Les talons claquaient sur le bitume froid, son souffle devenait buée à chaque respiration.
La nuit comme le froid, ne la gênait pas. Cela allait avec son état d’esprit.
La ruelle sombre déboucha sur un petit parking de motel.
Elle sortit les mains des poches de son blouson et prit un même temps les clefs de la chambre du motel, devant lequel elle se trouvait.
Une fois rentré, elle n’alluma pas la lumière, pourquoi faire ? La lune éclairait juste assez la pièce pour qu’elle puisse s’y mouvoir sans se cogner…Et puis après quelques semaines ici, cette chambre lui donnait la nausée.
Elle enleva son bonnet noir et une cascade de cheveux blonds s’étalèrent, elle enleva ensuite son blouson et ses bottes.
Elle poussa un soupir de soulagement, elle avait mal aux pieds.
Elle venait de travailler 12 h non stop, il le fallait si elle voulait avoir suffisamment d’argent pour changer d’endroit.
Mais même avec les maigres pourboires qu’elle récoltait, elle n’irait pas loin.
Elle s’allongea sur le lit, fixant le plafond.
Son ventre gargouilla, mais elle fit comme si de rien n’était, elle économisait aussi sur la bouffe…
Elle se demanda pour la énième fois de la journée si elle avait fait le bon choix.
De toute façon depuis son départ chaque jour elle se posait la question et la réponse était la même, elle ne savait pas.
Le serait-elle un jour ?
Elle se mit sur le côté, se recroquevilla en boule, ramenant sa tête au creux de ses bras y cherchant de la chaleur.
Après sa dernière rencontre avec Dean et Sam, elle était partit du bar où elle travaillait, pas dans l’espoir de retrouver les deux frères, non.
Dans quel espoir ? Celui de devenir réellement indépendante ? Loin d’une mère surprotectrice ? De devenir une chasseuse ? De savoir qui elle était réellement ?
Elle n’était pas devenue indépendante …Etre indépendant ne signifie pas d’être à la merci d’un patron, pour un maigre salaire, de ne pas avoir de toit fixe où on peut se poser à l’abri, entouré de souvenirs ou d’amis …
Elle était loin de sa mère physiquement mais elle y pensait tous les jours, à chaque décision « Maman, serait-elle d’accord ? Maman ferait ça ? », sa mère l’a protégé même de loin …
Chasseuse ? La bonne blague ! Elle avait compris qu’à la différence de certaines filles, elle était plus débrouillarde, dégourdie, qu’elle savait frapper, mais c’était tout, elle ne serait jamais une bonne chasseuse en tout cas, pas assez pour survivre …
Alors qui était-elle ? Elle ne savait pas, juste une chose, elle était perdue …
Un soupir.
Elle prit son téléphone et composa automatiquement le numéro, on était jeudi dans la soirée, »elle » devait attendre.
C’était à toutes les deux, le seul rituel de leurs maigres vies.
La tonalité commença si plate, si régulière comme à chaque fois, Jo, voulut raccrocher pour ne pas à avoir à lui parler, lui mentir ou pire … lui avouer ses peurs, sa tristesse.
Un déclic.
- Maman ?
La voix de sa mère la rassura et lui donna en même temps l’envie irrépressible de pleurer.
Et la conversation qu’elle avait à chaque fois reprit, immuable.
- Non, maman, ne t’inquiète pas, je vais bien
Toujours les mêmes questions…
- Oui, je mange, comme il faut …Non …Oui, je fais attention à moi …
Toujours la même inquiétude, qui transperçait dans la voix maternelle …
- Je sais que je peux revenir, que tu ne m’en veux pas …
Pourtant la jeune fille, elle s’en voulait de faire subir ça à sa mère …
- Moi aussi, je t’aime maman.
Et toujours ce silence là, juste à ce moment comme si chacune d’elle ne voulait pas arrêter la conversation, retardant le moment de l’au revoir.
Et comme toujours, seule Jo osait.
- Au revoir maman, à jeudi prochain.
La jeune femme reposa le combiné comme à chaque fois, elle était vidée après cet appel.
Elle se décida à prendra une douche à défaut d’avoir la chaleur des bras de sa mère ou d’un compagnon, celle de la douche ferait une pale substitut.
Elle sa déshabilla, laissant les affaires à même le sol et se dirigea nue, vers la minuscule salle de bain.
L’eau chaude provoqua une buée qu’il l’enveloppa et l’eau coulant sur son dos, lui donnait l’impression d’un massage sur son corps endoloris à cause sa journée.
Elle repensa, à ces différents jobs .
Elle avait travaillait dans des usines répétant inlassablement les même gestes , elle avait travailler dans une ferme, faisant un boulot difficiles et éreintant ,puis serveuse dans un bar de strip-tease étant d’après le patron trop habillée et pas assez « aimable » avec la clientèle ,elle était parti rapidement .
Et tellement d’autres, le dernier était donc celui de serveuse dans un resto-routier jusqu’au prochain …
Elle ferma l’eau, sortit de la douche, prit la grande serviette, et passa une main sur le miroir pour enlever la buée, dévoilant ainsi une jeune femme fatiguée.
Sa peau pale l’était encore plus, dévoilant des cernes bleutés, ses joues étaient plus creuses, avec ce rythme de vie, elle qui était menue avait perdu du poids.
Elle enroula la serviette autours de ce corps qu’elle commençait à prendre en horreur.
Elle peigna de manière machinale ces longs cheveux.
Elle pensa à Dean, que faisait-il en ce moment ? Pensait-il à elle ?
Elle eu un petit rictus.
Il fallait qu’elle arrête avec ça, elle n’était pas une midinette attendant le prince charmant sur son cheval blanc ou plutôt dans son Impala, qui viendrais la sortir de là.
Son rictus disparut pour laisser un pli amer aux coins des lèvres.
Elle enfila une culotte et un grand pyjama assez chaud pour la froideur de la nuit.
Et se mit au lit.
Le réveil sonna, machinalement, elle se leva, s’habilla, rentra ses cheveux dans son bonnet, mit son blouson.
Elle ouvrit la porte, le jour n’était pas encore levé.
Elle ferma la porte, rangea les clefs dans une des poches de son blouson.
Abrita de la morsure du froid, ses mains dans les poches de son anorak.
Et traversa le parking se dirigeant vers une ruelle sombre.
Ses talons claquant sur le bitume froid …
Fin.
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