- Voici le dernier chapitre! Merci à tous ceux qui ont commenté cette fiction ! Chapitre 3 : Le vœu Dans son palais silencieux et immortel, Elysis observait son miroir. Ses tatouages se mirent à onduler sur sa peau pâle et ses ailes s’agitèrent. Pour la première fois de sa vie, la princesse ressentit de la colère. Et de la peine. Car Evan semblait avoir perdu toute raison de vivre… Elle sortit de sa chambre tandis que l’eau de la vasque redevenait lisse et opaque. Ses ailes palpitantes frôlèrent les feuillages argentés et transparents des arbres tandis que ses fins bracelets d’argent tintaient à ses chevilles. Elysis plongea la main dans la fontaine en réfléchissant à ce qu’elle venait de voir. Ses yeux améthyste se posèrent sur les nuages rosés de l’aurore, dans la quête d’une réponse. Elle resta ainsi un long moment, sentant le jour se lever et les rayons du soleil lui réchauffer la peau. Elle entendit un bruissement d’ailes à côté d’elle et la main de son père se posa sur son épaule nue. Elle leva les yeux vers lui et rencontra une lueur interrogatrice au fond de ses prunelles. Sa voix claire et légère chuchota les quelques mots qui ne pouvaient plus rester secrets : « J’ai besoin de voir Almanë, la Sage. » Le roi ne pu cacher sa surprise. Entendre la princesse parler était déjà une exception, mais qu’elle demande à voir la Sage, la mémoire du peuple Hydrane, était encore plus déroutant. En effet, rencontrer Almanë nécessitait d’ouvrir son cœur, de dévoiler ses plus secrètes pensées, et ce rituel était parfois si éprouvant que l’Hydrane mourrait ou perdait ses ailes… Mais Delyos lut dans les yeux de sa fille que cette décision n’avait été prise qu’en dernier recours et après réflexion. Il tendit la main à sa fille avec un sourire triste sur les lèvres. Ils partirent vers la Montagne de Cristal en survolant le Lac Tadën à toute vitesse, le roi ayant vu l’urgence dans les mots d’Elysis. Ils arrivèrent au pied du pic et s’arrêtèrent devant l’entrée de la grotte. Une faible lueur bleutée provenant du fond de la caverne illuminait les parois serties d’éclats brillants. La princesse plongea son regard violet dans celui orangé de son père. Celui-ci, la voix voilée, lui chuchota à l’oreille son amour. « Je t’aime. » Elysis lui sourit tendrement en laissant une larme couler sur sa joue, consciente que c’était peut-être la dernière fois qu’elle voyait son père. Elle savait néanmoins qu’elle ne pourrait vivre si Evan souffrait. « Je vous aime aussi. Pardonnez-moi, père, de vous laisser seul de nouveau. » Le roi serra doucement sa fille dans ses bras, puis la lâcha en effleurant son visage d’une main un peu tremblante. Elysis lui sourit puis s’écarta de lui et entra dans la grotte. Une fois qu’elle eut franchi le seuil, Delyos ne vit plus que son ombre qui s’éloignait lentement. Il resta seul à côté de l’immense montagne qui sifflait doucement… Elysis avança sur le sol azur en préparant son esprit à l’épreuve qu’il allait endurer. Au bout d’une heure, ou bien de quelques secondes, l’Hydrane passa sous une arche de ronce entrelacée de fleurs violettes et pourpres. Un parfum étrange et envoûtant lui parvint tandis que ses pieds nus effleurèrent un tapis de mousse et de feuilles. Une brume bleutée l’empêchait de discerner la pièce dans laquelle elle se trouvait. Elle marcha droit devant elle, ne rencontrant jamais d’obstacle, tandis que le parfum fascinant et merveilleux s’intensifiait… Brusquement, la fumée se dissipa et la jeune Hydrane se retrouva devant un autel blanc derrière lequel était assise une silhouette. Elysis se rapprocha doucement et, reconnaissant Almanë la Sage, elle s’inclina respectueusement. Puis, calmement, elle s’assit sur le sol recouvert de pensées mauves. Un moment s’écoula, seulement troublé par la respiration paisible de la princesse. La vieille Hydrane leva alors ses yeux bleus, pâles et troubles. Elle écarta ses longs cheveux blancs entremêlés de plantes de son visage immortel, et tendit la main vers Elysis. Celle-ci plaça sa paume contre celle, douce et froide, de la Sage. Aussitôt elle sentit une présence pénétrer dans son esprit. Une présence forte et oppressante qui forçait ses barrages patiemment construits au fil des années. Ses forces la quittèrent et elle se mit à trembler. Avant de sombrer dans l’oubli, elle entendit une voix éthérée résonner dans son crâne. « Que veux-tu ? » Elysis releva doucement la tête. Son sang battait à ses tempes et un léger vertige troublait son regard. Des brides de rêve, de souvenirs, lui revinrent en mémoire. Durant son inconscience, toute sa vie avait été dévoilée à Almanë, ses 300 ans devenant aussi fluides et insaisissables que l’eau. Elle se revit un instant, fillette, recueillant la larme d’un arbre au creux de sa paume, puis plus tard, recevant l’ultime tatouage confirmant son appartenance au monde des Hydranes… Prenant conscience de l’endroit dans lequel elle était, Elysis se redressa et regarda la Sage qui était assise en face d’elle, le visage impassible. Celle-ci prit la parole, de sa voix aussi légère que l’air. « J’ai vu au plus profond de toi, Elysis, et je sais pourquoi tu es venue ici. Ton amour pour cet Humain est pur, mais il ne te conduira qu’à ta perte. Veux-tu néanmoins le rendre heureux ? » La princesse hocha la tête, s’imprégnant des paroles de la Sage « Oui. » « Il n’y a qu’un seul moyen possible. C’est un savoir ancien, enfoui au fond des mémoires, oublié de tous… Il est dit qu’un Hydrane peut exaucer le vœu le plus cher de l’Humain qu’il aime, mais à une seule condition. Celle de son sacrifice… » La respiration d’Elysis s’accéléra légèrement tandis que les mots de la vieille Hydrane résonnaient dans la grotte. Elle ferma les paupières, inspira profondément et les battements de son cœur s’apaisèrent… Quand elle rouvrit les yeux, son regard voilé par les larmes était empli de résolution. Quel que soit le sacrifice qui lui était demandé, elle était prête à l’endurer… Elle planta ses prunelles dans celles d’Almanë et prononça les quelques mots qui devaient sceller son destin. « Moi, Elysis l’Hydrane, j’accepte de donner ma vie pour celle d’Evan l’Humain. » Almanë hocha la tête et plaça ses mains sur le cœur d’Elysis en murmurant des mots anciens et oubliés. La lumière disparut… * * * Evan se redressa d’un coup. Les draps de son lit lui collaient au corps et la chambre lui semblait étouffante. Il se leva et ouvrit la fenêtre. Son regard fut aussitôt attiré par la lune. Pleine et brillante, elle illuminait la nuit et dissipait la brume toxique de la ville. Evan resta un moment immobile, fasciné par l’astre de la nuit. Puis il enfila ses vêtements et sortit au-dehors… D’une démarche de somnambule, il s’avança dans les rues anormalement désertes, sans quitter des yeux la sphère lointaine et lumineuse. Ses pas le portèrent jusqu’à un parc et il s’engouffra entre les hauts arbres sombres. Il marcha jusqu’à se retrouver près d’une fontaine à l’eau claire et pure. Hypnotisé, il leva la tête vers la lune et s’aperçut qu’elle brillait de plus en plus fort. Il plissa les yeux et distingua une forme qui descendait lentement. Se hissant sur la pointe des pieds, Evan tendit les mains vers le haut et sentit une plume s’y déposer. Les ramenant vers son visage, il écarquilla les yeux. Au creux de ses paumes se tenait une… fée. Une petite fée magnifique aux ailes délicatement repliées… Mais la créature était figée dans la pierre. Des striures violettes tranchaient sur le gris perle de sa peau. Evan passa doucement le bout de ses doigts sur le visage fin de la statue en murmurant l’un de ses poèmes. Il entendit alors une voix douce et mélodieuse résonner au plus profond de lui. « Fais un vœu. » Evan regarda la fée. Il était sûr qu’elle venait de lui parler… Pour la première fois depuis des semaines, il ressentit un bonheur pur envahir son cœur. Toutes ses pensées noires, toutes les moqueries lui semblèrent alors si peu importantes qu’elles disparurent. Seul comptait la délicate créature qu’il tenait dans ses mains… Il posa sa bouche contre son oreille effilée et chuchota doucement. « Je veux que cette fée vive pour que je puisse un jour lui parler… » FIN Voilà la fin n'est peut-être pas très satisfaisante mais c'est ainsi que j'avais décidé de la faire et ce depuis le début ^^ Merci et à bientôt ! Taion |