PROLOGUE
Le soleil se couchait à l’horizon, nimbant la vallée de mille couleurs, savant mélange d’or et de sang, dont seule la nature avait le secret. Une vallée qui, au levé du jour, se faisait verdoyante, luxuriante ; au creux de celle-ci, courait un fleuve d’un bleu si profond que l’on avait l’impression, rien qu’en le regardant, de s’y noyer. Un véritable havre de paix qui s’étendait à perte de vue, un paysage presque irréel; tel était le royaume de Keln. La famille royale était aimée par ses sujets, elle faisait régner l’ordre et la justice de façon apparemment équitable. Kôgen, Monarque du pays de Keln, craint par nombre de souverains, observait ce spectacle de la fenêtre de son bureau. Il se tenait là, debout, les mains croisées dans le dos et son regard froid posé sur le lointain. Cet homme de prime abord imposait le respect ; il était très grand, sa musculature imposante et harmonieuse. Ses longs cheveux de jais étaient tressés de manière assez lâche, coulant sur une longue cape de soie pourpre et or, sur laquelle se trouvaient les armoiries de sa famille. Celle-ci s’ouvrait sur une chemise de satin noir et un pantalon de cuir de la même couleur. A sa ceinture pendait une magnifique épée, ciselée d’or et de platine finement ouvragée. Le long de son visage coulaient quelques mèches sombres comme la nuit, rendant ses traits plus durs encore, impassibles, sévères. - Le travail a commencé votre majesté » annonça une voix sombre. « Ce n’est plus qu’une question d’heure. » - Parfait… » répondit le souverain sans prendre la peine de se retourner. « Tu sais ce qu’il te reste à faire… » - Oui Mon Roi. » répondit alors l’homme en se redressant un peu. - Bien… Alors, va Selnir » Sans un mot de plus, l’homme s’inclina avec un grand respect et s’en retourna. Il avait des ordres à donner et une mission à remplir. Kôgen tourna légèrement la tête sur le côté alors que la porte se refermait sur son premier conseiller. Son regard sembla l’espace d’un instant moins froid, mais cette lueur s’effaça bien vite tandis que le soleil disparaissait derrière la montagne. Dans la soirée, un orage éclata, zébrant le ciel sombre de magnifiques reflets ; la pluie tambourinait contre les vitres du bureau. Le Roi n’avait pas bougé de là, travaillant sur une future déclaration de paix. A la lueur des candélabres, sa peau halée prenait une nouvelle teinte dorée tandis que son regard émeraude se parait de reflets ambrés. La pièce était plongée dans le silence, seule les hurlements du vent venait rompre cette ambiance, rendant plus lugubre encore cette scène. Le souverain posa un instant sa plume et fixa un point invisible. Il resta ainsi quelques instants, son esprit voguant loin de ce traité, se focalisant vers une seule chose. Quelques heures lui avait dit Selnir, pourtant, cela faisait déjà plus de six heures maintenant que le travail avait commencé mais toujours rien. Kôgen n’était pas quelqu’un d’impatient, loin de là même, mais il avait besoin de savoir, quelque part, son avenir en dépendait… Dans une autre pièce du château, deux femmes s’activaient autour d’un lit. Une troisième était allongée là, sa peau d’albâtre perlait de sueur, ses cheveux fins et soyeux formaient une couronne d’or autour d’elle. Son regard était fatigué, exténué ; d’habitude le bleu de ses yeux rappelaient les eaux paisibles d’un lagon, mais en cet instant, ils étaient aussi sombres que la mer par temps d’orage. La jeune femme haletait, serrait les draps entre ses doigts fins et délicats. L’une des sages femme posa un linge frais sur le front et l’épongea doucement tandis que l’autre repassa entre les cuisses de la future mère. - Poussez votre Majesté. » conseilla cette dernière en relevant la tête vers la jeune femme. Celle-ci adressa un regard remplit de douleur à sa suivante tandis qu’elle poussait une nouvelle fois. Une violente douleur vrilla les reins de la malheureuse qui se cambra en poussant un long gémissement. Elegyr, épouse du roi de Keln, souffrait le martyr depuis plus de huit heures maintenant, se demandant si elle allait enfin pouvoir goûter à la délivrance, à la joie d’être mère. Son époux et elle avaient déjà tenté plusieurs fois, espéré avoir un héritier, mais à chaque fois c’était la même chose, l’enfant était mort né. Soudain, la sage-femme sursauta et annonça à la souveraine qu’elle voyait enfin la tête du bébé. Un faible sourire ourla les lèvres de la blonde alors qu’on lui intimait de pousser encore une fois. Juste une fois et elle saurait enfin… Un long cri de souffrance emplit alors la chambre puis le silence, plus un bruit, seul la pluie et le vent qui se déchaînaient dehors troublaient cet instant. Elegyr était à bout de souffle, son cœur battait à tout rompre, épuisée, attendant la déclaration de la vielle femme. De longues minutes interminables… - C’est un garçon ! » déclara finalement l’accoucheuse alors qu’un cri strident accompagnait cette nouvelle. - Votre Majesté, félicitation ! Vous avez un magnifique garçon. » reprit l’autre jeune femme en épongeant une fois encore le front de la Reine. Avant que l’épouse du Roi n’ait eut le temps de dire quoi que ce soit, la porte s’ouvrit sur Kôgen. Le brun s’avança dans la chambre d’un pas mesuré, son épée battant le cuir de sa botte au rythme de ses pas. Son regard était froid, acéré, il fixa alors un instant la sage femme qui venait de couper le cordon. Elegyr observa son époux les larmes aux yeux ; leur bébé était vivant, leur fils avait poussé son premier cri. Soudain, le monarque s’empara du nourrisson et ouvrit la fenêtre en grand, le brandissant au même moment qu’un éclair zébrait le ciel. Les trois femmes observèrent surprises le brun, se demandant ce que celui-ci faisait. Celui-ci observait le ciel sombre de façon provocatrice. Les cris du bébé se mêlaient au grondement du tonnerre, de nouveaux éclairs illuminèrent la nuit alors que la voix du Monarque résonnait, sombre et grave. - Vous ne l’avez pas eut ! » cria-t-il au cieux, fier. « Mon fils est vivant et à partir d’aujourd’hui, on l’appellera Hokôri de Keln ! » |