DISCLAIMER / L'histoire qui suit relate une des nombreuses aventures de deux personnages de RP, Tristan (Trysthan ici) & Aliaume. Ces deux énergumènes nous appartiennent à nous, Gevoel (Aliaume) que vous connaissez sans doute, et moi, Azhiel (Tristan). Le texte, quant à lui, m'appartient. Les paroles en italiques et en anglais sont les paroles d'une chanson de Within Temptation ("The Last Dance"), qui a en partie inspiré le récit qui suit.
En espérant que vous passerez un bon petit moment lecture ! Azhiel.
The Last Dance.
Ploc … Ploc … Ploc …
Les yeux dans le vague, l'esprit ailleurs, je fixais, hypnotisé, les petites gouttes qui glissaient le long de mes cheveux rougeoyants, telles de minuscules larmes, avant qu'elles n'amorcent leur chute dans l'eau savonneuse où trempait mon corps, comme tous les soirs depuis deux semaines. Deux semaines … Deux semaines que se répétait cette insatiable mascarade, ce sempiternel jeu de rôle. Il pensait pouvoir m'abuser en jouant les bons princes avenants et doux, mais, tout esclave que je pouvais être, je n'étais pas dupe ! Croyait-il pouvoir tromper quelqu'un comme moi ? Pouvoir m'amadouer aussi facilement ? Le fou, jamais je ne tomberai dans son petit jeu hypocrite, car au fond de moi, je savais ce qu'il était réellement.
Trysthan, prince impérial, héritier de la dynastie des Anides, fils de l'empereur Ysthan surnommé « le Conquérant », et qui, de nombreuses fois, envoya ses terribles armées à l'assaut de paisibles régions, réputé pour avoir dévasté et conquit de nombreuses terres, pour avoir détruit de nombreuses vies, brisé de nombreuses familles. Comment le fils d'un tel homme, d'un tel monstre, pouvait-il avoir une once d'humanité en lui ? C'était tout bonnement impossible. Trysthan, tout prince qu'il était, n'était que la progéniture d'un démon, un démon qui avait anéantit ma vie, qui m'avait ôté famille, amis, maison. Un démon qui devait payer le tribut de ses actes, un démon dont j'avais décidé de me venger le jour même où, sous mes yeux, brûlait ma ville natale, dévorée par les flammes de sa folie conquérante.
Je soupirais. Doucement, je détendis mes poings, qui sous l'eau, s'étaient serrés au rappel de ces douloureux souvenirs. Doucement, je reprenais mon calme, fermant les yeux et respirant profondément. L'heure approchait, celle ou ma vengeance tomberait sur la tête de mes bourreaux, comme une épée vive et tranchante … Je le sentais ...
« Aliaume … Il est temps de sortir de l'eau et de te préparer, le Prince t'attend ! »
Ré-ouvrant les yeux, j'entendis la voix douce et aiguë de Tamara, l'habilleuse en chef du palais. C'était une ancienne esclave de plaisir, comme moi. Femme de caractère, qui menait ses employées avec poigne, mais aussi femme de sagesse, qui m'avait toujours donné de précieux conseils depuis mon arrivée ici. Car sous ses traits de femme à la quarantaine entamée, ses yeux luisaient toujours d'un doux éclat maternel envers moi, et en cela, Tamara était une des rares personnes féminines que j'appréciais ici.
Oubliant alors mes pensées précédentes, je me relevais, sortant mon corps fin de l'eau, et quittais la grande baignoire de pierre dans laquelle j'étais depuis plusieurs longues minutes maintenant. Souplement, l'eau ruisselant sur ma peau nue et légèrement halée, j'attrapais le grand linge blanc suspendu au paravent qui me masquait à la vue des habilleuses, et m'enroulais dedans. Enfin, je répondis à Tamara.
« C'est bon Tamara, je suis sorti ... »
Sans autre réponse, le paravent s'ouvrit. De l'autre côté se tenait Tamara, qui s'approchait de moi, et trois de ses travailleuses, de jeunes demoiselles. Un autre linge blanc dans les mains, plus petit que celui qui m'enrobait actuellement, l'habilleuse en chef vint me sécher activement les cheveux, avant de faire de même pour mon corps. En ces instants, je me sentais poupée entre les mains d'une quelconque gamine jouant à imiter sa mère. C'était à la fois gênant et humiliant. J'étais tout à fait capable de me débrouiller seul …
Après m'avoir essuyé, Tamara me poussa jusqu'à me mettre face à un grand miroir, malgré ma mine renfrognée, puis, ôta le grand drap de bain dans lequel j'étais enroulé, dernier rempart à ma pudeur. Une fois encore, je me retrouvais entièrement nu devant les yeux de cesfemmes, et je détestais ça. Je savais depuis le temps qu'elles se fichaient bien de me voir ainsi, ayant sans aucun doute l'habitude de voir passer moult esclaves dans mon genre, hommes comme femmes, mais je ne pouvais m'empêcher d'être gêné ainsi, si vulnérable à leurs regards. Les joues rougies, et l'air boudeur, je n'avais d'autres choix que de me laisser faire en silence, tel était le lot de ma condition.
Me faisant lever les bras, Tamara noua un pagne de lin blanc autour de ma taille, masquant alors assez rapidement mes parties intimes, à mon plus grand soulagement, bien que ce vêtement reposait tout juste sur mes hanches, pouvant glisser et tomber à tout moment. Puis, les habilleuses activèrent leur travail. Elles enduisirent mon corps, fin et délicatement musclé, d'onguents parfumés et d'eaux adoucissantes. Puis, avec grand soin, coiffèrent ma chevelure rouge, plaçant mes cheveux au mieux, puis tressant certaines mèches avec quelques fils d'or qui luisaient à la lumière des chandelles. Elles ornèrent ensuite mon corps de bijoux divers, bracelets dorés, pectoral du même éclat, colliers et pendants d'oreilles. Elles me couronnèrent d'un fin diadème d'or, avant de passer sur moi une tunique, taillée dans le plus fin et transparent tissus que j'avais pu voir de toute ma vie avant que je n'arrive ici, dans ce palais. Cette étoffe, aux reflets orangés, mais qui pouvait se trouver dans toutes sortes de teintes et de nuances, était aussi douce que la soie, et aussi fine que le léger voile de vapeur d'eau qui emplissait l'atmosphère autour de moi.
Partant de mon épaule gauche, le vêtement barrait mon torse en deux, couvrant tout mon flanc gauche, une grande partie de mon ventre, incluant mon nombril, ainsi qu'une bonne moitié de mon dos. Au-delà, il couvrait ma cuisse droite, et le haut de ma cuisse gauche, jusqu'à atteindre ma cheville droite. S'il recouvrait une grande partie de mon corps, le tissu était d'une telle transparence, qu'en réalité, il ne cachait rien. Sa seule utilité était esthétique, comme tout le reste dans ces tenues que me mettaient chaque soir les habilleuses, apportant une touche colorée, orangée, sans occulter à la vue de tout à chacun les traits et les courbes de mon corps.
Enfin, dernières touches à cette tenue digne d'une courtisane, quelques bracelets auxquels étaient attachés des chutes de ce vaporeux tissus, donnant au tout un effet aérien, léger, ainsi qu'une ceinture de fils d'or, resserrant délicatement ma taille, soulignant les courbes de mes hanches. Et puis, pour terminer, Tamara vint redessiner le contour de mes yeux aux prunelles brunes d'un trait noir, léger et subtil, à peine visible, juste histoire de faire ressortir mon regard de feu me disait-elle tout le temps. Cela fait, je n'avais plus qu'à regarder le résultat dans le miroir qui me faisait face …
Je soupirai, qu'avais-je fait aux dieux pour mériter cela ? Les habilleuses avaient beau dire qu'elles me trouvaient magnifique dans cette tenue, je n'arrivais pas à me faire à l'idée qu'elles avaient raison. A mes yeux, je n'étais désormais plus qu'un esclave, un jouet, et rien ne pouvait m'embellir en sachant cela.
« Al, il est temps que tu y ailles ... »
Détournant les yeux du miroir, je les posais sur Tamara, qui me souriait, bienveillante, tenant une longue cape sombre dans les mains. Soupirant à nouveau, la moue légèrement boudeuse et résignée, je m'approchai d'elle, et elle m'enveloppa dans une lourde cape de tissu noir, alors que les habilleuses ouvraient la porte de leur atelier pour me laisser partir.
« Ne t'en fais pas Aliaume, tout ira bien, je prierai pour toi ce soir, commeles autres soirs... »
La regardant, je lui répondis d'un léger sourire, éphémère, mais suffisant, j'en étais certain. Puis, sans autre forme de politesse, je quittais les lieux, traversant le pas de la portepour me retrouver dans les longs couloirs du palais, sombres, à peine éclairés par quelques lampes à huile, suspendues aux murs ou aux plafonds. Doucement, je me mis en marche, prenant la direction habituelle. Je connaissais maintenant par cœur le chemin me menant aux appartements de Trysthan, et mes pas m'y menaient instinctivement.
Il n'y avait personne dans les couloirs du palais à cette heure-ci. Le silence était maitre en ces lieux, seulement perturbés par le cliquetis des lourds bijoux que je portais, et la pénombre avait quelque chose d'oppressant, de terrifiant. Me hâtant un peu, de peur de tomber sur l'intendant du Prince, que je haïssais tout autant, si ce n'était plus encore que l'empereur, j'avançais jusqu'à rejoindre un autre couloir, perpendiculaire à celui que je venais d'emprunter, sans croiser aucun garde sur le chemin, ce qui me surpris. Ce nouvel endroit était bien plus grand, large et haut de plafond que le précédent. Des fresques colorées ornaient les murs, racontant diverses scènes de la vie des dieux, de quelques héros ou autres exploits guerriers de l'empire. Au sol, le dallage de marbres aux couleurs alternées reflétait presque mon image, et au plafond, une voute en berceau, supportée par une colonnade le long des murs, était peinte d'un bleu cobalt, et parsemée d'étoiles dorées. Enfin, la présence de baies ouvertes sur les jardins du palais, magnifiques jardins suspendus et verdoyants, laissait le clair de lune pénétrer les lieux, illuminant l'espace d'une clarté argentée, rendant l'endroit bien plus rassurant que le précédant couloir.
« She sang for you last night, She heard you were calling, Drowning in tears a thousand times. Your spirit was floating, Your spirit was searching On a cloud of dreams »
Ralentissant alors le pas, je déambulais plus sereinement. Je n'allais pas tarder à rejoindre la chambre du prince, et je me devais de me décider. Cela faisait près de deux semaines que je me rendais chez Trysthan, deux semaines que je lui appartenais, que j'étais son esclave de « plaisir » comme ils disaient tous, deux semaines que Tamara « chantait », priait pour moi toutes les nuits. Si au début, l'idée de servir de jouet sexuel au fils de l'homme que je haïssais par dessus tout me répugnait, je me suis vite dit que mon nouveau statut pourrait sans doute être utile pour atteindre ma proie et accomplir ma vengeance. J'avais prévu initialement de tuer ce prince, qui avait certainement participé au massacre des miens, pour montrer à cet empereur démoniaque ce que cela faisait de perdre un être cher ! Oui mais voilà, deux semaines plus tard, et après quelques tentatives ratées, Trysthan n'était toujours pas mort. C'était totalement fou de voir comment ce prince avait une chance du tonnerre, à toute épreuve ! Je ne comprenais pas moi-même la facilité avec laquelle il échappait à mes tentatives d'assassinat sans même qu'il ne s'en rende compte. Certes, je n'avais aucune expérience dans le domaine du meurtre, après tout je n'étais qu'un prêtre au service de la déesse Ishtar avant de finir ici, mais tout de même, comment diable faisait-il ? Était-il protégé par les dieux eux même ? J'avais beau invoquer le nom de la déesse, appeler la grande Ishtar en aide, rien n'y faisait. Il y avait tant de questions et si peu de réponses ...
Je ne comptais plus désormais toutes les fois où la colère fit couler de mes yeux les larmes rageuses de mes échecs répétés, mêlant amertume, haine et désespoir. Pourtant, au fil de ces deux semaines, j'en étais venu moi-même à douter de mes résolutions. Je me souviens de la première fois où je m'étais retrouvé seul dans la chambre de Trysthan, rien ne s'était déroulé comme mon esprit avait pu l'imaginer.
Je m'y étais rendu la peur au ventre, pensant que j'allais, ce soir-là, perdre ce que j'avais juré auprès des dieux de conserver à jamais lorsque j'avais accédé à la prêtrise. Certes, au début, Trysthan avait bien tenté de profiter de son nouveau jouet, mais j'avais eu la grande surprise de voir, suite à mes résistances, que le prince ne me forçait pas à accomplir ce pour quoi on m'avait acheté et emmené ici. Ce soir-là, il s'était contenté de me renvoyer au patio, là où vivaient tous ceux qui servaient à son plaisir, comme j'étais sensé le faire aussi.
Les jours passant, plusieurs fois il me fit rappeler auprès de lui, et plusieurs fois il me renvoya, mais à chaque fois, il me gardait de plus en plus longtemps à ses côtés. Et au fil de ces soirées ensemble, que nous passions à discuter et non à s'adonner au vice, je découvris doucement une facette de l'homme que je ne m'attendais pas à découvrir. Au contraire, celui que je pensais aussi mauvais que son père s'était à la fois montré doux, compréhensif et attentionné envers moi, presque humain.
Quand j'étais avec lui, je n'étais pas sa chose, son objet, son jouet, j'étais un être, pensant et conscient, une âme sensible et délicate. C'était à la fois réconfortant, mais aussi troublant, surtout lorsque que l'on sait que ce Prince possédait plus d'une trentaine d'esclaves comme moi, et qu'aucun d'entre eux ne semblait avoir eu les faveurs dont je disposais.
Étais-je un privilégié ? Où était-il comme ça avec tout le monde ? Au fond de moi, j'étais perdu, perturbé par le comportement du prince, l'esprit tout entier tourné vers lui. Tout aurait été tellement plus facile s'il s'était trouvé être effectivement la pire ordure qui soit, car même si j'y aurais perdu ma dignité, ma vertu et ma fierté, je n'aurais pas hésité à lui porter le coup qui aurait scellé ma vengeance. Mais là, tout n'était que vapeur de rêve, car au fond, étais-je en droit de prendre la vie d'un homme potentiellement innocent, égoïstement, juste pour me venger de son père ? Ne jouait-il pas la comédie, juste pour mieux m'humilier par la suite ? Cachait-il au fond de lui sa monstruosité ? Ou alors, était-il réellement différent de son père ? Encore une fois, tant de questions, si peu de réponses …
Pourtant, je me devais de prendre une décision, je devais mettre fin à tout cela, d'une manière ou d'une autre. M'arrêtant un instant sur le chemin menant à la chambre princière, je tendis l'oreille, un son venant troubler ma réflexion et le silence que je pensais jusque-là maitre en ces lieux. Doucement, je m'approchais d'une des grandes ouvertures qui donnaient sur les jardins impériaux, la Lune éclairant alors mon visage, faisant briller de mille éclats l'or dans mes cheveux, les bijoux sur mon corps et les prunelles brunes de mes yeux. Gardant le plus religieux des silences, et fermant les yeux, j'écoutais alors ce que je compris être la voix lointaine d'une femme, chantant une de ces louanges aux dieux …
« A moon beam shines bright in the city of angels Guiding the dreamers back to life, And they'll do the same every tomorrow Till the pain subsides. »
Cet hymne, je le connaissais bien, c'était une des odes que l'on chantait pour la déesse Ishtar, le jour dit de « La dernière danse » …
J'ouvris soudain les yeux sur la ville, baignée par la douce lueur de la Lune. Le jour de la dernière danse était aujourd'hui ! C'était un jour sacré pour tous les fidèles de la déesse de l'Amour et de la Guerre, celle que j'avais décidé de servir, celle à qui j'avais consacré ma vie : Ishtar. C'était aussi un jour de fête, jalonné de multiples cérémonies religieuses, où tous les travailleurs, qu'importait leur statut et leur fonction, étaient en droit de quitter leur travail sans perdre l'argent de leur labeur pour assister aux célébrations. Fronçant doucement les sourcils, ces éléments se mirent en place dans mon esprit …
Voilà pourquoi il y avait si peu de monde dans le Palais, voilà pourquoi je n'avais rencontré personne, voilà pourquoi le silence s'était imposé ici-bas. Tous étaient, selon leur choix, partis célébrer la déesse en cet important jour, qui se prolongerait encore jusque tard dans la nuit. Tous, sauf Trysthan apparemment … Le prince était bien entendu seul dans sa chambre, comme tous les soirs pratiquement, mais ce qui différait des autres soirs, c'est que la garde impériale était sans aucun doute très restreinte, réduite au minimum absolu. Unechance, voilà ce que c'était, une chance que m'offrait Ishtar, une occasion bénie d'accomplir mon destin sans le payer de ma vie, une providence divine qui me permettrait de fuir cette maudite cité vivant, cette cité que tous qualifiait être celle « des Anges », mais que je savais être celles des pires démons qui soient.
Prenant une grande inspiration, je détournais mon regard de cette vision à la fois sublime et infernale d'une ville prodigieuse qui était ma prison, et me remis en route sur le chemin menant aux appartements de ce prince que je me devais d'abattre. Avançant d'un pas presque résolu, je me sentais prêt, enfin, à accomplir ce que je savais être « mon cruel dessein ». Je me voyais empli d'un feu nouveau, guidé dans ma tâche par des forces supérieures, par les dieux eux même. En ce jour, Ishtar, louée fut elle, était avec moi, marchant à mes côtés, j'en étais certain. Ma vengeance allait être complète ce soir, passant du simple rêve à la réalité, la déesse guidant mes pas …
Ce soir, comme tous les soirs, je me rendrais dans la chambre du prince, accomplissant la même chose tous les jours, mais cette nuit avait une saveur différente car je le savais, quelque chose allait changer pour moi, et je sentais déjà ma peine des nuits passées s'effacer lentement …
Il ne me fallut guère plus de quelques minutes pour finalement arriver devant la lourde porte de bois, sculptée de bas-reliefs dorés, qui marquait l'entrée de la chambre princière. Jetant un dernier coup d’œil au couloir, histoire de bien vérifier qu'aucun garde ne pointait le bout de son nez, je me décidais à frapper, et attendais l'autorisation d'entrer. Celle-ci ne se fit pas attendre.
« Entrez ... »
Je reconnus de suite le timbre de la voix du Prince, un mélange de tonalités graves et douces, le tout harmonisé par une fluidité dans les paroles. Sans plus attendre, je posai ma main sur la poignée dorée de la porte, puis poussai celle-ci doucement, me faufilant à l'intérieur de la grande pièce que je connaissais désormais par cœur, les appartements princiers.
La première fois que je m'étais rendu dans cet endroit, je m'étais surpris à apprécier le lieu, tout autant que je le détestais. Ici, tout n'était que grandeur, beauté, chaleur, volupté, douceur et, aussi étrangement que cela pouvait paraître, intimité. La chambre, haute de plafond, respirait le confort et inspirait l'abandon. Les murs, comme dans le couloir, étaient décorés de fresques monumentales, que Trysthan avait dit représenter les devoirs et fonctions du prince impérial, ainsi que les différents aspects de sa vie quotidienne. En plus des diverses peintures, quelques armes, boucliers et armures luisantes y étaient accrochés, faisant office de décoration. Au plafond, les voutes étaient peintes de telle sorte qu’elles symbolisaient les feux d'un ciel crépusculaire, et au sol, le dallage de marbre formait un labyrinthe circulaire, mystérieux mais esthétique. Articulée par quelques colonnes, qui partaient du sol pour rejoindre le plafond, la chambre était tout entière enveloppée par la dominante de couleurs chaudes utilisées pour les peintures, et par l'ambiance feutrée du soir et des lueur tamisées des lampes a huiles. De larges tentures orangées décoraient le tout, rajoutant un effet cotonneux, vaporeux, nuageux à cette pièce qui sans cela déjà appelait au calme et au réconfort.
Sur la droite de l'entrée, au fond de la pièce, se trouvait une table et une chaise, lieu de travail du prince, sans doute en bois d'acajou, comme tous les meubles de la chambre, au vu de leur couleur caractéristique. Un peu plus en avant, mais toujours sur la droite, se trouvait une arcade, ouverte sur une autre pièce, tout juste séparée de la chambre par un rideau opaque, aux nuances bleutées, ce qui contrastait fortement avec l'ambiance orangée de l'endroit. Je savais qu'au-delà de ce rideau se trouvait être la salle d'eau, où le prince aimait à y faire sesablutions. Je savais aussi qu'il s'y trouvait un grand bassin, ainsi qu'une autre porte, donnant sur un étroit et sombre couloir qui menait directement au patio des plaisirs, là où vivaient les esclaves sexuels de Trysthan, là où je vivais aussi.
Au centre de la pièce, trônait une petite table circulaire, avec, posés dessus, un plateau doré garni de fruits multiples et colorés, ainsi qu'un autre plateau, comportant une carafe et deux verres.
Sur la gauche de l'entrée, à une petite dizaine de mètres de moi, se trouvait un immense lit, surplombé de tentures transparentes et volages, aux montant finement ciselés et artistiquement décorés, à côté du lit, une haute armoire se dessinait, et au-delà, se trouvait une autre large ouverture, arcade donnant sur l'extérieur, sur un grand balcon de pierre, d'où la vue sur la ville était absolue et imprenable.
C'était là, pile sur le seuil séparant la chambre du balcon, sous l'arcade, qu'il se trouvait, Trysthan. Il était dos à moi, la tête levée vers un point en hauteur. Le prince était, du moins physiquement, pour sûr, un homme bénit par les dieux. Tout chez lui, dans son allure, ses manières, sa stature, son être physique était tourné vers l'harmonie, la grâce, la beauté, la perfection... Un peu plus grand que moi, de quatre à cinq centimètres tout au plus, il en imposait cependant bien plus. Des épaules larges, un dos musclé, des bras et des cuisses montrant une activité physique régulière, j'étais bien loin de sa carrure athlétique, moi, dont le corps était taillé et musclé tout en finesse et en souplesse. De dos, c'est tout ce que l'on pouvait voir de lui, ça, et ses cheveux d'un noir profond, qui tombaient, raides, sur sa nuque.
M'avançant doucement, le cliquetis de mes bijoux le fit réagir, et Trysthan se tourna doucement vers moi. Comme toujours, il arborait son sempiternel sourire légèrement en coin, à la fois doux, mutin, appréciateur et narquois. Ses lèvres, fines et légèrement rosées contrastaient avec sa peau bien plus claire que la grande majorité de ses sujets. Sa chevelure, sombre, cachait son front en une frange, légèrement tournée vers la gauche, et deux mèches plus longues que le reste encadraient son visage de chaque côté, comme un doux écrin. Ses yeux, dont le gris clair de ses prunelles illuminait son doux visage jeune (il avait au mieux trois/quatre ans de plus que moi) et masculin, étaient légèrement plissés, lui donnant un coté tendre, et accentuant la lueur espiègle de son regard. Enfin, un nez droit et fin, séparé du front par une douce courbure naturelle, trônait au centre de son visage, équilibrant merveilleusement le tout.
Il était vêtu d'un simple morceau de lin blanc qui entourait sa taille et tombait jusqu'à mi-hauteur de ses cuisses. Il était toujours accoutré ainsi lorsque je lui rendais visite, débarrassé de ce qui n'était pas essentiel. Ainsi donc, j'avais tout loisir de pouvoir observer les caractéristiques de son corps. Un torse puissant, aux muscles saillants, un abdomen sculpté par l'exercice, un corps fait pour l'action et le combat. Et cela était vérifié par les quelques douces cicatrices que je pouvais deviner par ci par là, dont une légère sous la clavicule droite et une plus visible sur son flanc gauche. Étrangement, ces petites imperfections (les seules) acquises au gré des combats ne faisaient que souligner la perfection de l'ensemble, voir même, l'accentuer.
Soupirant intérieurement à sa vue, je soutins son regard, me disant que, décidément, cet homme était bien trop parfait pour être bon, et que les monstres se cachaient souvent sous des apparences séduisantes.
Doucement, j'inclinais la tête, signe à la fois de politesse et de soumission. Je détestais bien entendu faire cela, et habituellement, je ne me gênais pas pour le montrer, mais ce soir, je ne laissais rien paraître, j'avais bien d'autres choses en tête.
Toujours souriant, Trysthan s'approcha, quittant le balcon, et vint se placer à côté de la table sur laquelle se trouvaient les fruits.
« Comment vas-tu ce soir ? »
Comme toujours, le prince rompit les barrières sociales en s'enquérant sur mon bien être et en me parlant comme à un égal. Bien entendu, je détestais cela aussi, ayant presque l'impression qu'il essayait de m'amadouer ou qu'il avait de la pitié pour moi …
« Très bien, et vous ? »
Trysthan saisit un des fruits du plateau, attaché par une épaisse tige à d'autres fruits du même genre. Il prit alors le petit couteau qui se trouvait sur la table, détacha le fruit, puis se tourna vers moi.
« De même, bien que ma journée ne fut pas de tout repos … Mhh, tu devrais prendre un fruit, ils sont excellents ! »
Poliment, je fis non de la tête. Il haussa alors les épaules, tout en mordant dans la chair juteuse, avant de délaisser le couteau sur le lit, et de se retourner, se dirigeant vers sa table de travail, où se trouvait une petite bassine en pierre, à moitié remplie d'eau.
« Tu ne sais pas ce que tu rates ! »
Non, je ne savais pas ce que je ratais … Mais ce qui était sûr, c'est que se trouvait devant moi, à quelques pas seulement, à ma portée, le couteau précédemment abandonné par le prince. Une chance, encore une … Il me suffisait presque de tendre la main pour m’en saisir ! Je pensais étouffer Trysthan durant son sommeil, mais cela serait bien plus simple si j'arrivais à m'emparer de cette arme. Plus simple, et plus rapide …
Quittant soudain le couteau des yeux, j'entendis Trysthan tremper ses mains dans la bassine, sans doute pour se débarrasser du jus, qui surement, devait coller aux doigts. Étant dos à moi, je décidai de saisir l'occasion … Et lentement, discrètement, je m'approchai de mon objectif, faisant tout pour ne pas faire tinter les bijoux que je portais. Je n'étais plus qu'à quelques dizaines de centimètres lorsque je n'entendis plus le bruits de l'eau que l'on remue … La panique commençant à s'emparer de moi, je me saisis alors vivement du couteau, avant de jeter un coup d'œil vers Trysthan. Celui-ci, ayant terminé, se tournait désormais vers moi. Et sans réfléchir, rapidement, instinctivement, je cachais le couteau derrière mon dos, fixant Trysthan. Il me regarda un instant, silencieux, la tension et la peur d'être découvert m'envahissant peu à peu, puis, il sourit. Je déglutis silencieusement.
« Tu es bien calme ce soir … Je t'ai connu plus explosif ... »
Mon ventre se tordit à ses mots. Il se doutait de quelque chose, j'en étais sûr. Mes mains, dans mon dos, tenaient fermement le couteau, alors que Trysthan amorça un pas vers moi, puis deux, jusqu'à s'approcher de moi, un air étrange sur le visage... Lentement, je reculais, au même rythme que lui s'avançait vers moi. Si j'étais pris avec ce couteau, je donnais peu cher de ma peau... Reculant toujours, je finis par rencontrer le lit du prince, qui cogna contre mes cuisses. Ne sachant où fuir, et fixant toujours Trysthan dans les yeux, je montais sur le lit, reculant sur celui-ci. Trysthan fit de même, montant à quatre pattes, il s'avançait vers moi avec une lenteur toute calculée, un regard amusé, et une allure de félin chassant sa proie. Mon cœur battait comme un fou, prêt à exploser dans ma poitrine, mon ventre se tordant de plus en plus de peur.
Et puis, tout à coup, je me sentis pris au piège. Derrière moi, la tête du lit et les oreillers à foison qui s'y trouvaient m'empêchaient de continuer mon chemin … J'étais pris comme un rat, coincé dans ma fuite. J'allais me faire prendre, j'allais être démasqué, et j'allais mourir… Fixant toujours le prince dans les yeux… Je cherchais désespérément un moyen de m'en sortir, réfléchissant à vive allure, une seule solution me vint instinctivement en tête. Alors que le prince n'était plus qu'à quelques centimètres de moi, sans crier gare, je me suis avancé vers lui, et, dans un élan désespéré pour la survie, je posais mes lèvres sur les siennes. Trysthan se figea, stoppé net dans son avancée. Et moi, les yeux fermés, je priais toutes les divinités de la terre, du ciel et de la mer pour que cela suffise à ôter les soupçons que j'étais sûr que le prince avait. Attendant donc, il ne fallut que très peu de temps pour sentir les lèvres du Prince commencer à remuer sur les miennes. Doucement, il activa ce baiser qui jusque-là était inerte, figé. Surpris par cette réaction, j'ouvris les yeux, et tombait sur le visage d'un homme, yeux fermés, abandonné à ce qui semblait être... De la douceur. Lentement alors, je sentis mon esprit vaciller au fur et à mesure que les lèvres de Trysthan se faisaient de plus en plus présentes sur les miennes. Lentement, je fermais à nouveau les yeux, non plus de peur, mais de plaisir. Lentement, je m'abandonnais à ces lèvres tendres et caressantes. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, ni pourquoi je réagissais comme ça, mais en fait, je n'arrivais pas à réfléchir, je n'y arrivais plus. Tout ce dont j'étais sûr, c'est que je venais de sauver ma peau d'une manière totalement improbable, et qu'en plus, cela était agréable.
Puis, soudainement, quelque chose de doux, chaud et humide vint caresser mes lèvres, semblant quémander leur ouverture avec tendresse et douceur. Totalement perdu et déboussolé, incapable de contrôler en cet instant mon propre corps, j'entrouvris, sans réellement le vouloir, mes lèvres, et laissais entrer ce que je compris être la langue de Trysthan. Lentement, elle vint rejoindre la mienne, dans ma bouche, et tout aussi lentement, vint la caresser, elle aussi. Répondant à ces caresses, j'activais moi aussi doucement ma langue, et timidement, vint toucher celle de Trysthan. Le prince soupira alors légèrement, un soupire appréciateur. Et, poussé par mon instinct, j'accentuais mes caresses, au rythme des siennes.
Nos lèvres et nos langues entamèrent alors une longue danse, à la fois lente, sensuelle et langoureuse. J'avais déjà embrassé quelques personnes dans ma vie, mais jamais de manière aussi poussée et profonde. En cet instant, une drôle de sensation naquit dans mon ventre, comme une multitude de papillons qui venaient de s'envoler tous ensembles ! En cet instant, j'eus l'étrange impression que quelque chose venait de nous lier, le prince et moi, comme un fil invisible…
Cela se prolongea, de longues minutes durant. Plus le temps passait, plus le baiser s'approfondissait, et plus je perdais pied. Pourtant, ce long échange finit par se rompre, et aussi surprenant que cela puisse paraître, ce ne fut pas moi qui le rompit, mais Trysthan. Sentant sa langue quitter la mienne et ses lèvres se détacher de moi, j'émis, sans m'en rendre compte, un léger gémissement de frustration, comme si mon corps voulait que cela continue, que ça ne s'arrête pas de sitôt. Mais Trysthan s'éloigna quand même, restant à quelques centimètres de mon visage. J'ouvris alors les yeux, pour tomber sur les siens. Il souriait, un sourire à la fois victorieux et conquis. Et moi, je le fixai, totalement perdu, mon esprit regagnant doucement la réalité …
Il s'approcha alors à nouveau de moi, et posa simplement et chastement ses lèvres sur les miennes. Ce simple baiser volé eu le mérite de me sortir de ma léthargie, et de refaire surface. Je sursautai légèrement, ce qui fit rire le prince. Je fronçai les sourcils, boudeur, réagissant à son rire moqueur mais guère méchant. Souriant toujours, il s'éloigna de moi, quittant le lit, et je le suivais des yeux.
« Tu as soif peut être ? »
Je restai silencieux un bref instant, puis répondis :
« Euh… Oui, je veux bien... »
Il me gratifia d'un nouveau sourire, puis se dirigea vers la table centrale, toute proche. Me tournant le dos, il saisit la carafe, et remplit les deux verres face à lui. Pendant ce temps, regardant autour de moi, je réalisais que j'avais toujours le couteau dans les mains… Rapidement alors, instinctivement toujours, je me retournais vers les oreillers, et fit glisser l'arme en dessous, le cachant a la vue de Trysthan, tout en le laissant à ma portée. Soupirant de soulagement, je me laissais aller à m'allonger dans le lit du prince, sur le dos.
La tête dans les oreillers, je fixai le plafond. Tout s'annonçaitbien, pas de gardes dehors, une arme à portée de main … Il me manquait plus qu'une occasion pour frapper. Je savais que si je tentais quelque chose directement, il n'aurait aucun mal à me maitriser et à me désarmer. Il fallait que je fasse diminuer sa vigilance, l'amadouer pour mieux frapper. Mais comment ? Réfléchissant, je repensais à ce qu'il venait de se passer quelques minutes auparavant. A ce baiser, à cette sensation, à lui, et à son visage serein, presque abandonné … Abandonné …
L'idée vint comme un éclair dans mon esprit ! Souriant légèrement, je tenais mon homme ! Je n'avais qu'à appâter l'agneau pour détourner son attention … Et frapper vite et fort sans qu'il ne s'en rende compte. Je détenais ce pouvoir entre mes mains. Ce soir, l'Empire Anide allait perdre son bien aimé prince, et moi, j'allais me venger et retrouver ma liberté volée.
M'imaginant déjà loin de ce palais, libre et le cœur en paix, je fus ramené soudainement à la réalité lorsque je sentis le lit bouger. Relevant juste la tête, je vis Trysthan, monté sur le lit, et s'approchant de moi, deux verres de vin à la main. Un léger sourire en coin, mélange d'expression narquoise et d'amusement, il me tendit un des verres, sans un mot. Prenant le verre, je me redressai, assis dans le lit, adossé contre la tête de celui-ci et contre les coussins, remerciant le prince à demi-mot.
« A ta santé ! »
Esquissant un vague sourire à l'encontre de Trysthan, je le vis porter son verre à ses lèvres, et boire. Rapidement, je l'imitai, tout en pensant ironiquement : « A votre santé aussi... ».Le Prince vida son verre de vin en quelques gorgées, puis, posa celui-ci sur une petite table d'appoint, à côté du lit, sur la gauche. Enfin, il se tourna vers moi, souriant à nouveau. Le fixant toujours, n'arrivant décidément pas à détacher mon regard de lui, méfiant, je le vis s'approcher. Ôtant le verre de mes lèvres, verre que je n'avais vidé qu'à moitié, je ne bougeais pas, et attendait. Tel un félin, plein de grâce et de dangerosité, il s'adressa à moi, d'une voix extrêmement suave et délicate.
« Alors … Qu'allons-nous faire ce soir ? »
Soupirant intérieurement, je savais qu'il était temps pour moi d'agir. Je n'aurai pas d'autres occasions du genre, il fallait que je saisisse ma chance, une bonne fois pour toute. Au final, mes multiples échecs allaient enfin être effacés.
Laissant fleurir sur mon jeune visage un délicat sourire amusé, je tendis le bras, allant poser mon verre à côté de celui du Prince, sur la petite table d'appoint, puis, tout aussilentement, sans pour autant égaler la grâce de Trysthan, j'en étais certain, je m'approchai de lui. Le prince était assis sur les genoux, sur le lit, et me regardait faire, immobile, seul son sourire semblait s'agrandir de secondes en secondes. Avec une douceur infinie, je montai sur ses cuisses, fermes et musclées, faisant en sorte que ma peau frôle la sienne avec délicatesse. Lentement, toujours, j'enlaçai sa taille de mes cuisses, passai mes bras sur ses épaules, et mes mains sur sa nuque. Doucement, encore, j'approchais mon corps du sien, me collant à lui d'une manière évocatrice. Puis, je plantai mes yeux aux iris bruns et chauds dans les siens, gris et froids.
« Qu'avez-vous envie de faire ce soir … Mon Prince ? »
C'était bien la première fois que j'agissais comme ça avec lui, et d'après l'expression de Trysthan, cela devait énormément lui plaire. Je n'étais pas dupe, je savais depuis le début que, même s'il ne me forçait pas, le prince n'avait qu'une seule envie me concernant, c'était de me posséder, de me faire sien, me prendre, et cueillir la fleur que j'avais su conserver jusqu'à présent, que j'avais depuis longtemps offert à la déesse, à Ishtar. Il aurait pu à nouveau avoir des doutes sur mon comportement soudainement ouvert, mais Trysthan l'avait dit lui-même, il n'avait pas eu une journée de tout repos. Son attention et sa vigilance étaient déjà bien abaissées, et en plus de cela, il semblait que je m'offrais à lui, ce qu'il attendait sans aucun doute depuis longtemps maintenant … Alors, il ne se méfiait même pas, préférant savourer ce délicieux moment avant qu'il ne parte en fumée …
Ce que je faisais me dégoutait intérieurement. J'étais en train de chauffer ce prince, de le séduire, de jouer les prostitués pour ce Prince, moi, un homme, un prêtre ! Mon comportement, en d'autres circonstances aurait été intolérable, et en ce moment même, je sentais ma fierté glisser vers les abîmes, rabaissé à ce rôle de courtisan, de jouet, d'objet. Mais, ce n'était pas l'unique raison qui faisait que cela me dégoutait. Non, en plus de cela, je me sentis cruel et sans cœur. J'exploitais éhontément les faiblesses d'un autre, d'un homme. Un homme, qui en ce moment même, semblait avoir une confiance infinie en moi, et me le rendait par une douceur sans pareil. Un homme, que je n'allais pas tarder à trahir, que je n'allais pas tarder à faire souffrir, à tuer … Mais qu'est ce qui était pire, s'offrir ou trahir ?
« Tout ce que tu voudras bien me laisser faire ... »
Lui souriant, je m'approchai encore un peu plus de lui, mes lèvres à quelques millimètres des siennes, les effleurant avec douceur.
« Faites-moi tout ce que vous voudrez ... »
Puis, je posai mes lèvres sur les siennes, et commençai à l'embrasser à nouveau. Si, dans les premières secondes, ce baiser sembla lent et doux, je fus rapidement surpris lorsque Trysthan l'approfondit subitement, mélangeant alors langueur et fougue. Encore une fois, je sentis mon esprit vaciller, et c'est avec un vif effort que je me retins de m'abandonner complètement à ce baiser, gardant une once de volonté. Néanmoins, je ne pus lui interdire l'accès à ma langue, ni même résister à la douceur de la sienne, à la fougue de ses lèvres.
Fermant doucement les yeux, je me laissais faire, je me laissais guider. Répondant à son baiser, je sentis bientôt les mains, larges et douces, de Trystan passer sous le vaporeux tissu transparent et orangé dont j'étais à moitié recouvert, puis glisser sur mes cuisses lentement, presque sadiquement, remontant doucement. A cette sensation, je ne pus retenir un frisson qui parcourra tout mon corps. Continuant leur ascension, les mains du Prince remontèrent jusqu'à mes flancs, mon abdomen se contractant alors à la fois de surprise, et deplaisir. Puis, elles glissèrent dans mon dos, et là, empoignant le tissus transparent, tirèrent doucement dessus. Sans aucune résistance, le tissu se détacha de mon épaule gauche, et tomba avec légèreté sur le lit, révélant totalement mon corps à demi nu, désormais seulement couvert de quelques bijoux et de ce pagne, qui, je le savais, ne tenait qu'à un fil, et sous lequel je ne portais, bien évidemment, rien d’autre.
Glissant mes mains dans les cheveux sombres du Prince, que je caressais, je ne cessais de l'embrasser, comme si l'union de nos lèvres était le fil qui me rattachait à la vie. Je sentis nos respirations s'accélérer, devenant plus profondes, plus rapides. Doucement, je collais mon torse contre le sien, sentant alors contre moi la dureté de ses muscles, la douceur de sa peau, la chaleur de son corps. Cela eut l'effet grisant de m'électriser. Combiné à la sensation des mains du Prince, qui glissaient désormais sur le creux de mes reins, je sentis à nouveau un frisson me parcourir, me donnant la chair de poule, mais aussi, une chaleur naitre dans mon bas ventre. J'étais en train de perdre pied. Je sentais lentement un désir incompréhensible monter en moi, telle une bouffée de chaleur qui fit rougir délicatement mes joues.
Je savais qu'il fallait stopper cela ici, avant que ça n'aille trop loin. Tentant de remuer un peu, je sentis sous l'une de mes cuisses, sous le pagne du Prince, le désir de celui-ci, ce désir qui était pour moi … Sentant une énième vague de chaleur s'emparer de moi, j'entendis Trysthan émettre un doux gémissement lorsqu'il me sentit bouger contre son désir brulant. Ses mains, descendant toujours, étaient retournées sur mes cuisses, avant de se glisser sous mon pagne pour aller s'ancrer, toujours caressantes, sur la courbe de mes fesses. A mon tour, je ne sus retenir le petit gémissement que j'émis.
A ce moment-là, Trysthan me fit basculer en arrière, m'allongeant sur le dos, sur le lit, la tête dans les oreillers. Lui, se trouvait désormais au-dessus de moi, entre mes cuisses, m'embrassant toujours. Ses mains faisaient des aller-retours délicieux entre mes fesses et mes cuisses. Ses lèvres, quittèrent les miennes, descendant malicieusement dans mon cou, où il fit glisser sa langue mutine sur ma peau, provoquant un nouveau frisson. Et moi, j'ouvris les yeux, voilés par une sorte de plaisir, retrouvant un soupçon de conscience.
« Don't be scared now, Close your eyes, She holds guards tonight. Go on forward, No remorse, Life will take its course »
Mon regard était un peu hagard, ma respiration était saccadée et mon corps était en feu. Néanmoins, j'avais réussi à conserver ce minimum de volonté jusque-là, qui me permit de comprendre qu'il était temps d'agir. Jetant un coup d'œil à Trysthan, dont le visage était perdu dans le creux de mon cou, je laissais mes mains tomber sur le lit, puis l'une d'elle glisser sous les oreillers …
Tâtant sous les coussins, je ne mis guère de temps à trouver ce que j'y cherchais, empoignant alors doucement le couteau. C'est ce moment-là que choisit Trysthan pour poser son désir brulant, toujours caché derrière la barrière de son pagne, sur le mien, de plus en plus présent derrière le tissu. Sans pouvoir me contrôler, ce contact, à la fois sensuel, viril et ardent me fit réagir, et je me cambrai légèrement tout contre ce Prince, qui leva alors sur moi son regard de braise. Ses yeux, devenus sombres par le désir et le plaisir, semblaient me transpercer, consumant mon être. Le fixant, incapable de me détacher de ce regard, je déglutis, intimidé. Il sourit, un sourire à la fois charmeur et un brin lubrique, puis vint happer mes lèvres avec fougue.
Alors que je restais un instant pantois, incapable de répondre à cette fougue, ma main se serra autour du manche du couteau. Mon cœur s'était mis à battre très fort dans ma poitrine, presque douloureusement, et une boule naissait dans mon estomac, se mêlant à la chaleur de mon bas ventre. Je ne pouvais pas avoir peur, je ne devais pas avoir peur, pas maintenant ! J'étais si proche du but, encore quelques instants et tout serait fini !
Prenant une grande inspiration, qui eut la bénédiction de me calmer un peu, je fermais les yeux, me laissant aller au baiser, répondant. Il n'y avait pas de gardes ce soir, la providence divine les retenant loin du palais. Il n'y avait pas de risque, il n'y avait au bout du chemin que la liberté et le bien-être. Je devais aller de l'avant, je ne devais pas avoir de remords, non, pas moi, pas maintenant, c'est l'empereur qui aurait dû en avoir, lui qui en aurait !
Il fallait que je le fasse, il fallait que je tue ce prince … Ma vie ne pouvait reprendre sa course normale sans cela …
Doucement alors, ma main émergea de sous les oreillers, armée du couteau. Délicatement, mes cuisses se refermèrent sur Trysthan, enlaçant sa taille. Il eut alors un petit gémissement de contentement, alors que sa langue pénétrait lentement le seuil de mes lèvres. C'est à ce moment que j'agis. Sans en montrer de signe avant-coureur, je fis, avec mon bassin, un mouvement de bascule vers la gauche, qui eut pour effet d'inverser nos positions, et de rompre notre baiser. Ainsi, à la stupéfaction du Prince, je me retrouvais à califourchon sur lui, au niveau de ses hanches, et lui, se retrouvait sous moi, allongé sur le lit, sur le dos. Sans lui laisser le temps de réaliser ce qu'il se passait, je me penchais vers lui, et plaçais la lame froide du couteau sous sa gorge.Il se figea alors.
« He danced with you last night so you will remember All you have shared, a lifetime. The angels were watching and death will be waiting Until the time is right. »
Nous nous fixâmes dans les yeux, un long moment. Sourcils froncés et air déterminé sur le visage, j'arborai, du mieux que je pouvais, une attitude menaçante, affirmant ainsi le fait que je dominais la situation. Lui, au début, avait cet air surpris dans le regard qu'ont ceux qui ne comprennent pas ce qu'il se passe. Puis, au fur et à mesure, je vis son visage s'assombrir, se durcir. Fronçant lui aussi lentement les sourcils, prenant un air sévère, presque effrayant, je vis toute chaleur dans son regard disparaître au profit d'un froid polaire, glacial. L'orage semblait commencer à gronder dans ses iris gris, et j'en fus un très court instant troublé. Me ressaisissant néanmoins rapidement, je raffermis ma prise sur le couteau, appuyant un peu plus contre la gorge du prince.
Trysthan ne réagit même pas, semblant impassible face à la menace. Il me fixait inlassablement, l'air farouche ! Je ne vis aucune peur dans ses yeux, juste de la colère, une colère que je compris immédiatement. Il se sentait trahit. Mais je n'en avais que faire, du moins, c'est ce que je me plaisais à me dire. Laissant sur mon visage fleurir un sourire victorieux, quasi sadique, je me délectais presque de la situation, presque …
« Alors, mon prince, qu'est-ce que ça fait que de savoir sa vie entre les mains d'un autre ? »
Mon sourire se fit un peu plus large, ses yeux, un peu plus sombres. Ignorant la question, il préféra m'en retourner une, plus simple, celle que l'on se pose tous dans ce genre de situation …
« Pourquoi ? »
Mes yeux se plissèrent, oubliant le fait qu'il n'avait pas répondu à mon interrogation. J'attendais cette question, je voulais l'entendre de sa bouche. Pourquoi ? Je ne savais pas. J'aurai pu lui trancher la gorge depuis bien longtemps, mais non, je ne l'avais pas fait. A la place, j'avais attendu l'occasion de pouvoir lui expliquer pourquoi, pourquoi j'allais le tuer. Au fond de moi, je me disais que tout le monde avait le droit de connaître les raisons de sa mort, même lui, surtout lui. Mais, je savais aussi que je me cherchais des excuses …
« Pourquoi ? Tu oses me demander pourquoi ?! »
Mon ton s'était fait involontairement dur et froid. Ma main, qui tenait le couteau, très légèrement, s'était mise à trembler. La colère, doucement, commença à s'écouler dans mes veines. Je sentis le feu ardent de la haine s'emparer de moi … Et la question trottait dans ma tête, pourquoi ?
« A cause de toi, de ton père, de ton foutu peuple, j'ai perdu tout ce que j'avais ! Père, mère, frères, sœurs, amis, voisins … Tout … Tous … Envolés, disparus, partis ... »
Je baissai la tête, tentant de cacher la soudaine bouffée de tristesse qui venait de me frapper de plein fouet, telle une lame de fond sur un navire perdu.
« Vous n'êtes que des monstres ! Des barbares ! Et maintenant, il est temps pour vous de payer ! »
Ravalant rageusement les larmes que je sentis affluer aux bords de mes yeux, je relevai le regard sur le Prince, le foudroyant haineusement des yeux.
« Je vais te tuer Trysthan … Oui, te tuer ! Ta vie en échange de celle des miens ! Le futur empereur contre un peuple entier ... »
« Alors vas-y, fais le ... »
Et la question continuait de tourner inlassablement dans ma tête, pourquoi ? Pourquoi était-il si impassible, si téméraire ? Je lui crachais ma haine au visage, je le menaçais de mort, mais rien ne le perturbait. Et lui, en une simple et courte phrase prononcée, il venait de briser toutes mes résolutions. « Fais le ... », ces deux mots se répétaient à l'infinie dans mon esprit, s'amplifiant, se décuplant. Immédiatement, la rage haineuse sur mon visage fit place à la stupeur. Ma main, qui était presque sur le point de s'actionner pour lui sectionner la gorge s'était figée, et s'était mise à trembler, plus fort qu'elle ne tremblait déjà. Mes yeux, fixèrent Trysthan, emplis d'incompréhension, et les larmes de la colère, que j'avais réussi à retenir, se libérèrent. Pourtant, la colère s'était totalement envolée. Et le prince était là, sous mes yeux, le regard déterminé, attend sa sentence …
« Alors ? Qu'est-ce que tu attends ? »
Je ne savais pas ce que j'attendais précisément, mais ce qui était sûr, c'est que j'étais incapable de faire le moindre geste, le moindre mouvement, ni d'émettre la moindre parole. Tout était confus dans mon esprit, et les images défilaient. D'un côté, je revoyais les miens se faire massacrer, mon village brûler, l'armée impériale écrasant tous ceux qui s'opposaient à eux. Et de l'autre, je revoyais les moments passés avec lui, avec Trysthan. Je nous revoyais la nuit dernière, discutant, souriant … Je me souvins ensuite de tout ce que nous avions partagé, de ces instants de vie que nous avions en commun. Je sentis alors peser sur moi le poids d'une culpabilité sans borne, un poids qui s'effondrerait sur moi dès l'instant où j'aurai ôté la vie du prince, un poids que je n'étais pas capable de supporter. Je sentis aussi sur moi les regards de forces invisibles. Car je savais que si les hommes ne verraient pas mon odieux crime, car c'est ce qu'il allait être, les dieux et les anges, eux, veillaient de là-haut, témoins de tout. Et je savais que leur châtiment serait cruel.
La mort était donc en suspens, attendant son heure, m'attendant. Et moi, j'étais là, face à cet homme, à ce prince, à Trysthan, ne sachant que faire. Et puis … Le moment vint où je compris.
Posant ses mains sur mes épaules, Trysthan m'agrippa soudainement, faisant s'approcher mon corps de lui, faisant s'enfoncer un peu plus le couteau contre sa gorge.
« Aller ! Venge-toi ! »
Sa voix, pleine de colère et de tristesse me fit sortir de mon état de stupeur. Et dans un sursaut bref, sans réfléchir, j'éloignais le couteau de sa gorge, ce couteau qui s'était trop dangereusement rapproché de lui. Et le silence tomba.
Trysthan me regardait, et je regardais Trysthan. Son visage s'était soudainement éclairci, et ses yeux avaient retrouvé l'étincelle qui avait disparue. Il me fixa, un air légèrement surpris sur le visage, et moi, je le fixais, la main tremblante, le poing toujours crispé sur l'arme. Il ferma les yeux un bref instant, soupirant, comme libéré d'un stress immense, puis, ré-ouvrit les yeux sur moi. Son regard était doux.
Lentement alors, il posa sa main sur mon avant-bras, au niveau du coude. Tout aussi lentement, il fit glisser sa main sur ma peau, l'effleurant, jusqu'à passer sur mon poignet, jusqu'à rejoindre la main, ma main, qui comptait le tuer. Là, caressant, il détendit mes doigts, en douceur, et saisit le manche du couteau que je lâchais. Mes mains tremblaient, mes bras tremblaient, mon corps tout entier tremblait. Et pourtant, je le regardais faire, incapable du moindre geste.
Toujours avec une lenteur toute calculée, Trysthan, tourna la tête vers le côté gauche, tendant la main pour déposer délicatement l'objet de mort sur la petite table d'appoint. Je suivais la scène, tremblant toujours. Puis, le couteau éloigné de moi, le prince reposa son regard sur moi, et posa sa main sur ma joue, en douceur. Et moi, je fermais les yeux, signant par là mon abandon, sa victoire.
En cet instant, je me sentais pitoyable, en cet instant, je me sentais honteux. Je venais de perdre tout espoir de liberté, tout espoir de rédemption. Jamais je ne pourrai venger les miens, jamais je ne pourrai me venger. Et pourquoi ? La réponse était encore plus pitoyable que tout le reste. Car en réalité, et je venais de le comprendre, ces deux semaines passées avec lui avaient suffi à me changer, à me transformer, tant moi que la vision que j'avais de lui, de ce prince. En deux semaines, Trysthan avait réussi l'exploit de me séduire, de me plaire. En deux semaines, il avait éveillé en moi ce que personne auparavant n'avait réussi à éveiller. En deux semaines, j'étais tombé amoureux de lui. Il n'en fallu pas plus pour briser toutes les barrières et les illusions que je m'étais construites. Pour comprendre, que je venais de me maudire moi-même.
Je souris, très légèrement, ironiquement. Un esclave qui tombait amoureux de son maitre, voilà une chose qui en ferait rire plus d'un. Et pourtant, c'était exactement ce qu'il venait de se passer, ce qu'il se passait. J'ouvris alors les yeux sur Trysthan, qui me regardait, un doux sourire aux lèvres. Oui, j'étais pitoyable. Oui, j'étais lâche. Oui, j'étais fou. Mais malgré tout cela, je me sentais étrangement bien. Malgré tout cela, je me sentais légers.Malgré tout cela, je me sentais libre.
La vengeance est une prison, la haine, de lourdes chaines. Et, libéré de tous ces maux, je me sentais revivre.Sous son regard, je me sentais vivant.
« Don't be scared now, Close your eyes, She holds gods tonight. Go on forward, No remorse, Life will take its course. »
Rendant son sourire à Trysthan, celui-ci se redressa vers moi, toujours assis à califourchon sur lui. Je le laissai s'approcher, et, comme je m'y attendais, il m'embrassa. Ce baiser, avait un goût inouï, doux et sucré. Il avait un goût de rédemption, de renouveau, de vie … Il marquait la fin d'une époque et le début d'une autre. Et moi, je me laissais faire, répondant même, accueillant à bras ouverts ces temps nouveaux qui venaient à moi.
Doucement, il vint alors quémander l'accès à ma langue, et de la même manière, je le lui autorisai. Délicatement, il vint m'enlacer, glissant ses mains sur ma peau, venant caresser le creux de mes reins. De la même manière, je laissais aller mes bras autour de son cou, et mes mains sur sa nuque. Lentement, il saisit mes flancs et inversa nos positions, lui au-dessus, moi en dessous. Et comme lui, je l'accueillis au creux de moi, entre mes cuisses. Et ainsi, notre baiser sembla durer une douce éternité.
Je n'avais plus peur maintenant, plus du tout. Et si je fermais les yeux en cet instant, cela était seulement pour pouvoir savourer pleinement les lèvres de cet homme que j'avais haïs sans savoir que je l'aimais. Dehors, les chants religieux s'élevaient toujours dans l'air, et quelque chose me dit que les dieux me pardonneraient de m'abandonner à ce prince qui désormais régnait totalement sur mon être, de briser le vœu qui me liait à eux. Je ne savais pas si lui m'aimait. Je ne savais pas quelles seraient les épreuves futures. Je ne connaissais rien de l'avenir. D'ailleurs, qui le pouvait ? J'allais simplement de l'avant. Je n'avais aucun remord. Ma vie reprenait doucement sa course, à ses côtés.
« Hold on to memories, See what lies ahead. Life will go on and we are one With every step you take ... »
Fin.
Azhiel.
PS / Merci à Soizic pour le soutient moral durant l'écriture du texte, à Mathilde pour la correction du texte, et à Gevoel pour tous nos moments RPs, grande source d'inspiration !
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