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au 31 Mai 21 :
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Des jours et des feuilles
Par masamiya
Originales  -  Général  -  fr
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    Chapitre 2     Les chapitres     10 Reviews    
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Effleurements

Voici donc le second chapitre.

Une gestation longue et douloureuse. Je continue? J'arrête?

 

Dites-moi tout.

 

Masa

 

____________

 

 La divine Alex me colle, rit près de moi, j'essaie de la suivre du mieux que je peux,mais en fait mes yeux se collent partout où ils ne devraient pas; j'ai conscience d'avoir fait fuir Clément, il a quitté la librairie juste après mon arrivée. Elle est insolente, Alex, je vois ses jambes toujours bien remplies, mais minces, fermes, des cuisses roses et des mollets qui semblent être nés sans poils, une bonne viande dans laquelle on voudrait mordre.

Je jette un oeil de comparaison et de souffrance sur mes propres jambes: maigrichonnes, mollassonnes, blanches et bleuies de veines, verdâtres des moments ou je me cogne pendant le boulot, un aspect mal rasé même quand je me rase et boutonneux quand les poils repoussent.

Génial.

Bientôt je pourrai y ajouter des signes de vieillesse, je le sais. Alex continue de me sourire, facile à faire pour elle, elle a 17 ans et est mignonne comme un coeur avec ses cheveux blonds et son jumeau-accessoire, avec Clément qui lui court après comme un chien après un os juteux.

Une peau transparente, nacrée, on n'y croirait pas; moi je sens mes cheveux collés de sueur se plaquer sur mon front.

Un asiatique que je ne connais même pas me prend en photo depuis que je suis arrivée, c'est pourquoi la cuisse d'Alex, chaude et rassurante, est blottie comme un petit animal contre la mienne -froide et pourtant pleine d'une sueur collante et répugnante. Alex tient à être sur les photos avec moi. En un instant, je sais déjà que je ne voudrai jamais voir ces images; impossible de revenir en arrière et de me débarrasser de ma robe fushiya en latex; je tiraille vaguement sur mes cheveux teints en un rose défraîchi, à la fois trop gras et trop secs, je soupire et me résigne.

Je prends la pose avec ma petite blonde.

Chaque mouvement que je fais imprime à ma robe des tiraillements, elle me rentre dans la peau et me comprime; elle produit des bruits de plastique mouillé, j'ai l'impression d'être enroulée dans un préservatif géant et l'autre asiate continue de nous mitrailler.

J'hésite à lui prendre son appareil pour lui écraser sur le crâne, je pense que ça abîmerait mon vernis rose, et que je galère déjà assez comme ça pour qu'il ne s'écaille pas au boulot, alors tant pis, j'abandonne Alex et je me lève à la recherche d'une bonne bouteille à partager.

Ça tombe bien, Samie a toujours en main un goulot sur lequel sa salive a traîné, prêt à aider les jeunes filles en quête d'ivresse- Jay se précipite à la place où j'étais et couve sa soeur des yeux. L'asiate range enfin son appareil, déçu.

C'est en le voyant sortir de son sac en toile un petit livre rouge en substitution de son appareil que je commence à me dire que ce garçon a un grave souci. Depuis quand le marxisme se fait compatible avec les appareils photos reflex numériques? Je range mes commentaires dans mon crâne encore embrumé des vapeurs de friteuse, j'avale quelques belles gorgées de vin blanc de basse qualité, je garde la bouteille mais reste debout près de Samie.

Lui, paternaliste, n'essaie même pas de me tripoter et regarde toute la petite tribu se défoncer au milieu de sa librairie d'un air des plus attendris.

-Samie.

-Mmmh.

-Tu as jamais voulu avoir des enfants?

Il me regarde, un peu surpris mais pas récalcitrant. Sourire amusé.

-J'ai déjà du mal avec vous. C'est une vraie garderie, ici. Pas vrai?

Je me dis que j'en ai marre du Macdo, marre de ce travail rébarbatif, marre de sentir la friture. Marre de vivre dans une coloc crasseuse avec des étudiants plus jeunes, marre de courir après Clément qui court après Alex qui se fait courser par son jumeau; tout changement serait bénéfique.

-Si tu veux, je t'aide.

Coup d'oeil interrogateur de Samie, sourcil relevé.

-Je veux dire, avec la boutique. Avec nous. Je pourrais vivre ici, faire un brin de ménage. Tenir la boutique quand tu fais autre chose.

-Je te collerais ou?

-Je sais pas, j'emmène quelques affaires, ça me dérange pas de me faire petite. Ton lit, c'est un deux places?

Il a l'air de me jauger d'un coup. Il rigole, il vient de comprendre ce que je lui demande. Un concubinage arrangé, une porte de secours, un échange de services.

-Tu es pas bien, dans ton appart avec tes copains? Ils sont de ton âge, au moins.

-Tu parles. Je me rajeunis toujours d'au moins cinq ans, quand ils me demandent...

Je jette un oeil vers le petit groupe, un peu rougissante. Personne n'a prêté attention à mon aveu de coquetterie. J'ai vingt-cinq ans, j'ai raté ma vie, il est temps que je me bouge...

 Samie s'allume une cigarette, il me reprend la bouteille mais me glisse des clefs dans la main.

-Tu te feras des doubles, je te les laisse d'ici demain.

Je ne dis rien, mais je cours les glisser précieusement dans mon sac, suivie du regard un peu curieux d'Alex.

J'ai l'impression de préparer une trahison.

Mais soudain le poids que je sentais sur ma poitrine depuis que Clément s'était enfui de la salle se soulève, et pleine d'allégresse, la langue encore pleine du goût piquant et sucré du vin blanc sec, je retrouve une espèce de sourire.

De ratée, je passerai à maîtresse de maison. Je me pose en propriétaire sur un des poufs moelleux, je le caresse pour la première fois dans le but de l'apprivoiser, de le faire mien. Je souris à Samie.

Samie me sourit dans sa barbe de huit jours.

Je me dis qu'il avait bien besoin qu'une femme vienne prendre soin de lui.

 

                 _______________

 

 Je suis rentrée tôt ce soir-là, déjà parce que se promener à Paris dans une robe en latex rose moulante est rarement une bonne idée, et aussi parce que je voulais commencer à empaqueter mes affaires.

La chaleur de la journée retombait un peu, mais agréablement; un peu ivre, je sentais l'air frais pénétrer mes narines, mes poumons, aérer mon corps et mon esprit à la fois. Impossible de ressentir que le froid était devenu trop piquant pour ma tenue. Dans ma tête, des projets, je faisais mes valises, en fait j'avais déjà changé la décoration de la librairie au moins trois fois en imagination et je ressentais enfin une sensation qui me tire de ma torpeur habituelle.

 Je ne doutais pas un instant que tout se passerait selon mes désirs.

Effleurant à peine les marches du bout de mes sandales compensées, je volai jusqu'à l'appartement, sans aucune conscience - j'aurais très bien pu me tordre les deux chevilles, me connaissant- et pénétrai comme une tornade dans la pièce principale.

Clément y était affaissé, l'oeil vitreux face à des copies éparpillées sur deux matelas, une autre bière fraîchement ouverte à côté de lui, morne comme un jour de pluie.

Il avait l'air profondément malheureux, je le voyais car il n'avait pas l'air agacé de me retrouver près de lui encore une fois; certainement trop abattu pour me témoigner autre chose qu'une saine indifférence. Moi, j'avais une folle envie de sucre et j'aurais tout donné pour croquer à pleine dents dans une sucette, faire coller les bouts de sucre coloré à chaque renfoncement de ma dentition, les décoller du bout de l'ongle, tripoter les aspérités goût fraise formées dans ma bouche du bout de la langue.

-Je déménage! annonçai-je triomphalement, après m'être souvenue n'avoir presque que de la pastèque au frigidaire.

Au moins, Samie avait une boulangerie au coin de sa rue.

L'idée me traversa que j'aurais peut-être mieux fait de séduire son boulanger directement, mais je la repoussai, ce qui était fait était fait. Tout serait pour le mieux.

Clément leva sa bière dans un toast minable et muet. Pour la première fois, je m'en foutais et pour lui montrer combien j'étais sérieuse, pour lui montrer qu'il serait abandonné à son sort, face à cette bouffeuse de coeurs d'Alex, j'essayai de rassembler mes affaires.

De toute évidence, j'avais sous-estimé la tâche.

L'heure s'imposa soudain à mon esprit, la fatigue de la journée s'abattit sur mes muscles, mes os, en une fine pellicule glacée capable de refroidir aussi bien mon corps que mon ardeur à partir. Clément ne semblait s'apercevoir de rien, toujours penché sur ses copies sans rien y voir, défoncé et ailleurs, foutrement inaccessible. J'aurais pu en baisser les bras.

Mais il était hors de question de perpétuer ces jours qui s'empilaient depuis quelques années dans cet appartement, cette fois j'allais changer ma vie. Avec ou sans Samie, je partais.

D'ailleurs je n'avais pas besoin de toutes ces affaires, ces produits inutiles, ces fringues impossibles à porter, ces pompes défoncées- chewim-gum collés aux semelles, toutes râpées par les dalles de Paris, délavées par les intempéries- et soudain j'aspirai à n'emporter avec moi qu'un bagage spirituel.

Lorgnant un instant d'un air idiot sur un tas de livres appartenant à Clément, je me repris, choisis soigneusement un gros sac de plage avec une grande contenance et y fourrai ce qui me semblait essentiel. Si seulement j'avais pu y mettre de la volonté, un objectif, ou même une boule de cristal! La peur me nouait le ventre, à moins que ce ne soit la perspective de tourner enfin cette grande page, et de ne pas connaître le contenu de la suivante?

 Le sac de plage rempli, sa large bretelle enfoncée profondément dans mon épaule, je donnai mes dernières instructions comme on écrit un testament. Clément ne leva pas les yeux durant mon petit speech, juste un sourcil en apprenant que mes produits de beauté allaient tous à Alex. Frustrée, je précipitai un peu les choses et quittai l'appartement mon sac sous le bras avec l'air dégagé et insouciant qu'ont les gens qui ne vont s'absenter que quelques jours et revenir ensuite.

Clément avait-il conscience que je ne serai plus là?

Se disait-il que de toutes manières, je n'allais pas loin, qu'il me reverrait quand il le voudrait chez Samie?

S'en moquait-il tout simplement?

Le ventre un peu creux, je tirai la clef de la librairie et la contemplai à la lueur des lampadaires éclairant toutes les nuits les rues. Tout de même, je n'allais pas débarquer à cette heure! Mais si personne ne dormait? Je ne voulais pas non plus retourner près d'Alex mitraillée par son fan bridé. Attendre? Mais à quelle heure arriver demain matin? Et surtout, ou aller en attendant?

J'errais, croisant la lie des promeneurs nocturnes; les couples amoureux n'étaient pas pour moi. Moi, je croisais des clodos pas propres. Au moment ou, seule comme eux et dehors pour la nuit, je ressentais comme un élan de solidarité, j'entendais leurs voix avinées hurler après mes jupes- peut-être un peu courtes, d'accord.

J'aurais voulu partager ma solitude nocturne, mais j'évitai les lieux de passage pour ne pas croiser ces groupes d'adolescents enivrés.  Je me sentais bourgeoise. Je ne voulais pas les voir de peur qu'ils ne s'adressent à moi qu'après avoir vu ma robe de latex moulante.

En même temps, difficile de voir autre chose que cette couleur fluo. J'avais cherché. Je me maudis une fois de plus. Jamais satisfaite, toujours tiraillée par des contradictions à propos de tout, je compris soudain la lassitude de Clément.

Faisant demi-tour, inspirant à fond, je me fis la promesse de devenir enfin quelqu'un de stable et de normal; de ne plus être hystérique, de ne plus chercher les histoires, de ne plus abuser de tout. Dégainant la clef vers ce bel avenir plein d'équilibre, j'avançai fermement vers la librairie plongée dans l'obscurité et y pénétrai pour la seconde fois cette soirée-là.

 

                                      ___________________

 

 Il était presque deux heures du matin quand cette gamine géniale, Lia, est revenue me voir. Vraiment une fille bien, un peu barrée mais bien.

Pas trop loquace. Mais une belle descente d'homme quand il s'agissait de picoler. Je jetai un bref coup d'oeil à son décolleté trempé de sueur- à cette heure-ci, bon sang! Mais elle venait de la nuit gelée ou d'un hammam?- et lui lançai un sourire d'excuses. La gosse était sympathique, mais j'avais bien l'impression qu'elle dormirait pas seule cette nuit; j'avais déjà un gamin émigré sous mon toit pour cette nuit, si j'avais bien compris le photographe amateur qui était resté accroché aux sandales d'Alex toute la soirée.

Mais d'où viennent tous ces putains de marmots, sans parents, sans attaches, plus débauchés qu'un régiment entre deux missions? Et où est-ce qu'ils foutent tout cet alcool? me demandai-je en contemplant la dizaine de bouteilles vides qu'il me faudrait sortir demain matin.

J'avais à peine eu le temps de penser à ces foutues bouteilles, pas même de dire un mot à Lia qui restait plantée comme une chèvre à son piquet devant ma porte ouverte sur la rue, quand le gamin asiate surgit dans son champ de vision.

Elle a pas eu l'air surprise de voir que j'étais pas encore seul chez moi, qu'il y avait encore du monde.

Elle a tourné ses pas vers l'extérieur et a refermé la porte.

Cette gamine est cintrée.

 

                             ___________________________________

 

 Putain.

Ou j'allais bien pouvoir aller, maintenant?

J'étais en colère contre ce petit trou du cul qui était chez Samie, au chaud, à l'heure qu'il était. Et pas trace d'Alex.

Je décidai de la pister. Je le retrouverais bien, elle n'était sûrement pas rentrée à l'appart pour le moment. J'aurais voulu avoir le flair de son frangin pour la retrouver partout.

Putain de nuit prolongée, longue, épuisante. Je serais jamais d'attaque pour le boulot le lendemain. Mes pieds comprimés dans leurs sandales compensées hurlaient que mon idée de faire la tournée des boîtes de nuit dans l'espoir d'y croiser Alex était vraiment mauvaise, mes bras hérissés de chair de poule me persuadaient du contraire, mon esprit fatigué cherchait le repos, et ma peur du lendemain demandait à faire la fête et oublier.

J'étais encore écartelée, la seule envie qui me restait fidèle tambourinant mes tempes: un joint, fumer un gros joint, la douce fumée, mes poumons emplis et mon esprit enfin allégé de tout poids. J'avais rien pris; tout était à l'appart.

Je me sentais conne.

Un flash.

Je me retournai et vis sans surprise que j'avais été suivie par l'asiate. Il était arrivé sans même faire l'effort d'être discret, le bruit de ses pas se perdant dans celui des silhouettes anonymes qui défilent à toute heure dans la capitale.

-Tu fumes?

Il ne répondis pas.

-Tu parles bien le français, non?

Acquiescement.

-Bon, accompagnes-moi, cédai-je dans un soupir. Je cherche Alex, la fille blonde de tout à l'heure.

Pas loquace, il hocha la tête, prit une photo de la rue éclairée par les lumières d'un bar-restaurant, des phares de voitures manquant écraser les piétons sortis du bar cité précédemment pour fumer, quelques lampadaires crasseux. Même les pigeons n'étaient pas couchés et roucoulaient entre les mégots de cigarette et les pieds des autochtones.

L'appareil de l'asiate devait être un savant mélange de reflex et de numérique; il me le tendit pour que j'admire sur un écran large l'aperçu de sa photographie. Une jolie qualité, mais aucun intérêt dans le sujet; j'en profitai pour faire un tour dans toutes celles qu'il avait prises durant la soirée. Il y en avait un sacré paquet, toutes mal cadrées- ou plutôt toutes semblaient cadrer autre chose que ce à quoi l'on s'attendrait.

Je passai avec amusement sur les photos d'Alex. Il n'avait pas vraiment pris son visage. Il y avait un gros plan d'une coccinelle dans ses cheveux; un autre où l'on devinait le contour de ses hanches et juste derrière, le regard appréciateur de Clément posé sans délicatesse sur ce qui devait être sa paire de fesses. Le type commençait à me plaire, avec ses photos. Je voulus lui sourire et m'aperçus qu'il se dirigeait vers le bar-restaurant.

Courant un peu, l'appareil encore en main, je le rejoignis. Un tape sur l'épaule.

-Tiens, je te le rends... Elles sont rigolotes, tes photos.

Sourire.

-Je m'appelle Lia.

 -Ce n'est pas français, commenta-t-il sans aucune gêne, d'une voix qui me sembla rocailleuse, râpeuse, comme un coassement. C'étaient ses premiers mots depuis qu'il m'avait rattrapée.

 -Toi non plus, tu ne l'es pas!

Le bar était presque vide; à croire que tous les chalands étaient en train de fumer une cigarette dehors. Quelques tables portaient des plateaux encore garnis de frites, d'os d'entrecôte, de taches de moutarde et de verres à demi terminés. Je m'approchai du bar, consciente d'avoir faim:

-Mon ami va prendre un sandwich, poulet-crudités, mais sans mayonnaise!

Et je filai à une table au fond de la salle, laissant ma nouvelle ombre régler pour moi ce qui s'avéra être le casse-croûte le plus immonde qu'on m'aie jamais servi- une tranche de jambon de poulet entre deux bouts de baguette sèche, quelques tomates, et je regrettai soudain l'absence de mayonnaise.

 Je dévorais néanmoins, écrasant le gras de mon index sur chaque miette tombée sur la table en bois ciré afin de la récupérer, sous l'oeil amusé de mon vis à vis.

-Tu es pas gênée de m'avoir fait payer, si tu manges tout.

-Tu as les moyens de te payer cet appareil, et pas un sandwich?

-Et si c'était un cadeau?

Je méditai un instant en mâchant, songeant qu'il parlait vraiment bien français; un peu trop pour être émigré depuis peu.

-Tu viens d'où? Je ne connais même pas ton nom.

Petit rire découvrant des dents blanches à faire peur, petites mais aiguisées. Des dents de carnassier.

-Je m'appelle Toru, et il tendit galamment la main, à la française, pour serrer la mienne- je tentai de l'essuyer d'abord rapidement sur ma robe en latex pour en ôter les miettes de pain.

-Et tu fais quoi, dans la vie, Toru?

 -Je suis venu trouver une femme. Une française, précisa-t-il. J'ai été élevé en France. De retour au Japon, mes parents ont préféré que je trouve une épouse dans ce pays. Ca peut ouvrir certaines portes, surtout si je dois reprendre un jour la société de mon père.

Je lui jetai un coup d'oeil. Il avait l'air si jeune. Et pas du tout le fils d'une famille bourgeoise. Il me baratinait peut-être, avec son histoire sortie tout droit d'un roman. Mais pourquoi?

-On ne peut pas trouver une épouse comme ça, objectai-je. Tu as un temps déterminé pour la dénicher? Une stratégie de traque, peut-être?

-Mon lieu de chasse couvre habituellement les hôtels de luxe. Jamais le matin. Les jeunes filles riches font la fête toute la nuit!

-Les pauvres aussi, regardes-moi. Tu foutais quoi chez Samie? C'est pas vraiment un hôtel de luxe. Ni même une librairie de luxe, d'ailleurs.

-Je photographiais ta copine blonde, rigola-t-il.

-A ta guise, tu ne veux pas parler! Moi, je voulais y emménager. Je vivais avec Alex, tu sais? Enfin, pas juste elle, ajoutai-je en voyant son air soudain intéressé. Avec son jumeau, aussi, et Clément qui est passé en coup de vent... Tu te rappelles Clément?

-Mmmh. Donc, le gros sac, là, c'est tout ce que tu as? Tu vas déménager le reste après?

-Non, c'est tout ce que j'ai.

-Alors tu peux rester avec moi le temps que je trouve une bonne épouse, si tu préfères. Je suis descendu dans un hôtel pas très loin; C'est un peu impersonnel, mais comme tu as pas beaucoup d'affaires, dans tous les cas tu aurais pas vraiment pu décorer... Et puis, l'avantage c'est qu'il n'y a pas de ménage à faire.

Il avait dit tout ça d'une traite, sans respirer.

-Et tu restes longtemps?

-On verra, grogna-t-il. Gardes quand même une ouverture chez Samie, on sait jamais.

Il n'avait pas attendu mon accord, et il semblait évident qu'à partir de maintenant, je le suivrais jusque dans son hôtel. Je me demandai brièvement ce que cela impliquerait, suivre cet homme aux airs d'enfant dans une chambre qui certainement n'avait qu'un lit -pourvu qu'il soit double, pourvu qu'il soit double...- pendant que lui cherchait une sorte de princesse parfaite à épouser.

Je nageais en plein délire, mais étrangement, je me sentais mieux.

Si je devais prendre un nouveau départ, celui-ci me convenait plutôt bien. Loin, très loin de ce qu'aurait pu imaginer Clément. Loin de cette routine. Je me surprenais moi-même, moi la petite employée chez MacDonald's toujours prévisible  toujours fourrée dans les mêmes endroits, avec les mêmes personnes...

Je souris à Toru, pris son appareil et immortalisai la salle éclairée de lumières jaunes, qui faisaient comme des taches sales sur les murs blancs; immortalisai le regard serein de Toru; immortalisai les inconnus en arrière-plan; immortalisai le début de ma nouvelle vie.

  _______________________________________________

 

Pardon, c'était si long à publier. Je suis certaine que tout le monde a déjà oublié le premier chapitre.

Pourtant c'était un texte très court que celui-ci, mais l'écriture m'a fuie pendant si longtemps... Je crois que c'est quelque chose que finalement l'on ne maîtrise pas.

Donnez-moi vos avis!

Je peux continuer comme arrêter tout ça. Ça vaut le coup?

 
 
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