| Disclaimer : Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si! Couple : Harry / Draco. Rating : K+. Bonjour à tous. Voici mon OS pour le concours Gepetto. Désolée pour ceux qui lisent, mais je ne sais pas pourquoi, la touche pour centrée refuse de marcher... Enfin, quand je veux centrer quelque chose, ça le fait, mais ça n'enregistre pas quand je fais "Valider le chapitre", donc désolée d'avance. Bonne lecture ! 
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 Les ficelles Tic-Tac. Tic-Tac. Il  avait un corps. C'était la seule chose dont il avait conscience. Un  corps enserrait son esprit éparpillé qui ne parvenait pas à tenir en  place, allant dans toutes les directions. Un esprit embrouillé, qui  peinait à aligner deux pensées cohérentes. Tic-Tac. Sa tête  lui faisait mal. Il la sentait chaude, bouillonnante, tremblante et  humide. En fait, il avait l'impression paradoxale de voler ou de nager,  emprisonné dans un cocon de chaleur dont il ne parvenait pas à  s'extraire. En même temps, il n'essayait pas beaucoup : il avait  l'impression d'être emprisonné, comme si ce qui constituait son âme  était enfermé dans une cage. Des poissons tournant en rond dans leur  bocal… Tic-Tac. Il tentait de réfléchir, ou du moins  d'ordonner ses pensées. En vain. Tout lui faisait mal, et en même temps,  il avait l'impression de flotter. De n'être rien. Il se concentra sur  ses sensations, qui semblaient endormies. Il parvenait juste à entendre  le bruit régulier et continu qui ponctuait les secondes, un petit bruit  obsédant qui le rassurait. Tic-Tac. Il s'accrocha à ce  bruit. Il l'écouta longtemps, longtemps, jusqu'à ce que ses oreilles  s'endorment et qu'il n'ait plus conscience de rien… OoO Tic-Tac. Tic-Tac. Toujours  ce bruit. Ce même bruit continuel qui pourrait rendre fou n'importe  quel homme. Mais pas lui. Lui, il écoutait ce petit bruit répétitif qui  était comme un point d'encrage dans les ténèbres qui l'envahissaient.  Tout était sombre autour de lui, il ne ressentait rien, et cette  coquille qui l'entourait demeurait inerte. Il en venait à douter s'il  avait vraiment un corps, ou si tout ça n'était qu'une illusion. Tic-Tac. Mais  le fait qu'il entende ce bruit à chaque fois qu'il se réveillait  l'amenait à penser qu'il était vivant. Ses pensées se clarifiaient un  peu, bien assez pour prendre conscience qu'il n'était pas une masse  informe mais un être vivant, coincé, mais vivant, avec un cœur qui  battait et des sens éveillés ou endormis. Tic-Tac. C'était  étrange comme sensation. Plus tard, il se rendrait compte que c'était  comme s'il était en train de naître. Un peu comme s'il était dans le  ventre de sa mère et qu'il attendait de voir la lumière du jour. Mais  pour le moment, il restait là, dans le noir, perdu, se posant des  questions sans queue ni tête qui n'admettaient pas de réponses… OoO Tic-Tac. « 'Twas brillig, and the slithy toves. » Tic-Tac. « Did gyre and gimble in the wabe. » Tic-Tac. « All mimsy were the borogoves » Tic-Tac. « And the mome raths outgrabe. » OoO Tic-Tac. Tic-Tac. Même  rengaine. Toujours la même. Mais il y avait quelque chose différent. Il  ne savait pas vraiment quoi, avant de comprendre, après une éternité de  difficile réflexion : il sentait son corps. Tic-Tac. « 'Twas brillig, and the slithy toves. » Il  ne savait pas depuis combien de temps il était là, mais le fait était  qu'il sentait à présent chaque morceau de son corps, de son torse à ses  petits orteils. Il ne pouvait pas les bouger, c'était trop lui demander,  mais le corps qui l'emprisonnait commençait à prendre forme. Il avait  l'impression de sentir des odeurs, aussi. Et le bruit qu'il entendait  lui paraissait un peu plus fort. Tic-Tac. « Did gyre and gimble in the wabe. » Peu  à peu, il redécouvrit son corps. Il sentait sa bouche close, sa langue  cachée derrière ses dents, ses cheveux collés à son front et trempés de  sueur, ses mains posées à plat de chaque côté de ses cuisses. Avide de  sensation, il tenta de mouvoir ce corps de marbre, mais sans résultat :  son esprit était entré dans une statue de pierre. Une statue qui pouvait  néanmoins renifler et écouter les bruits autour d'elle. Tic-Tac. « All mimsy were the borogoves. » Peu  à peu, ses pensées s'assemblèrent, pour former un tout à peu près  cohérent. Ses questions vagues et indécises se formulèrent et créèrent  des sensations qu'il n'avait jusqu'à alors pas éprouvées. Tic-Tac. « And the mome raths outgrabe. » D'abord  l'étonnement, puis l'angoisse, et enfin la panique. S'il avait pu, il  se serait mis à trembler, à se débattre, voire même à pleurer ou à  crier. Mais son corps demeurait sourd à la souffrance qui l'étreignait :  il transpirait juste un peu plus. Tic-Tac. Qui suis-je ? Tic-Tac. Pourquoi je suis là ? Tic-Tac. Qu'ai-je fait ? OoO Tic-Tac. Tic-Tac. C'en  devenait obsédant. Autant ce bruit l'avait rassuré dans un premier  temps, autant cela avait quelque chose d'inquiétant à présent. Il avait  l'impression que c'était la seule chose qui lui était donnée de  percevoir. Il avait pourtant eu l'impression à un moment donné  d'entendre un autre bruit que cette rengaine sèche et sévère qui battait  implacablement les minutes qui passaient. Tic-Tac. C'était  un peu comme une chanson, prononcée d'une voix douce, comme une  berceuse. Il n'avait pas compris grand-chose. En fait, il avait même eu  du mal à suivre la mélodie, entendant cette voix plus tendre que le son  de l'horloge. Le plus souvent, c'était juste un murmure. Comme un  chuchotement fait à soi-même. Tic-Tac. Mais il aimait  entendre le léger bruit, cette voix qui distrayait un peu ses oreilles  du bruit incessant de l'horloge. Car à présent, il savait que c'était ça  qu'il entendait : l'horloge. Le bruit obsédant de l'horloge qui marque  chaque seconde passée de façon continue, sans jamais se reposer. Ti-Tac. Le  bruit caractéristique d'une porte qui grince se fit entendre dans la  pièce. Aussitôt, son corps se tendit, ou du moins, son esprit se mit en  alerte, ses sens au garde-à-vous. Avide de tout autre bruit que cette  rengaine désespérante, il guetta le bruit de pas, des talons et des  semelles frappant doucement le plancher d'un air tranquille. Il entendit  aussi des froissements de tissus : des vêtements. Tic-Tac. Une  personne était près de lui. Quelqu'un se tenait à côté de lui,  peut-être à quelques centimètres, son regard posé sur lui. Il eut envie  de hurler, de bouger, de lui dire qu'il était là, vivant. Un peu comme  un naufragé coincé sur son île déserte crierait aux cieux qu'il était  vivant et qu'il avait besoin d'aide. Tic-Tac. « Horloge ! Dieu sinistre, effrayant, impassible. » Cette voix. Cette voix dont il ne comprenait pas un mot et qui parlait doucement, comme s'il faisait une confidence. Tic-Tac. « Dont le doigt nous menace et nous dit : "Souviens-toi !" » Les  pas reprirent dans la pièce. Des objets furent touchés, le froissement  des vêtements continua, au rythme de ses pas lents, son allure presque  calculée. Il écoutait chaque bruit que la personne émettait, et cette  voix qui semblait réciter doucement des vers, qu'il ne parvenait pas à  comprendre. Tic-Tac. Tic-Tac. OoO Son corps était tendu à l'extrême. Cela ne se voyait pas, à l'extérieur, mais tout en lui bouillonnait d'indignation. Il  avait fini par s'habituer au bruit de l'horloge, qu'il ne percevait  même plus. Pourtant, son esprit restait éveillé durant de longues  minutes, voire même des heures, où il n'avait absolument rien pour se  divertir. Par moments, il essayait d'interroger son esprit, mais il  était tellement vide qu'il tombait rapidement dans une angoisse proche  de la folie. Car c'était cela qui lui faisait peur. Son corps ne  bougeait pas, dur comme de la pierre et sourd à ses suppliques, mais ce  n'était pas cela le plus inquiétant. C'était plutôt qu'il ne se  souvenait de rien. Il avait l'impression d'être un bébé tout juste sorti  du ventre de sa mère, ou un être vierge de tout passé, mais c'était  impossible : un enfant ne pourrait jamais comprendre qu'il se trouvait  allongé dans un lit et dans une chambre qui possédait une vieille  horloge, et un homme sans rien ne pourrait avoir autant conscience de ce  qui se passait autour de lui. C'était un homme qui circulait dans  la chambre. Un homme qui ne lui adressait jamais la parole, se  contentant de réciter des vers, parfois dans sa langue, parfois dans une  autre. Mais qu'importe ce qu'il pouvait raconter, sa voix était belle,  faite pour réciter des poèmes et des chants. S'apaisant, il l'écoutait  chuchoter, fredonner, parler tout seul en marchant dans la pièce. Il le  touchait souvent, massant ses jambes, ses bras et le reste de son corps.  Il n'en avait pas eu conscience auparavant, mais il avait fini par  sentir les pressions sur ses membres qui lui faisaient un bien fou. Au  fil des jours, il se rendit compte qu'il ne mangeait pas et ne se  lavait pas. Il aurait pu paniquer s'il n'était pas dans cet état  végétatif, incapable de communiquer avec l'extérieur. Il ne manquait pas  de volonté pourtant. Il sentait son corps, ses bras, ses mains, ses  longues jambes et son cœur battre dans sa poitrine. Il parvenait même à  sentir le contact des draps sur ses mains et des vêtements sur lui,  quelques odeurs, très peu, et puis le bruit… En réalité, son  esprit était embrouillé. Il avait du mal à se discipliner, s'excitant  tout seul quand quelque chose de nouveau parvenait à lui et sombrant  dans une sorte de désespoir quand il se retrouvait seul pendant de  longues heures dans cette pièce. Il avait du mal à ordonner ses pensées  et à nommer ce qu'il ressentait, mais il avait conscience des choses  autour de lui : il sentait les choses sans vraiment leur donner de noms. Et  en ce moment, il avait conscience que quelqu'un errait dans la pièce.  Comme à son habitude, il chuchotait. Ça le berçait et l'apaisait. Il  essayait de comprendre ce qu'il racontait, mais il ne comprenait pas  bien. Un peu comme s'il disait n'importe quoi. Ses pas  s'éloignèrent de lui. Aussitôt, il prit peur. Faisant appel à toute sa  volonté, il tenta d'ouvrir les yeux. C'était difficile, comme si ses  paupières étaient collées. S'il avait pu, il aurait serré les dents sous  l'effort, c'était peut-être ce qu'il faisait en fait. Le soleil  l'éblouit. Pendant quelques secondes, il lui creva les yeux, qui se  cachèrent aussitôt derrière les paupières protectrices. Un léger soupir  lui échappa, à peine audible. Mais peut-être un peu trop, car le bruit  des pas s'arrêta et la porte ne s'ouvrit pas. Le silence régna quelques  instants dans la pièce, son cœur battait à cent à l'heure. L'autre  l'avait entendu. C'était certain, car il l'entendit se rapprocher de  lui, ses pas allant dans direction, s'arrêtant tout près de lui. Le  bruit léger de leur respiration était la seule chose qu'il entendait. Soudainement,  il eut peur d'ouvrir à nouveau les yeux. Le soleil lui avait fait très  mal. Les pas se déplacèrent à nouveau et il paniqua, quand soudain le  bruit sec de rideaux rabattus devant une fenêtre se fit entendre,  plongeant la pièce dans une relative obscurité. Un peu rassuré, alors  que l'autre revenait vers lui, il ouvrit les yeux. Il ne vit rien.  C'était tout noir. Il cligna des yeux, plusieurs fois, avant de  distinguer un plafond au-dessus de sa tête. Il essaya de la bouger mais  il n'y parvint pas : son cou était coincé. Alors il regarda comme il put  autour de lui. Et un visage apparut dans son champ de vision. C'était  un homme. Un homme avec la peau blanche et des cheveux blonds. Il ne  parvenait pas à distinguer son visage, tout était flou. Il parvenait  tout juste à voir la ligne de son nez, de ses lèvres, et la tache sombre  de ses yeux. Il eut envie de rire ou de pleurer. Il voyait.  Quelqu'un était là, devant lui. Quelqu'un allait l'aider et le sortir de  cet état. Ses lèvres refusèrent d'esquisser un sourire, mais il devait  se refléter dans ses yeux qui, malgré le voile qui les recouvraient,  dévoraient cette image indistincte. Par contre, l'autre parut sourire. Et sa voix, un peu plus forte que les autres fois, résonna dans la pièce. « Bonjour, jeune homme. Enfin réveillé ? » Il ne réagit pas. Il ne pouvait pas. Il aurait pourtant voulu lui répondre. « Bon retour parmi nous, Potter. » OoO Deux  semaines s'écoulèrent. A présent, il pouvait compter les jours, étant  témoins du lever et du coucher du soleil, même si les rideaux  demeuraient tirés. L'autre ne voulait pas blesser ses yeux, donc la  chambre demeurait dans l'obscurité à tout moment de la journée. Cela ne  le gênait pas plus que ça. Le lendemain de son « réveil », l'homme  comprit qu'il ne voyait rien, alors il posa ce qu'il appelait des  lunettes sur son nez. Aussitôt, sa vue s'améliora, et il put enfin voir  réellement le visage de l'homme qui s'occupait de lui. Il ne  savait pas vraiment comment le décrire. C'était un homme blond avec des  yeux bleus, le visage assez fin et de marbre. Il ne souriait pas  beaucoup, ses yeux étaient plus expressifs. Il n'aurait su dire s'il  était beau ou laid. Plus tard, il lui trouverait du charme, mais pour le  moment, c'était un visage banal qui se dévoilait à ses yeux troublés. Il  ne connaissait pas son nom. L'homme ne se présenta pas, comme si la  situation n'était pas étrange. Comme si c'était normal qu'il soit là, à  s'occuper de quelqu'un bloqué dans un lit et incapable pour le moment de  communiquer. Peut-être se connaissaient-ils. Pourtant, il avait beau  chercher dans sa mémoire, il ne se souvenait pas d'avoir déjà vu cet  homme-là. Et en même temps… Il ne se souvenait de rien. Qui suis-je ? L'autre  semblait le connaître. Il lui parlait familièrement, sans jamais  prononcer son nom. En même temps, il n'en avait jamais vraiment  l'occasion : il lui parlait peu, puisque le patient ne lui répondait  pas, et il n'avait pas de raisons de l'appeler. L'homme blond  s'occupait bien de lui. Il comprit comment il avait pu vivre sans manger  et pourquoi il ne bougeait jamais de son lit pour se laver. A l'aide  d'une baguette de bois, l'autre lançait divers sortilèges qui  nettoyaient le corps du malade. Un étrange filament blanc partait d'une  pochette transparente pleine de liquide et rentrait dans son bras, le  nourrissant. Au début, voire l'autre utiliser la magie le remplit  d'effroi. Il ne comprenait pas ce qui se passait autour de lui, pris de  panique, mais le blond ne sembla pas s'en soucier. Il ne devait pas bien  comprendre la signification de ces regards apeurés et fixaient la  baguette de bois et les sortilèges qui s'en échappaient. En fait, il eut  la confirmation que l'homme ne comprenait rien à sa terreur quand il  lui dit, en souriant, qu'il ne lui ferait pas de mal, qu'il ne comptait  pas le tuer ou autre. Or, cette idée ne l'avait même pas effleuré,  c'était plutôt la façon dont il s'occupait de lui qui l'inquiétait  beaucoup. Il fallut attendre au moins sept jours avant qu'il ne  soit capable de desserrer les lèvres. Il parvenait à tourner la tête, en  douceur, et à bouger un peu ses doigts. Ses membres étaient lourds,  refusaient de bouger comme il l'aurait voulu, et une fois encore, cela  ne semblait pas inquiéter ni surprendre son hôte qui pratiquait chaque  jour les mêmes gestes de façon répétitive. Quand il essaya de  parler, il ne produisit qu'un son inarticulé, un peu comme un  grognement, qui lui fit honte. Il en rougit de gêne, surtout quand  l'autre s'esclaffa : sa voix était enfin sortie de sa gorge ! C'était  bon signe, selon lui. Son corps, quant à lui, semblait reprendre  vie, et dans le fond, il se sentait de plus en plus rassuré quand il  parvenait à bouger quelque chose. Plier légèrement un doigt sonnait dans  son cœur comme une grande victoire, lui qui avait passé tant de temps  dans l'obscurité et dans un isolement sensoriel. Une autre semaine  passa, et il parvint enfin à articuler des mots, au prix de nombreux  efforts. L'autre en face de lui avait du mal à le comprendre, fronçant  ses fins sourcils blonds au-dessus de ses yeux bleus, sans jamais se  moquer. Un jour, il ferma les yeux et se concentra. Devant lui,  son hôte le regardait attentivement, assis tout près de lui sur le lit,  ses mains posées sur ses genoux. Il portait une sorte de longue robe  noire dont les broderies et coutures étaient bleues. Ses cheveux blonds  étaient un peu assombris par l'obscurité de la chambre, les rideaux  étant fermés. Faisant appel à toutes ses forces, le patient prononça quelques mots. « Qui… suis… je ? » Quand  il ouvrit les yeux, le blond le regardait comme s'il n'avait pas  compris. Exaspéré, il maudit son état et ce manque terrible de force qui  allait sans aucun doute l'amener à reposer cette question qui lui avait  tant couté. Mais l'autre sembla comprendre. « Qui es-tu ? » Exactement. Dis-moi qui je suis. « Tu ne le sais pas ? » Il  bougea légèrement la tête et, dans ses yeux, l'autre devait lire qu'en  effet, il n'en savait rien. Le visage de l'homme traduisit son  incompréhension… « Mais… et Moi ? » … ou, plutôt, le fait qu'il ne voulait pas comprendre. « Tu ne te souviens pas de moi ? » Non. Le  blond se montrait du doigt. Son expression prit un air déçu, peut-être  même blessé. Ses yeux bleus reflétaient tellement de détresse, lui qui  était d'habitude si calme, si sûr de lui… Il aurait voulu se relever et  le prendre dans ses bras, ou lui dire qu'il était désolé, qu'il ne  voulait pas lui faire mal, et qu'il aurait voulu se souvenir… De qui je suis… Le  blond se mordilla la lèvre, regardant le sol. Puis, il ferma les yeux,  poussa un soupir, et regarda à nouveau son patient allongé dans le lit. « Tu ne te souviens de rien ? Des… des souvenirs… » Non. « Je ne sais pas, moi, des gens que tu as connus, des moments dans ta vie… » S'il te plait… « Ton nom… Tu dois bien te souvenir de ton nom ! » Arrête de me regarder d'un air si désespéré… « Mais c'est pas possible ! » Il  se leva soudain, faisant sursauter le malade. Ce dernier le regarda  faire les cents pas dans la chambre, hors de lui. A présent inquiet, il  le suivit des yeux, cette forme sombre au teint clair qui allait et  venait dans la chambre, le regard rivé sur le sol, les traits brouillés  par la colère. Il s'arrêta de tourner en rond aussi vite qu'il s'était  levé, posant une main sur ses yeux avant de se masser le front. Enfin,  il tourna les yeux vers l'homme apeuré qui le regardait avec stupeur,  s'attendant à une sentence. « Tu t'appelles Harry Potter. » Harry Potter… « Et moi, je m'appelle Draco Malfoy. » Draco Malfoy… « Ca ne te dit rien ? » Non. Un hochement de tête. Ca ne me dit rien. Une lèvre mordillée. Je ne me rappelle pas… Des larmes sur ses joues… OoO Plus  besoin de rideaux pour cacher la lumière du soleil. Il ne vivait plus  comme un vampire, criant au moindre rayon du soleil, ses yeux brulant  comme jamais. A présent, il en tolérait les rayons, les regardant  pénétrer peu à peu dans sa chambre, presque timidement, avant de  l'illuminer, comme si c'était pour le réchauffer un peu, et le faire  sourire. Harry Potter ne souriait pas. Il en avait la possibilité,  il le savait, mais il n'en avait pas envie. A vrai dire, il n'avait  envie de rien. Toute la volonté qui l'avait poussé à poser la question  fatidique à son bienfaiteur semblait avoir disparu, un peu comme si elle  n'avait jamais été là. Tous les jours, Draco Malfoy venait dans  sa chambre. Il massait ses membres avec dextérité, lui proposait  d'essayer de s'asseoir et de manger quelque chose, mais son patient ne  lui répondait pas, le regardant à peine. Il ne semblait pas comprendre à  quoi était dû ce comportement, et il avait beau lui demander ce qui  n'allait pas, l'autre demeurait de marbre. Il s'appelait Harry Potter. Il allait sur ses vingt ans et il n'avait absolument aucun souvenir de sa vie passée. Ce  n'était pas faute d'avoir essayé, pourtant, mais il avait beau  chercher, rien ne lui revenait. Il avait la désagréable impression  d'être une feuille blanche dont on avait gommé toutes les lignes  manuscrites au crayon à papier. Il ne se rappelait d'aucun visage,  d'aucun nom. Draco Malfoy lui citait quelques personnes qu'il avait  connues, dans sa vie, mais aucun Ronald Weasley et aucune Hermione  Granger n'avait laissé sa place dans son esprit embrouillé. A chaque  fois que Harry secouait la tête, le blond baissait les yeux, déçus, et  repartait à ses occupations. Il ne savait s'il devait être  inquiet, triste ou en colère. Inquiet de se retrouver dans cet état-là,  un homme qui souffrait d'amnésie, triste d'avoir oublié des moments dans  sa vie et des personnes qui avaient comptées pour lui, ou en colère.  Pourquoi la colère ? Ce sentiment n'avait jamais eu besoin de  justification. Les jours s'étaient succédés, et il se trouvait  encore dans ce lit qu'il n'avait jamais quitté, un filament argenté  reliant une poche remplie de liquide à son bras. Les draps avaient quand  même été changés, en un tour de baguette. Harry Potter passait  ses journées à réfléchir, et alors que le soleil montait hors dans le  ciel, il se faisait la réflexion que, ce qui était le plus inquiétant  dans cette histoire, c'était que son amnésie était partielle. Il savait  qu'il était allongé dans un lit et que ce bruit continu qui battait les  seconde était dû à une horloge accrochée au mur, mais il n'avait su dire  ce qu'était cette chose posée sur un meuble, et qui se révèlerait être  un vase. Il y avait des trous dans sa perception des choses, et il était  incapable de rester neutre quand il voyait le blond pointer sa baguette  de bois et en faire sortir un jet de lumière. La magie, comme le lui  avait expliqué Draco Malfoy, était quelque chose qui coulait dans leurs  veines, à tous les deux. Le patient s'était alors demandé s'il ne se  trompait pas de personne. Harry Potter. C'était son nom. Un nom  qui ne lui disait rien et que l'autre prononçait de façon presque  mécanique, comme s'il n'était pas habitué à le dire. Peut-être que  c'était un nom inventé, peut-être que l'autre lui mentait… Mais il ne  parvenait pas à se faire à cette idée-là. La déception de son  bienfaiteur avait été si spontanée, si sincère que s'en était déroutant,  et ce ne pouvait être un mensonge. Soudainement, il sentit le  chagrin s'emparer de lui. Non, en fait, c'était cela qu'il ressentait  depuis des jours : le chagrin. Parce qu'il était vide de souvenirs,  parce qu'il ne savait pas qui il était, et parce qu'il avait perdu vingt  années de sa vie. Il était malheureux parce qu'il était comme un enfant  perdu, bloqué sur ce lit, avec la sensation d'avoir un poids sur le  cœur. Harry Potter ferma les yeux et il entendit alors la porte de  la chambre s'ouvrir. Il garda les paupières baissées, faisant semblant  de dormir, et écouta le pas régulier de son bienfaiteur dans la chambre.  Le jeune homme n'arrivait pas à se faire une idée de cet homme à  l'aspect si froid qui ne le traitait sans aucune effusion de tendresse,  un peu comme s'il était face à un homme blessé trouvé dans la rue.  Peut-être était-ce cela, dans le fond… « 'Twas brillig, and the slithy toves. » Encore  ces vers qui ne voulaient rien dire… Même s'il commençait à les  connaître par cœur, Harry Potter les écouta, prononcés par cette voix  masculine qui savait si bien réciter des poésies… « Did gyre and gimble in the wabe. » Inconsciemment, il ouvrit les yeux, écoutant son hôte parler. « All mimsy were the borogoves. » Le blond sembla remarquer qu'en fait il était réveillé, mais… « And the mome raths outgrabe. » Il  termina son vers, les yeux rivés vers son patient qui croisa son  regard. Le blond se tut, sans continuer, et s'approcha de lui. Il  souleva le drap et entreprit de masser ses membres, tirant des soupirs à  son patient qui trouvait ces attentions agréables, sans pour autant  savoir à quoi elles pouvaient bien servir. Il se laissa faire, et de  toute façon, il n'avait pas les moyens de repousser cet homme. Soudain,  il pensa que Draco Malfoy pourrait lui faire du mal et il serait  incapable de se défendre… « Ce n'est pas comme ça que tu retrouveras l'usage de tes jambes, tu sais. Il va falloir que tu fasses une rééducation. - Pour… quoi ? » C'était  la première fois qu'il parlait depuis qu'il savait son nom. Ces mots  stoppèrent net les gestes du blond, qui les reprit ensuite comme si de  rien n'était. Aucune émotion n'était passée sur son visage neutre, mais  ses yeux semblaient briller d'un éclat qu'il ne lui connaissait pas. «  Ca fait trop longtemps que tu es allongé ici. En fait, tu as failli  mourir, et tu as sombré dans un coma sans fin. J'ai bien cru que tu  finirais par mourir. Enfin, d'une certaine manière, tu étais mort : je  parvenais à faire vivre ton corps, mais tu ne réagissais à rien. Par  bonheur, tu es réveillé. J'aurais beau masser pendant des années, jamais  tu ne retrouveras l'usage de tes membres si tu ne les fais pas bouger. - Peux pas… -  Si, tu peux. Pas tout de suite, mais tu peux y arriver. Il suffit de  s'exercer. Déjà, tu devrais t'assoir, au lieu de rester allonger. Je  suis sûr que ça te ferait du bien. Je te soutiens, si tu veux. Après, tu  pourras bouger tes autres articulations, comme ta nuque, tes épaules,  tes genoux… » Il parlait d'une voix calme et douce à l'oreille, un  peu comme s'il expliquait un problème compliqué à un enfant, et dans  l'état où il était, Harry avait besoin de ce genre de discours. Il  aimait l'écouter parler et regarder son visage calme, serein, comme fait  de cire. Ses yeux bleus étaient tournés vers ses mains qui massaient  ses jambes nues. Car Harry était quasiment nu sous les draps, il avait  juste un caleçon qui cachait ses parties intimes. Cependant, dans l'état  où il était, il n'avait pas la tête à penser à ce genre de détails… « On essaie ? » Harry  hocha légèrement la tête. Alors Draco se leva et s'assit près de lui.  Avec des gestes précis, il prit sa tête et la fit bouger, pour faire  fonctionner sa nuque. Puis, il bougea un peu, se tournant, et il aida  Harry à s'assoir, avec la même douceur habituelle, comme s'il avait peur  de le briser ou simplement de l'abimer. Harry sentit ses os craquer de  façon très désagréable et il grimaça. Ca faisait mal, aussi, mais il fit  un effort pour surmonter cela. Le blond ne l'assit pas tout à fait, se  contentant de le soulever un peu, son patient trouvait la sensation trop  désagréable pour rester assis bien à la verticale. Mais c'était déjà un  bon début. OoO Draco  Malfoy massait encore ses membres et Harry avait les yeux fermés,  soupirant légèrement. Il trouvait ce moment de plus en plus agréable,  les mains de son hôte étaient talentueuses, méticuleuses. Harry ne  parvenait toujours pas à faire bouger ses membres, même si Draco faisait  bouger ses articulations. A présent, il parvenait tout juste à  s'assoir, trouvant cette position confortable seulement avec des  oreillers derrière son dos. Le jeune homme n'était pas  particulièrement douillet. Ses articulations lui faisaient mal, mais de  son point de vue, c'était supportable. C'était plutôt qu'elles ne lui  répondaient pas : il avait beau faire tous les efforts du monde pour  s'asseoir, s'il parvenait à redresser son buste, il n'arrivait pas à  rester dans cette position. Cela le fatiguait énormément. Peu de  temps auparavant, Draco l'avait emmené se laver. Le soulevant dans ses  bras, il avait plongé son corps maigre dans une baignoire remplie d'eau  chaude où il avait infusé pendant une demi-heure, avant que son  bienfaiteur ne vienne le chercher, l'habille et le ramène dans son lit. A  présent, le blond prenait soin de son corps, comme il le faisait chaque  jour. Harry ne quittait jamais cette chambre et il était habitué à  voir cet homme blond venir chaque jour. Il l'aidait à guérir, entassait  des coussins dans son dos, lui parlait un peu ou récitait des vers,  comme s'il parlait à lui-même. Un jour, Harry lui demanda quelle était  cette langue qu'il parlait, parfois, et de qui étaient ces vers anglais  qui ne voulaient pas dire grand-chose ? Draco l'avait regardé en  haussant un sourcil. « Cette langue, c'est du français. Et ces vers… Tu ne connais pas Alice au pays des merveilles ? » Harry  avait secoué la tête : évidemment, ça ne lui disait rien. Tout en  tirant les rideaux et faisant un brun de ménage, son hôte lui raconta  qu'il avait peu connu son père. En fait, il avait grandi dans une  famille aristocratique où il était coutume pour les pères de famille de  ne pas s'occuper de l'éducation de leurs enfant tant qu'ils  n'atteignaient pas sept ans ou huit ans, que ce soit des garçons ou des  filles. Les femmes s'occupaient de leur progéniture. Sa mère,  Narcissa Black avait été élevée dans une maison sans âme et, plus tard,  elle s'échappa de l'ambiance morose de son logis en lisant des romans  moldus, enchantée par les contes de fée que les sorciers, dans leur  monde, n'avaient pas. Elle fit partager cet univers à son fils : elle  lui raconta Blanche-neige et les sept nains, Peau d'âne, Pinocchio…  D'ailleurs, elle lui offrit des marionnettes, avec lesquelles il  passait des heures, dont il tirait les ficelles, qui s'emmêlaient  souvent : sa mère riait en le regardant défaire vainement les nœuds et  remettre en place les membres emmêlés des jouets. Entre autre, sa mère lui avait lu des dizaines de fois Alice au pays des merveilles et ils chantaient tous deux la chanson du chat du Cheshire. Tout cela  fut un secret entre eux et jamais son père, si sévère et intolérant,  n'entendit parler de leurs… excentricités. Il eut beau se plier aux  exigences de Lucius Malfoy pour être son digne héritier, Draco ne perdit  jamais son goût pour la littérature moldue, et il oublia encore moins  ces chansons et ces poésies qu'il récitait autrefois avec sa mère. Draco  Malfoy parlait de son enfance d'une fois douce et avec beaucoup de  tendresse dans ses yeux. C'était sûrement l'évocation de sa mère qui  adoucissait ses traits de cette manière. Dans ces moments-là, Harry le  trouvait presque… humain. Car pour lui, Draco Malfoy était de ces  êtres qui ne semblaient exister que dans l'imagination, des personnages  inventés et créés de toute pièce. Toujours vêtu de riches vêtements, le  plus souvent noirs, il se déplaçait lentement, le regardait à la fois  comme un objet qui mérite de l'intérêt et comme un être humain à part  entière. Il lui parlait de façon neutre, sans sentiment particulier. Plus  d'une fois, Harry s'était demandé quelle était la nature réelle de leur  relation avant cet accident, mais il n'avait jamais osé. Tout comme cet  accident d'ailleurs, Draco ne lui en avait jamais parlé, lui répondant à  chaque fois qu'il le demandait qu'il lui raconterait plus tard. Alors  Harry n'insistait pas, peut-être par timidité. Ou alors parce qu'il  avait peur de savoir. Peur de découvrir ce qu'il était autrefois, et de ne pas s'en rappeler. «  Bon, c'est fini. Tu as besoin de quelque chose ? Non ? Je vais aller  faire quelques courses, donc je ne serai pas là pendant une petite  heure. » Harry fut inquiet : on avait beau toujours le prévenir  quand il se retrouvait seul dans la maison, il demeurait anxieux. Son  immobilité était une faiblesse, un handicap qui l'empêcherait de se  défendre si jamais on tentait de lui faire du mal. Il pensait cela sans  considérer le temps que Draco Malfoy avait passé à sécuriser cette  petite maison, dont il n'avait vu qu'une chambre, le couloir recouvert  de parquet et aux murs verts, et la salle de bain carrelée de blanc et  de vert. « Tu es sûr que tu n'as besoin de rien ? Tu n'as pas soif ni faim ? - Non, merci. » Alors  Draco hocha la tête et sortit de la chambre à grandes enjambées.  Pendant un long moment, Harry tenta d'imaginer cet homme étrange qui  prenait tant soin de lui de façon tellement détachée se déplacer dans le  village voisin, mais il était incapable d'imaginer les rues, qui  n'étaient que des tracés vagues dans son esprit. Alors il tourna la  tête, soupirant, et détailla à nouveau la chambre dans laquelle il se  trouvait. Baignée de lumière, le sol était recouvert d'un parquet  qui donnait envie de marcher dessus tant sa teinte caramel paraissait  chaude. Les murs étaient tapissés de beige et, ici et là, se trouvaient  quelques tableaux de paysages. Il y avait une grande vue sur des champs  de blé et, sur un autre, un grand château aux multiples tours entouré  d'un parc, dont les arbres bougeaient parfois leur feuillages. Cette  bâtisse ne lui disait rien, et pourtant, il y aurait vécu pendant de  nombreuses années. Son lit était centré dans la pièce, la tête du  meuble conte un mur. Sous la fenêtre, une commode d'un bois plus sombre  que le parquet se tenait, non loin d'une armoire qui se trouvait à  l'opposé du lit, les deux meubles massifs semblant être assez anciens.  Une vieille horloge était accrochée non loin de la porte, rythmant les  minutes. Et, sur l'autre mur, des étagères étaient clouées aux murs,  portant divers bibelots : une boule d'or dont la surface semblait avoir  été travaillée, une sorte de tissu argenté et transparent bien plié, un  vieux livre, un morceau de ce qui semblait être du parchemin plié et  tenu droit contre le mur… et enfin, sur la plus haute étagère, une sorte  de balai un peu tordu mais dont on semblait avoir pris soin. En  somme, il se sentait bien dans cette petite chambre, pourtant un peu  étrange. Il ne savait pas trop pourquoi, mais il avait l'impression  d'être à sa place, ici, même s'il avait du mal à saisir pourquoi il  était si à l'aise dans cet espace réduit. Soudain, on gratta à la  porte. Harry sursauta et tout son corps se tendit de douleur. Quelque  chose grattait la porte, timidement, comme pour ne pas faire trop de  bruit. Se mettant à trembler de peur, les sens aux aguets, le jeune  homme parvint à bouger un de ses bras et à le cacher sous la couette,  dans le vain but de la rabattre sur lui, comme si ça pouvait le  protéger. Un bruit se fit entendre alors que la poignée se  baissait, comme douée d'une âme, et que la porte s'ouvrait. Des gouttes  de sueurs coulèrent sur le front du malade terrifié, s'attendant à voir  entrer quelqu'un, ou un monstre… Mais ce ne fut pas aussi  terrifiant qu'il s'y attendit. C'était en fait un chat, qui venait de  sauter sur la poignée pour pouvoir entrer. Un gros matou un peu rond au  poil brun strié de rayures blondes qui s'assit devant la porte ouverte  pour regarder le malade. Harry eut un hoquet. Il se rappelait de  ce qu'était qu'un chat, tout de même. Mais jamais il n'avait vu de chat  avec un sourire. Car le matou souriait. Cela lui fit un drôle d'effet :  la petite bouche boudeuse était largement étirée sur les côtés de sa  tête. Cela avait quelque chose de… terrifiant. A pas tranquilles,  l'animal s'approcha du lit, ses coussinets caressant le bois vernis.  Puis, il monta agilement sur le lit et s'y assit, regardant Harry de ses  grands yeux verts. A présent, il pouvait le voir de plus près, et Harry  se rendit compte avec douleur qu'en fait, le chat ne souriait pas : on  aurait dit qu'on avait coupé les coins de ses lèvres, élargissant sa  gueule abimée, qui avait sans doute connu des jours moins beaux. Si cet  air pouvait donner à rire, cela fit plus pitié au jeune homme qu'autre  chose. Le chat s'allongea sur les jambes de Harry, sans le quitter  des yeux. Le jeune homme, un peu rassuré, leva la main et la posa sur  le dos du chat, mais l'effort avait été trop grand pour qu'il puisse  beaucoup la bouger, à peine quelques mouvements de doigts, qui firent  pourtant ronronner le matou qui baissa la tête, la posant sur la cuisse  du malade, et ferma les yeux. Pendant un long moment, ils  restèrent ainsi, paisiblement, dans cette chambre ensoleillée, le chat  sur ses cuisses et sa main dans ses poils doux et chauds. Ils restèrent  ainsi un temps infini, jusqu'à ce qu'il entende, tout en bas, la porte  de l'entrée s'ouvrir et la voix de Draco Malfoy raisonner dans l'entrée.  Harry compta les secondes avant qu'il n'arrive, l'écoutant marcher dans  le couloir, ses chaussures claquant sur le sol. Il monta les escaliers.  Douze marches. Puis ses pas dans le couloir, et la porte qui s'ouvre  réellement, en grand… « Cheshire ! Mais qu'est-ce que tu fais là ? » Le  chat leva la tête et, de peur de se faire gronder, il se glissa sous la  couette. Draco croisa les bras, la bouche de travers, et tapa du pied  d'un air mécontent. Harry lui fit un léger sourire d'excuse qui sembla  atténuer un peu l'énervement de son hôte. Le blond s'avança vers lui et  se baissa pour soulever la couette et récupérer son chat qu'il prit dans  ses bras. Croisant son regard, il lui rappela qu'il lui avait interdit  de monter à l'étage, et que la prochaine fois, il sévirait. « Ca ne me dérange pas, tu sais. - Tu es sûr ? - Oui, ça me fait de la compagnie. » Harry  parlait d'une voix lente, articulant bien ses mots, pour ne pas  bafouiller comme il le faisait souvent en voulant parler à un rythme  normal. Toujours, le blond l'écoutait attentivement, pour ne pas le  faire répéter une deuxième fois, ce qui était à la fois un effort de  plus et une petite humiliation. « Comment il s'appelle ? - Cheshire. Comme le chat du Cheshire, dans Alice au pays des merveilles. C'est un chat un peu fou qui apparait et disparait. - Et le chat… - Non, il ne disparait pas, mais le chat de l'histoire a un grand sourire aux lèvres. Comme lui. » L'homme  regarda le chat qui, lui, avait les yeux baissés vers le sol, son  continuel sourire niais sur les lèvres. Le blond lui raconta qu'il  l'avait trouvé lors d'un voyage : des enfants s'étaient amusés à lui  agrandir la bouche avec une paire de ciseau, meurtrissant la chair. Il  avait trouvé le pauvre animal miaulant pathétiquement derrière une  poubelle, sa bouche blessée bavant du sang à n'en plus finir. Alors  Draco l'avait pris contre lui et l'avait soigné, mais il n'avait pu  ressouder les chairs à vif, le chat souffrait trop pour supporter une  opération, le blond n'avait pas supporté ses plaintes. Harry se  mordilla la lèvre en entendant le récit si simple de son hôte qui  caressait tranquillement le dos du chat blotti contre son torse. C'était  une image si douce, si… intime. Draco lui dit aussi qu'il l'avait pris  car ça lui rappelait ce conte que sa mère lui racontait souvent, Alice  aux pays des merveilles, et ce chat souriant. « J'ai un chien, aussi, mais il reste dehors. - Je peux le voir ? » Draco  Malfoy hésita, puis il posa son chat sur le sol avant de se pencher  vers le lit, tirer la couette et soulever le corps du malade dans ses  bras. Comme une poupée de chiffon, Harry se laissa faire. Draco tourna  les talons et marcha jusqu'à la fenêtre. Pour la première fois  depuis qu'il était arrivé là, Harry pu voir autre chose que du papier  peint, du parquet et le ciel bleu. Il put voir la grande pelouse qui  entourait la maison et le chemin qui serpentait entre des champs à perte  de vue, où quelques arbres feuillus poussaient çà et là, apportant un  peu d'ombre à ce tableau empli de verdure… En bas, Harry put voir  un molosse colossal courir après quelque chose qui leur était invisible.  Il ouvrit de grands yeux quand il vit que l'animal avait deux têtes. « Un ami qui faisait des expériences douteuses. L'animal me plaisait, je l'ai gardé. Il fait un bon chien de garde. » Harry  n'en doutait pas une seconde. Il n'entendait rien, mais il était  certain que l'animal devait faire un boucan d'enfer. Il saurait plus  tard que Cerbère, comme son maître l'avait nommé, passait ses journées  et ses nuits dehors, même en hiver, et qu'il faisait tellement de bruit  que toute la maison était insonorisée, sinon Draco aurait fini par  abattre la pauvre bête, à moins que le chat agacé ne lui ait déjà planté  ses griffes dans les yeux… Tous deux restèrent pendant de longues  minutes devant cette fenêtre, à regarder le paysage ou le chien  bicéphale courir comme un fou autour de la maison. Harry était blotti  dans les bras de son bienfaiteur qui le tenait fermement. Comme si  c'était une position naturelle de l'avoir là, dans ses bras… OoO D'abord l'appréhension. Puis la douleur… « Allez, courage ! - Non, je peux pas… - Oh si tu peux ! Allez ! » Le  chat miaula, comme s'il l'encourageait. D'une seule poussée, tenant  fermement Harry, Draco le poussa pour qu'il se lève, se tendant debout  sur ses pieds. Soudain nauséeux, Harry s'écroula sur son hôte qui voulut  le maintenir debout, mais le brun était incapable de rester sur ses  jambes : ça faisait mal, il n'avait aucun équilibre et être debout lui  donnait des vertiges. Alors Draco fut obligé de se rassoir sur le lit,  Harry sur ses cuisses. Le brun haletait, le ventre douloureux,  tandis que son bienfaiteur, la tête posée contre son épaule, se  plaignait de ces maudites jambes qui refusaient de fonctionner  correctement. Ses bras avaient recouvré un peu de leur force : au moins,  il pouvait caresser le Cheshire et lever les bras vers Draco, ou encore  s'alimenter correctement. Et ça, c'était un grand progrès : Harry  s'était enfin mis à se nourrir par lui-même avec une fourchette et un  couteau, de façon maladroite et hésitante, mais il faisait des efforts  pour bouger ses doigts et porter les morceaux de viandes ou de légumes à  sa bouche, pour ensuite les mâcher consciencieusement. Harry  sentit Draco pianoter sur sa cuisse, un peu comme s'il réfléchissait. Le  jeune homme n'était guère gêné de cette position, il était habitué à  cette proximité : Draco le portait tout le temps et le massait avec ses  mains agiles, il n'y avait pas vraiment d'embarras entre eux. Cela  semblait presque… naturel. « Ca viendra avec le temps, non ? -  C'est quand même exaspérant que tu ne puisses même pas tenir debout. Je  sais que ça prend du temps, mais vu tout ce que je te fais avaler, tu  devrais te remettre plus rapidement… » Harry avait rapidement  compris que tout ce qu'il mangeait était drogué : son hôte le lui  faisait comprendre. Mais c'était pour son bien, car sans cela, il serait  encore paralysé dans son lit et ne pourrait sans doute pas parler, et  Harry préférait avaler des choses étranges pour pouvoir posséder son  corps que de rester dans cet état apathique. Tic-Tac. « Je suppose que tu n'as pas envie de retenter l'expérience. - Oh non… - Bon, je vais préparer le déjeuner. - Je peux descendre avec toi ? » Un  long silence suivit sa demande, pourtant innocente, et cette absence de  son devint gênante pour Harry qui s'en voulut pour son impulsivité.  Pourtant, c'était humain : il avait envie de découvrir autre chose que  cette chambre dont il connaissait le moindre recoin. Il voulait savoir à  quoi ressemblaient le salon, la cuisine… « D'accord. Tu vas pouvoir rencontrer ma servante. » Un  sourire éclaira le visage du malade qui fut une nouvelle fois soulevé  par le blond. Cette fois-ci, Harry eu la force d'entourer son cou de ses  bras, ayant alors moins peur de tomber. A grandes enjambées, faisant  voler les pants sa robe de sorcier, Draco Malfoy sortit de la chambre,  traversa le couloir, et descendit un escalier. En bas, une chaise roulante en bois les attendait, les poignées de l'antique siège tenu par une marionnette. C'était  avec cela que Draco avait grandi : des contes de fée, des chats  souriants et des marionnettes. Sa mère avait toujours été charmée par  ces poupées articulées qu'il était possible de faire marcher à l'aide  deux bâtons de bois croisés. En sorcier talentueux, Draco avait décidé  de créer une marionnette grandeur nature qui lui servirait alors de  servante. C'était une femme qui portait une longue robe bleue qui  descendait jusqu'à mi-mollet, ses jambes de bois recouvertes de bas  blancs, ses pieds durs chaussés de vieux souliers. Elle était assez  jolie, le visage figé dans son éternelle jeunesse, avec de grands yeux  bleus ouverts sur le vide comme des billes de verre et une bouche mobile  un peu triste. Ses cheveux épais étaient comme du crin de cheval, noués  derrière sa nuque claire. « Je te présente Nora. Nora, je te présente Harry. » Comme  si quelqu'un dirait les fils de cet être de bois, la marionnette baissa  la tête, en signe de salut, ses yeux de verre tournés vers Harry. Ce  dernier eut un frisson en se rendant compte que la marionnette le  regardait mais sans le voir, comme s'il était transparent et que c'était  le mur que ses orbes bleutées étaient tournées. Un regard vide, dénué de vie. Une marionnette, avec une âme artificielle… Draco  posa son patient dans son siège à roue, le brun regardant sans pouvoir  s'en empêcher. Il se sentait mal-à l'aise car elle avait toujours les  yeux tournés vers lui mais sans vraiment le voir. Coquille vide… Comme  un automate, la marionnette tourna le siège et le poussa lentement  jusqu'au salon, Draco tout près d'elle. La pièce était très grande, ne  faisant qu'une avec la salle à manger et séparée par une porte de la  cuisine. Chaleureuse et emplie de lumière par la grande véranda qui ne  masquait en rien les bons rayons du soleil, tout était tapissé de bleu,  comme le ciel, et parquet était très clair, donnant à la pièce un air un  peu léger, qui contrastait avec les vieux meubles de bois plus sombre  qui enjolivait le salon. Les yeux de Harry se posèrent sur le canapé  d'un bleu roi un peu passé, aux fauteuils posés à ses côtés, et cette  table basse au centre du tout. Une grande table était installée plus  loin, entourée de chaises. Des tableaux étaient accrochés aux murs, des  peintures ou des photographies. « C'est beau. - Merci. » Draco  lui fit un léger sourire. Un de ces sourires si rares qu'il venait  toujours à un moment où on ne s'y attendait pas. C'était joli à voir,  sur son visage si sévère. OoO Rien  n'aurait pu l'étonner. Pourtant, un être normalement constitué aurait  été effrayé par beaucoup de choses : le chat souriant qui miaulait  contre lui, le chien à deux têtes qui aboyait comme un fou dans le  jardin, Draco qui maniait une baguette… ses robes de sorcier, la  marionnette, les potions… Toujours amnésique, Harry avait décidé  de ne s'étonner de rien et de tout accepter, car apparemment, ainsi  était son monde. Cela dit, tous ces objets posés sur les étagères de sa  chambre avaient de quoi l'étonner : c'était des vieux trucs, et ce balai  l'intriguait. Il avait de courtes conversations avec Draco :  parler le fatiguait, mais vu le nombre de fois où l'homme passait dans  sa chambre, ces moments-là représentaient bien plus que quelques minutes  dans une journée. Entre autres, le blond lui avait expliqué que c'était  un sport sorcier, qui consistait à mettre des balles dans des anneaux, à  cheval sur des balais volants. Après une longue hésitation, le visage à  demi caché dans la pénombre de la nuit tombante, il lui avait avoué que  Harry Potter était un grand joueur, l'un des meilleurs de sa  génération. Harry n'aurait su dire depuis combien de temps il se  trouvait là, mais ce qu'il savait, c'était que chaque jour, Draco Malfoy  distillait ses souvenirs, lui racontait une anecdote, quelque chose qui  avait fait partie de lui, qui semblait presque évident. Et pourtant,  Harry ne s'en souvenait pas. Imaginer un château avec des escaliers qui  bougent à leur guise ou, pire, imaginer des hommes volant au-dessus d'un  grand stade sur des balais, était très difficile pour lui. Et  pourtant, il faisait vraiment des efforts. A chaque fois que ses yeux  s'illuminaient de curiosité ou quand il secouait la tête, le regard de  Draco se voilait et il baissait toujours la tête. Déception. Tristesse. Colère, peut-être. Et  le voir ainsi faisait mal à Harry, mais son esprit refusait de se  rappeler de ces choses-là. Pourtant, Draco lui en racontait, des choses :  ses plats préférés, ses parents décédés, ses potions ratées… Sa  première copine, ses amis qui ne venaient jamais le voir, une famille de  pouilleux qui l'avait accueilli comme s'il était leur fils… Sur  ses genoux, Cheshire était allongé de tout son long. Il tenait compagnie  à Harry la majeure partie du temps, le regardant de ses grands yeux  verts et lui souriant gentiment, comme pour le rassurer. Il aimait quand  on le câlinait, caressant son poil doux et parfois blessé avec  tendresse. Cela lui faisait du bien de ne plus être seul, comme c'était  le cas avant que le chat n'entre dans la chambre, déjouant les ordres de  son maître. Soudain, le chat se mit à trembler. Harry baissa les  yeux vers lui et vit la bête se recroqueviller sur elle-même, tremblant  comme si elle était morte de froid, gémissant. On aurait dit qu'elle  souffrait, ou qu'elle avait peur de quelque chose. Alors Harry la prit  le plus calmement possible dans ses bras, alors que son corps se  tortillait, et ferma les yeux, se concentrant. « 'Twas brillig, and the slithy toves, did gyre and gimble in the wabe. » Le chat se blottit dans ses bras, sans pour autant se calmer, mais Harry continua sur sa lancée. « All mimsy were the borogoves, and the mome raths outgrabe. » C'était  le seul refrain de la chanson qu'il connaissait, et de toute façon,  c'était le seul qu'il devait garder en mémoire. Quand il était plus  jeune, le petit chat avait souvent des crises d'angoisse et, pour  l'apaiser, Draco le prenait dans ses bras et lui répétait sans cesse ces  vers jusqu'à ce qu'il s'apaise. Quand il était angoissé, il en faisait  de même. C'était une habitude qu'il avait prise et cela avait le don de  calmer la bête, donc le blond ne cherchait pas plus loin. Cheshire  finit par se calmer dans ses bras. L'animal le regardait avec ses yeux  verts comme des billes. Il semblait le remercier, avec son éternel  sourire. Harry avait du mal à se faire à l'idée que cette figure était  normale, que jamais il n'aurait la petite moue boudeuse d'un chat.  C'était blessant de savoir que cette bouche blessée avait été taillée  par des enfants en manque de sensations fortes et cruels. Harry  aimait ce chat, car il avait la sensation que l'animal compatissait à  ses souffrances. Il passait son temps près de lui, jamais agressif ou  mauvais, plutôt doux et docile. Il était surtout sa seule source  d'occupation : Draco lui avait apporté des livres mais Harry peinait à  se concentrer dessus et jamais personne ne venait jamais le voir. Le  seul être humain dans son sillage était Draco. Pourtant, vu ce qu'il lui  racontait, Harry Potter avait été aimé à une époque, il avait eu des  amis fidèles qui avaient risqués leur vie pour lui, mais il en ignorait  les circonstances. Pourquoi personne ne vient jamais me voir ? Harry  en venait à douter de ce que Draco lui racontait. Il avait compris  qu'il était un être hors du commun, même s'il était encore incapable de  faire de la magie comme Draco, mais il commençait pourtant à douter de  la véracité des faits que le blond lui énonçait : s'il avait eu une vie  si pleine, pourquoi demeurait-il seul dans cette chambre, avec le chat  souriant pour seule compagnie ? Pourquoi je suis seul... Les  chaussures de Draco claquèrent sur le parquet, en bas, puis sur les  marches de l'escalier. Harry écoutait le rythme de ses pas qui se mêlait  au tic tac de l'horloge accrochée au mur. Comme hypnotisé, il remarqua à  peine quand l'homme ouvrit la porte, ne se rendant compte de sa  présence que quand il cessa de marcher. « Je suis de retour, Harry. Tu as faim ? - Oui. - Je vais te faire porter à manger. - On peut manger ensemble ? - Si tu veux. » Le  blond s'approcha du lit, souleva le chat pour le poser par terre, puis  prit son patient dans ses bras. Avec Cheshire sur les talons, Draco  descendit Harry au rez-de-chaussée, où Nora les attendait patiemment,  tenant encore les poignées du siège à roues. Dans le hall, ça sentait  bon la viande grillée et les pommes de terre. La marionnette l'emmena  jusque devant la table qui avait été mise, mais seulement pour une  personne. « Nora, va chercher des couverts. » La marionnette  s'exécuta sans un mot. De toute façon, elle ne pouvait pas parler. Sans  pouvoir s'en empêcher, Harry la regarda se mouvoir de façon  artificielle, automatique, avec des gestes calculés. Alors que Nora  disparaissait dans la cuisine, Draco s'installait en face de Harry,  devant son assiette. « Nora... elle a une âme ? - Artificielle, je te l'ai déjà dit. - Oui, mais elle peut réfléchir ? Enfin, comme nous... -  Non. C'est un objet. Elle est comme les animaux : on peut lui apprendre  des choses, on peut la dresser, mais elle ne peut rien créer  d'elle-même, elle ne peut rien inventer. » Pile à ce moment-là, la  marionnette entrait avec une assiette, des couverts, un verre et une  serviette en tissu qu'elle disposa devant Harry. Draco la remercia.  Embarrassé, Harry en fit de même, ce qui fit sourire son hôte. « Même les bonnes manières, tu sembles les avoir oubliées. - C'est pas de ma faute. - Je sais, mais c'est amusant. » Nora  revint avec cette fois-ci un bol de salade composée qui lui fit penser à  un bouquet de fleurs, tant il y avait de couleurs et de formes dans ce  grand récipient de Crystal. A l'aide de ses doigts de bois articulés,  elle les servit, puis se retira dans la cuisine. Harry prit sa  fourchette et regarda son assiette, méfiant. « C'est quoi, ça ? - Des tomates. - Et ça ? - Du maïs. Et la feuille verte, tu sais ce que c'est ? - Oui, de la salade. » Il  avait répondu comme si c'était évident et Draco ne put s'empêcher de  pouffer : ses trous de mémoire étaient vraiment étonnants. De  façon méticuleuse, Harry mangea sa salade, avant de poursuivre avec le  plat principal et enfin le dessert, à savoir une tarte aux pommes qu'il  regarda avec méfiance avant d'en manger quelques morceaux sans grande  conviction. Tout du long, son bienfaiteur le regarda, semblant analyser  tous ses gestes et l'expression de son visage. Nora, quant à elle, ne  fut qu'une ombre qui allait et venait entre chaque plat. « C'était très bon. - C'est à Nora qu'il faut le dire. - Si ce n'est qu'un objet, ça ne sert pas à grand chose de lui parler. - C'est vrai, elle ne te répondra jamais. Pas plus que Cheshire. » Ces  mots firent réfléchir Harry, qui se laissa emmener par son hôte dans le  salon. Le blond le souleva et le déposa dans le canapé. Harry y resta  droit, les mains sur les cuisses, alors que Draco montait à l'étage  quelques instants avant d'en revenir avec ce vieux livre élimé qui se  trouvait sur une des étagères fixées au mur. Il s'assit près de lui sur  le canapé, ouvrit le livre, qui se révéla être un album de photo, le  feuilleta un peu avant de le présenter à Harry. « Voici ton père, James Potter, et ta mère, Lily Evans. » C'était  la première fois que Harry voyait un cliché de ses parents. L'image  bougeait, ceux qui semblaient être ses parents lui souriait et lui  faisaient de grands signes. Son père lui ressemblait : les mêmes cheveux noirs de jais ébouriffés et quelques traits de son visage rappelaient Harry. Papa... Quant  à sa mère, il n'avait pas hérité grand chose, mis à part ses yeux  verts, car sa peau était plus claire que celle de son époux et une masse  de cheveux roux tombaient sur ses épaules. Maman... Ils étaient beaux. Il avait de beaux parents. Et il eut envie de pleurer, car il ne s'en rappelait pas... Draco,  sans le quitter des yeux, tourna la page, et cette fois-ci, il n'y  avait pas que le buste de ses parents mais leur corps en entier. Sa mère  portait une longue robe de mariage d'un blanc immaculé, tenant le bras  de son mari, fier comme un coq. Près d'eux, se tenait un homme séduisant  aux cheveux noirs qui souriait à l'objectif. « Ton parrain, Sirius Black. Il t'aimait beaucoup, un peu trop, même. - Pourquoi tu dis ça ? - Il est mort en voulant te sauver. - Et moi... je l'aimais ? - Oui. Tu as beaucoup souffert quand il est mort. C'était... ta seule famille. » Harry  leva des yeux humides vers lui. Il n'eut pas besoin d'ouvrir la bouche  pour que Draco se lance dans un récit un peu plus long. « Tes  parents ont été assassiné par un homme qui voulait réduire le monde en  esclavage. Je pense qu'il n'a pas eu une vie heureuse, qu'il a manqué de  tout, surtout d'amour et de points de repère. Il a basculé dans la  magie noire et a tué beaucoup de sorciers. Ton père était un homme  courageux qui l'a défié par trois fois, jusqu'à mourir en voulant vous  protéger, toi et ta mère. - Pourquoi il voulait... - Parce  que tu étais un danger pour lui. Tu n'étais qu'un bébé à l'époque, mais  une prophétie disait que tu serais un obstacle à sa montée au pouvoir.  Alors il a voulu te tuer, mais tu as survécu, et il a disparu. Personne  n'a jamais vraiment su dire ce qui t'avait protégé. Peut-être l'amour de  ta mère... Je ne sais pas. Mais le fait est qu'il a réussi à revenir,  et il a à nouveau essayé de te tuer. - Mais il a échoué... - Sinon tu ne serais pas là. » Harry ravala ses larmes du mieux qu'il put, alors que Draco poursuivait. «  Pour en revenir à ta famille, tu as été élevé par la sœur de ta mère,  Pétunia, qui était mariée à Vernon Dursley et qui avait un enfant,  Dudley. Ils ne t'ont jamais aimé et t'ont toujours considéré comme un  parasite, sans jamais te parler de ton vrai monde. Tu n'as d'ailleurs  jamais eu de chambre à toi, avant que tu n'entres dans cette école. - Je vivais où ? - Dans un placard à balais sous l'escalier. » De  façon automatique, Harry tourna la tête vers l'escalier, qu'il ne  pouvait cependant pas voir à cause du mur du salon, mais il était en  train de s'imaginer enfant recroquevillé dans cet espace réduit. Son  regard s'était assombri. C'était trop de choses d'un coup... J'ai grandi dans un placard à balais... « Entré à l'école de sorcellerie, que tu ne quittais que pour les vacances d'été... - Vacances ? -  Heu... Une période où on ne travaille pas. Ca durait deux mois. Bref,  quand tu es rentré, tu as pu vraiment t'épanouir. Tu t'es fait des  amis... - Montre-les-moi. » Cela sonnait un peu comme un  ordre. Un peu vexé d'être coupé en pleine tirade, Draco Malfoy feuilleta  quand même l'album jusqu'à tomber sur la photo la plus récente, collée  sur le papier cartonné du livre. « Ron Weasley et Hermione Granger. Les meilleurs amis que tu ais eu dans ta vie. » Ron  Weasley était un adolescent roux et souriant qui lui faisait signe,  particulièrement enjoué, tandis que Hermione Granger, plus réservée, se  contentait d'esquisser un peu les lèvres, secouant légèrement la main. « Il était le fils d'un... » Je ne les connais pas. « Il était assez pauvre mais ça... » Je ne sais pas qui ils sont. « Elle était une fille intelligente et un peu... » Pourquoi je ne me rappelle pas d'eux ? « Et elle... » Je ne les connais pas... OoO Cheshire,  assis sur la commode, avait le soleil dans le dos. L'astre de lumière  réchauffait son poil et le faisait briller, lui donnant une belle  couleur dorée un peu surnaturelle. Ses yeux émeraude brillaient d'une  lueur malicieuse et il souriait aux anges, pour ne pas changer. En  fait, il était triste. Harry le savait, mais il ne faisait rien pour  égayer un peu l'animal qui ne quittait pas la commode, le regardant de  loin. Depuis deux jours, Harry Potter ne prononçait plus un mot et  avait cessé de se nourrir. Il ne bougeait plus, refusant les caresses  que Cheshire lui demandait en se frottant contre son bras ou miaulant  près de son oreille. S'il avait pu pleurer, peut-être l'aurait-il fait.  Mais l'animal avait sans doute déjà versé trop de larmes pour qu'il soit  encore possible que ses yeux s'humidifient. De plus, son sourire ne lui  donnait pas cet air pathétique qu'il aurait voulu montrer. Dans  la chambre, dans un coin, Nora était assise sur une chaise. Elle  veillait sur lui, ou du moins, elle restait là, comme une ombre,  silencieuse et immobile. Ses mains étaient posées sur ses genoux et elle  restait droite sur son siège, un peu comme une statue. La savoir là ne  gênait pas vraiment Harry : elle sortait pour préparer les repas et ne  le gênait pas. En fait, elle lui était indifférente. Elle ne montrait  bien sûr aucune émotion, puisqu'elle n'en ressentait pas. Cela  dit, ce n'était pas le cas de son maître, Draco. Harry savait aussi que  son hôte était triste et inquiet. Depuis l'épisode des photos, le jeune  homme n'avait pas ouvert la bouche : il avait cédé aux larmes,  désespéré, et avait fait une crise d'hystérie mémorable qui plongea  Draco dans une panique sans nom. Il avait réussi à le calmer, mais le  jeune homme ne manifestait plus aucune émotion, comme si son visage  s'était figé. Un masque de cire... Malgré les supplications  de Draco, qui lui demandait au moins de manger, Harry ne desserrait pas  les lèvres. Tout ce qu'il avait entendu de la bouche de Draco, ces  visages inconnus, l'avaient plongé dans un état de désespoir qui lui  donnait sans cesse l'envie de pleurer. Il était malheureux, ses  souvenirs refusaient de revenir à lui. Tant d'années passées qui avaient  disparu dans le néant, et il ne savait que faire pour récupérer ces  fragments de vie qui faisaient son être. Il ne serait plus jamais  pareil, car la vie et ses péripéties construisaient l'homme. Sans ces  moments durs qu'il avait vécus autrefois, sans le souvenir de  l'étroitesse de ce placard ou des yeux bleus lumineux d'Albus  Dumbledore, jamais il ne redeviendrait le jeune homme qu'il avait été  autrefois. Et cela l'angoissait. Plus que le manque de souvenirs,  c'était surtout le fait qu'il se sentait incroyablement seul, sans  attache ni repère, mis à part ce lit et Draco Malfoy qui gravitait  autour de lui. Avant de sombrer dans les larmes et la folie, Harry  ne lui avait pas demandé qui il était, pour lui, et pourquoi il lui  parlait de ces personnes seulement maintenant, ou encore pour quelle  raison ces « amis » n'étaient jamais venus le voir, ici. Dans le fond,  tout cela lui était indifférent : il n'avait plus la force de réfléchir à  tout ça, il n'en avait même plus l'envie. Il voulait juste se  rendormir, quitter ce cauchemar où il avait la sensation que, plus les  jours passaient, et plus il oubliait ce qui avait constitué son  existence. La porte de la chambre s'ouvrit et le blond entra.  Après une légère hésitation, il se dirigea vers le Cheshire et le prit  dans ses bras avant de s'assoir sur le lit. Il resta là pendant de  longues minutes, caressant le poil doux de son chat à rythme lent, ce  qui faisait ronronner le félin. Harry ne le regardait pas. Il ne savait  pas s'il devait lui en vouloir. Il n'avait pas envie de réfléchir à ça. « Pendant près de sept ans, j'ai été ton ennemi. » Ah oui ? «  J'étais un garçon vantard qui se croyait supérieur aux autres. Je t'ai  rencontré dans une boutique de vêtements où nous étions venus tailler  nos robes de sorciers. Tu ne parlais quasiment pas. Et puis, on s'est  retrouvé à Poudlard, je t'ai proposé mon amitié en apprenant ton nom. Tu  l'as refusée. Alors je t'ai haï, et tu me l'as bien rendu. » Des années gâchées pour un peu de fierté mal placée. «  Tout ce que je voulais, c'était attirer ton regard. Mais je n'y suis  pas vraiment arrivé : tu me détestais, et tant que je ne te faisais pas  de mal, je t'étais indifférent. Bêtement, j'ai longtemps rêvé devenir  ton ami. Et puis… Tu t'es battu contre cette ordure. A l'époque, j'étais  de son côté. » Pourquoi ? « Je voulais protéger ma  mère, qui mourrait si jamais je trahissais… le maître. Il se faisait  appeler Voldemort, mais son vrai nom était Tom Marvolo Riddle. Mais  personne ne connaissait son nom et tous craignait de prononcer son  pseudonyme. Sauf toi. Tu n'as pas grandi dans une famille qui a  longtemps craint ce mage noir, alors tu ne pouvais comprendre ce que ce  simple mot représentait pour le monde sorcier. » Alors pourquoi en sommes-nous là ? «  Lors du grand combat… Tu as failli mourir. Des sortilèges ont volé,  l'un d'eux t'a atteint et t'as blessé assez gravement pour que tu tombes  dans un sommeil sans fin. Voldemort est décédé de ses blessures. Tu n'y  es pas allé de main morte… » J'ai tué quelqu'un… « Tout le monde t'a cru mort, mais pas moi. Alors je t'ai emmené avec moi, sans le dire à personne, pour te soigner. » Je suis un monstre… «  Personne ne sait que tu es ici, parce que je n'ai pas voulu en parler.  Je voulais… te guérir, d'abord. Te remettre d'aplomb, et te ramener vers  eux, une fois que tu serais rétabli… Mais seulement à ce moment-là. » Mais pourquoi… «  Tu ne sais pas comment c'est, là-bas… Tu ne sais pas ce qu'ils sont  devenus. Tu étais un homme déjà célèbre, et tu l'es devenu encore plus.  Tu n'étais plus là, donc ils en ont profité : ils ont pris ce qui  t'appartenait, ils sont devenus célèbres, cherchés de tous… Les faire  venir ici étalerait ton visage dans les journaux et on se servirait de  toi, parce que tu ne te souviens de rien, tu ne sais pas qui tu es… - Prouve-le-moi. » Pour  la première fois depuis qu'il était arrivé dans cette chambre, Draco  regarda franchement Harry. C'était les premiers mots qu'il prononçait  depuis deux jours. Et, sans hésiter une seule seconde, le blond se leva,  posant le chat, et revint avec un carton dans les bras. Des  journaux furent étalés sur le lit, des photos, des grands titres, les  objets des étagères… Harry ne tarda pas à se retrouver seul dans la  chambre, avec seulement la poupée grandeur nature dans son coin, neutre  et immobile. Il lut les papiers froissés, découvrit qui il était, ce  qu'il avait fait… Tant de pages usagées mais précieusement conservées  qui retraçaient plus ou moins sa vie, retraçant quelques évènements  qu'il avait vécus dans sa vie, et insistant sur le fait qu'il était un  enfant hors du commun. Le survivant. L'élu. Le héros… Harry  découvrit une fois encore sa vie, mais grâce aux récits des  journalistes, et non pas grâce aux histoires de Draco qui lui donnait  des détails, lui donnant une version plus vraie que celle de ces  inconnus qui ne connaissaient de lui que le visage et une notoriété  imméritée. Il pleura encore. Des larmes dévalèrent ses joues, ses  mâchoires se serrèrent de douleur. Les dates sur les journaux donnaient  plus de véracité aux dires de son bienfaiteur. Le jeune homme leva  la tête, cherchant soudain un soutien, un repère, parmi cet  amoncellement de vieux papiers jaunis. Il sursauta quand son regard  rencontra les billes de verre de Nora, qui avait la tête tournée vers  lui. Ils se regardèrent un long moment. Enfin, elle ne le regardait pas  vraiment : ses yeux étaient vides, comme toujours, mais elle avait  néanmoins la tête tournée vers lui. Il frissonna, avant de baisser la tête, et revenir à sa lecture. La marionnette tourna la tête et revint à sa méditation. OoO « J'implore  ta pitié, Toi, l'unique que j'aime, Du fond du gouffre obscur où mon  cœur est tombé. C'est un univers morne à l'horizon plombé, Où nagent  dans la nuit l'horreur et le blasphème. - Qu'est-ce que tu récites ? - Des vers. - C'est pas anglais. - C'est français. Charles Baudelaire, De profundis clamavi. - Tu aimes réciter les poésies. De quoi ça parle ? -  Disons que ça me détend. Je ne faisais souvent avec ma mère. Un peu  comme un jeu. Pourquoi n'essaierais-tu pas d'apprendre le français,  plutôt ? » OoO Un  jour, Draco lui raconta que, quand il avait l'esprit embrouillé, il  mettait tout par écrit : quand on ne parvenait pas à expliquer quelque  chose clairement, c'était que cette chose n'était pas claire dans notre  esprit. Cela l'aidait à mettre un peu d'ordres dans ses pensées et de  pouvoir mieux réfléchir. C'était une tâche fastidieuse mais qui avait  toujours fait ses preuves, dans son cas. Harry avait essayé d'en  faire de même, mais il avait trop de mal à écrire ce qu'il ressentait :  mettre des mots sur ses émotions étaient difficiles car ses sentiments  étaient tumultueux. Il préféra donc laisser tout cela de côté et se  concentrer sur son corps qu'il voulait à tout prix faire bouger. Ses  conversations avec Draco étaient assez réduites, car Harry avait  toujours autant de mal pour assimiler tout ce qu'il avait appris en  l'espace de quelques jours. Le blond semblait peiné de ces silences et  il avait de plus en plus de mal à le cacher. Pourtant, il ne parlait pas  de ça, gardant tout pour lui et se contentant de l'aider à marcher. Sa  rééducation des jambes dura deux semaines. Harry passait des heures et  des heures dans une petite chambre à côté de la sienne à faire  fonctionner ses jambes en marchant, soutenu par des barres verticales.  Souvent, Draco restait à le regarder ou à l'aider, le soutenait et  l'encourageait quand il arrivait à faire un allé complet dans la  chambre. Harry avait décidé de se reprendre en main : il mangeait,  buvait, marchait… Cheshire le regardait comme s'il était une bête  étrange, sans comprendre ce qu'il pouvait bien faire à s'échiner sur ces  barres, à gémir et souffler comme ça. Mais le plus surpris, dans cette  histoire, ce fut Cerbère, le chien à deux têtes : quand il vit cet homme  sortir de la maison, campé sur ses deux béquilles et tout près de son  maître, il eut un moment d'hésitation. Il fallut que Draco Malfoy  l'appelle et que Harry lui caresse la tête pour qu'il cesse d'être  méfiant et tolère ce nouvel homme dans son sillage. Et encore, il le  reniflait à chaque fois qu'il osait mettre un pied dehors, sur son  territoire… Ces progrès notables étaient suivis de près par Draco  qui s'absentait de moins en moins, suivant Harry comme son ombre. Vint  le moment où Harry voulut faire quelques pas sans avoir ces barres sous  ses aisselles, et ce fut donc Draco qui prit la relève : tendant les  bras vers lui, le soutenant par moment, il l'attirait à lui comme un  enfant apprenant à marcher. Il avait l'impression de tout  apprendre. Réapprendre ce qui l'entourait, les objets de son quotidien, à  parler sans bégayer, marcher… Ce long coma avait été comme la gestation  d'un enfant dans le ventre de sa mère, plongé dans les ténèbres, à  attendre le réveil. Draco guidait sa vie, comme un ange gardien, lui  enseignant la vie et ce qu'il avait été autrefois, prenant soin de son  corps comme s'il s'agissait du sien. D'une certaine manière,  c'était agréable de se sentir entouré, de savoir qu'un regard était posé  sur lui. La présence de Draco le rassurait, même s'il avait conscience  qu'autrefois, ils avaient été ennemis. Cela dit, Harry n'était guère  étonné : Draco Malfoy était un homme mystérieux, un peu hautain et  réservé, donc il n'avait pas vraiment de mal à imaginer un gamin pourri  gâté, tandis que lui, n'était qu'un enfant malingre mal coiffé et sans  repères. Pourtant, il trouvait cet homme assez gentil avec lui, sans  pour autant être dégoulinant de niaiseries, et assez franc. Et,  surtout, il était son seul repère dans son existence, alors évidemment,  il ne pouvait que s'attacher à lui et lui faire confiance, malgré ses  méfiances naturelles. Le choc était plus ou moins passé, toujours aussi  difficile à avaler, mais il devait vivre avec ça, remarcher et essayer  de se rappeler de tout pour, enfin, retrouver la vie qu'il avait  autrefois et affronter l'extérieur… Au bout d'un moment, il  parvint à marcher correctement. Ses pas étaient malhabiles, et il devait  parfois se tenir aux murs, à cause de la fatigue ou pour ne pas tomber,  mais il pouvait descendre les escaliers seuls et marcher pieds nus dans  l'herbe du jardin, ce qu'il aimait beaucoup faire. Quand il arriva à ce  résultat, Draco lui dit qu'il pouvait aller où il voulait dans la  maison, mais qu'il ne devait pas en sortir. OoO A  présent, Harry avait suffisamment de force pour marcher seul jusqu'à la  salle de bain et se laver seul. Le plus souvent, Draco préférait rester  derrière lui, au cas où il tomberait, guidant ses pas, presque son  corps pendant ce court chemin. En fait, il était souvent dans son dos,  car depuis qu'il parvenait à se tenir debout sans flancher, Harry jouait  les aventuriers. Il ne tarda pas à savoir descendre les escaliers et se  balader pieds nus dans le jardin, sous l'œil vigilant de Cerbère. Il  pouvait aller dans tous les endroits de la maison mais il ne devait pas  en sortir. La seule pièce qui lui était interdite était le sous-sol,  car c'était là qu'il exerçait son métier de potioniste. Harry promit de  ne jamais y entrer : Draco lui avait déjà parlé de son travail et  notamment de ce qui se trouvait dans ses chaudrons. Entre autres, Harry  ne voulait pas voir les bocaux étranges alignés dans les armoires de la  cave. Ce matin, il faisait le trajet tout seul d'un pas mal  assuré, portant un pyjama. Ses affaires l'attendaient comme toujours  dans la salle d'eau, qu'il atteignit sans grande difficultés. C'était  une pièce pas bien grande au sol carrelé de blanc et dont les murs  étaient à demi recouverts de carrelage bleu pastel et à demi par de la  peinture au ton plus foncé. Une grande baignoire en porcelaine blanche  s'étalait le long d'un mur, non loin d'un lavabo. Une armoire blanche  contenait les affaires de toilettes et, entre autres, ses vêtements. Harry  s'approcha du lavabo surmonté d'un grand miroir sculpté. Il se regarda  dans la surface réfléchissante avec toujours le même étonnement. Il se  rappelait très bien du jour où Draco l'avait emmené se laver, le tenant  dans ses bras : il s'était arrêté juste devant ce grand miroir et Harry  avait pu voir son visage pour la première fois. Plusieurs sentiments le  traversèrent, mais le plus fort fut la surprise : il découvrait son  visage, quelque chose que tous voyaient mais que lui ne connaissait pas.  Et il aimait son visage, son visage un peu trop pâle de garçon sans  âge, ses yeux vert comme l'absinthe que Draco buvait certains soirs et  ses cheveux noirs qui refusaient de se laisser dresser. Le blond lui  avait avoué avec amusement qu'il n'avait jamais vu sa chevelure  disciplinée et que cela avait souvent été un sujet de moquerie. Harry  ne trouvait pas ça si laid que ça. Il s'acceptait tel qu'il était, avec  ce visage qu'on lui avait donné. Cela donnait un côté plus... physique,  réel à sa personnalité, à ce qu'il était. Une particularité. Cette  cicatrice en forme d'éclair sur son front faisait aussi partie de ses  caractéristiques, bien qu'il n'y accorda que peu d'attention, en dépit  de l'importance que lui dépeignait de Draco de cette vieille balafre. Le balafré, qu'il l'appelait à l'époque. Le binoclard. Potty. Ici, il s'appelait juste Harry... OoO Le  temps était magnifique. Le soleil brillait très haut dans le ciel,  sphère de lumière au milieu d'une immensité bleue où paraissaient  quelques nuages blancs. Il ne faisait pas trop chaud, ce qui était  agréable, car Harry ne supportait pas les grosses chaleurs qui  l'étouffaient. Cela ne semblait faire ni chaud ni froid à Draco, qui  semblait capable de s'accommoder de tout. L'un à côté de l'autre,  les deux hommes marchaient sur le petit chemin de terre battue qui  serpentait jusqu'au village voisin. Pour l'occasion, Draco avait troqué  ses longues robes noires contre des vêtements de moldus, à savoir un  pantalon noir et une chemise blanche. Il était beau, ses cheveux blonds  illuminés par les rayons du soleil. Il marchait de façon lente et  élégante, comme à son habitude, ses bras se balançant légèrement le long  de son corps. Près de lui, Harry marchait au même rythme. Ses  jambes étaient encore un peu faibles, il arrivait qu'elles le lâchent  par moments, mais il avait l'habitude de sentir leur fatigue, donc le  jeune homme parvenait toujours à s'effondrer sur une chaise ou autre  avant qu'elles ne le lâchent. Lui, il était un peu plus débraillé, un  pantalon surmonté d'un tee-shirt un peu grand qui cachait sa maigreur,  mais ses bras nus pouvait qu'être des indices de la fragilité de son  être. Cela dit, il était moins pâle et plus souriant, ses cheveux noirs  partant dans tous les sens et ses yeux verts brillant derrière ses  lunettes rondes. Ce jour-là, Draco lui avait proposé une sortie.  C'était un dimanche, jour de marché dans le village voisin. Jusqu'alors,  Harry n'avait jamais quitté la maison et il avait été ravi que Draco  lui propose cette balade : il était tout excité à l'idée de voir des  gens, des autres maisons, de la vie… Ca le changerait un peu de la  compagnie de Cheshire et de Cerbère. Le village se trouvait à  proximité, à peine une quinzaine de minutes à pieds. Quand il vit les  premières maisons, le cœur de Harry s'emballa. Il avait l'impression  d'être dans un rêve, et cette sensation se perpétua quand ils entrèrent  dans la petite ville pleine de monde. Il y avait des hommes et des  femmes, qui parlaient tous une sorte de patois anglais. Les maisons  s'alignaient le long des petites rues où d'étranges véhicules, qui  s'avéraient être des voitures, peinaient à circuler à cause de la masse  de gens qui ne faisaient guère attention aux règles de la route,  pressées de rejoindre la rue principale où des stands étaient installés  pour le marché du dimanche. Harry et Draco s'engagèrent dans cette  rue, et ce fut un émerveillement pour Harry. Ses yeux avaient trop à  voir : vêtements pendus à des cintres, tissus enroulés, fruits et  légumes à foisons, poisson frais, viande rouge et gluante… Des cris de  commerçants, des bavardages incessants… Il y avait tant de choses qu'il  n'avait jamais vues, tant de personnes autour de lui… Il aurait pu se  sentir mal d'être ainsi noyé dans cette marée humaine avec pour seule  bouée Draco qui se tenait près de lui comme un garde-du-corps, mais au  contraire, il était comme un poisson dans l'eau, écoutant ces voix  étrangères, leurs conversations banales au passage, s'enivrant de ce  soleil qui baignait le village et son visage. Ils longèrent les  stands de légumes. Draco lui montrait les différents aliments, les  décrivait pour son comparse qui en connaissait à peine la moitié. « Ceci, c'est une asperge. Et ça, une mangue. - C'est des oranges, ça ? - Non, des pamplemousses. C'est plus gros et plus amer. - Et ça ? - Du gingembre. - Et ça ? On dirait des haricots… - Des gousses de petits pois. » A  une époque, Draco Malfoy se serait sûrement lassé de ce petit jeu, mais  le visage enjoué de Harry qui allait et venait entre les quelques  stands, le regard émerveillé, devait attendrir son cœur de glace. Ils  passèrent donc un long moment dans le marché, jusqu'à ce que les jambes  de Harry cèdent sous son poids de fatigue. Ils se posèrent dans un bar  pour boire un verre, puis retournèrent dans les stands prendre quelques  fruits et légumes, avant de rentrer. Ils firent de nombreuses pauses  parce que Harry était fatigué, ayant bien trop marché. Au final, Draco  le porta sur son dos, réduisant la taille de leurs achats qu'il rangea  dans une de ses poches. OoO « La vie n'est pas un conte de fée. - La mienne y ressemblait, non ? - Si tu veux. Mais ce n'était pas un conte de fée joyeux. - Parce que j'ai grandi dans un placard ? - Non, parce que le méchant de l'histoire était trop puissant pour toi. - Mais je l'ai vaincu. - Oui. Mais je ne sais pas si on peut appeler cela une vraie victoire... » OoO Dehors,  il pleuvait des cordes. Un véritable déluge noyait le jardin sous des  flaques énormes de boue dans un bruit de tonnerre. Le temps était  tellement mauvais que Draco avait permis à Cerbère d'entrer dans la  maison. Le chien n'en avait pas le droit, habituellement, dormant dans  sa niche et passant ses journées dehors. Cela dit, ce n'était pas une  pluie normale, elle était trop violente pour qu'il reste là à regarder  la boue se former sur le sol et peut-être atteindre sa niche. Assis  dans le canapé, le regard posé sur la fenêtre, Harry Potter était en  pleine réflexion. Cheshire était allongé de tout son long contre sa  cuisse et le molosse se tenait droit devant lui, le regardant de ses  quatre yeux, un peu comme s'il le surveillait. Il n'y avait pas de bruit  dans la maison, mis à part le léger bruit des souliers de Nora sur le  carrelage de la cuisine. Et dehors, la pluie tombait à torrent, les  nuages étaient noirs et le soleil avait disparu pour laisser place à une  lune timide. Il savait qu'à l'étage, Draco Malfoy se préparait :  il était invité à une soirée et il ne pouvait refuser cette invitation.  Le blond quittait rarement la maison le soir, et bien que ce soit  stupide, Harry était toujours inquiet quand il le savait absent. Il  avait du mal à s'endormir, alors qu'il savait très bien qu'il était en  sécurité. Ce devait être sa peur du noir et de la solitude qui le  rendait ainsi. De façon presque mécanique, Harry redressa la tête  quand il entendit les pas de Draco à l'étage. Il ne portait pas de  chaussures, c'était le bruit de ses chaussons caressant le parquet ciré  qu'il entendait. Quand le blond fut dans l'entrée, le cœur du jeune  homme s'emballa : la tenue de soirée de son hôte était magnifique, noire  et brodée d'or, une large ceinture soulignant sa taille. Il faisait un  peu prince de conte de fée. « Je m'en vais. A plus tard. » Harry  secoua la tête et Draco disparut dans l'entrée où il enfila ses  chaussures avant de quitter la maison sans bruit. L'angoisse du brun  monta d'un cran et les animaux durent le sentir, car le chien bicéphale  se rapprocha de lui et Cheshire bougea sa tête pour qu'elle se retrouve  sur son genou. Harry fit un léger sourire à Cerbère, les deux têtes de  l'animal le regardant avec les mêmes yeux noirs un peu humides. C'était  une belle bête, malgré son étrangeté, au poil noir et lisse et tout en  muscle, ses membres se mouvant avec force et adresse. Il  paraissait un peu méchant, de prime abord, tant il était grand, mais  Draco avait insisté sur le fait qu'il ne lui ferait pas de mal puisqu'il  vivait dans cette maison. La seule chose qu'il pourrait croquer, ce  serait le chat avec lequel il ne s'entendait pas. Pourtant, les deux  bêtes ne passaient pas leur temps à se pourchasser en présence de Harry,  ils restaient relativement calmes. Le jeune homme en avait conclu  qu'ils l'aimaient bien, Draco estimait plutôt qu'il avait l'air fragile  et qu'ils voulaient le protéger. Le fait étaient qu'ils étaient là  tous les deux, près de lui, alors qu'un ciel d'encre et tumultueux  rageait au-dessus de leur tête. Il y avait eu un coup de tonnerre, avant  que Draco n'aille se changer, et le blond avait dû rassurer Harry en  lui promettant que ce bruit était impressionnant mais pas dangereux s'il  ne quittait pas la maison, ce que le brun ne ferait pour rien au monde  dans une situation pareille. La faim commença à se faire sentir.  Nora était en train de préparer le repas dans la cuisine, une bonne  odeur se faisait sentir dans le salon. Harry se demandait encore comment  cet être de bois avait pu apprendre à cuisiner aussi bien, sans n'avoir  jamais gouté les mets qu'elle préparait. Un véritable mystère... et ce  n'était pas la marionnette qui pourrait lui répondre. Finalement,  après de longues minutes de silence un peu angoissé, elle entra dans le  salon et marcha jusqu'au jeune homme, à qui elle montra la table, la  tête légèrement baissée vers l'avant, comme si elle voulait le regarder.  Harry se levant un peu chancelant, et rejoignit la table. Nora apporta  le repas, le servit, puis s'occupa des deux animaux : une petite  assiette pour le chat et une grosse gamelle pour les deux têtes du  chien. Enfin, elle se mit dans un coin, debout, le regard dans le vide. Sa  présence ne gênait pas Draco. Il était habitué à l'avoir  continuellement près de lui, quand il était au rez-de-chaussée, et il la  considérait plus comme un objet que comme une personne. Après tout,  c'était lui qui l'avait crée et il savait que ce n'était qu'un amas de  bois sculpté et mobile. Pour Harry, c'était bien différent. Même  s'il savait qu'elle n'avait pas de conscience propre, il ne pouvait la  considérer que comme un banal objet. Elle le servait, tournait la tête  vers lui et faisait le ménage. Elle se comportait comme une femme, avec  des vêtements de femmes. Mais c'était une marionnette, avec des cheveux  bruns et un peu rêches, et des yeux de verre qui reproduisaient de façon  assez fidèle les prunelles et les iris des être humains. Harry  mangeait de façon lente, plongé dans ses pensées et quelque peu  embarrassé de sentir la présence de cet être qui ne pouvait partager ses  propres sensations, parce qu'elle n'en avait ni les moyens ni même  l'idée. Elle était un peu comme Pinocchio : un être rendu vivant par la  magie et qui voulait sans doute devenir un être de chair et de sang. Ou  peut-être que cette idée ne lui était jamais parvenue... Et  pourtant, quand Harry levait la tête vers elle et croisait son regard  vide de toute émotion, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il y avait  quelque chose, dans cette coquille de noix qui lui servait de tête. Son  regard était vide, juste tourné vers lui, mais elle avait conscience de  sa présence et, peut-être, qu'elle essayait vraiment de le regarder. Ils  restèrent ainsi un long moment. Cette marionnette avait un air un peu  mélancolique. Elle lui faisait pitié. Il avait envie de se lever et de  prendre dans ces bras cette être articulé, sans ficelles pour la tenir,  et qui lui semblait si fragile... Ficelles... Oh si, elle avait  des ficelles... mais elles ne se voyaient pas. Aucune marionnette ne  peut bouger seule, elle a besoin de quelqu'un pour tenir les crois de  bois reliées aux extrémités des membres. Et le marionnettiste, c'était Draco Malfoy. OoO Ses  yeux virent la chose bondir, analysant chaque mouvement de la bête,  mais son esprit mit du temps à réaliser ce qui se passait… « Harry, attention ! » …  et de façon presque instinctive, il croisa les bras devant son visage,  fermant les yeux. Il ne vit pas l'animal tomber devant lui, puis se  dresser sur ses pattes arrière, mais il sentit sa lourde patte le frôler  et une griffe acérée tracer une longue ligne rouge sur son avant-bras. Harry  cria, de douleur et de peur à la fois, avant de tomber en arrière. Il  rouvrit les yeux et s'attendit à ce que Cerbère lui saute dessus, avec  la même rage qui guidait ses mouvements depuis quelques secondes, mais  un sortilège le propulsa à l'autre bout du jardin. La bête s'effondra  contre la barrière dans un bruit mat, poussant un gémissement de  douleur. Transpirant et haletant, Harry gardait les yeux fixés sur  le chien bicéphale alors que Draco se précipitait vers lui pour bander  son bras blessé. Sans perdre une minute, le blond le porta dans ses bras  jusque dans le salon où il ordonna à Nora de lui apporter la trousse de  secours. La marionnette s'activa et revint rapidement avec une petite  mallette blanche. Le temps qu'elle arrive, Draco épongeait le sang qui  coulait de la blessure avec un morceau de sa robe de sorcier, se rendant  à peine compte que son patient fixait la blessure impressionnante avec  des yeux écarquillé, pâle comme un mort et nauséeux. Ce fut seulement  quand il lui annonça qu'il allait devoir recoudre que Draco se rendit  compte que l'autre était tout simplement terrifié. Pourtant, cela  ne l'empêcha pas de soigner la blessure, peu impressionné par le sang et  les chairs ouvertes par la griffe acérée de Cerbère. Le blond semblait  furieux mais Harry avait du mal à s'en rendre compte appliquant sur son  front le gant d'eau froide que Nora lui avait donné, les yeux posés sur  un vase rempli de fleurs, pour ne pas regarder autre chose. C'était  celles qu'il avait cueillies lors d'une balade avec Draco et elles lui  permirent de penser à autre chose pendant qu'il le soignait. « Ce sale clébard, il va voir un peu ! » Harry  ne comprenait pas ce qui était arrivé au chien : jamais Cheshire ne lui  avait montré le moindre signe de violence ni de crainte, et Cerbère non  plus malgré la méfiance qu'il lui accordait toujours. En plus, le jeune  homme ne voyait pas ce qu'il avait pu faire de mal : il était sorti  dehors, le chat sur ses talons, afin de profiter des rayons du soleil.  Et le chien s'était attaqué à lui. Quelle mouche avait bien pu le  piquer… « Attends un peu, je vais lui faite comprendre qui fait la loi, ici… - Pourquoi il a fait ça… ? -  Ca lui arrive. Disons qu'il n'est pas né naturellement comme ça, c'est  une sorte de chimère, et son caractère est parfois instable. Les rares  fois où il m'a attaqué, je lui ai rapidement fait comprendre qui était  le plus fort. Mais là, il est allé trop loin… - C'est pas grave, plus de peur que de mal… » Harry  ne savait pas s'il en voulait au chien, mais en tout cas, il avait peur  de lui maintenant. C'était une bête énorme et il ne s'était jamais  vraiment senti en danger, bien que ses griffes soient acérées et ses  crocs souvent visibles, aligné sur ses doubles mâchoires puissantes. « Tu as vu l'état de ton bras ! Sale bête… Je suis désolé, Harry… » Le  brun tourna la tête vers Draco, qui le regardait d'un air désolé, avec  cet étrange éclat dans les yeux qui ne les quittait plus depuis cette  balade en forêt. Harry se sentit rougir devant l'intensité de ce regard,  sentant les doigts fins de Draco caresser son avant-bras recouvert d'un  bandage blanc où apparurent quelques petites tâches rouges. Cette  proximité entre eux gêna Harry qui détourna les yeux, regardant par la  fenêtre. Il ne put voir son hôte sourire d'amusement et lâcher son bras.  Mais aussitôt, le brun tourna la tête vers lui, et l'interpella, le  faisant se retourner. « Ne fais pas de mal à Cerbère. - Si je ne lui fais pas comprendre qu'il a fait une bêtise, il recommencera. - Mais ce n'est pas de sa faute, et… -  Cerbère est un animal, Harry. Si on ne punit pas un enfant qui jette  son verre rempli d'eau par terre, il recommencera. Avec lui, c'est  pareil : s'il ne comprend pas qu'il n'aurait pas dû faire ça, il  recommencera. C'est vrai qu'il ne pas toujours se contrôler, mais ne  rien faire le laissera sans crainte. Et si ce genre d'animal n'éprouve  ni peur, ni respect pour toi, il peut se montrer très dangereux. » Lentement,  Harry hocha la tête, alors que le petit bruit des souliers de Nora  claquait sur le parquet. Alors que le blond quittait le salon pour punir  son chien, la marionnette récupérer la petite boite ainsi que les  tissus qui avaient servis à éponger le sang. Harry ferma les yeux,  touchant le bandage blanc doucement. Il avait la nausée, mais elle  s'apaisa au fil des minutes. Quand Draco revint, quelque peu énervé,  elle avait disparue. OoO Une nouvelle photographie lui fut présentée, comme ça. « Luna Lovegood et Ginny Weasley. - C'était qui ? - Hm… Une amie, et l'autre, c'était ton amoureuse. » Harry  prit la photographie dans sa main et regarda attentivement le cliché où  les deux jeunes filles souriant, l'une avec un air un peu rêveur,  l'autre plus vive et enjouée. Elle avait des cheveux roux et des yeux  marron. Il la trouva jolie, mais… un peu fade. « Elle est la petite sœur de ton meilleur ami. Un an de moins que toi. - Je l'aimais ? - Oui, vous sortiez ensemble. - Beaucoup ? -  Je ne sais pas. Mais elle, elle t'aimait beaucoup. Personnellement, je  pense que tu étais avec elle parce qu'elle te correspondait : elle  n'était pas niaise, ne te suivait pas à la trace, joli sans être trop  féminine… Tu n'as jamais été amoureux, et tu étais assez réservé comme  garçon, sauf avec tes amis. Ginny faisait partie de ton monde, tu la  connaissais depuis longtemps, et elle était naturelle. Votre couple  était presque trop évident. - Ah bon… - Comment tu la trouves ? - Je ne sais pas… Je l'ai vraiment aimée ? » Harry  n'aurait su dire à quoi était due la lumière dans les yeux de Draco  Malfoy, qui semblait se retenir de sourire. Il avait du mal à s'imaginer  avec cette fille qui souriait sur la photographie. Elle n'était pas  laide, mais… il ne voyait pas ce qui avait pu l'attirer, chez elle, ce  qui avait pu la rendre différente des autres à ses yeux. « Je suppose, Harry. On était ennemis, je te rappelle. Tu semblais vraiment attaché à elle, mais je n'étais pas dans ta tête. - Et qu'est-ce qu'elle est devenue ? -  Eh bien… Pas grand-chose, honnêtement. Elle ne s'est pas remise de ta  disparition. Ça ne l'a pas empêchée de devenir riche et célèbre, et de  courir les hommes. - Ah bon ? - Oui, elle se console comme  elle peut de ta disparition. Je pense qu'elle t'aimait sincèrement, mais  que veux-tu… Elle est sorti avec toi, elle fait partie d'une famille  proche de toi… Elle éveille l'intérêt. Elle attire les hommes. Et elle  se laisse aller, parce que de toute façon, tu n'es plus là, et tu ne  reviendras jamais… » Je suis mort… « Beaucoup ont fait comme elle. » La femme que j'ai aimé m'a oublié… « Ca peut se comprendre. » Personne ne sait que je suis ici. Personne n'a cherché à savoir où j'étais passé… « Harry ? » Le  jeune homme leva les yeux, semblant sortir d'une transe. Draco semblait  un peu inquiet : toutes ces photos étalées devant ses yeux  bouleversaient Harry qui avait du mal à faire le tri dans tout ce qu'il  apprenait, et son bienfaiteur devait se douter que le bousculer ainsi le  perturbait beaucoup. Il apprenait des choses sur ce qu'il avait été et  il ne se rappelait pas de tout ça, pas même d'un vague souvenir. « Je suis désolé de te montrer tout ça, Harry, mais tu dois te souvenir… - Je sais… Mais c'est dur, tu sais… Ca fait mal de ne pas se souvenir de ce qu'on a été, je ne sais pas qui je suis, je… » C'était  difficile à dire. Se dévoiler ainsi était difficile, pour lui, car il  savait qu'il blessait irrémédiablement cet homme qu'il avait détesté à  une époque mais qui essayait de se racheter à ses yeux, et qui plus que  tout, lui avait sauvé la vie. Harry ne voulait pas voir de déception, de  douleur ou de tristesse dans ces yeux bleus si expressifs par moments. Soudain,  Draco sortit de sa poche une montre à gousset dont il souleva le clapet  avant de la ranger dans sa poche, la mine désolée. « Je ne vais pas tarder à m'en aller, Harry. Je dois rencontrer un de mes clients. - Pour tes potions… - En effet, il est assez exigeant. - Mais quel genre de potions tu fabriques ? » Ils  n'avaient jamais vraiment parlé du travail de Draco, même si Harry  savait qu'il fabriquait des potions dans la cave, sous la maison. Le  blond jeta un nouveau regard à sa montre avant d'hausser les épaules :  il avait un peu de temps devant lui. « Je fabrique des potions de  toutes sortes. Tu ne te souviens pas, mais quand nous étions  adolescents, nous avions un professeur de potions que tu n'aimais pas et  qui était un proche de ma famille. Il m'a appris l'art de créer des  breuvages aussi bien dangereux que bénéfiques, et après la guerre, j'en  ai fait mon métier. » Draco Malfoy vivait de ces potions complexes  qu'il fabriquait dans les ténèbres de sa cave, faisant des expériences  plus ou moins dangereuses pour des clients exigeants qui attendaient des  résultats probants. Souvent, les sorciers savaient concocter des  potions mais le plus souvent, c'étaient des potions utilisées pour les  maladies ou autre, des choses toutes bêtes qui guérissaient un rhume ou  faisait baisser la fièvre. En somme, rien de très probant. Le plus  souvent, les sorciers en restaient là car ils n'avaient pas de temps à  consacrer à cet art ou alors les ingrédients étaient un peu cher, vu la  quantité qu'ils utilisaient : mieux valaient s'adresser à des  spécialistes en la matière. Revenant à son cas, l'homme blond lui  expliqua que certains breuvages exigeaient une attention toute  particulière et se composaient d'ingrédients parfois très difficiles à  trouver ou alors très chers, ce qui faisaient que certains clients  s'adressaient à des spécialistes afin d'obtenir ce qu'ils souhaitaient.  Draco Malfoy avait toujours été doué et son talent lui permettait de  vivre. « J'ai grandi dans un milieu aristocratique assez  étouffant, alors quand j'ai été en moyen de le quitter, j'ai sauté sur  l'occasion. Maintenant, je vis dans cette maison et je peux travailler à  mon aise dans la cave, que j'ai aménagée pour contenir tous mes  chaudrons et les ingrédients nécessaires aux préparations. - Et tu rencontres tes clients pour prendre tes commandes, c'est ça ? -  Oui, je préfère. On parle argent, aussi. Ca compte beaucoup, ça. Je les  revois ensuite pour leur remettre leurs commandes. Parfois, ils sont  mécontents, mais le plus souvent, ils partent dans de longs monologues  dithyrambiques pour vanter mes… - Di… Dithy… - Dithyrambiques. Enfin… Ils me font des éloges. Des compliments. » Harry  devint écarlate et tourna la tête de gêne. Son bienfaiteur eut beau lui  dire que ce n'était pas grave, de toute façon il doutait que même avec  sa mémoire il sache ce que ce mot voulait dire, le jeune homme ne  pouvait s'empêché d'être embarrassé. Draco passait son temps à lui  donner des définitions et c'était exaspérant. Harry en venait presque à  vouloir lire un dictionnaire… « Ne t'embarrasse pas avec ça. Bon, je te laisse sinon je vais être en retard. » Harry  acquiesça, mais son embarras ne pouvait s'estomper. Les jours avaient  beau passé, il se sentait aussi simple d'esprit que ce matin-là où il  avait ouvert les yeux et qu'il avait regardé cet homme blonde enveloppé  dans sa robe noire pour la première fois. Le pire, c'était sans doute  que Draco s'habituait à tout lui expliquer, un peu comme s'il parlait à  un enfant. Mais Harry était tout sauf un enfant. Il était un homme, de chair et de sang. Un homme, qui ne se sentait pourtant pas tout à fait entier… OoO Le  cheval courrait vite sur le chemin de terre qui serpentait entre les  champs. Assis sur son dos, les bras fermement accroché à la taille de  Draco, Harry sentait le vent souffler dans ses cheveux et lui caresser  le visage. L'adrénaline courrait dans ses veines aussi vite que l'animal  galopait sur la terre battue. Il avait envie de rire, de crier, de  libérer cette agréable tension qui faisait battre son cœur. Devant  lui, Draco tenait fermement les rênes, ses bottes tenant les étriers.  C'était un peu comme s'il ne faisait qu'un avec le cheval, courant avec,  Harry dans son dos serrant fort sa taille. Ce moment d'intimité qu'ils  partageaient était exceptionnel, complètement hors du temps. Ils  n'étaient plus enfermés dans cette maison de poupée où chaque minute  était comptabilisée par l'horloge, où des souvenirs épars s'étalaient  par terre et sur les meubles, où les vers d'Alice au pays de merveilles  étaient récités avec douceur, presque avec amour. Harry n'était plus le corps malade que Draco baladait à travers les pièces de la maison. Cette  course folle dans les champs dura un temps infini. Ils gagnèrent une  forêt, la traversant à toute allure, à dos de ce cheval blanc qui filait  entre les arbres sans jamais en effleurer un seul. Ils débouchèrent  soudain sur une grande clairière baignée de lumière. Draco arrêta son  cheval et demanda à son compagnon de reculer sur le dos de l'animal pour  qu'il puisse descendre. Il aida ensuite le brun à poser les pieds par  terre, le tenant fermement. C'était un bel endroit qui respirait  la tranquillité et le calme. Harry fit quelques pas, sentant le corps de  Draco dans son dos, des fois qu'il trébuche. Mais ses jambes étaient  plus stables, il savait les contrôler et deviner quand elles ne  pouvaient plus le tenir. A présent, dans ce mélange d'ombres et de  lumière, il se sentait léger comme un oiseau. Il se baissa même et  retira ses chaussures, marchant pieds nus dans l'herbe verte qui  caressait ses pieds, chatouillant sa peau et le faisant frissonner. Près  de lui, il vit Draco en faire de même. Ils se regardèrent, complices,  alors que le bras du blond se glissait autour de sa taille, comme il  l'avait déjà fait mainte fois. C'était un geste à la fois doux et  rassurant, naturel et agréable. Lentement, Draco lui prit la main  et se plaça devant lui dans un mouvement gracieux. Puis, il prit son  autre main, le faisant avancer vers lui, vers le centre de cette  clairière, vers le cercle de lumière au centre où la peau du blond  sembla se recouvrir d'or, réchauffée par les rayons bienfaiteurs de  l'astre de lumière. Avec douceur, Draco le fit danser. Ses  mouvements étaient lents, ses yeux surveillaient les jambes de Harry, de  peur qu'elles ne s'écroulent sur lui-même, mais bientôt, comme s'il  avait des ailes, Harry le suivit dans ses mouvements plus rapides. Ses  yeux brillaient d'amusement, alors qu'il sentait son corps devenir plus  léger, ses pieds suivant maladroitement ceux de Draco. Par  moments, il trébuchait et se retrouvait contre lui, et le blond le  repoussait gentiment pour le remettre sur ses jambes, tenant d'abord ses  mains pour le guider, puis ses hanches. Car à nouveau, Draco le  guidait, comme un marionnettiste guiderait les mouvements de sa  marionnette, tenant presque les membres articulés pour lui faire faire  ce dont il avait envie. Et Harry aimait cette sensation-là, sentir les  bras de Draco autour de lui qui actionnaient les ficelles de son corps  pour le faire danser contre lui. Harry s'amusait et riait. C'était  la première fois qu'il riait depuis son réveil, et quand ce son clair  franchit ses lèvres, Draco haussa les sourcils de surprise, puis son  visage s'adoucit, et il sourit plus franchement encore, montrant alors  sa joie de le voir aussi heureux. Car ce son clair qui emplissait la  clairière, alors que Harry se laissait aller dans les bras de Draco,  déliant ses jambes encore un peu engourdies, gonflait le cœur du sorcier  de bonheur. C'était un peu comme une concrétisation, et il le lui  dirait un peu plus tard… Mais pour le moment, ils voltigeaient  ensemble, hors du temps et de l'espace, dans cette petite clairière où  un magnifique jeu d'ombre et de lumière était à l'œuvre. Ils semblaient  en symbiose, comme si c'était normal de s'amuser ainsi, au milieu de  nulle part, les pieds nus et leurs cœurs bondissant dans leurs  poitrines. Mais toute chose avait une fin, et Harry finit par  sentir la fatigue atteindre ses jambes qui tremblèrent. Il ralentit le  rythme et se cramponna à Draco pour rester debout, alors que le blond  l'entourait de ses mains. Soudain, une de ses mains se posa sous son  menton et leva son visage vers lui. Harry ne comprit pas tout de  suite ce qui se passait. Il vit juste le visage de Draco se rapprocher  du sien et ses lèvres se poser sur les siennes, en une douce pression.  Son sang galopait dans ses veines, son cœur semblait prêt à s'échapper  de sa poitrine, alors que ses jambes et ses mains tremblaient, mais pas  pour les mêmes raisons. Se laissant à aller à cette étrange sensation de  trouble qui l'envahissait, le jeune homme ferma les yeux et savoura ce  contact. Puis, ils se séparèrent. Le regard de Draco était  troublé, mais ses yeux brillaient comme jamais. Harry était perturbé par  ce qu'il venait de se passer et, les joues écarlates, il baissa les  yeux d'embarras. Draco esquissa un sourire et se baissa pour passer un  bras sous ses genoux et le soulever lentement dans ses bras. De façon  naturelle, Harry noua ses bras autour de son cou et cacha son visage,  alors que le blond embrassait ses cheveux, le tenant bien contre lui. La  balade était terminée, ils devaient rentrer à la maison. Alors, à  grands pas amples, Draco rejoignit son cheval qui les attendait entre  deux arbres. Il aida Harry à s'y assoir en amazone puis monta à son tour  avant de saisir la bride et les ramener chez eux. Pendant le  trajet, les jambes du brun purent se reposer et ce dernier se blottit  contre le torse rassurant de Draco, mille pensées s'emmêlant dans son  esprit sans qu'il ne parvienne à y mettre de l'ordre. Ce n'était pas non  plus comme s'il en avait envie. Son trouble était bien trop grand pour  cela. Harry préférait regarder devant eux : les arbres défilaient puis  ils laissèrent place aux champs, l'étalon galopant sur des chemins de  terre. La maison ne tarda pas à être en vue. Ils en franchirent le  portail, puis Draco descendit et aida Harry à en faire de même. Nora  se tenait sur le pas de la porte, les mains croisées devant elle. Le  vent soufflait légèrement dans ses cheveux noués derrière sa nuque et  les volants de sa robe verte. Son regard était tourné vers eux, alors  qu'ils traversaient le jardin. Draco parlait à Harry, le tenant  par la taille, son autre main autour de la bride du cheval. Il ne  pouvait donc voir le regard indéchiffrable de la marionnette. Car  elle les regardait. Elle regardait Harry. Ce n'était pas simplement ses  yeux de verre tournés vers lui : cette fois, il y avait une vie dans ces  billes bleues, qui le regardaient de façon pénétrante. Et ils lui disaient : attention. OoO Ce  matin-là, quand il se réveilla, un soleil magnifique baignait la maison  et le jardin de chaleur et de rayons dorés. Une fois les rideaux  ouverts, la chambre sembla s'illuminer : le parquet s'illumina et les  meubles semblèrent retrouver une seconde jeunesse. C'était un temps qui  annonçait une bonne journée. Comme à son habitude, Harry alla se  laver puis descendit prendre son petit-déjeuner en compagnie de Draco,  servi par Nora qui répétait les mêmes gestes sans la moindre hésitation  ni lassitude. Harry était toujours fasciné par ses doigts articulés qui  bougeaient comme guidés par des ficelles. Devant lui, Draco  semblait serein et d'humeur joyeuse. Harry était encore troublé de ce  qui s'était passé pendant leur balade à cheval. Depuis, il ne cessait de  penser à lui, ou du moins plus qu'avant, et à la façon dont le blond le  traitait : il semblait plus gentil encore et son regard avait un peu  changé. De façon tacite, Harry avait compris que Draco ressentait  quelque chose… en plus. Mais lui, quelque peu apeuré par ce revirement  de situation, le repoussait à chaque fois qu'il entreprenait un geste un  peu trop intime, lui faisant gentiment comprendre qu'il avait besoin de  temps. Harry ne savait pas si le blond acceptait bien son  comportement. D'une certaine manière, il s'en voulait : son hôte avait  toujours bien pris soin de lui, et le voilà qui le repoussait, voilant  ses yeux bleus de déception. Mais Harry, même s'il voulait répondre,  préférait être honnête : il ne ressentait rien à part une étrange  excitation, une nervosité due aux premières expériences. Mais… rien de  plus. Le petit déjeuner se déroula dans une ambiance calme,  apaisée. Derrière la fenêtre, Harry pouvait voir Cerbère allongé dans  l'herbe, une de ses têtes semblant dormir, posée sur ses pattes avant,  l'autre jetant un regard méfiant à un papillon qui volait non loin de  son museau. Derrière lui, Cheshire lapait le lait de son bol posé sur le  sol avec un petit bruit discret. Harry avait la sensation d'être  bien. Il avait l'impression d'être à sa place, ici, dans cette petite  maison où il n'était pas malheureux et où le monde extérieur trop  turbulent ne viendrait jamais le déranger. Il étudiait encore, faisait  des efforts pour se remémorer sa vie passée, mais rien ne lui revenait,  et il semblait décidé à vivre avec, gardant les récits de Draco et les  photos dans son esprit. Il savait qu'il finirait par quitter cette  maison pour affronter ce qui avait été autrefois sa vie, mais pas avant  d'avoir bien assimilé tous les morceaux du puzzle. Pour cela, il  lisait de nombreux livres, surtout des biographies : beaucoup de livres  étaient sortis sur lui en si peu de temps, dont un de Hermione Granger,  celle qui avait été sa meilleure amie. Il apprenait qui étaient ses  parents, ses amis, Sirius Black, ses ennemis... Il lisait le récit de la  vie du mage noir Lord Voldemort. Cet homme qu'il avait tué... Il  avait toujours autant de mal à croire qu'il avait été capable de retirer  la vie. Il avait l'étrange sensation que tout ce qu'il lisait et tout  ce qu'on lui racontait sur lui étaient plutôt le portrait d'un homme que  lui, un étranger qui portait le même nom que lui mais dont le caractère  était complètement différent. Le jeune homme avait beaucoup de mal à  s'approprier tout cela... Alors, pour dessiner son portrait et  redécouvrir qui il était, Harry se mit à nouveau à lire après le petit  déjeuner, comme quelqu'un dévorerait un roman d'aventure dont il  s'imagine être le héros. Dans sa chambre, avec Cheshire contre sa  cuisse, il pensait à juste titre que, s'il était confronté au monde  extérieur, il aurait davantage conscience de ce qu'il était. Mais ce  monde-là lui faisait peur... Et il était bien, dans cette maison,  où son existence était régie par la présence même de Draco Malfoy, son  bienfaiteur, celui qui avait pris soin de lui, qui lui avait réappris à  marcher, qui lui définissait tout ce qu'il ne connaissait pas... Qui lui  réapprenait la vie. On sonna. Harry leva la tête, Cheshire aussi.  Fronçant les sourcils et tendant l'oreille, Harry écouta les bruits de  la maison et entendit avec stupeur la voix de Draco et celle d'un autre  homme. Une voix plus grave, plus... mûre. Le jeune homme se leva,  faisant miauler le chat, et sortit de la chambre. « Severus, va-t-en d'ici. Tu n'as rien à faire là. - Depuis le temps que je te cherche, Draco, crois-moi que je ne vais pas partir comme ça. » L'inconnu employait un ton mielleux un peu agaçant. Tremblant, Harry les écouta, caché dans le couloir de l'étage. « En quoi mon existence te concerne ? Tu n'as jamais fait attention à moi, pourquoi aujourd'hui... -  Oh, Draco, je t'en prie... Tu as disparu juste après la bataille, ça  fait des mois et des mois que je te cherche sans jamais te trouver. Tu  n'arrêtes pas de changer d'endroits, et c'est vraiment agaçant. - Si je me cache, c'est qu'il y a une bonne raison. - Ne me dis pas que tu fuis le monde sorcier... » Il regarda en bas de l'escalier : l'entrée était vide, les voix venaient du salon. « ... car si c'était le cas, tu ne vendrais pas tes potions dans tout le pays. » Sans  pouvoir y résister, Harry descendit quelques marches, écoutant cette  voix inconnue, comme une souris serait charmée par le fabuleux joueur de  flûte. « Tes potions sont complexes et dangereuses, tu les vends  sur le marché noir. Si tu es ici, ce n'est pas pour te cacher. Mais  plutôt... » Il arriva en bas, ses pieds enveloppés dans ses chaussons ne faisant aucun bruit sur le parquet. « ... pour cacher quelque chose. » Son cœur battait trop vite. « Severus, non ! » Ce  fut... comme dans un film. Comme si... la scène passait au ralentie. Un  homme déboula dans le couloir de l'entrée et tourna son visage vers  lui. Il était grand, noir de la tête aux pieds, enveloppé dans une  grande robe de sorcier un peu abimée. Le teint cireux, des yeux sombres  comme des cavernes sans fond, il n'était pas vraiment beau. Ni laid. Une  sorte... D'entre deux. L'homme ouvrit des yeux immenses quand  leurs regards se rencontrèrent, et il y eut un moment de flottement,  comme si l'inconnu ne parvenait pas à en croire ses propres yeux. Si  Harry Potter avait vraiment été là, il se serait cru dans un rêve, car  jamais le professeur Rogue n'aurait affiché une telle stupéfaction, et  jamais il ne se serait rué vers lui pour prendre son visage dans ses  mains et le regarder de plus près, ses doigts tremblant contre ses  joues. « Ce n'est pas vrai... Ce n'est pas vrai... » Jamais  il ne l'aurait regardé avec cette panique dans ses yeux, et puis cette  tristesse proche du désespoir. Jamais il n'aurait caressé son visage de  ses doigts froids et durs, jamais il n'aurait passé la main dans ses  cheveux. Jamais il n'aurait eu ce comportement de père, d'homme retrouvant un enfant perdu dans une forêt trop sombre. Mais le jeune homme ne savait pas, alors il le regarda sans comprendre... « C'est pas possible... » Une  peur insondable pénétra son cœur, alors qu'il sentait une angoisse  réelle envahir l'esprit de cet homme qu'il ne connaissait pas et qui ne  semblait pas lui vouloir de mal. Il ne put... retenir sa question. Celle qui le taraudait chaque jour. Chaque seconde de son existence. « Qui je suis ? » Ce  fut comme le point de rupture. Quelque chose se brisa dans le regard de  cet homme bien plus âgé que lui. Il se retourna : Draco se tenait à  quelques mètres de lui, le visage fermés et ses yeux bleus flamboyant de  rage. Il tenait fermement dans sa main sa baguette magique. « Draco... » Ses mains dures et froides contre ses joues, qui caressaient ses cheveux... « Pourquoi... » Son visage... désespéré... « ... as-tu fait ça ? » Et Draco leva sa baguette. « Stupefix ! » L'homme  en noir s'écroula sur Harry qui poussa un cri de peur. Draco s'avança  vers lui et poussa le corps inerte de cet homme, le corps tendu et le  visage figé par la colère qui grondait en lui. « Draco, qui est-ce ? - Personne. - Si ! Tu le sais ! Qui est-ce ? Il me connait ! - Il te détestait. Il te détestait plus que moi. Il voulait que tu meures... - Non ! » Harry  attrapa son bras, complètement perdu et dépassé, son cœur battant à  folle allure dans sa poitrine. Cet homme l'avait reconnu, cet homme  l'avait regardé de façon désespérée, comme si… C'était impossible… « Qui c'était ? Qui c'était ? - La ferme ! » Draco  le repoussa de façon violente et Harry se cogna la tête contre le mur.  Il poussa un petit cri de douleur, les larmes aux yeux. Sans lui jeter  le moindre regard, Draco prit l'inconnu et monta les marches de  l'escalier, laissant Harry prostré dans le couloir, la main sur la tête. Soudain,  Harry n'eut plus envie de réfléchir. Serrant les dents, décidé à  comprendre, à braver l'interdit, il se leva et fouilla parmi les clés  pendues aux clous du présentoir dans l'entrée. Il prit celle de la cave,  grosse et un peu rouillée, puis sortit de la maison, laissant ses  chaussons derrière lui. Il fit le tour et arriva devant la porte de la  cave, mais un obstacle l'empêcher d'entrer. Nora. Nora, dans sa robe bleue, ses bas blancs et ses souliers noirs. Nora, avec ses cheveux en crin de cheval attachés et ses yeux de verre, qui le regardaient. Nora et ses bras de bois, articulés, levé à l'horizontale. Nora et son air mélancolique, qui lui disait : ne fais pas ça. N'entre pas, Harry. Sans  réfléchir, la tête embrouillée et l'image de cet homme dans la tête,  Harry la poussa violemment sur le côté. Alors qu'il déverrouillait la  porte de la cave, il l'entendit tomber sur le sol, dans bruit de  marionnette échouée. Marionnette dont on a lâché les ficelles… La  cave était sombre, plongée dans les ténèbres. Quand Harry eut descendu  les escaliers, plein d'appréhension et la peur au ventre, des torches  s'allumèrent, dévoilant le contenu de cette pièce si particulière : des  chaudrons, certains bouillonnant et d'autres vides, des étagères  remplies de libres anciens et d'ingrédients en tout genre. Cela aurait  pu être une salle banale, si au fond de la pièce, il n'y avait pas eu ce  rideau violet mangé par les mites qui tentait de dissimuler une petite  porte. Harry la poussa. Elle était ouverte. Il faillit hurler. Mais sa voix était coincée dans sa gorge. Devant  lui, au milieu de bougies flottantes, un cercueil de verre était  installé, en plein milieu de la pièce. Dedans, un jeune homme était  allongé, les mains jointes sur sa taille, semblant dormir d'un profond  sommeil. Mais il était trop pâle pour n'être qu'endormi, et sa poitrine  ne se soulevait pas au rythme régulier de sa respiration. C'était un cadavre. Un cadavre qui avait son visage, ses cheveux, et peut-être ses yeux. Un cadavre que Draco Malfoy avait sans doute embrassé des dizaines de fois sans jamais pouvoir le réveiller. Harry Potter… était dans ce cercueil. Et lui… il était dehors, à regarder cette tombe translucide, sans oser l'approcher, des larmes dévalant ses joues. Qui suis-je ? Dehors, à vivre, respirer, marcher… Pourquoi… ? A… réapprendre la vie… à apprendre à faire marcher ses articulations, guidé par les mains habiles de Draco Malfoy… Il a menti… Apprendre… tout ce qu'un humain pouvait faire, et ce que cet homme décédé avait été… Je ne suis pas Harry Potter… « Qu'est-ce que tu fais ici ? » Harry  se retourna. Derrière lui, le visage à demi éclairé par les chandelles,  Draco le regardait de ses yeux bleus assombris pas une colère sourde.  Le jeune homme avait le souffle coupé, il n'arrivait pas à prononcer un  mot, alors que tant de questions déferlaient en lui. « Je t'avais interdit de venir ici. » Le  blond fit un pas, puis un deuxième. Harry recula. Il était terrifié.  Terrifié par ce corps paisible allongé derrière lui, comme ensorcelé,  par cet homme qui se tenait droit devant lui, toute trace de bonté  disparue de son visage pâle. « Pourquoi ? - Pourquoi quoi ? - Pourquoi t'as menti ? » Je ne suis pas lui… « Je ne t'ai pas menti ! - Si… - Tu es Harry Potter ! » Qui suis-je ? « Non… C'est lui, Harry Potter ! C'est pas moi ! » Ou… que suis-je ? « C'est pas moi ! - La ferme ! » Draco  se jeta sur lui, l'attrapant par le cou, alors que le dos du jeune  homme se cognait contre la surface de verre. Il eut un frisson d'horreur  et baissa des yeux paniqué vers ce visage si semblable au sien qui  gardait ses yeux obstinément clos. Comme pour faire chier le monde. Comme pour se faire désirer. Vous m'avez fait tourner en bourrique, à mon tour de jouer… « Tu aurais dû être lui ! Tu m'entends ? » Harry  leva les yeux vers Draco. Le blond était complètement hors de lui, son  visage défiguré par la colère la plus noire. Ses yeux brillaient de  folie, ses mâchoires étaient crispées et ses mains serrées autour du cou  fin de Harry, qui sombrait dans la panique. « Tu aurais dû être lui ! » Le  brun posa ses mains frêles sur celles de Draco, essayant de desserrer  la pression, mais l'autre plus fort que lui, et rien ne pourrait  desserrer cet étau qui se refermait sur sa gorge. « Dra… -  Pourquoi, hein ? Pourquoi tu ne te rappelles de rien ? Pourquoi tu ne te  rappelles pas de moi ? Je t'aimais ! Je t'aimais plus que cette salope,  je t'aimais plus que personne ne pourra jamais t'aimer ! Tu m'entends ?  » Il le secouait, Harry étouffait. Il pleurait toujours, essayant  de se débattre, mais il était coincé entre le cercueil et le corps de  Draco, terrorisé par cette fin qui approchait tout doucement, sans crier  garde. « Je t'ai créé pour que tu sois lui ! Tu m'entends ? Je  t'ai créé pour que tu sois comme lui, pour que tu te réveilles et ne  vois que moi ! Pour que tu oublies tes préjugés, que tu me découvres,  que tu m'aimes ! Moi je t'aime, je t'ai toujours aimé, j'aurais tout  fait pour toi ! Tout ! » Ne me tue pas… « Pourquoi tu ne m'aimes pas ? Pourquoi ? » Je t'en prie… «  Tu n'es bon qu'à jeter aux flammes, tu n'es qu'une poupée ratée, une  marionnette dans laquelle j'ai voulu mettre son âme, comme je l'ai fait  avec Nora ! » Son corps plié, sa tête contre le cercueil… « Mais tu es encore plus raté qu'elle ! » Un corps de jouet… « Tu m'as oublié ! » De… marionnette… dont on dire les ficelles… « Tu ne m'aimes pas ! » Harry, sauve-moi… « Je te hais ! » OoO Il  se réveilla en sursaut. Allongé sur le lit, haletant et les yeux grands  ouverts, il regardait le plafond blanc qui s'étendait dans son champ de  vision, son cœur sur le point d'exploser. Des larmes orphelines  coulaient sur ses joues rouges, tout son corps était crispé à en  souffrir. Il ferma les yeux, essayant d'apaiser le rythme effréné  de son cœur, mais les rouvrit aussitôt, de peur de se rendormir et de  sombrer à nouveau dans ce rêve affreux qu'il venait de faire. Il mit  alors sa main sur son cœur et écouta les battements de son cœur qui  cognait contre ses doigts, essayant de respirer à un rythme correct, les  yeux dans le vague. Quand il parvint à se calmer, après de  longues minutes, il détailla la chambre. Elle n'était pas bien grande,  les murs verts et le sol masqué par une moquette qui semblait douce.  Quelques meubles, des étagères, un tableau… Et à l'opposé du lit, une  cheminée massive réchauffait la pièce grâce à son bon feu qui crépitait  dans l'âtre. Il faisait nuit. Les flammes apportaient une petite  lumière orangée à la chambre, lui donnant un aspect chaleureux. Il se  sentit un peu mieux, mais il s'angoissa rapidement : où était-il ? Il  n'en savait rien, et cela avait quelque chose d'inquiétant. Ses  souvenirs étaient assez vagues, et en toute honnêteté, il n'avait pas  envie de se remémorer ce qu'il avait vécu avant de sombrer dans les  ténèbres. Sans compter que ce rêve étrange qu'il avait fait lui donnait  la chair de poule. En somme, il préférait regarder le feu sans  réfléchir. Soudain, des pas se firent entendre dans le couloir.  Des pas réguliers, lents. Un bruit de chaussures, de talons qui claquent  sur le parquet. Automatiquement, une angoisse bien compréhensive  s'empara de lui. Il ne savait pas où il était, ce qui lui était arrivé,  et entendre une personne marcher dans le couloir ne pouvait que  l'inquiéter. En fait, il était tellement perdu que ce bruit le  terrifiait. Il était incapable de bouger, son corps engourdi semblant  trop fatigué pour répondre à ses appels. Seuls ses doigts acceptaient de  se plier, mais il n'irait pas bien loin avec ça… La porte  s'ouvrit lentement, grinçant un peu. Le cœur au bord des lèvres, il  regarda la personne entrer. Et la stupeur se peignit sur ses traits,  alors que l'homme debout non loin de lui le regardait avec une agréable  surprise. « Tiens tiens, on est réveillé, Potter ? » Ledit  Potter déglutit. Son rythme cardiaque sembla s'apaiser et sa peur de  l'inconnue devint moins forte, à mesure que l'homme s'avançait vers lui. « Malfoy… » Draco  Malfoy se tenait près de lui, debout près de son lit. A l'entente de  son nom, ses yeux bleus pétillèrent de façon étrange. Il avait l'air  content, même s'il essayait de le cacher, et Harry trouva cela quelque  peu suspect. Voire inquiétant, même. « Où suis-je ? - C'est une très longue histoire. Tu veux que je te la raconte ? » Le  patient hocha lentement la tête et son ennemi de toujours s'assit sur  le bord du lit. Il était élégant, comme toujours, et ses cheveux blonds  étaient ramenés en arrière. Il semblait avoir vieilli. Pas de beaucoup,  non, peut-être de deux ou trois ans. Les derniers souvenirs de Harry  remontaient à la grande bataille, et vu son épuisement, il ne doutait  pas qu'il sortait d'un très long sommeil. Il se sentait très  fatigué, il avait même du mal à garder les yeux ouverts, mais il se  força à rester éveillé malgré les exigences de son corps afin d'écouter  le récit de Draco. Ce dernier lui raconta qu'il avait vaincu Lord  Voldemort et qu'il avait été gravement blessé au point que tous  l'avaient cru mort, mais Draco l'avait emmené chez lui et avait tout  fait pour qu'il se réveille. Certes, cela avait pris du temps, mais il  était à présent bel et bien vivant. Voyant que Harry était à deux  doigts de s'endormir, Draco lui fit boire une potion pour qu'il reste  éveillé, ce qui marcha extrêmement bien. Le brun put donc bien suivre  son récit, l'esprit pourtant quelque peu embrumé. Il avait un peu de mal  à assimiler tout ça, mais il ne s'en inquiétait pas : il était vivant,  il aurait bien le temps plus tard de se mettre à jour. Tout en  écoutant Draco Malfoy, Harry se demandait s'il devait être heureux  d'être là ou non. Il était vivant, certes, mais il était aussi un  meurtrier. Il avait tué ce monstre. C'était sa destinée, mais… une sorte  de déception lui gonfla le cœur : il s'était donc abaissé à lever sa  baguette sur cette chose à demi humaine et il avait ôté une vie. Il se  sentait sale et pas du tout fier de lui, même si ce chemin était tracé  pour lui depuis sa naissance. La fatalité de cet acte n'avait rien de  réjouissant, bien au contraire. Quand Draco eut terminé, Harry  resta silencieux un long moment, avant d'ouvrir la bouche, regardant cet  homme qu'il avait haï à une époque droit dans les yeux, sans aucune  crainte, bien qu'il soit en position de faiblesse. « Pourquoi m'as-tu sauvé ? » Le  visage de son ennemi se brouilla. Il semblait hésiter à répondre, mais  Harry ne retira pas sa question et attendit. Il était dans une sorte  d'état second, un peu comme s'il était dans un rêve : il avait  conscience des choses mais il agissait par instinct, sans trop réfléchir  à l'impact de ses mots, voulant juste avoir des réponses pour  satisfaire son esprit en ébullition. Harry eut une étrange  sensation de déjà-vu quand Draco Malfoy lui expliqua pourquoi il l'avait  sauvé, alors que tous le donnaient pour mort. Il avait toujours voulu  être son ami et il avait souhaité se racheter, lui prouver qu'il n'était  pas aussi mauvais qu'il l'aurait cru… De façon désagréable, cela lui  rappela cet horrible rêve qu'il avait fait et qui hantait son esprit  depuis qu'il était réveillé. Il avait mal à la tête et son sauveur  sembla le remarquer. « Potter, ça ne va pas ? - Si, ça va… - Ca n'en a pas l'air. Tu ne me crois pas ? - Oh si je te crois, et je te remercie pour ce que tu as fais. J'ai la tête un peu embrouillée, il me faudra du temps pour… -  Oui, je sais. Tu viens juste de te réveiller et je viens de te donner  une potion pour que tu restes éveillé, alors que tu devrais dormir. Mais  je soutiens que quelque chose n'a pas l'air d'aller. » Draco le  regardait avec des yeux scrutateurs, un peu comme un médecin  ausculterait du regard un patient têtu qui cacherait ses maux. Harry ne  savait s'il devait parler de son rêve ou non… Finalement, vaincu par la  lourdeur de son esprit, il abdiqua. « Disons… que j'ai fait un drôle de rêve. - Ah oui ? -  Oui… Je rêvais que j'étais une marionnette, que… je sais plus… il y  avait un chat… Cheshire, quelque chose comme ça… j'étais dans une  maison, un cercueil… » Son rêve s'évanouissait au fil des  secondes. Il parvenait pourtant à en retracer le fil, mais quelque chose  le terrifiait, dans cette histoire que son inconscient semblait avoir  tissée… Il avait peur de se souvenir des détails… C'était un cauchemar,  rien de plus… « Hm… » Harry leva les yeux vers Draco Malfoy  qui paraissait un peu ennuyé, mais il semblait avoir une explication à  cet étrange songe qui l'avait réveillé en sursaut. « Tu dormais et  rien ne semblait te réveiller… Tu sais, ça fait plusieurs mois que tu  dors. Je te nourris de façon magique et je te lave d'un simple sort,  mais rien ne te faisait réagir. Alors je te parlais. » Son ancien ennemi marqua une pause, semblant hésiter, comme s'il allait lui parler de quelque chose de honteux. « Je… J'ai grandi entouré de marionnettes, ma mère adorait ça, et souvent je t'en parlais… Tiens, il y en a une, là-bas… » Pointant  du doigt le fond de la pièce, Draco montra du doigt une étagère clouée  au mur, et Harry put voir en effet une marionnette posée dessus. Harry  eut un frisson : la marionnette n'était pas humaine, mais elle avait la  forme d'un gros chat. Il devait être en bois, mais toute la surface du  jouet était recouverte d'une sorte de fourrure brune à rayures plus  claires, sans doute jaunes. Et, surtout… il souriait. « Cette marionnette me faisait penser au chat du Cheshire, dans Alice au pays des merveilles. Tu dois connaître, c'est une histoire moldue. Ma mère adorait les contes moldus. » Harry  hocha la tête, hypnotisé par cette marionnette qui avait le visage  tourné vers lui, ses yeux comme des billes de verre tournés vers lui. «  Peut-être qu'à force de t'en parler, cela a joué dans ton subconscient.  Tu sais, je parlais de tout et de rien, en espérant que tu puisses  m'entendre. Au début, je parlais de sujets sérieux, mais j'ai rapidement  manqué de sujets. Je te parlais de mon chien, aussi, aussi… Un peu de  tout… - Oui, je comprends… » Harry s'arracha à la vue de  cette marionnette féline et tourna la tête à nouveau vers le blond qui  ne semblait pas vraiment à son aise, semblant attendre quelque chose  venant de Harry, comme des questions. Mais le brun avait envie se  reposer, et non pas de se torturer l'esprit. « J'ai… un peu faim. - Ah ? Je vais te chercher quelque chose. » Draco  Malfoy sortit de la chambre et revint quelques minutes plus tard avec  un plateau dans les mains qu'il posa sur la table de chevet près du lit.  Il y avait une assiette avec de la viande et des pommes de terre, ainsi  qu'une tasse remplie d'un liquide fumant. « Tiens, bois ça avant de manger, ça te fera du bien. - C'est un somnifère ? - Non, c'est pour tes articulations. Je suppose que ça te fait un peu mal, non ? » C'était  le moins qu'on puisse dire. Le blond aida le Sauveur du monde sorcier à  s'assoir dans son lit, puis il lui tendit la tasse chaude. En voulant  l'attraper, la manche de son pyjama se releva et il découvrir avec  étonnement, puis avec une véritable stupeur l'extrémité d'une profonde  cicatrice qui s'allongeait le long de son avant-bras. Il fronça les  sourcils, la touchant du bout des doigts, sans comprendre. « Mais… c'est quoi, ça ? Je me suis fait ça où ? - Va savoir… » Un léger mouvement de tête et ses yeux verts tombèrent sur le visage de Draco Malfoy, qui souriait. Un sourire mystérieux, presque amusé. Qui révélait ses dents blanches et alignées. Qui, plus tard, lui feraient penser à des crocs. « Va savoir… » Et  ses yeux se posèrent dans l'âtre de la cheminée. Il cru apercevoir dans  le feu, parmi les buches de bois, une main de bois articulée. Va savoir… FIN |