Chapitre 2 modifié il y a quelques jours aussi (18/04/13).
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Sa main décrivit un grand arc de cercle jusqu'à rencontrer le bois de la table de nuit. Elle tâtonna pendant quelques secondes, attrapant au passage sa bouteille d'eau - qui alla rouler sous son lit dans un grand bruit de plastique compressé - et son portant à bijoux qui eut, lui, le tact de ne pas tomber, sans quoi le bruit aurait clairement alerté sa mère. Elle parvint finalement à accéder à son réveil, cherchant difficilement le bouton à pousser pour que celui-ci arrête d'hurler sa musique rock (qu’Émilie affectionnait en temps normal, mais pas à huit heures trente du matin). Elle réussit finalement à désactiver la sonnerie infernale, non sans emporter le fil du réveil en retirant sa main, faisant basculer l'objet dans le vide. Il s'écrasa avec un bruit sourd.
Malgré les deux mois de vacances qui venaient de s'écouler, Émilie avait l'impression d'être aussi fatiguée qu'au début de celles-ci. Elle en avait profité pour faire de multiples grasses matinées, mais devait se lever à huit heures trente ce matin là. Pire encore, elle savait que ce n'était que la pré-rentrée et que les jours suivants, il lui faudrait se lever deux heures plus tôt. Elle n'était définitivement pas matinale.
Elle attrapa sa robe de chambre qui pendait non loin de son lit et se leva en cherchant des pieds ses chaussons. Ceux-ci avaient été emportés par la bouteille et étaient donc loin sous son lit. Elle grogna en tendant son bras pour les attraper, bougonna en les époussetant (sa mère lui avait bien dit de faire la poussière, mais...) et rouspéta en les enfilant. Elle entreprit alors de sortir de sa chambre, chose qu'elle n'eut pas le loisir de faire puisque sa mère arrivait pour la réveiller, persuadée qu’Émilie avait oublié de mettre son réveil. En voyant la tête renfrognée de sa fille, elle se révéla encore plus attentionnée que d'habitude, passant une main dans les cheveux de sa fille et l'embrassant sur le front pour lui dire bonjour. Comme si Émilie était encore une gamine... Puis elle commença à parler du nouveau lycée où sa fille allait enfin entrée, qui représentait selon elle une magnifique opportunité de devenir adulte, sous-entendant forcément qu'il fallait que sa fille soit parfaite pour cette pré-rentrée.
Émilie soupira : elle aimait sa mère, certainement, mais celle-ci en faisait toujours trop. Beaucoup trop. D'autant que le flot de paroles continua dans la cuisine le temps du petit déjeuner qui lui fut servit prestement. Heureusement elle ne l'accompagna pas jusqu'à la salle de bain, ce qui permit à Émilie d'avoir un moment de répit. Elle en profita pour repenser à tout ce que sa mère venait de lui dire, tous ces mots qui n'étaient finalement pas dénués de sens. Même si elle faisait partie d'une famille relativement aisée, rien ne lui était acquis et il lui faudrait donc redoubler d'effort. Car ce lycée - souvent appelé Lycée des bourges - ne demandait pas seulement à ce que les parents mettent la main à la poche, il fallait aussi que l'élève soit exemplaire et méritant. Et si Émilie était une jeune fille tout à fait correcte, on ne pouvait vraiment pas dire que ses résultats de l'année passée aient été brillants. En fait, c'est au prix de nombreux efforts, lorsque son professeur principal avait alerté sa mère que ses notes ne suffiraient pas à la faire entrer au lycée de son choix, qu'elle s'était vraiment mise à travailler, obtenant de justesse la mention demandée. C'était en de pareils cas qu'elle aurait aimé que son père soit là. Celui-ci était parti depuis quelques années vivre avec une autre femme, laissant Émilie et sa mère seule. Cette dernière avait donc due travailler encore plus et n'avait plus eut beaucoup de temps à lui consacrer, de sorte qu’Émilie n'avait personne à qui demander lorsqu'elle ne comprenait pas une leçon… Mais elle s'y était habituée, s'était endurcie et avait finalement réussi à atteindre son objectif. Avant tout pour sa mère. Elle qui ne s'était jamais remise de son divorce, mais qui s'était toujours occupée d'Émilie.
C'est pour celle-ci aussi qu'elle devait avoir l'air d'une gentille petite fille obéissante, bien qu'elle soit maintenant sur le point d'entrer au lycée. Pour autant, elle ne voulait pas qu'on lui colle dès le premier jour l'image de la fille coincée, toujours dans les jupons de sa mère. Elle avait donc passé plusieurs heures, la veille, à chercher la tenue idéale, optant finalement pour un gilet très classique, discret, qui plairait à sa mère, mais qu'elle pourrait enlever une fois hors de sa vue pour dévoiler un T-shirt manches longues plus à la mode. Elle accompagna d'une jupe d'une longueur à peine plus que suffisante pour que sa mère n'y voit aucune tentative de plaire de trop aux garçons. Le tout rendait plutôt bien et ne la faisait passer ni pour une jeune prude qui n'avait jamais connue de garçon, ni pour l'une de ces petites pestes allumeuses, sans cesse entourées de garçons avec leurs mimiques ridicules. Non, elle n'en était pas jalouse. Même si, à son âge, elle commençait à penser à l'amour, un peu. Chose qu'elle refusait de dévoiler à sa mère, qui s'en serait fait une joie et l'aurait raconté à tout le quartier…
Lorsqu'elle revint dans sa chambre, elle vérifia que son sac contenait tout ce dont elle aurait besoin - feuilles, stylos, le téléphone que sa mère lui avait offert pour son entrée au lycée - avant de se poser sur son lit. Elle jeta ensuite un œil à son réveil, toujours étalé lamentablement au sol, puis décida de le remonter. Lorsqu'elle eut fini, sa mère entra dans sa chambre avec la même énergie qu'une heure trente plus tôt, sourire aux lèvres, rajusta un peu la coiffure de sa fille puis lui prit la main pour l'emmener jusqu'à l’ascenseur. À quinze ans, sa mère la tenait toujours par la main. Arrivées en bas de l'immeuble, elles entrèrent dans la voiture dont Nassim, leur chauffeur, avait ouvert la porte. Quelques secondes plus tard, la voiture démarrait.
Bien sûr, sa mère avait insisté pour l'accompagner. Le trajet avait donc été ponctué d'interminables éloges sur Émilie, si jeune et ayant déjà tant d'une petite demoiselle. Parfois, elle s'arrêtait et semblait se plonger dans une intense réflexion. Émilie craignait qu'elle ne soit entrain de réfléchir à ce dont elle pourrait parler avec les autres mères. Elle ne voulait pas lui faire de peine, mais il y avait de grandes chances qu'elle soit l'une des seule présente : la plupart des petits riches étaient simplement déposés, parfois même non pas par leurs parents mais par le chauffeur de la famille.
Effectivement, arrivées devant l'immense portail du lycée, sa mère se rendit compte qu'elle était presque seule. Un moment désemparée, elle dépêcha sa fille vers l'entrée puis se dirigea vers les quelques mères présentes, sans un mot d'encouragement pour sa fille. Pas qu’Émilie en aurait voulu un, d'ailleurs.
Elle se faufila jusqu'au hall d'entrée où certains élèves s'affairaient devant les panneaux d'affichage, pendant que d'autres attendaient adossés à l'un des murs de la pièce hexagonale. Elle reconnut quelques personnes de son ancien collège, parfois dans un rôle qu'elle n'aurait pas soupçonné : certains, se la jouant l'année dernière, avaient trouvé plus fort qu'eux. Parfois, une hiérarchie semblait même s'être déjà mise en place. Ainsi, les dominants et dominés étaient décidés dès la rentrée.
Perdue au milieu de cette foule et ne sachant trop que faire, Émilie eut envie de retourner auprès de sa mère. Mais elle devait être forte. Heureusement, très vite, une dame vint la voir - une quarantaine d'année, cheveux longs et blonds, lisses, esquissant un grand sourire - pour lui demander si elle était nouvelle et si elle avait les papiers d'inscriptions. Émilie les sortit, et la dame décida de l'emmener jusqu'à sa salle car celle-ci se trouvait loin.
Lorsqu'elles sortirent du premier bâtiment, elles débouchèrent dans un long couloir qui traversait plusieurs autres bâtiments. De part et d'autres de celui-ci, Émilie aperçut de petits jardins sur différents thèmes. L'un d'eux attira son attention : ambiance tropicale avec une sorte d'oasis au centre, un drôle d'oiseaux volant d'un petit palmier à un autre et le tout surmonté d'une haute verrière. Même si elle avait quinze ans, Émilie conservait au fond d'elle une admiration béate de petite enfant, qu'elle tentait cependant de réprimer. Pour faire plus adulte et plus sérieuse. Finalement, elles sortirent du couloir. Là, un parc immense attendait qu'Émilie le dévore des yeux.
« C'est la cours intérieur. Où tu passeras la plupart de ton temps libre, si tu es comme les autres élèves... Sinon, elle pointa un escalier en colimaçon derrière elles, tu pourras trouver le CDI par ici… Continuons, ta salle est dans ce bâtiment, sur la droite. »
Émilie n'ouvrait pas la bouche. Elle contemplait silencieusement les différentes espèces végétales qui poussaient dans la cours à ciel ouvert. Le site internet du lycée ne plaisantait pas : La somme à payer pour entrer était exorbitante mais la beauté des lieux compensait déjà en partie ce que les parents devaient débourser. Passant derrière une autre haie, la dame de l'accueil la fit entrer dans un bâtiment rectangulaire. Sur les vingt-huit élèves prévus, seuls douze étaient déjà là, sans compter Émilie. Elle en reconnut huit, dont six étaient dans sa classe l'an passé. Ceux-ci arrêtèrent leurs discussions et la fixèrent. Elle devrait les supporter une année de plus…
Elle se tourna vers la dame et la remercia, avant d'entre dans la salle. Trois groupes s'étaient déjà formés : dans un coin, quatre filles caquetaient, visiblement pressées de discuter de toutes les manucures qu'elles avaient pu faire dans l'été, ou quelques autres sujets du genre. Celle qui parlait le plus fort, tentant vainement d'accaparer l'attention des autres, était la petite chipie de sa classe de troisième, Virginie, accompagnée comme à l'accoutumée de son assistante personnelle, comme aimait le penser Émilie (et, du reste, une bonne partie de la classe de troisième). Seule cette dernière écoutait Virginie : les deux autres semblaient se connaître et n'avoir aucun intérêt pour les nouvelles, de sorte que la discussion ressemblait plus à un monologue accompagné d'un dialogue. La petite peste avait trouvé plus gros poisson qu'elle en arrivant dans le grand bassin, ce qui réjouit Émilie. Elle espionna un temps leurs discussions, jusqu'à ce qu'elles abordent la question garçon.
En parlant de garçons, Stéphane et sa bande se trouvaient au coin opposé de celui des filles, discutant ouvertement de celles-ci ainsi que des autres qu'ils avaient croisés en arrivant.
Leur look avait changé durant les vacances, certainement dans l'espoir de faire plus adultes : cheveux en bataille, chaîne pseudo-discrète qui pendait sur le torse, lequel était révélé par l'ouverture d'une chemise blanche, elle même recouverte d'une veste en simili-cuir. Les goûts d’Émilie n'étaient peut-être pas extraordinaires, mais elle trouvait ça moche, atrocement moche, de sorte qu'elle ne s'approcha même pas d'eux.
Enfin, elle s'intéressa au troisième groupe, constituait de cinq futurs labels intellos que l'on pouvait retrouver sur les deux premiers rangs. Ils ne se mélangeaient pas aux autres ni même entre eux, de sorte qu'il était difficile de véritablement parler de groupe. Aucun bruit ne venait de leur côté, et comme elle ne voulait se mêler à aucun des deux deux autres groupes, elle décida de se mettre au second rang, derrière un garçon pâle qui avait de toute évidence tenté de se mettre au goût du jour au niveau vestimentaire. Il était sûrement arrivé très en avance pour essayer de s'intégrer au groupe des garçons, réalisant très vite qu'ils ne voudraient pas de lui.
Elle fut prise d'une certaine sympathie pour ce garçon et décida d'essayer de lui parler. Ayant peur de le déranger, elle tapota juste doucement sur son épaule. Levant le nez de son bouquin de maths, il se retourna. Quand il vit Émilie, il rougit un peu et elle vit que ses mains tremblotaient un peu. Eh bien, faisait-elle peur à ce point ? Ou bien, le garçon était juste extrêmement timide. Ou autre chose. Peut-être un peu des trois ? Émilie s'en fichait. Mais elle ne voulait pas trop le gêner, et sans y réfléchir, elle ne lança que quelques mots :
« Soyons amis, d'accord? »
Elle le vit rougir encore plus, acquiescer lentement de la tête, puis se retourner et se replonger dans son livre d'algèbre. Un drôle de spécimen, aux yeux d'Émilie, qui semblait si timide qu'il était difficile d'imaginer qu'il ait pu tenter de s'intégrer au groupe des garçons. Elle sourit, puis voyant une marée d'élèves arriver, compris que le professeur principal entrait. Elle se leva, prête pour le début d'une nouvelle année.
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Et voilà !
Les autres chapitres ont subis des modifications très mineures... Mais pas besoin d'aller vérifier, je suis pas certain qu'on voit quoi que ce soit !
Enjoy! |