ce qui semble aussi être un sourire. « Gryffondor » clame-t-il simplement. Le petit châtain saute à bas du tabouret alors que des rugissements de joie et des applaudissements s’élèvent à la table des rouges et or. Quand il s’assoit sur le banc, il disparait sous les accolades amicales de deux jumeaux aux visages grêlés de tâches de rousseur et d’un noir dégingandé, une masse de dreadlocks sur la tête et un sourire chaleureux aux lèvres. Ethan ne sait pas pourquoi, mais il trouve que l’expression gênée et rougissante de ce Colin est étrangement fascinante. Alors que les plus âgés lui ébouriffent les cheveux, il rit aux éclats sans se débattre, tentant visiblement de répondre à toutes les questions qui lui sont posées. Ces effusions rassurent Ethan et c’est à peine s’il s’aperçoit de la disparition de son stress alors qu’il écoute assez peu attentivement les noms des autres élèves s’égrener. « Ethan Lynkilen» Il se crispe si brusquement qu’il est persuadé de s’être coincé une vertèbre. Il déglutit, se force à prendre une grande inspiration puis se dirige vers la professeure de métamorphose à grands pas, raide et l’esprit vide. Quand il pose le choixpeau sur sa tête, le plus respectueusement possible malgré ses mains tremblantes, il s’attend vaguement à une douleur quelconque, à une sensation d’oppression ou de malaise. Mais il ne sent que le cuir râpé, adoucit par le temps et il sourit, soulagé. Quand une voix rugueuse, inhumaine s’adresse à lui, il n’est même pas étonné et pour une fois il écoute avec attention. « Lynkilen, le fils d’Eirik Lynkilen et de Grace Laundry c’est bien ça ? Ton père était un Serdaigle très doué, même si j’ai eu quelques difficulté à trouver quelle maison lui correspondrait le mieux» La voix de l’objet semble résonner d’une certaine autosatisfaction et Ethan hoche la tête avec hésitation. Le choixpeau lit les informations directement dans sa tête et cela l’angoisse un peu. « Bien » Reprend l’objet avec ce qui parait être un soupçon d’excitation « Voyons ce que nous avons là. Une tête bien faite, comme celles de ton père. Un goût pour le travail et du sérieux. Tu ferais un très bon Serdaigle » Ethan jette un œil à la table des bleu et argent, patientant dans un calme religieux. Ils semblent être aussi calmes que lui, et cela le rassure. Sans le vouloir, son regard dérive de nouveau sur la table des Gryffondors où règne toujours un joyeux chaos. Un débat houleux s’y déroule, les participants ne se sentant visiblement pas concernés par la solennité du moment de la répartition. Les jumeaux roux montrent un parchemin à un blond qui s’écarte avec un rictus écœuré. Le garçon à ses côtés, écrasé, le repousse avec un regard noir sous le rire du plus âgé aux dreadlocks. Deux filles brunes se penchent au dessus de la table pour essayer d’apercevoir le parchemin, posant des questions dans des chuchotements tout sauf discrets. Un peu à l’écart, un garçon costaud, l’air gêné, tente de les faire taire tout en se ratatinant sous le regard acéré de Mc Gonagall. Seul, en bout de table, le petit Colin semble s’intéresser à ce qui se déroule sur l’estrade, et il le dévisage de ses immenses yeux bleus avec une gravité qui semble déplacée sur sa frimousse malicieuse. Ses parents avaient raison, les Gryffondors sont tous des abrutis conclut-il en se détournant avec difficulté. Il observe de nouveau les Serdaigles et laisse échapper un sourire plat avant de hocher la tête. « Bien, puisque c’est ça, tu vas donc aller à…GRYFFONDOR » Hurle soudain le choixpeau avec une jubilation sadique qui estomaque le pauvre garçon vissé au tabouret. Le table des rouges et or se lève en rugissant et il rougit avant de se redresser d’un bond, jetant un regard accusateur à l’objet magique. Ce dernier semble sourire et Ethan se sent floué. Quand il s’assoit sur ce qui sera désormais son banc pour les sept prochaines années, il est immédiatement agressé par deux tignasses rousses et une marée de tâches de rousseur. Ces derniers se présentent comme Fred et George Weasley, et ils se lancent immédiatement dans une série de présentations qui le laisse complètement perdu. Il est abasourdi par cette agitation inédite pour lui. On lui serre la main, lui embrasse la joue, lui ébouriffe les cheveux, le noie sous les questions. Il sent un mal de crâne pointer son nez et il se demande s’il ne peut pas encore changer de maison. Finalement, l’attention du groupe est détournée par l’arrivée d’une certaine Demelza Robins, une jolie blonde aux yeux noirs et au sourire ravi. Il en profite pour jeter un regard aux élèves de son âge assis près de lui. Une seule fille, s’étant présentée comme Victoria Frobisher, à l’air doux avec ses cheveux noirs et frisés et ses yeux bleus. Son calme semble étrange au milieu du chahut de sa nouvelle maison, mais Ethan préfère ne pas se faire de faux espoir tout de suite. Après tout elle a été attribuée à Gryffondor. En face, deux garçons discutent quidditch avec un fanatisme presque effrayant, s’étant visiblement trouvé une équipe favorite commune. Celui de gauche, avec ses cheveux bruns très courts et sa fossette au menton s’appelle Andrew Kirke. L’autre, Richie Coote, est grand et efflanqué, pas spécialement beau avec ses dents du bonheur, mais son rire facile semble attirer la sympathie. Près d’eux, le dénommé Geoffrey Hooper tente parfois d’intervenir par un commentaire ou un autre, mais il se tait en rougissant dès que les garçons se tournent vers lui pour lui demander son avis. La maison Gryffondor s’agite de nouveau et il est le seul à rester assis quand deux nouvelles jeunes filles viennent les rejoindre coup sur coup. La première s’avance à grands pas conquérants, hilare, hochant la tête d’un air princier devant l’accueil qui lui est fait. Elle s’appelle Veronica Slemthey, et semble visiblement à l’aise car elle saute avec joie dans les bras des jumeaux avant d’entamer avec eux une danse de bienvenue improvisée. L’autre, une certaine Esther Starkey, les observe avec envie mais elle refuse avec un sourire poli l’invitation du deuxième jumeau et se contente de s’asseoir avec grâce et de répondre aux nombreuses questions qui lui sont posées. Ethan coule un regard mortifié en direction de la table des professeurs, mais Albus Dumbledore les observe avec affection, se moquant totalement de leur manque de discipline. Sur l’estrade le professeur Mc Gonagall semble s’être résignée, et son regard évite farouchement la table de sa maison alors qu’elle appelle une certaine Ginny Weasley. Les deux rouquins se retournent soudain et se mettent à siffler, déclenchant des rugissements d’encouragement des Gryffondors les plus âgés, hilares, qui fon rougir la première année. Il suffit au chapeau d’effleurer sa crinière rousse pour hurler un « GRYFFONDOR » qui ne surprend personne dans la salle et les jumeaux Weasley la félicitent bruyamment, debout sur le banc. Quelqu’un tapote délicatement l’épaule d’Ethan et il se retourne avec un soupir pour tomber sur un regard en dégradé de bleu. L’extérieur de l’iris est d’un bleu marine presque noir alors que, près de la pupille, ils semblent presque transparents. Il se fait la réflexion illogique qu’il est impossible que quelqu’un possède des yeux pareils. Le garçon lui fait un petit sourire en coin et il penche la tête sur le côté. Puis, après un instant de réflexion, il lui tend la main avec sérieux. « Je m’appelle Colin Crivey. Je suis sorcier moi aussi » Cette introduction lui parait totalement stupide. Evidemment qu’il est sorcier, il est à Poudlard. Mais il y a une lueur de doute dans les yeux bleus, comme une ombre de peur, alors il ne fait pas de commentaire et il sert la main fine. « Ethan Lynkilen » répond il seulement. « Ce n’est pas un nom anglais si ? » demande l’autre avec étonnement et Ethan fronce les sourcils. « Ma famille paternelle vient de Norvège » explique-t-il brièvement, s’attendant à une énième remarque surprise sur son physique peu conforme à ses origines. Il sait qu’il n’a pas volé grand-chose d’autre que sa peau pâle à son père, et on l’a souvent regardé avec suspicion avec ses cheveux noirs et ses yeux sombres. Mais Colin Crivey hoche seulement la tête. « Moi mon père est laitier. Un ‘moldu’, je crois que vous les appelez comme ça » précise-t-il, comme si la réponse d’Ethan méritait une confidence en échange. Ethan cligne des yeux une ou deux fois avant de demander « Et ça fait quoi un laitier ? » Le sourire éclatant de Colin le sorcier l’éblouit presque et en l’écoutant distraitement babiller, Ethan estime que les Gryffondors méritent peut être qu’on leur donne une chance.
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Assis en équilibre instable à l’extrémité du banc des Gryffondors, Ethan mange en silence, profitant de sa solitude. Il parcourt distraitement le parchemin qu’un hibou fatigué vient de lui apporter et c’est à peine s’il a jeté un coup d’œil au colis volumineux posé au sol près de lui. Il se doute que son père doit lui envoyer un énième cadeau pour lui prouver qu’il pense à lui. Tout comme il n’avait en définitive pas besoin de lire le courrier envoyé par sa mère pour savoir exactement ce qu’il contenait. Ses habituelles inquiétudes quant à ses études et son bonheur, sur trois lignes. Et, sur soixante centimètres de parchemin, une description larmoyante et détaillée, un peu trop, du calvaire que lui fait subir son mari et du déshonneur qu’il attire sur leur petite famille. Cela fait un mois qu’il a quitté la maison, et pourtant ses parents ne semblent pas abandonner l’idée de le gagner à leur cause. Désabusé, il plaint une fois de plus le pauvre magenmage chargé de leur séparation. Ca pourrait être simple pourtant : ils ne s’aiment plus, ils se séparent et ils arrêtent d’essayer de l’acheter. Il se moque bien de partager ses vacances et ses anniversaires en deux si ses parents peuvent être plus heureux comme ça. Mais on lui dit qu’il est trop jeune pour comprendre, que c’est plus complexe que ça. Il lève toujours les yeux au ciel quand ils essayent de se débarrasser de lui de cette façon. Il sait bien que la complication dort sagement dans un coffre à Gringott. Il sait que, comme son père est le créateur de nombreux balais et qu’il possède de l’argent, tout devient affreusement compliqué. Il se frotte les yeux du bout des doigts en soupirant. Décidément, il trouve les adultes très bêtes et relativement fatiguant. Les jumeaux arrivent soudain dans la grande salle sans aucun souci de discrétion et se précipitent sur son colis avec des grands yeux avides. Ethan lève les yeux au ciel. Les deux roux lui tendent un double regard suppliant jusqu’à ce que le brun les autorise enfin à ouvrir le paquet avec un haussement d’épaule indifférent. Fred pousse un cri exagéré de joie en découvrant un pot de la nouvelle cire pour balais oukcabrille et leur émerveillement finit par tirer un sourire à Ethan. Après réflexion, Lee les rejoint et s’assoit avec naturel sur le sol de pierre, appuyant son dos contre celui d’un George en extase devant la diversité des peaux de chamois ensorcelées et s’amusant à polir ses avant bras. Le garçon aux dreadlocks mâchonne machinalement un toast tout en observant avec intérêt les bras à présent lisses et brillants du roux. L’arrivée de ses camarades de classe est plus calme, tous semblant relativement endormis. Ginny, Demelza et Victoria l’embrassent sur la joue au passage alors qu’Esther lui sourit simplement en s’installant en face de lui. Veronica quant à elle se laisse littéralement tomber sur le banc avant de s’avachir sur la table, la tête entre les bras. Elle se contente de le saluer d’un grognement et d’un vague geste de la main à l’aveuglette et Esther éclate de rire. Andrew ricane devant tant de féminité et de grâce avant de s’installer à sa place habituelle, ignorant les jurons colorés et pâteux de la blonde. Richie se moque un peu de leur soit disant dispute de couple, s’attirant un coup de poing vigoureux dans l’épaule de la part de Andrew qui lui fait les gros yeux, horrifiés. Geoffrey s’installe près d’eux avec un sourire goguenard, silencieux mais n’en pensant pas moins, ce qui n’échappe pas à Andrew qui se détourne finalement, l’air blessé, dans un reniflement méprisant. Ethan sent une main légère se poser sur son biceps et il se tourne vers la droite où il tombe sur le sourire doux de Colin et ses yeux encore brouillés par le sommeil. Le brun rit un peu de son air égaré et le sourire de Colin s’agrandit, affectueux, avant de s’assoir à côté de lui. Il semble chercher quelque chose sur la table, qu’Ethan soupçonne être des madeleines au chocolat, mais il tombe sur la lettre de la mère d’Ethan et son regard s’assombrit. Colin plisse le nez, une expression réprobatrice entre agacement et tristesse venant durcir son visage enfantin. Ethan regrette un instant de ne pas avoir été assez rapide pour la dissimuler dans son sac. Puis Colin lui prend avec autorité le parchemin des mains, le posant sur le banc à côté de lui avec un regard presque agressif qui manque de faire pouffer le brun. Le petit châtain se lève ensuite à demi, tendant son bras pour attraper le pot de marmelade. Il en tartine généreusement un morceau de pain frais, grimaçant quand il le brise en deux à cause de son manque de délicatesse. Il a une moue contrariée, fixant les deux fragments dégoulinants de confiture au citron vert, avant de les poser délicatement devant Ethan. Le brun observe amusé l’offrande sucrée et croque dedans à pleines dents. Le petit photographe semble soulagé et il hoche la tête, approbateur, avant de chercher à nouveau des madeleines au chocolat, dardant toujours la lettre de regards accusateurs. Près de lui, Richie et Andrew ont finis par se chamailler pour de bon et Andrew à l’air d’un hibou surpris par la tempête avec ses cheveux dans tous les sens. Geoffrey et Ginny se moquent de lui et lui lancent des petites piques sadiques qui le font enrager. Sur la table, Veronica s’est endormie depuis longtemps et Esther secoue la tête, amusée, avant de dégager précautionneusement une mèche couleur miel trempant dans un verre d’eau. Le trio au sol se fait de plus en plus bruyant et a attiré un Olivier Dubois aux yeux brillants de convoitise. Le rire de Richie, chaud et affectueux, résonne dans l’air alors qu’il offre un croissant à Andrew en gage de paix. Les bras de Fred et George Weasley sont lustrés et visiblement épilés et les jumeaux ont des sourires presque effrayants. Colin sourit et babille, une miette de madeleine sur la joue et du chocolat au coin des lèvres. Ethan Lynkilen est un Gryffondor depuis un mois. Petit à petit, il apprend à en être fier.
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Début Novembre, Ethan s’énerve pour la première fois sur Colin. Le petit châtain a parlé de Harry Potter pendant plusieurs heures, une fois de plus. Une fois de trop. Le brun est proprement exaspéré par la façon qu’à Colin d’idolâtrer le survivant alors que ce dernier l’ignore royalement. Il en élève même un peu la voix, incapable de retenir son venin. Il le traite d’idiot, de crétin masochiste. Les insultes réservées à Potter sont un peu plus colorées et il entend Andrew ricaner. Lui envoyer son livre de potion sur le crâne ne le calme pas, mais son couinement outré lui tire tout de même un sourire satisfait. Devant lui, Colin l’observe avec de grands yeux, stupéfait par ses éclats de voix. Il est trop habitué à voir le brun accepter placidement les situations les plus étranges pour ne pas être déstabilisé par cette colère brûlante. Puis finalement, avec un haussement d’épaule, Colin se met à rire doucement et il glousse plus qu’il n’avoue que c’est sa franchise qu’il aime le plus chez lui. Ethan grince des dents, bien décidé à ne pas se laisser amadouer par un simple compliment. Colin semble le comprendre parce qu’il s’approche de lui et il lui confie, à mi voix, comme on confierait un secret. « Je suis juste comme un berger qui admirerait une étoile. Je n’ai pas besoin qu’elle me voit en retour pour continuer à l’aimer tu sais» Une remarque moqueuse s’élève du lit de Geoffrey concernant sa philosophie à deux noises et Colin lui tire puérilement la langue. Le rire chaud de Richie envahi la chambre, vite rejoint par celui d’Andrew et le petit châtain lève les yeux au ciel, grognant qu’il n’est entouré que de bourrins. Ethan ne fait aucun commentaire. Après tout, il lui trouve bien des airs d’homme des collines avec sa frimousse malicieuse, ses cheveux clairs et fous, sa silhouette fine et ses yeux trop bleus dévorés par des rêves trop grands. Il décide que Potter est encore plus abruti qu’il ne le pensait, parce qu’il est une étoile dans ce regard pétillant et qu’il s’en moque. Il se dit qu’il aimerait bien prendre sa place, et qu’il n’ignorerait jamais Colin, lui, si c’était le cas. Qu’il en serait fier et qu’il prendrait soin du berger en retour. Et puis, il ne pense plus à rien, parce qu’un oreiller perdu vient de s’écraser sur son visage et que Andrew se détourne avec un air innocent très mal imité. Ethan sourit et le petit brun tente de plonger se cacher dans son lit, écrasant dans le mouvement le pied de Richie. Ce dernier n’attendait visiblement qu’une bonne excuse et avec un calme olympien il écrase à son tour son oreiller sur la tête d’Andrew. Après ça, le chaos et les rires envahissent la petite chambre, rapidement suivis par un nuage de plumes blanches.
Un peu plus tard, Ethan explique à Colin comment effectuer correctement un Wingardium Leviosa et le blond l’écoute avec sérieux. Sa concentration fait sourire Ethan, qui est fier de pouvoir monopoliser pendant si longtemps l’attention du petit photographe habituellement si versatile. Mais au détour du couloir ils tombent sur un Gryffondor à la cicatrice tristement célèbre et le visage de Colin s’illumine. Oubliant totalement son ami qui continue pendant quelques secondes de parler dans le vide, le châtain salue Harry Potter d’une voix vibrante d’admiration. Le héros lui répond poliment avant de continuer son chemin sans même ralentir. Ethan tourne les talons, écœuré, et s’éloigne à grands pas. Il ne se retourne pas quand Colin l’appelle et il disparait dans la foule sortant de la grande salle en sifflant une série de malédictions. Seul dans le couloir, Colin se mord la lèvre, hésitant. Finalement il renonce à lui courir après et soupire. Le petit photographe commence à connaitre Ethan, et il sait qu’il ne ferait que se renfermer un peu plus. Autant lui laisser un peu de temps pour se calmer et lui parler ce soir au calme dans le dortoir. Il grimace à l’idée de passer la fin de la journée seul, ou en tout cas sans Ethan, ce qui revient pour lui au même. Le cours de métamorphose va être une torture sans lui pour l’aider. Il n’ose même pas imaginer celui d’histoire de la magie si le brun n’est pas à côté de lui à gribouiller avec ce talent époustouflant qui laisse toujours Colin rêveur. Décidemment, la journée a mal tourné et le petit châtain a déjà hâte d’être au soir et de pouvoir se réconcilier avec son ami.
Mais ce soir là, sur le chemin de la tour de Gryffondor, Colin Crivey est la seconde victime du monstre sorti de la chambre des secrets.
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Depuis qu’Andrew est entré dans le dortoir des premières années et a annoncé d’une voix tremblante que Colin avait été attaqué, une étrange routine s’est installée. Victoria et Demelza, les deux plus calmes, accompagnées de Geoffrey - le seul garçon matinal - viennent lui rendre visite avant le petit déjeuner, bravant courageusement le caractère revêche de Pomfresh n’ayant pas bu son premier café. Les filles lui parlent des cours de la veille, le recoiffent avec application et remontent la couverture sur ses épaules. Geoffrey se contente d’être là, lisant à voix basse, dans un doux bourdonnement, un passage d’un livre différent chaque jour, installé sur une chaise près du lit. A midi, c’est au tour de Ginny, de ses frères et de Lee de venir lui dire un mot ou deux. Ceux là arrivent toujours dans une ambiance chaleureuse d’éclats de rire et de complicité. Les rouquins taquinent Colin, lui racontent les derniers ragots et lui décrivent leurs nouveaux projets. Ginny lui parle d’Harry Potter en rougissant. Lee flirte avec l’infirmière pour qu’elle les laisse rester plus longtemps et celle-ci lève les yeux au ciel. Un groupe bruyant arrive enfin juste à la fin des cours, composé d’Andrew, Richie, Veronica et Esther. Ils se lancent des piques les uns aux autres, parlent fort et débattent avec virulence, et finissent généralement par se chamailler en manquant d’écraser leur pauvre camarade pétrifié. Esther s’excuse pour eux et serre doucement les doigts rigides entre les siens, comme pour les réchauffer. Ce geste fait grimacer son Veronica, et pour chasser cette peur qu’ils ressentent tous à le voir aussi immobile, ils ne font que s’agiter un peu plus. Ils finissent en général par se faire expulser par une Pomfresh exaspérée et aspirant à un peu de tranquillité. Et puis il y a le cas Lynkilen. Ce petit première année silencieux qui se présente devant les lourdes portes après le repas du soir, aux alentours de vingt et une heure. L’infirmière ne sait pas comment il fait pour échapper à la surveillance accrue de Rusard et des professeurs mais il est là chaque soir, le visage inexpressif et le regard suppliant. Il ne dit rien, ne demande rien, ne proteste même pas quand Pomona lui retire une pluie de points. Il reste stoïque, ne rentrant dans son dortoir que quand Rusard finit par l’y ramener manu militari. Deux semaines après l’agression du jeune Crivey, l’infirmière soupire en entendant une petite main frapper poliment à la porte. Toujours la même heure, toujours le même regard un peu perdu et bien trop décidé. Alors, Mme Pomfresh finit par se pencher vers lui et lui demande finalement pourquoi il ne vient pas durant la journée comme tous ses autres amis. Le petit brun se renfrogne un instant, le nez plissé, comme plongé dans une profonde réflexion, avant de lui répondre avec une sincérité désarmante qu’il veut être seul avec son ami. Elle doit être fatiguée la terrible infirmière, car ce soir elle se sent faible face à ce petit garçon qui se moque de la peur paralysant toute l’école et qui reste patiemment accroupi contre ce mur de pierre soir après soir. D’une voix sèche, elle lui annonce qu’il est collé quotidiennement pour une durée indéterminée. Le garçon fronce un peu les sourcils, acceptant sans plus de discussion la punition, hochant même la tête comme si il comprenait cet excès d’autorité. Alors Pomona l’invite à entrer, insistant sur le fait que la punition se déroulera tous les soirs à vingt et une heure, et qu’aucune absence ne sera autorisée. Et qu’il sera accompagné à l’aller et au retour par le concierge. Le garçon saute sur ses pieds avec tellement de vivacité qu’il manque de s’écrouler sur le sol et pénètre en courant dans l’infirmerie. La maîtresse des lieux secoue doucement la tête en refermant les portes, observant du coin de l’œil le petit Lynkilen déjà agenouillé près du lit de son ami et la fixant de loin avec un regard émerveillé. Elle lève les yeux au ciel et pince les lèvres, tentant de cacher son accès malvenu de sentimentalisme. Mais quand Ethan pose discrètement son oreille sur le torse du paralysé, son visage fin froissé par une angoisse sourde et frustrée, un sourire doux lui échappe. Décidemment, les Gryffondors sont vraiment ses visiteurs préférés.
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Comme tous les soirs maintenant, Ethan est au chevet de Colin, assis sur son lit en délaissant la chaise mise à sa disposition. Il lui parle, à voix basse pour ne pas déranger l’infirmière. Il sait que s’il parvient à se faire oublier suffisamment longtemps, il pourra faire semblant de s’être endormi et elle le laissera toute la nuit à l’infirmerie. C’est donc en murmurant qu’il lui raconte le match de quidditch Poufsouffle Serdaigle. Il lui décrit la chute du batteur jaune et noir, s’aidant de grands gestes qu’il sait que Colin ne peut voir. Il lui raconte comment Veronica a sèchement repoussé un troisième année amoureux d’elle. Il lui parle du cours de sortilèges, qui le passionne, passe sous silence les autres. Il ricane sur la nouvelle coiffure ratée de Coleman, un Serpentard de leur année. Il lui parle du soleil et de la chaleur dehors, de l’herbe verte et des fleurs partout, du lierre tellement vivace qu’il se faufile même dans leur dortoir. Bientôt il atteindra le baldaquin de Colin. Ethan lui précise avec autorité qu’ils ne défendront par son territoire à sa place. Il lui parle de sa fatigue face à ses parents, de cette impression d’étouffer qui le colle. De sa lassitude. De son bonheur d’être tombé à Gryffondor. Du sentiment de manque quand il mange et que la panière de madeleine reste désespéramment pleine. Souvent il essaie de le pincer discrètement, en espérant le voir sursauter, lui l’éternel chatouilleux. Il lui avoue parfois à l’oreille, comme un secret honteux, à quel point c’est dur de le voir comme ça. A quel point il aimerait décrisper ses mains semblables à des serres et son visage figé dans cette expression de terreur. Il le supplie de ne pas lui en vouloir de lui avoir tourné le dos ce jour là, de ne pas avoir été dans le couloir à ses côtés quand le basilic l’a attaqué, d’avoir été incapable de le venger. Il jette toujours un œil autour de lui après ces confessions, craignant d’être entendu. Et il lui parle de Harry Potter. Avec réticence, avec une grimace que l’endormi ne peut voir. Pour Colin, il efface la rancœur de sa voix, le sarcasme de ses récits. Il lui ment un peu, disant que son idole s’inquiète pour lui et demande régulièrement de ses nouvelles, sans avouer qu’il passe chaque jour à l’infirmerie pour voir sa meilleure amie et qu’il ne jette qu’un vague coup d’œil au corps paralysé du châtain. Il le sait, Veronica le lui a avoué, outrée et prête à faire un scandale au héros incriminé en plein milieu de la grande salle. Tous les soirs, quand le concierge ricanant tourne les talons, Ethan a appris à monnayer son séjour à l’infirmerie à coups de chocogrenouilles envoyées par son père. L’infirmière affirme que le chocolat est avant tout un remède précieux, mais il est très facile d’intercepter la lueur de gourmandise dans ses yeux à l’ouverture du papier brillant. C’est un échange équivalent. Elle ne dit pas aux autres qu’il n’ose pas venir en journée car il ne veut Colin rien qu’à lui. Il ne révèle pas qu’elle est une adulte qui aime les chocogrenouilles. Dans un petit rituel bien précis, Ethan s’assoit d’abord sur le bord du lit. Il sort ensuite deux friandises chocolatées et en tend une sans un mot à l’infirmière. Puis Ethan brise le bout du nez pointu de la sienne pour obtenir un petit cône sucré qu’il glisse entre les lèvres de Colin. Mme Pomfresh a dit que cela ne pourrait pas lui faire de mal, et l’idée que Colin mange quelque chose le rassure un peu, même si ce ne sont que quelques grammes de chocolat fondant sur sa langue.
Mais aujourd’hui, tout est différent. Colin Crivey a été attaqué par le monstre à la fin du mois de Novembre, et déjà, le mois de Mai débute. Et hier, la professeure Chourave a annoncé que les mandragores étaient prêtes pour la potion, qui sera administrée aux victimes le lendemain. Donc ce soir là, Ethan ne passe qu’en coup de vent à l’infirmerie. Il court dans les couloirs et le concierge le suit en boitant et en grommelant, sifflant des injures qui font rire le petit impertinent. Il pénètre dans l’infirmerie en coup de vent, saluant l’infirmière sans même ralentir et lui tirant un gloussement amusé. Avec de grands gestes, il explique à Colin ce qu’il va se passer, tournant autour du lit avec une énergie inaltérable. Il babille, lui le silencieux, et la sévère Mme Pomfresh l’observe avec un regard doux. Ce petit bonhomme aux poches pleines de chocogrenouilles va lui manquer, tout comme la litanie de ses chuchotements au fond de l’infirmerie ou son nez froncé quand il simulait le sommeil pour mieux se faire oublier. Après tant d’années, la coriace infirmière ne se fait plus d’illusions. Elle sait que comme toutes les frimousses qu’elle a vu passer, celle-ci aussi disparaitra sans se retourner. Il grandira, comme ils le font tous, et oubliera la vieille femme en blanc qui lui posait une couverture sur le dos quand il s’endormait sur sa chaise, petit veilleur obstiné. Elle seule conservera le souvenir d’un sourire édenté, d’un rire discret, de petits bouts de chocolat distribués avec une méticulosité bien peu enfantine et des récits murmurés et épouvantés des cours de potions. Pomona Pomfresh peut se vanter d’avoir vu passer entre ses murs l’intégralité de Poudlard depuis des générations. Petites blessures ou gros rhume, accident magique ou os brisés, elle les aura tous réparés avec patience et les aura observés repartir en courant de son infirmerie, sans jamais revenir une fois l’enfance passée. Mais au fond d’elle, elle garde un souvenir de chacun, une miette des enfants qu’ils auront été pendant de trop courtes années, un sourire, un grain de beauté, une blague, une larme, un regard. Elle a tout sacrifié pour devenir la mémoire de Poudlard, la terrible soignante, et alors qu’Ethan sort en lui adressant de grands signes enthousiastes, elle ne parvient pas à le regretter. - Une fois rentré dans son dortoir, c’est un Ethan énergique qui décide de motiver les troupes et annonce une opération grand nettoyage. Ses colocataires avachis aux quatre coins de la chambre râlent, grognent mais finissent par obéir docilement, effrayés par l’enthousiasme du brun habituellement impassible. Andrew, une de ses chaussettes en boule retrouvée sous la commode à la main, tente bien de plaider un devoir de potions en retard mais le regard torve d’Ethan le fait immédiatement renoncer avec un soupir. Il se rapproche de Richie pour se plaindre discrètement mais ce dernier est en train de nettoyer mollement les vitres, l’expression blasée et conciliante. Avec la sœur jumelle de la chaussette d’Andrew. Ce dernier reste un instant muet et bouche bée sous l’outrage avant de se reprendre et de se jeter sur son meilleur ami, l’air féroce. Mais dans sa précipitation son pied bute dans les livres posés au sol par Geoffrey, occupé à les trier soigneusement, et il manque de se prendre le mur. S’ensuit un chaos absolu, Geoffrey et Andrew criant comme des putois et Richie continuant à frotter une tache sur la fenêtre avec peu de conviction. Ignorant royalement ses amis en train de se battre à coup de vêtements – et de grimoires outrageusement chers s’il se fie au couinement horrifié de Geoffrey - Ethan vérifie que tout est bien en place près du lit de l’absent. Il tapote les oreillers, remet en place avec un soin maniaque les rideaux et passe même un doigt suspicieux sur la table de chevet à la recherche d’un grain de poussière égaré. Tout est parfait et il se laisse tomber sur le lit de son ami, satisfait. Un cri plus fort que les autres se fait entendre sur sa gauche et il ne tourne pas la tête, pas même quand une plume blanche vient se poser sur son nez et que des milliers d’autres se mettent à voler dans toute la pièce. Le silence se fait aussitôt, ses deux compagnons de chambre lui tendant des regards penauds sous les ricanements de Richie, une chaussette toujours enfilée sur sa main gauche. Ethan ferme les yeux dans un soupir. Il s’étire paresseusement, caressant l’idée de simplement dormir là et de se réveiller au matin pour revoir enfin un regard bleu unique en son genre. Sa main, perdue au niveau de la tête du lit rencontre soudain un objet pointu et il sort de ses pensées, surpris. A tâtons, il s’en empare pour l’observer à quelques centimètres de son visage, les sourcils froncés. C’est un petit journal blanc tout bête, vierge de toute inscription. Il hésite un instant puis l’ouvre, sa curiosité vainquant sans difficulté ses réticences. Il se fait cependant la promesse de le refermer si jamais il est tombé sur le journal intime du petit châtain. Il tombe directement sur la dernière page, occupée entièrement par une photo moldue. Pendant une fraction de seconde, Ethan craint d’avoir trouvé un album dédié à Harry Potter. Mais il se heurte au sourire immense à fossettes d’Andrew et à son visage peint à la manière d’un sioux en rouge et jaune, émergeant d’une écharpe aux couleurs de Gryffondor. Il brandit bien haut la bannière de Gryffondor et il est tellement gonflé de fierté qu’il semble au bord de l’implosion. Richie est à ses côtés, riant à gorge déployée et portant sur ses épaules comme si elle ne pesait rien la petite Veronica, habillée et maquillée entièrement de rouge pour l’occasion, formant ainsi un contraste parfait avec son épaisse chevelure dorée. La jeune fille lève les poings au ciel, tête basculée vers l’arrière et exultante, le demi-sourire triomphant. Enfin, sur le gradin du fond, en arrière plan, Ethan se voit en train de hurler avec Geoffrey, bras dessus bras dessous. Leur premier match de quidditch, Gryffondor contre Serpentard. La victoire spectaculaire des rouges et or et l’hystérie dans les rangs de leurs supporters. Comment auraient-ils pu savoir alors que la manœuvre suicidaire et époustouflante de Potter serait à l’origine de la première dispute entre Colin et Ethan ? Comment auraient-ils pu se douter que tout basculerait le soir même et qu’un monstre rampant dans les couloirs viendrait leur voler le petit châtain ? Allongé sur un lit qui ne lui appartient pas, Ethan observe la photo avec amusement et un zeste d’acidité. L’image est belle, elle semble imbibée de bonheur brut et simple, et il s’étonne de voir qu’il est possible de capturer autant de choses dans une simple photo moldue. Dans un réflexe conditionné, il tapote le papier du bout du doigt, dubitatif, s’attendant encore à voir les personnages se réveiller et bouger. Il tourne délicatement la page, pour tomber cette fois sur Ginny et Luna, profondément endormies contre le tronc du saule pleureur, appuyées l’une contre l’autre. Puis Andrew perché sur les genoux de Geoffrey, un sourire innocent aux lèvres, alors que son fauteuil humain aborde un air vaguement blasé et agacé, son livre écrasé au sol hors de sa portée. Une feuille givrée, délicat bijou argentée flottant à la surface d’un vieil arrosoir noir et décoloré. Esther brossant avec patience les cheveux de Veronica, retirant discrètement les quelques brindilles restantes en réprimant un sourire pour ne pas énerver plus son amie pestant après les jumeaux Weasley. Lee en train de rire, assis en tailleur au sol, ses dreadlocks teintes dans un rose flashy et ornées de petits nœuds rouges. Un couloir sombre dans les cachots, éclairé uniquement par un rayon de lune poussiéreux se frayant un chemin par un carreau bleuté. La grande salle et son plafond orageux projetant des grandes ombres menaçantes, lui conférant des airs d’église maudite. Fred et George côte à côte, souriant et se tenant par la taille, une petite queue verte en tire bouchon posée sur leur tête et demandant à ce qu’on les appelle les jumeaux citrouille. Geoffrey blotti au coin du feu, l’air morose, sa tête dépassant d’une énorme couverture en laine, se remettant de la première grippe de sa vie. Un bonhomme de neige un peu bancal, un chapeau posé de guingois sur la tête et l’écharpe des Gryffondors autour du cou. Harry Potter durant un entrainement de quidditch, pensif, cherchant le vif des yeux. Victoria et Demelza, faisant léviter autour d’elle des dizaines de boules de neige, sous les yeux émerveillés des garçons. La silhouette du calamar géant, ombre blanche flottant dans l’eau noire. Andrew, nez et oreilles rougis, allongé dans la neige et battant des jambes et des bras pour y faire un ange. Une toile d’araignée, dentelle délicate de rosée, accrochée à un clou rouillé dépassant de la barrière du potager d’Hagrid et laissant voir par transparence un alignement de potirons glacés. Et puis il s’y était trouvé, lui. Le matin au saut du lit, enroulé dans sa couette, les cheveux en pagaille et l’expression revêche. Gribouillant sur un morceau de parchemin, concentré et méticuleux. Riant avec Andrew. Jouant aux échecs contre Geoffrey, tous leurs amis perchés sur des accoudoirs ou assis au sol autour d’eux. Saupoudré de neige, les cils givrés et les joues rouges, dissimulant dans sa main une carotte crue à demi dévorée, sauvée de sa destinée d’appendice nasal pour une sculpture de neige. Feuilletant un magasine de quidditch avec un vague intérêt, Fred nonchalamment appuyé sur le dossier du fauteuil, le menton dans la main et lisant par-dessus son épaule. Etrangement calme, la peau teinte en jaune et mauve par une mauvaise blague des jumeaux, tentant de rester naturel malgré les regards mortellement amusés de toute la salle commune. Apprenant la valse dans les bras d’une Veronica agacée par sa raideur et sous les commentaires rassurant de la douce Esther. Une autre enfin, dans un coin, plus petite et en noir et blanc, représente seulement son visage, endormi sur un vieil ouvrage de potions. Ethan caresse distraitement l’image figée d’Esther les bras écartés, la tête levée au ciel et les yeux fermés, savourant le contact des premiers flocons sous le regard tendrement moqueur de Veronica. Il a assisté à cette scène aussi, et il pourrait presque s’imaginer appuyé contre un tronc noir, les bras croisés et le nez enfoncé dans son écharpe. Il a vu les filles rire sous la neige et pourtant ce n’est que maintenant qu’il découvre la pureté qui s’en dégage. Ils ont tous tellement vu Colin dégainer son appareil pour un rien qu’ils ont finis par ne plus le voir. En trois mois, Ethan ne lui a même jamais demandé de lui montrer ses photos. Mais là, c’est presque choqué qu’il découvre ces éclats bruts de talent couchés sur papier brillant, ces secondes capturées et cristallisées. Son monde lui semble si terne, si fade en comparaison, et il se surprend à tomber amoureux de ce monde tout en instants volés et en détails ignorés de tous. Il sait que la beauté est avant tout dans le regard du rêveur, mais il ne peut s’empêcher de penser qu’avec un peu d’effort, avec un peu de son aide, il pourrait peut être y vivre aussi. Derrière lui, Andrew pleure sur le sort de son oreiller cruellement assassiné et Richie pose sa main toujours recouverte d’une chaussette, maintenant poussiéreuse, sur son épaule en un geste de réconfort ironique. Geoffrey sourit tendrement à ses ouvrages en les classant soigneusement, caressant leurs reliures gravées avec une délicatesse à la limite de l’adoration. Ethan les observe avec attention et il s’aperçoit qu’il y vit peut être déjà un peu plus qu’il ne le pense. Cette idée lui arrache un sourire émerveillé et il sert contre lui le petit album blanc. Demain, les mandragores seront prêtes. Demain, Madame Pomfresh administrera la potion. Demain.
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Assis sur son lit, Ethan attend. Il sait très bien que le festin bat son plein dans la grande salle malgré l’heure tardive. Suite à l’agitation du retour de Dumbledore et du départ précipité de leur professeur de défense contre les forces du mal - escorté par des médicomages et l’air relativement perdu - le dîner n’avait pas pu avoir lieu à l’heure habituelle. Et ce n’est qu’à une heure du matin que les préfets étaient venus chercher les élèves de leur maison, secouant les endormis, convaincant les récalcitrants, annonçant la grande nouvelle. Que Dumbledore était de retour, et qu’il avait affirmé que tout était fini. Poudlard se réveillait après une longue hibernation faite de peur et d’angoisse, et cette résurrection s’accompagnait d’un lourd bourdonnement de rires et de cris résonnant entre les murs de vieille pierre. Seul Ethan a refusé de bouger. Quand ses amis ont bondi sur leurs pieds dès que Pénélope Deauclaire a poussé la porte, lui s’est contenté de rester allongé sur son matelas. Pénélope a bien insisté, mais il a haussé les épaules et au final elle a tourné les talons pour s’occuper des autres dortoirs. Il se moque de l’immense buffet, de l’énorme fête. Il se moque même que le monstre de la chambre des secrets ait disparu sans qu’on ne sache vraiment comment. Tout ce qu’il sait c’est que Mme Pomfresh a dû administrer les potions et que d’ici quelques minutes, quelques heures peut être, Colin sera sorti de sa léthargie. Il passera peut être par la grande salle. Peut être qu’il préférera revoir Harry Potter, après six mois d’absence. Mais il s’en moque, car lui il restera là à l’attendre, parce que pour lui il n’y a rien de plus important, et que c’est le principal après tout. Et quand la porte s’ouvre délicatement, dans un grincement léger, sur une silhouette pâle il n’est même pas étonné. Après tout, il le connait mieux qu’il ne veut se l’avouer. Ils se fixent, pendant de longues secondes. Sans vraiment de gène, malgré les six mois qui les séparent, malgré des réconciliations laissées en suspens. « Bonjour » dit simplement Colin d’une voix douce, un peu enrouée. « Bonsoir » le reprend Ethan avec un regard éloquent en direction de l’horloge. Le petit châtain rit et il s’approche en courant avant de se jeter à côté de lui. Ethan rebondit un peu sur le matelas, manquant de tomber sur le sol. Et il a envie de rire aussi, parce que le regard bleu est en face de lui, qu’il pétille, et qu’il lui a manqué. Il aimerait le lui dire, mais il n’a jamais été très doué pour les mots alors il se contente de lui attraper l’épaule et de le serrer contre lui, aussi fort qu’il le peut. Colin passe ses bras derrière sa nuque et enfoui sa tête dans son cou, avec un soupir tremblant. Peut être qu’il avait craint lui aussi leurs retrouvailles, qu’il se demandait quel accueil lui serait fait. Ou peut être qu’il a simplement besoin de ça, de sentir que quelqu’un l’a attendu, a espéré son retour. Que malgré six mois de vide dans sa vie rien n’a changé. Ethan est juste heureux d’entendre son cœur battre à un rythme normal. De sentir sa peau chaude sous ses doigts. De l’entendre respirer, un peu trop précipitamment. Vivant. « Comment tu te sens ? » chuchote-t-il, un peu inquiet. « Très bien, mis à part une petite envie de courir autour du château en hurlant pour oublier que j’ai été immobile aussi longtemps » « Tu te souviens. Je veux dire…Tu étais..conscient ? » Il murmure encore en rougissant, alors que la réponse l’angoisse soudain. Il se souvient de toutes ses confidences, tous ces secrets qu’il lui a imposés. Ses longs monologues enflammés, ses rêves et ses peurs. Colin s’écarte de lui, juste un peu, juste assez pour pouvoir le dévisager. Il fronce le nez, mal à l’aise, semblant hésiter. Puis, avec un petit soupir fataliste, il avoue que oui. Son sourire est hésitant, et Ethan comprend qu’il craint qu’il ne lui en veuille. Qu’il ne lui reproche d’avoir espionné ces réflexions destinées à un corps inerte qui n’était pas censé comprendre. Mais Ethan est seulement soulagé. Ces confidences trop intimes, ces phrases si difficiles à formuler, il n’aura pas à les répéter. Il presse l’épaule entre ses doigts, comme pour le rassurer. Comme pour se rassurer. « Dis Ethan, tu veux que je te montre quelque chose ? » souffle finalement Colin. Derrière ses cils, ses yeux bleus s’ombrent d’une lueur presque sacrée que même le sourire mutin, un peu gêné, ne parvient pas à démystifier. Le petit brun hoche mécaniquement la tête et Colin saute pratiquement du lit, presque à quatre pattes, alors qu’Ethan lève les yeux au ciel devant sa précipitation. Il se lève à son tour, avec un peu plus de grâce, et va tranquillement s’installer au sol, dos au mur. Après avoir fouillé sa malle, Colin en sort cinq ou six albums et il s’assoit en tailleur tout contre lui. Il ouvre le premier et le pose à plat sur ses cuisses. De l’index, il montre une photo en noir et blanc où un homme aux cheveux clairs tient par la taille une jolie jeune femme blonde, aux yeux incroyablement clairs. « Ca, ce sont mes parents » Commence Colin doucement, des fossettes plein les joues, se mordant la lèvre pour empêcher son sourire de trop s’agrandir. Ethan vient effleurer du doigt l’image jaunie par le temps, bloquant un instant sur le visage de la femme. Il a immédiatement compris que Colin tente, le plus subtilement possible, de compenser tous ces aveux qu’Ethan lui a faits durant ces quelques mois. « Tu as les mêmes yeux que ta mère » observe Ethan. Une lueur de triomphe éclate dans le regard de Colin et il plisse les yeux et le nez, enthousiaste. « On me l’a dit souvent ! Mais par contre, j’ai les mêmes cheveux que mon père, alors que Denis a ceux de maman » Ethan s’avachit doucement contre le mur et penche la tête sur le côté pour la laisser tomber sur l’épaule de Colin. Les yeux mi clos, il écoute le monologue affectueux et confiant de Colin. Il se sent exténué, comme si toute la fatigue de ces derniers mois, de ces dernières années venait soudain lui engourdir le crâne. Il n’a qu’une envie, dormir. Et pourtant, il reste éveillé sans peine. Parce que Colin est enfin là, et qu’il a un peu peur qu’il ne s’évapore durant la nuit. Parce que les rêves de papier de Colin sont tellement plus beaux que les siens, quand il ferme les yeux.
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Après deux mois d’ennuis et de lettres échangées avec une régularité boulimique, Ethan retrouve enfin sur le quai du Poudlard express tous ses amis. Veronica le sert dans ses bras, l’embrasse sur la joue en riant avant de courir enlacer Esther, les deux jeunes filles se mettant immédiatement à parler de tout et de rien à toute vitesse, comme si le temps leur était compté. Andrew lui pose les mains sur les yeux et lui demande de deviner qui il est alors que Richie lui assène une immense claque dans le dos qui manque de le faire tomber à terre. Andrew et Ethan grimacent de concert en s’apercevant que le brun semble avoir bien plus grandi qu’eux, et qu’il mesure une tête de plus à présent. Andrew en boude même un peu. Luna lui fait la bise et, avec ce sourire étrange, décalé, qui la caractérise tellement, elle lui parle le plus sérieusement du monde des découvertes de son père. Ginny lui saute dessus, tornade rousse aussi vite arrivée aussi vite repartie. Les jumeaux et Lee le bousculent, hilares, avant de le saluer de dizaines de courbettes obséquieuses. Geoffrey lui sert calmement la main, un sourire au coin des lèvres. Il est le centre d’un vortex de retrouvailles et, heureux, il en oublie complètement le regard étonné et attendri que ses parents posent sur lui. Tout ce qu’il voit, c’est Colin Crivey qui se fraie tant bien que mal un chemin dans la foule. Il se sent léger, il voudrait rire aux éclats, bousculer les gens et courir pour le rejoindre. Mais il préfère attendre, profiter du bonheur simple de le voir approcher. Quand Colin finit par parvenir devant lui et qu’il le serre contre lui brièvement, Ethan commence enfin à comprendre ce qui lui a tant manqué. Ce sourire enchanté, ces yeux bleus trop clairs et la satisfaction de savoir que sa simple présence semble illuminer les traits de son ami. Le train siffle et il est comme aspiré par le courant d’élèves, n’adressant qu’un vague au revoir à ses parents. Ils s’entassent dans un compartiment comme ils peuvent, les filles râlant un peu de devoir se serrer. Pour calmer tout le monde, Ethan commande une quantité faramineuse de sucreries, et c’est avec sérieux qu’ils déballent tous leurs chocogrenouilles, troquant leurs cartes les unes contre les autres. Puis leur compartiment se met à bourdonner, tous racontant leurs vacances en même temps, posant des questions qui se perdent dans le brouhaha, tentant avidement de rattraper ces longs jours loin les uns des autres. Dans son coin, contre la paroi, Ethan est silencieux. Blotti contre le dossier de cuir, il les observe tous, comme pour se convaincre qu’ils sont vraiment là. Colin sort un petit album blanc d’une de ses poches et il fait un clin d’œil complice à Ethan. Ethan sait avec une certitude effarante qu’un sourire émerveillé doit étirer ses lèvres mais il est bien incapable d’y faire quelque chose. Quand la silhouette du château apparait, ombre déchirant la lune de ses hautes tours, le silence se fait. Il flotte une émotion étrange, un mélange de respect et d’émotion. Ethan se colle à la fenêtre, avec avidité, comme s’il pouvait faire accélérer la locomotive par la seule force de la pensée. Sa gorge se noue alors qu’il distingue l’éclat du lac noir et les lumières dans le parc. Il sait que ce n’est pas rationnel, mais il a l’impression de rentrer chez lui.
Ils s’installent tous dans la grande salle, retrouvant avec automatisme leurs places habituelles, laissant juste un peu d’espace pour les nouveaux. Ca ne le surprend même pas de voir à quel point il leur est facile de se glisser de nouveau dans leur routine. Andrew bouscule un peu Richie en s’installant et ce dernier le pousse, le faisant basculer par-dessus le banc avec un petit cri. Toute la table éclate de rire et à ses côtés, Esther lève les yeux au ciel. Veronica lui jette un regard blasé et elle fait cliqueter ses ongles sur la table. Geoffrey parle tranquillement avec Hermione Granger des livres qu’il a lu durant l’été. Colin observe Harry Potter avec un grand sourire et ça n’énerve presque pas Ethan. Presque. Soudain les grandes portes claquent et les nouveaux pénètrent dans la grande salle en rangs serrés derrière Mc Gonagall. Ils ont les yeux écarquillés, les épaules basses, et ils les fixent avec une ombre de peur. En les observant, Ethan se sent soudain à sa place, profondément bien. Il est un ancien à son tour, et il ressent une forme de tendresse pour ces nouveaux émerveillés, qui ne se doutent pas encore de ce que Poudlard va leur offrir. Un petit brun au visage crispé par l’angoisse croise son regard et il lui sourit, rassurant. Une fois de plus, leur table fait plus de bruit que les trois autres rassemblés. Les nouveaux élèves les observent avec un peu de crainte et Ethan se redresse. Il rit un peu et, baignant dans ce chaos chaleureux et familier, il se sent plus fort que tout. Il ne prête même pas attention au regard atterré de la table des Serdaigles ou celui condescendant des Serpentards. Ethan Lynkilen rentre en deuxième année à Poudlard. Il fait partie de Gryffondor, la maison la plus bruyante, anarchique et ingérable de l’école. Ethan est un Gryffondor, et c’est bien là sa plus grande fierté.
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Ils ont douze ans. Ils peuvent encore se permettre de courir dans les couloirs en riant, de se chamailler pour des broutilles et de se réconcilier dans des parties de chatouilles. Ils peuvent encore faire exploser presque par accident des objets, plaidant un sort trop difficile à maitriser. Ils peuvent sortir sous la neige sans vraiment s’habiller, s’y rouler et en ressortir gelés et souriant, futurs patients de Mme Pomfresh. Ils ont douze ans, et déjà ils ont leurs petites habitudes. Dans chaque salle, une place bien définie, carte géopolitique résultant d’un équilibre précaire des forces, des différents et des amitiés. Un ordre est établi pour l’occupation de la salle de bain, et quand ils passent au troisième étage de l’aile sud, ils effleurent tous la pierre rouge incrustée dans le mur dont la légende affirme qu’elle éloigne le malheur. Ils ont douze ans, et déjà ils ont leurs propres rituels, immuables. Demelza et Ginny attendent tous les matins Luna devant la porte de la grande salle, pour lui dire bonjour avant d’aller prendre leur petit déjeuner. Richie rend toujours Coleman, un Serpentard de leur promotion, totalement fou de rage en se contentant de le fixer avec un petit sourire narquois. Coleman fini toujours par insulter Andrew, seul sujet sensible chez le Gryffondor. Au final, Andrew tourne simplement les talons en haussant les épaules et Richie lui emboite le pas, grommelant des injures colorées. Jamais ils n’en viennent aux mains, car la seule fois où ils s’y étaient risqués, Andrew avait réglé l’affaire en moins de deux minutes, leur distribuant à tous les deux des hématomes et des bosses. A chaque petit déjeuner, Veronica s’endort à même la table, la tête enfouie dans ses bras, et Esther lui met de côté un bout de pain, une pomme et du raisin noir.
Ethan et Colin ne dérogent pas à cette règle. Ils ont leur propre routine, bien réglée. Colin a appris à ne jamais parler de cours à Ethan avant qu’il n’ai pris son petit déjeuner, sous peine de le voir de mauvaise humeur pour le reste de la journée. Ethan ne réfléchit plus et, quand il s’assoit à table, il tend par automatisme la carafe d’eau au photographe, qui commence toujours son repas par un grand verre d’eau fraiche. Ethan préfère marcher avec Colin à sa gauche et ce dernier peut bouder durant des heures si Ethan ne l’attend pas à côté de la porte à la sortie des cours. Et, tous les soirs, aux alentours de vingt et une heure, Colin quitte la salle commune sur un sourire et monte dans leur dortoir. Exactement dix minutes plus tard, Ethan range ses affaires et l’imite. Ce petit rituel étrange amuse les Gryffondors, qui se moquent parfois gentiment d’eux. Les jumeaux les surnomment « le petit couple de vieux », on leur ébouriffe les cheveux et on essaye de les retenir. Mais le visage sérieux d’Ethan attendrit les plus âgés et finalement, ils l’observent monter les escaliers avec un sourire en coin. Leur duo a regagné son antre et au final, c’est aussi un rituel pour tous les Gryffondors. Comme toujours, Ethan commence par enlever ses chaussures, sa robe de sorcier et déboutonner deux boutons de sa chemise pour se mettre plus à l’aise. Il soupire de soulagement puis, souriant le plus discrètement possible, il va rejoindre Colin sur son lit, le petit châtain flottant déjà dans son habituel pyjama. Ils travaillent parfois, étalant les manuels autour d’eux. Ils discutent des derniers potins. Ils ne disent rien souvent, restant pendant de longues minutes côte à côte, profitant du calme. Puis, Colin semble revigoré et se lève d’un bond pour aller chercher ses photos du jour. C’est une sorte de rééducation, où Colin lui apprend à retrouver un regard d’enfant qu’il pense ne jamais avoir possédé, à déceler la beauté dans tout ce qui l’entoure. Colin enseigne les rêves comme on sermonne un cancre attendrissant, avec sérieux, les sourcils un peu froncés et le sourire en coin. Ses doigts dansent dans les airs pour souligner ses mots, les photos défilent sous ses yeux, et la voix douce et patiente s’élève. Il lui parle de la silhouette tordue et torturée d’un arbre mort aux branches alourdies par la neige. De l’air lourd, de la menace grandiose de ces journées d’orage au ciel noir que l’on pourrait presque atteindre en se mettant sur la pointe des pieds. De ces regards accueillants au coin du feu crépitant dans une cheminée de pierre. Le bruit dans la grande salle, ce bourdonnement de rires et de cris, cette masse vivante et agitée, essence même de Poudlard, bien plus que quelques vieilles pierres. Il lui parle d’héritage, de magie ancienne, des siècles passés qui semblent s’accrocher au présent. Des livres par milliers dans la bibliothèque, de leurs mots usés par trop de regards ennuyés pour que l’on se souvienne encore qu’ils avaient été tracés par une plume tremblante à la lueur vacillante d’une bougie, qu’ils sont autant de petites victoires sur la mort d’un nom gommé dans l’Histoire. Il lui parle de ces murmures et de ces rires, comme des fantômes de sons, et de ces silhouettes gloussantes disparaissants au détour d’un virage. De ces sourires inattendus qui transforment un visage. Il lui parle des bonbons acidulés, colorés, des chocogrenouilles au chocolat croquant. Des fleurs apparaissant ici et là, leurs pétales de soie froissés par un trop long sommeil. Du ballet nerveux des joueurs de quidditch et de leur rire, si haut, comme des oiseaux trop libres. De leur ombre, collées à leurs pieds, déformée par la luminosité et se débattant sur le sol comme un géant efflanqué et grotesque. Il lui décrit ces reflets brisés sur la surface du lac. Des nuages battus par le vent, dévorant la lune de leurs tentacules de fumée. Il lui raconte l’herbe tendre, la terre noire et grasse, la neige crissant sous les semelles et l’eau glacée, à l’odeur métallique. L’air froid et pur, prêt à voler en milles morceau au moindre éclat de voix. Le ciel, bien trop grand.
Et, enfoui sous une couette épaisse, noyé dans une mer d’oreillers, Ethan se contente d’observer. Il se grave au fond des rétines les yeux brillants, le sourire doux, la passion voilée par la pudeur, les mains blanches dansant dans les airs pour mieux décrire, pour mieux convaincre. Il se grave cette image à même les rétines comme il aimerait graver au fer rouge tous ces rêves dans sa mémoire. Et, pendant quelques minutes, il y parvient. Il se persuade que le monde peut être aussi beau que ça. Que le bonheur et la vie peuvent être aussi simple. Et qu’importe si le lendemain, les rêves s’évaporent avec l’arrivée d’une lettre et d’un colis, avec la gazette du sorcier vomissant ses faits divers avec indécence. Car là, dans ce lit, son menton appuyé sur ses genoux et ses yeux grand ouverts, il voit Colin détruire et reconstruire le monde soir après soir à l’aide de quelques photos et de mots vibrant d’évidences, et que c’est déjà un petit miracle. Quand les gestes de Colin se font plus lents, ses paupières lourdes et ses phrases entrecoupées de bâillements, Ethan se lève et lui souhaite une bonne nuit. Colin ne répond pas, se contente de sourire. Un sourire crispé, un sourire forcé. Car si au creux de son lit, Colin est le dieu d’un monde, une fois les rideaux tirés il devient un enfant que l’obscurité rend muet. Ils n’en parlent jamais, même si tous ressentent la même chose. Deux semaines plus tôt, un meurtrier est parvenu à pénétrer dans le château, au nez et à la barbe de tous les professeurs, d’une cinquantaine de détraqueurs et du célèbre Dumbledore. Il s’est ensuite faufilé dans leur tour, a marché sur leur tapis et frôlé leurs fauteuils avant de monter dans les étages. Il a agressé Ronald Weasley, juste au dessus de leur tête. Il est encore en liberté. Ils ont douze ans, peur du noir et d’un regard fou découvert en couverture de la Gazette. Ils ont douze ans et désormais Sirius Black hante leurs cauchemars. Alors, de plus en plus souvent, Ethan attend que Colin le chasse de son lit. Il le fixe, attendant un sous entendu, un regard ennuyé. Mais Colin s’endort sans un mot alors Ethan l’imite. Et quand un bruit étrange dans le dortoir résonne durant la nuit, c’est en silence qu’Ethan sert contre lui la silhouette frémissante du petit photographe.
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Ethan aime énormément les cours de défense contre les forces du mal du professeur Lupin. Il y règne une ambiance spéciale, apaisante. Leur enseignant, dans ses robes poussiéreuses au tissu grossier, semble toujours maladroit dans ses gestes comme si son propre corps le gênait. Derrière ses barbes de trois jours et ses cheveux en bataille brillent des sourires calmes et généreux et deux yeux d’or aussi perçant que ceux d’un aigle. Sa douceur et son calme cachent un formidable chasseur de tricheurs et de perturbateurs, et son regard fixe et dérangeant dompte même les plus terribles Serpentards. Contrairement à ce bellâtre incompétent de Lockart, il leur permet de lancer des sorts et ses cours sont toujours passionnants, ce qui en fait le professeur le plus aimé de l’école. Le fait qu’il semble posséder une usine de chocolat sous sa cape n’influence évidemment pas sa popularité. Ou si peu. Sa salle de cours est grande et lumineuse, et remplie d’objets étranges et biscornus que les élèves ne se lassent pas d’observer. Une fois, le professeur a surpris Ethan en pleine contemplation d’une des grandes armoires vitrées. Il l’a rejoint et lui a parlé de tout ce qu’il avait devant les yeux, lui expliquant les boussoles enchantées et les pièges à goules. Finalement ils s’étaient tous assis en cercle, à même le sol, Gryffondors et Serpentards mêlés, écoutant avec fascination - et écœurement parfois - les descriptions des nombreux objets ensorcelés. Ils s’étaient tous imaginés grands Aurors à cet instant là, traquant le mal les poches remplies de gadget incroyables. Aujourd’hui, le professeur a ramené un Pitiponk, pour prendre de l’avance sur le programme de troisième année. La créature sautille au milieu d’eux sur son unique jambe, tendant les filets de fumées lui servant de bras et dardant son regard rouge sur des élèves pas vraiment impressionnés. En effet, le Pitiponk, même en sautant, ne dépasse pas la hauteur de leurs genoux. Andrew semble follement amusé et, accroupis, il le défie du regard avec un sourire narquois. Au tableau, l’enseignant décrit patiemment la physiologie et les points faibles de la créature en se servant de son schéma tracé à la craie au tableau qui avait tiré quelques gloussements aux élèves et qui l’avait presque fait rougir. Remus Lupin a beaucoup de qualités, mais peu de talent artistique. Ethan n’a pas besoin de se tourner pour savoir que Colin a dégainé son appareil photo. Il le connait, tout comme ils connaissent tous les deux le sourire sournois de Richie, et ils savent que d’ici peu Andrew risque de tomber le nez le premier sur la pauvre créature qui n’attend que ça. Au tableau, le prof semble l’avoir vu aussi mais il se détourne avec un petit rire. Coleman a très bien compris également, et il attire l’attention de Malcolm Baddock d’un petit coup de coude. Il ne semble même pas se rendre compte qu’une fois de plus, l’air de rien, leur professeur parvient à rapprocher leurs maisons. Un cri résonne, outré, un flash éclate et des rires s’élèvent un peu partout dans le cercle. Le professeur fronce les sourcils, faussement réprobateur et Richie lève les mains au ciel, une moue innocente aux lèvres. L’adulte secoue la tête, amusé, avant de s’approcher et de tendre un petit bout de chocolat à Andrew, étalé au sol et agrippé par la créature enchantée. Andrew lui retourne un regard consterné, vexé de voir que l’homme retient aussi son fou rire, mais il attrape quand même la friandise. Les discussions naissent ici et là alors que Geoffrey tend une main secourable à Andrew. Ce dernier lève les yeux au ciel mais accepte l’aide avec un soupir affligé de martyr. Tous finissent par éclater à nouveau de rire en observant le Pitiponk collé à la jambe d’Andrew, incapable de s’en débarrasser et hésitant visiblement à lui donner un bon coup de pied. Malheureusement, il sait à quel point ces créatures peuvent crier fort, et il craint tout de même la réaction du professeur ricanant retourné au tableau et toussant en respirant de la poussière de craie. Ethan se laisse tomber sur sa chaise, dans un élan de paresse, et cale son menton entre ses bras croisés. Assise au sol, sa robe noire coulant autour d’elle en un disque de tissu plissé, Esther s’amuse avec le Pitiponk qui enroule avec curiosité ses tentacules de fumée autour de son doigt tendu. Veronica lui tapote le haut de la tête d’un air vaguement hautain. Décidant qu’elle est relativement bien entourée, la petite créature plie son unique jambe avant de fermer les yeux, satisfaite. Andrew s’appuie contre Richie, bougon, et tente tant bien que mal de ne pas rire aux piques discrètes échangées par son meilleur ami et Coleman. Ginny et Demelza discutent de la meilleure façon de combattre le Pitiponk, la rousse estimant qu’un sort de congélation ne serait que d’une utilité mineure. Geoffrey compare avec frénésie le dessin du Pitiponk de son livre et la créature face à lui, griffonnant des annotations dans les marges. Harper et Vaisey, deux Serpentards, ricanent. Et Colin prend des photos, marquant l’écoulement des minutes au rythme de ses flashs et de ses regards complices. Sur l’estrade, comme pour trouver une excuse valable de ne pas les reprendre pour leur comportement agité, Remus Lupin est occupé à effacer le tableau. De tous leurs professeurs, il est le seul à ne pas utiliser la magie. Leur tournant obstinément le dos, cachant un sourire amusé, il écrit avant d’essuyer puis de recommencer, faisant mine de n’être jamais satisfait. Mais si son manège lui fait gagner du temps, il l’entoure d’un nuage de poussière de craie, qu’il tente tant bien que mal de dissiper du dos de la main. Finalement, il se retourne vers eux, triomphant. Il remet sa robe en place avant de se racler la gorge, ses yeux dorés et pétillants imposant immédiatement le calme. Et ce, même si l’effet en est gâché par ses vêtements, ses cheveux et sa joue où se dessinent en ombre blanche l’empreinte de ses doigts. Tous les élèves, conciliants, hochent la tête, se mordant la joue pour ne pas rire devant sa mine sérieuse. Décidément, Ethan Lynkilen adore les cours de Remus Lupin. Or, d’après les rumeurs, Remus Lupin est un loup-garou. Il leur a annoncé, au début de ces deux heures, que ce serait leur dernier cours. Parce que les adultes ont décidés que le professeur Lupin était un monstre dangereux pour eux, et qu’il doit donc partir. On ne leur a pas demandé leur avis bien sûr. Après tout, qui se soucie de savoir qu’il est le meilleur enseignant qu’ils n’aient jamais eu ? Qu’il est accro au chocolat, même s’il le justifie avec de pseudo excuses médicales, et qu’il incapable de manipuler une craie sans s’en mettre partout mais qu’il s’acharne quand même ? Qu’il essaie toujours de rester sérieux, mais qu’il a le rire facile et doux ? Qu’il parvient à convaincre même le pire cancre qu’il est capable de réussir tout ce qu’il décide, et que son avenir sera celui qu’il a choisi ? Qu’il est une personne fantastique, tout simplement. Pas les parents d’élèves, bien pensants et bourrés de préjugés, qui ont décidés qu’il n’était pas un « risque à prendre ». Ethan observe le futur ex professeur Lupin, auréolé de douceur et de poussière de craie, et il trouve que les adultes manquent singulièrement de logique. A suivre |