Changement
Je ne vivais que pour la haine et le chaos, l’horreur et la puissance. Ils étaient les seuls sentiments que mon cœur pourri et déréglé daignait accepter. Seul, j’errai en quête de pouvoir. Naïvement, je croyais qu’il me sauverait… J’aimais voir rouler sous ma peau ces muscles, signes de ma supériorité. Chaque humain sur ma route était un défi à relever, un insecte à écraser. Il me fallait humilier, frapper, tuer ! Le sang se déversant de leurs plaies, leurs airs de souffrance me rappelaient à quel point j’étais vivant. Ou plutôt, c’était la seule preuve de ma misérable existence. Les voir plus bas que terre redonnait quelques couleurs chaudes à mon visage toujours si pâle. Leur désespoir m’offrait l’adrénaline qui me manquait.
Puis il y eut cet homme. Ce garçon blond au sourire aussi éclatant que le soleil, il aurait fait fondre le plus glacial des cœurs. Même le mien… Il n’était pourtant au départ qu’un parasite de plus à écarter, une gène. Je croyais qu’il serait comme tous les autres. Lâche. Faible. Insignifiant.
Mais au moment où il fut à terre, quand je pensais enfin en avoir fini, il s’est relevé. Affaibli, ensanglanté, brisé mais le cœur empli de courage, il s’est relevé. Et m’a regardé. Pour la première fois, ses yeux m’ont transpercé. M’ont éclairé… Il m’a frappé et sa puissance, décuplée par des émotions dont j’ignorais encore tout, m’a ébloui. Tout l’amour qu’il portait à ses amis l’a soutenu. Pas une seule fois, il n’a faibli. Jamais, il n’aurait abandonné. Pour eux. Pour ses amis. J’étais pourtant si joyeux à l’idée de les piétiner, misérables excréments inutiles.
Je l’avais sous estimé. Et finalement, c’est lui qui a piétiné jusqu’à la dernière miette de ma dignité.
Lorsque, à terre, nos sangs se sont rejoints et nos souffles emmêlés, j’ai compris. Je voulais changer pour devenir comme lui. Je ne désirais plus qu’on me voit comme une arme froide et insensible, mais comme un être lumineux. Je voulais qu’on me voit tel que moi je parvenais à le voir.
Aujourd’hui encore, j’essaye de m’approcher de la perfection de ce soleil incandescent, au risque de me brûler, de m’aveugler. Chaque matin, son sourire efface en un instant les doutes et les peurs qui m’assaillent lorsque la nuit tombe. Ses paupières se soulèvent, révélant deux océans d’optimisme encore quelque peu ensommeillés et il me dit bonjour. Je ne me lasse pas de caresser sa joue duveteuse de mes phalanges, aime toujours désespérément sentir le goût sucré de ses lèvres contre les miennes. Alors chaque jour de ma vie, je lui murmure que je l’aime et que jamais je ne l’abandonnerais. Il est mon puits sans fond de bonheur… |