La première fois que je les ai vus, je suis tombé sur la tête. Littéralement. J’étais sur la balançoire du parc municipale, je les ai vus sortir de la voiture avec leur mère et, inconsciemment, j’ai lâché prise… Et j’ai atterri sur la tête.

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- Vous buvez quoi, les gars ?

- Moi, du coca.

- Ouai, moi aussi.

Evan ouvrit la porte du réfrigérateur et en sortit une bouteille de coca. Il attrapa sur l’étagère trois verres et amena le tout dehors, sur la terrasse où avaient élu domicile ses deux meilleurs potes : Yanice, un métisse aux yeux rêveurs et au sourire étincelant, et Thibault, un grand gars pas très épais avec un regard magnifique. Ils étaient affalés sur les transats face à la piscine.

- T’as de la chance quand même ! lui lança Thibault. Une piscine, tes parents absents : le pied !

- C’est clair, confirma Yanice. Tu pourrais même faire une teuf…

Au mot « teuf », Thibault se redressa avec un sourire gourmand. Une teuf, ouai, c’était une excellente idée ! Dans une baraque pareille, ils pourraient inviter tous leurs potes et pleins de meufs… Il commença à comptabiliser ses connaissances ayant de jolies nanas à amener.

 -   N’y pense même pas !

Evan secoua la tête avec un air amusé.

- Impossible avec les deux parasites, là-haut, leur indiqua-t-il avec un mouvement de tête vers le premier étage. Et puis, le timing est un peu just…

-  Je trouve, au contraire, que c’est une excellente idée, une fête…, l’interrompit la voix de sa sœur.

Evan se retourna vivement vers elle, la mine coupable. Elle le regardait, appuyée contre le chambranle de la baie vitrée. Elle l’avait surpris, encore une fois. Il n’aimait pas ça, qu’elle le prenne en faute.

-  … malgré le parasite que j’ai en face de moi, finit-elle, le fixant de ses yeux frondeurs et le sourire narquois.

Evan ne répondit pas. Il avait l’habitude de ses remarques, enfin, plutôt de ses piques cinglantes. Les jumeaux s’affrontèrent du regard, pendant ce qui sembla aux autres un trop long moment.

- Bon ! Ben, puisque tout le monde est d’accord, on s’y met ! intervint Thibault, espérant désamorcer la situation. Yanice, tu t’occupes des invit’s. Evan et moi, on s’occupe de la bouffe et des boissons.

Il s’approcha de son ami, qui n’avait toujours pas lâché du regard sa frangine, et lui tapota l’épaule.

-   Allez ! Viens ! On y va.

Evan décrocha, enfin, ses prunelles vertes de celles, marron à la limite du noir, d’Ylann. En entrant dans le salon, il frôla son épaule, la bousculant légèrement pour affirmer sa présence.

Yanice intercepta la brève expression de colère qui passa sur le visage de la jeune fille.

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Ils étaient si beaux. Si différents l’un de l’autre et pourtant si semblables dans leur pouvoir d’attraction. J’étais subjugué…

J’ai, tout de suite, été ami avec Djestevan. Nous avions tant de points communs. Nous étions des garçons, bien sûr, mais nous aimions aussi les mêmes jeux, nous avions les mêmes rêves. Il est vite devenu mon meilleur ami. Pas une journée ne passait sans que nous soyons ensemble. Il me fascinait. Il avait cette faculté incroyable d’embobiner qui il voulait et d’être au centre des attentions, être celui sur lequel on se retournait. Il aimait ça, je le voyais, avoir le pouvoir sur ses parents, les voisins, les autres enfants du voisinage. Il les charmait tous, sans exception. Il était si beau. Ses cheveux blonds, ses immenses yeux verts, il était magnifique. Il ressemblait à un ange. Personne ne pouvait résister à son charme. Moi, moins que quiconque. J’ai un an de plus que lui, j’aurai dû avoir un peu d’influence, j’aurai dû être celui qui décide, celui qu’on écoute… Mais non. Trop subjugué par lui, je lui obéissais aveuglement. Evan était, et est toujours d’une certaine manière, le meneur, le dominant dans notre relation.

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La fête battait son plein. Une vingtaine d’adolescents s’éparpillaient joyeusement dans le jardin et le salon. La baie vitrée était grande ouverte, laissant la musique atteindre ceux qui profitaient de la piscine et du jardin.

Evan, assis sur un transat, écoutait, d’une oreille distraite, les ragots que s’amusaient à répandre ses amis. Mélodie, la petite amie actuelle de Thibault, arriva avec des cannettes dans chaque main et fit la distribution. Tout en descendant dans la piscine rejoindre son copain, elle lança avec un petit sourire entendu :

-  Max et Ylann sont dans une forme olympique !

Evan se redressa instantanément sur son siège et demanda, un peu sèchement :

-  Comment ça ?

Mélodie se cala entre les dalles de pierre qui entouraient la piscine et les bras de Thibault.

-  Ben… Si tu les voyais sur la piste de danse. Ils sont carrément torrides !

-  C’est pas une info ! Intervint Yanice, en levant les yeux au ciel. Max esttoujourstorride !

-  Et t’en sais quelque chose, hein ! le taquina Thibault, avec un petit rire.

Evan fronça les sourcils. Avait-il bien compris ? Il se tourna vers Yanice.

- Qu’est-ce qu’il veut dire ?

Yanice eut l’air gêné. Il n’avait jamais vraiment parlé avec Evan de… ça.

- Eh bien… Tu sais… Max est un tombeur. Il veut, il prend.

Evan eut un sursaut de surprise. Il venait de comprendre. Son ami avait couché avec Maxence. Il fixa intensément Yanice, sentant la rage envahir son corps.

- T’es entrain de me dire que ce con fait cocu ma sœur et avec un mec, en plus ?! demanda-t-il, entre ses dents.

-  Ce que t’es naïf ! s’exclama Mélodie, sans comprendre la situation conflictuelle. Max se tape tous les plus beaux spécimens de la ville ! Homme ou femme ! Il s’en fout du moment qu’il prend son pied…

-   Mélodie, la ferme ! la coupa Thibault. T’es lourde.

Ce dernier avait bien sentir la tension qui s’était emparée de son ami. Il le voyait serrer les poings convulsivement.

-  Et puis… Tu sais… Ylann est au courant, l’informa Yanice, d’un ton doux. C’est une sorte de contrat qu’ils ont…

Evan le regarda à nouveau, l’interrompant par son expression sombre.

- Je ne veux rien entendre !

Il se leva sur ces mots et partit en direction du salon.

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Ylann était tout le contraire de son frère : douce, timide, si effacée en comparaison avec lui. Au début, elle se cachait toujours derrière son frère et ne me regardait jamais en face. Quand elle me parlait, elle bégayait un peu. Je trouvais ça adorable. J’ai appris à la connaître, à l’apprécier. Elle était si douce, si douce. Un seul de ses sourires illuminait ma journée. Elle était pourtant si discrète, s’excusant presque d’exister. Si fragile. J’adorais passer mes mains dans ses longs cheveux bruns tandis qu’elle chantait. Et elle ne le faisait que pour moi. Personne ne devait savoir, c’était notre secret. Ylann. Ylann, mon rayon de soleil, la lumière dans les ténèbres de ma vie. C’est vers elle que je me tournais quand mon père passait ses nerfs sur moi. J’avais commencé à en parler avec Evan mais il n’avait pas compris. Ylann, elle, avait été horrifiée par les bleus couvrant mon corps. Pour la première fois, elle a pris l’initiative et m’a soigné comme elle a pu, me cajolant dans ses bras tendres. C’est là que je suis tombé amoureux d’elle, réalisant qu’elle serait la seule femme de ma vie.

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Ylann sentait les mains de Maxence posées sur ses hanches et le corps de son ami se mouvoir dans son dos. Elle sourit doucement tout en fermant les yeux. Elle adorait cette chanson. Elle la trouvait sensuelle. Elle ondula contre lui, se laissant porter par la musique.

Maxence se rapprocha encore d’elle. Il aimait la voir s’abandonner dans ses bras. Il observa d’un regard moqueur les autres invités. Certains dansaient, comme eux, mais une grande majorité les dévorer des yeux. Il fallait dire qu’ils formaient un très beau couple. Enfin, plutôt un beau duo. Il laissa ses mains parcourir les courbes voluptueuses d’Ylann et se pencha un peu plus vers elle, enfouissant son nez dans son cou. Il huma un instant son parfum. Il l’entendit rire.

- Tu me chatouilles, dit-elle, confirmant ses soupçons.

- Tu sens bon, lui répondit-il, charmeur.

Elle se tourna vers lui et plongea son regard rieur dans le sien. Elle secoua la tête et sourit tendrement. Elle ne prenait jamais vraiment au sérieux ses tentatives de séduction, ce qu’il trouvait bien dommage.

Ylann ferma à nouveau les yeux et replongea avec plaisir dans la musique. Danser avec Maxence était toujours un régal. Il avait une façon de se bouger tellement… tellement quoi ! Elle ne s’étonnait même plus du succès qu’il avait. En plus d’être beau, il avait un charisme incroyable.

Un mouvement près d’elle lui fit ouvrir les yeux. C’était Evan. Il la fixait, la colère clairement présente sur son visage. Elle se fit la réflexion incongrue que Maxence n’était pas le seul à avoir un charisme incroyable.

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Par la suite, Ylann nous a rapidement rejoints dans nos escapades. Elle a abandonné ses dînettes pour venir courir avec nous dans les bois. Elle est devenue notre mascotte, la princesse à délivrer d’un horrible dragon, la sioux prisonnière des méchants peaux rouges. Notre devoir était de la sauver et de la protéger. Elle était notre poupée. Nous nous disputions son attention, faisant les pires bêtises pour l’amuser. Je la revois encore rire à nos pitreries. Nous étions le trio infernal, les triplets, on s’était juré de ne jamais se séparer… Comme quoi, on ne fait pas toujours ce qu’on veut, dans la vie.

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-  Tu savais que ton cher Max se tape tout ce qui bouge ?! Lança Evan, d’une voix forte et chargée de colère.

Etrangement, comme la plupart du temps dans ce genre de situation, le silence se fit dans le salon. Plus de conversation, plus de musique, on aurait pu entendre une mouche voler.

Ylann se redressa, obligeant Maxence à la lâcher. Elle fusilla son frère du regard. Pour qui se prenait-il pour interrompre la fête ? Et surtout, de quoi se mêlait-il ?

- Depuis quand tu t’intéresses à ma vie privée ? rétorqua-t-elle, sur le même ton.

- Depuis que tu fous la honte sur la famille ! cracha Evan, furieux qu’elle lui réponde.

La jeune fille serra les poings.

-  Quoi ?!?! T’es pas sérieux, là ?!?!

Elle le fixa intensément, essayant de lire sur ses traits sa réponse. Réponse qui ne vint pas. Evan se contenta de la regarder de haut, la méprisant par son attitude hautaine. Ylann sentit quelque chose se briser en elle comme son frère se retournait pour s’éloigner.

 « Oh non ! Tu vas pas t’en tirer comme ça » pensa-t-elle, haineuse.

Comme elle le détestait quand il jouait à être le « parfait garçon sous tous rapports ». Elle s’élança à sa suite et l’attrapa par le bras pour le stopper. Il se tourna vers elle, visiblement hors de lui aussi. Elle eut un sourire mauvais.

- Ca te va bien de parler de honte ! Toi qui es même pas capable d’admettre que tu te branles uniquement en pensant à tonexmeilleur ami !

Si jusque là, le silence était pesant, là en cet instant, il était stupéfait. La même pensée avait explosé dans tous les cerveaux présents à ce spectacle. Evan était gay. L’info était lâchée et de source sûr en plus. Sa sœur ne pouvait que dire la vérité… n’est-ce pas ?

Maxence crut bon, à ce stade de la querelle, d’intervenir. Il ne savait pas comment ils en étaient arrivés à cette extrémité mais il devait arrêter ça. Et tout de suite.

Il s’approcha d’Ylann, lui saisit le bras et l’attira à lui.

- Je crois que la fête est terminée. Tout le monde dégage. Merci.

Ensuite, il prit le visage d’Ylann entre ses mains, l’obligeant à rompre le contact visuel avec son frère. Il capta son regard et vit les larmes qui y perlaient.

- Viens. On va dans ta chambre, murmura-t-il, doucement.

Il la prit par la main et l’entraîna à l’étage, laissant les invités sortir et Evan planté au milieu du salon.

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J’aurai voulu que notre amitié dure toujours. J’aurai voulu que notre trio soit éternel. J’aurai voulu… Mais j’ai dû choisir…

L’ombre et la lumière. Le feu et la glace. La douleur et le sang. Djestevan et Ylann. Deux entités si différentes et pourtant si semblables. Ils me font souffrir et ils me font vivre. Mon Enfer et mon Paradis. Je suis pris entre deux feux. Evan, mon Démon de lumière : pourquoi m’avoir repoussé ? Pourquoi ne pas m’avoir partagé ? Je souffre de ne pouvoir te toucher et mon cœur saigne de ne pouvoir t’aimer. Ylann, mon Ange des ténèbres : pourquoi me retiens-tu ? Pourquoi ne me partages-tu pas? J’ai mal d’être avec toi et mon âme se déchire de n’être que ton ami. Mon cœur ou mon âme. Ce n’est pas vraiment un choix ! Et j’en crève de ne pouvoir vous aimer tous les deux librement. Parce que je vous aime. Je vous aime à en mourir.

            Maxence, 16 ans et deux mois