Encore un mercredi après-midi, suite à son cours d’escrime et après s’être avancé dans ses devoirs, Max s’adonnait à l’une de ses passions, l’écriture. A ce moment là, il s’inventait une nouvelle dans laquelle se croisait romance, café-cigarette, errance vagabonde d’un SDF quadragénaire et concert de jazz avec comme décors Rome et son vieux centre, une sorte d’hommage à Jack Kerouac. Il ne vit pas les aiguilles de l’horloge défiler. Lorsque quelqu’un frappa à sa porte, il n’entendit rien, lassait d’attendre Théo entrait sans dérangement.
- Tiens qu’est ce que tu fais là, t’es pas en entraînement ?
- Non c’est annulé ! Il pleut trop et le terrain c’est un vrai merdier à se casser la gueule. J’ai préféré venir te voir, ça te dérange ? Mais oui, je vois ça encore à écrire une histoire de cul ! T’en as pas marre de fantasmer comme un pervers. Va plutôt sortir avec quelqu’un, c’est pas comme si tu étais moche et stupide, t’as aucune excuse. Allez viens avec moi on va allez voir de belles filles…
- Holà ! Holà Don Juan, arrêtes toi tout de suite. Tu sais très bien que je suis pas du tout intéressé par tes copines. M’entraîne pas dans tes plans foireux et puis de toute façon j’ai pas le temps… j’étais, contrairement à ce que tu crois, en plein délire créatif. Je suis dans une super histoire sans queue ni tête. Du pur délire…
Théo écoutait à peine la litanie de son copain, se mettant à prospecter le bureau et profitant que son ami était en pleine concentration, prit en main un cahier dissimulé sous un tas de livre, le feuilleta rapidement pour s’arrêter presque aussitôt.
- Espèce de vil cachotier ! Il y a pas que ça que tu fais, je vois que tu écris aussi des chansons.
Max coupé sec, marqua un temps d’arrêt pour déglutir péniblement, une fois chose faite se précipita de sa chaise en direction de Théo pour lui reprendre violemment ledit cahier.
- Arrêtes ça, c’est personnel, j’ai pas envie de le partager, pas pour le moment en tout cas et surtout pas avec une fouine de ton espèce.
- Comme si t’avais des choses à me cacher, depuis le temps qu’on se connaît.
- Justement on grandit et on change, aujourd’hui j’ai mon jardin secret, et je te remercierai assez de le respecter.
- Ouh comme tu t’y prends, ok ok pardon, je voulais pas te fâcher, c’est juste que j’aimerais assez, que tu me fasses écouter…
- … Un jour peut-être… Quand tu seras prêt peut-être. Bon sinon on fait quoi ?
- Je sais pas trop, tu m’as tout embrouillé maintenant. Max se mit à sourire, puis franchement à rire. Suivi de Théo, une joyeuse partie de rigolade s’en suivi.
- Pas étonnant avec ta tête de linotte. Bon sinon t’as faim ?
- Non en fait pas vraiment, je me disais que sinon on pouvait aller se baigner, j’ai apporté mon maillot.
- Ça me tenterait bien, seulement je commence à m’enrhumer, alors voici ce que je te propose, allons plutôt faire une partie d'échecs.
- Alors on va chez moi si je comprends bien ?
- Tout juste.
- Let’s go. Mais si tu perds tu m’accompagnes samedi soir à la soirée de Clémence, d’accord ?
- Pourquoi tu veux à tout pris me traîner dans ce genre de truc ! Tu sais bien que ces plans me branchent autant que de subir un toucher rectal. Je suis sûr en plus que c’est uniquement dans le but de me caser avec l’une de ces filles dont je ne connais même pas le nom et dont je me fiche éperdument.
- Allez tu me charries, arrête de jouer à l’autiste de base ! Tu vas pas dire que depuis Sarah, t’as fait une croix sur les filles quand même ?
- Non bien sûr, mais je ne pense pas que je sois prêt pour ça, je suis pas comme toi moi, je ne cherche pas à collectionner les belles minettes. Sachant pertinemment que ce qu'il disait était faux, Théo ne collectionnait pas les conquêtes, en fait il était autant célibataire que lui, même s'il ne dédaignait pas de flirter avec ses nombreuses prétendantes.
- C’est vrai que toi ce qui te branche c’est plutôt les filles sulfureuses comme Eva Green. Bref les femmes fatales. Dans ce cas, c’est sûr je ne peux rien pour toi mon vieux, j’ai pas ça sous la main.
- Voilà t’as tout à fait raison, présentes moi Eva et j’y réfléchirai peut-être…
- Bon en attendant tu viendras ou pas à cette fête ?
- Je sais pas, j’ai pas très envie, en plus je ne connais pratiquement personne.
- Et à qui la faute ?
- T’as décidé de me faire chier longtemps comme ça ? Dit-il en souriant.
- Jusqu’à ce que tu me dises oui et tu sais que j’obtiens toujours ce que je désire.
- Je le sais que trop bien.
- Arrêtes de soupirer et dépêches toi de venir prendre ta raclée.
- Bon attends faut quand même que j'enregistre mon brouillon.
- Je t’attendrai en bas.
Théo patientait tranquillement sur la terrasse lorsque Déborah la mère de Max apparut parée de son plus doux sourire.
- Alors Titi, tu ne joue pas aujourd’hui ?
- Ah non, pas aujourd’hui, j’ai préféré venir t’enlever Max, tel Roméo qui enlèverai Juliette… Rétorqua-t-il plein de trémolo dans la voix et accompagnant la parole aux gestes exagérément ridicules.
- C’est vrai que vous formez un très beau couple, j’attends les enfants avec impatience. Se pâma-t-elle en réponse.
Ils se mirent à rire en cœur. Puis Déborah salua Théo, car elle devait encore passer récupérer des classeurs qu'elle était revenue chercher, concernant l’affaire qu’elle plaiderait la semaine d’après, et dont elle peaufinait les derniers détails.
- Bon qu’est ce que tu glandes comme ça à regarder les nuages. Nargua Max en arrivant derrière son ami et se plantant au dessus de son visage.
- J’attendais sa Majesté des mouches, ducon ! Bon t’es prêts ? On y va.
Ils marchèrent et au bout de cinq minutes à peine, arrivèrent chez Théo et s'installèrent sur la table du salon de ce dernier.
Les voilà qui aussitôt commencèrent leur partie. Le jeu durant un peu plus de deux heure, se terminant par un échec et mat en faveur de à Théo. Au grand damne de Max, il irait donc à cette soirée.
Samedi soir 19h00, Théo était chez Max. Celui-ci encore dans sa chambre, ne savait trop quoi porter pour ce genre d’occasion. Ça faisait tellement longtemps qu’il n’y avait plus participé se disait-t-il, depuis plus d’un an déjà en fait. Théo entra sans frapper à son habitude, ce qui fit tressauter son ami.
- Putain merde Théo, tu pourrais au moins prévenir quoi !
- Me dis pas que t’es pas encore prêt, t’es pire qu’une gonzesse ma parole !
- Arrêtes de m’emmerder, je sais juste pas quoi me mettre…
En fouillant dans l’armoire de Max
- Tiens ce pantalon noir avec cette chemise ça fera l’affaire.
- C’est pas un peu conventionnel ?
- Attends tu ne te rends pas non plus à une Garden Party mon gars, c’est juste une fête entre pote.
- Bon je te suis, après tout tu t’y connais mieux que moi.
- Vrai ! Par contre je vois que tu sens bon, ou devrais-je dire je sens que tu sens différemment.
- Oui c’est Julie qui vient de m’offrir ce parfum, t’aimes ?
- Ah la chance d’avoir une sœur aussi attentionnée…
- Bon sur ce on n’est pas en retard ?
- Bordel mais t’as raison il est déjà et demi.
Vingt minutes plus tard, à la soirée. Vue d’ensemble, de partout des adolescents, plus ou moins là pour la même chose, plus ou moins à se draguer et surtout plus ou moins beurrés déjà. Max et Théo se sont séparés à l’approche plutôt offensive des groupies de Théo. Max ne supportant pas ce jeu, sortit prendre l’air et accessoirement fumer une clope voire deux. Quand Jean et David, deux potes de Théo vinrent à sa rencontre pour se disputer le bout de gras.
Jean – Ben tiens que voyons nous là David ? Ça alors, mais ne serait-ce pas notre ami Monsieur l’homme de l’ombre qui nous gratifierais de sa présence, que nous vaut cet insigne honneur ?
Max – Ah oui…Ok en fait j’ai perdu un pari voilà tout. très agaçé par le ton ironique de ce Jean-Foutre
David – T’entends ça mon vieux, il a perdu un pari et du coup il daigne se mêler à nous autres les gueux ?
Jean et David se mirent à rirent d’un rire gras et sonore, de ce rire de connivence qui n’appartient qu’aux amis de beuveries. Mais au demeurant ils n’étaient pas de mauvais bougres.
Max – Bon les gars si c’est pour me faire chambrer, je préfère encore me casser.
Jean – Mais non mon vieux, on plaisante voyons ! Ça fait plaisir de voir ta frimousse dans des soirées c’est tellement rare. C’est tout, et vu que tu causes pas beaucoup au bahut, enfin je veux dire à part avec Théo bien sûr, on s’est dit qu’on pouvait peut-être parvenir à te déniaiser un peu.
David – Entends bien mon copain, il est peut-être bien rond comme une queue de pelle, mais il dit pas que des conneries.
Max – Non, mais j’ai rien contre vous, ni contre personne du lycée d’ailleurs mais j’ai juste rien à dire.
Jean – Et à Théo par contre si ?
Max – Théo c’est différent, on se connaît depuis longtemps. Il a toujours su me parler et avec lui j’ai des choses à dire.
David – Nous autre par contre on est soit trop cons soit trop ... cons, en somme, c’est à peu près ça si je résume ta pensée.
Max – Mais non c’est pas ça, mais…
Jean – Allez laisses tomber, on en a rien à battre que tu ne veuille pas nous parler, on s’en fout même assez, on cherchait juste à savoir ce que Théo pouvait bien foutre avec toi, et pour le moment on comprend toujours pas. Bon allez bonne soirée chez les nuls, nous on se tire, tu viens mon fidèle destrier ?
David – Ouais allez ciao. Puis se désinteressant totallement de Max Quoi comment ça ton destrier ! Et puis quoi encore, j’suis pas un canasson, tu t’imagines peut-être que tu vas simplement laisser sous entendre que tu peux me chevaucher comme ça et croire que je vais la fermer?
Jean – Ah mon petit David, si tu savais comme pourtant tu ferrais une excellente monture à mâter, à monter et à faire hennir même! Soutint-il aussi salace qu’il put, ponctuant sa phrase d’un rire graveleux et les deux jeunes hommes continuèrent leur dispute en marchant pour rejoindre un groupe de fille qu’ils espéraient bien arriver à se faire...
Max – Ouais… c’est ça bonne soirée aussi…
Max se disait en lui-même qu’il était quand même bien un sombre crétin de passer pour une personne si autiste auprès de tous comme n’arrêter pas de lui reprocher Théo et se demanda aussi ce que pouvait bien lui trouver son ami. Pour oublier ses questionnements et ses reproches à lui-même, il alluma clope sur clopes tout en fixant le ciel sans le regarder vraiment. Pour se décoincer un peu il alla même jusqu’à boire quelques verres de bière, lui qui ne se laissait jamais allé à ce genre de choses. Mais se disait-il que puisqu’il était déjà à cette soirée alors il fallait au moins essayer d’en profiter du mieux qu’il le pouvait, faire au moins bonne figure ou tout du moins tenter de faire comme la masse pour mieux se faire oublier d’elle. Il essayait aussi de repérer des filles qui pourraient lui plaire, mais rien, aucunes brunes incendiaires dans le coin. Tant mieux se rassura-t-il, car de toute façon ce genre de filles avaient en général déjà un copain et de copain on ne peut plus viril qui plus est, du genre costaud et bête à manger du foin. Donc pas de filles, pas de copains qui lui casseraient la gueule dans le cas où il la regarderait d’un peu trop près sa nana pour prouver que Tarzan règne sans partage sur sa Jane. L’image le fit sourire. Et puis de toute façon, puisqu’il n’y avait aucunes filles à son goût et que Théo ne montrerait pas le bout de son nez de la soirée, il valait mieux pour lui de se bourrer la gueule comme tout les autres cas désespérés de la fête afin de faire passer un peu plus vite cette soirée dénuée d’intérêt.
Accoudé à la rambarde de la terrasse de Clémence, Max ne vit pas Théo arriver derrière lui, c’est pourquoi il fut assez surpris quand une main vint se poser sur son épaule.
Théo – Ben alors on s’emmerde tant que ça ?
- C’est le moins que l’on puisse dire en effet. Je t’avais pourtant dis que c’était pas ma tasse de thé ce genre de soirée.
- Moui, mais aussi t’y mets pas du tien, tu t’y prends comme un manche ! Tu danses pas, tu parles à personne et tu reste seul dans l’ombre de cette terrasse. Tu sais pas combien de temps j’ai mis à te chercher avant de te trouver. T’es un drôle d’oiseau de nuit toi quand même…
- Et tes copines tu les as quittées ?
- Elles me gonflaient trop, et puis tu sais bien que je n’aime que toi ?
- Putain t’es vraiment pas marrant ce soir et puis de toute façon je suis bien trop bourré pour ça.
- Que veux-tu, te voir dans ce clair de lune me donne envie de te rouler une pelle…
L’espace d’un instant Max croyait vraiment en ce qu’il venait d’entendre et ça le troubla, il espérait que Théo n’ait rien remarqué.
- Si tu le penses vraiment c’est que je suis pas le seul à avoir trop bu.
- Quoi c’est tout ce que tu as à me répondre, je viens de te dire que j’avais envie de t’embrasser, vraiment et toi tu me réponds juste ça.
- Arrêtes c’est vraiment plus drôle là, ça l’était déjà pas beaucoup avant, mais maintenant ça devient lourd.
- Bon sinon tu décides quoi ? Tu restes planté là comme un con ou tu me suis et on va s’éclater sur la piste ?
- Non je sais pas, je me tâte car comme tu le sais, avec mon légendaire déhanché de latin lover j'ai peur de faire graviter le reste du monde autour de moi. Je vais passer pour un con quoi. Non franchement vas y seul.
- M’est d’avis que tu passes déjà pour un con sans avoir à le démontrer sur une piste, alors tu n’as rien à perdre.
- Voilà de quoi me donner envie de te suivre…
- Allez arrêtes et viens, sinon je te vole un baiser sur cette romantique petite alcôve…
- Bordel Théo c’est quoi ce nouveau truc que t’as trouvé pour me gonfler, si t’avais envie d’être plus insupportable ce soir, tu n’aurais pas trouvé pire méthode !
- Ce qu’on est rabat-joie ce soir, t’as l’alcool mauvais tu sais.
Et ne voulant en entendre plus, Théo le pris par le bras pour le forcer à le suivre en direction de la musique. Il préférait pour l’heure taire son pincement au cœur et réfléchir à cet échec cuisant plus tard. Enfin qu’espérait-il après tout ? Que Max partagerait son désir ? C’était encore un autre rêve qu’il allait falloir oublier encore, et pourtant il avait espérer qu’une fois avoué…Peut-être ? Peut-être que son trouble aurait trouvé un écho en Max, lui qu’il avait appris à le voir différemment ces derniers temps. Théo en avait était lui-même bien choqué au début, se demandant pourquoi avait-il aussi besoin de le voir, de lui dérober des moments d’intimité, d'être un peu plus tactiles et de voler des images de la chaire si déconcertante de son ami de toujours. Ainsi fomentait-il des plans aux apparences innocents afin de profiter de la vue du corps de son troublant confident, comme les initiatives de les faire se baigner dans la piscine de Max et de se battre amicalement avec lui dans l’eau afin de toucher sa peau sans qu’il ne puisse rien y déceler de bizarre. Malgré ces tentatives, il se rendit compte bien vite il lui en fallait plus, il lui fallait goûter à ses lèvres mais par peur d’un rejet brutal, il avait eut l’idée de cette soirée comme prétexte. Il allait avouer à Max qu’il avait envie de l’embrasser. Et s’il refusait, il se disait qu’il pourrait toujours prendre comme excuse le fait d’être bourré (alors qu’il ne l’était absolument pas) et d’avoir voulu lui faire une blague de mauvais goût pour sauver les apparences quand les reproches tomberaient comme un couperet sur sa tête. C’est pourquoi il avait laisser Max seul durant la soirée, pour d’une part se donner du courage, et d’autre part lui faire croire qu’il avait bu énormément en se faisant draguer par cette horde de groupies insupportables qui le suivaient partout où il se rendait sans lui laisser de répits. Pourtant il avait gardé un œil sur son ami toute la soirée, c’est pourquoi quand il l’avait vu se faire taquiner par ces primates de Jean et David et après l’avoir surpris à s’alcooliser se disait-il qu’il fallait qu’il le rejoigne, que c’était le moment. Bien évidemment son idée d’un premier baiser romantique donné sur une terrasse un soir de pleine lune s’était écrasée au sol tel Icare. Bien puisque le fait se dessinait enfin sous ses yeux, il allait arrêter de fantasmer sur Max et se forcer à reprendre leur relation amicale comme avant. Qu’il fallait au moins qu’il continue à donner le change, car plus que tout il voulait garder Max dans sa vie et s’il fallait qu’il soit juste cet ami qu’il était, alors ça lui convenait quand même. Plutôt cette situation frustrante que de perdre cet être si cher à son cœur à cause de sentiments non partagés. Il allait faire face, donner le change et peut-être qu’un jour ça lui passerait. Que bien plus tard il rirait de cette situation avec Max en lui avant son trouble de l’époque. Que comme beaucoup le disait c’était une chose qui arrivait souvent pour les adolescents de son âge et qu’une fois l’étape passée, ces sentiments lui passeraient pour le reste de sa vie. Il l’espérait aussi fort que possible, que sa douleur d’aujourd’hui disparaisse vite, que son cœur se rétablisse encore plus rapidement. Ce serait là la preuve que ce n’était qu’une passade, une malheureuse mais si commune passade.
Alors il emmena Max sur la piste et le força à danser, bien maladroitement reconnût-il. Mais une fois les premières gènes passées, Max se donna plus librement et se mua rapidement en une créature superbe et toute honte bue, dansa avec une grâce que personne n’aurait cru possible chez cet étrange garçon roux. Une sorte d’émerveillement général gagna la piste, et comme si les filles le voyaient pour la première fois, découvrir un garçon au potentiel de séduction caché jusqu’alors. De plus en plus de midinettes s’attroupèrent autour de lui pour profiter de ce moment magique. Comme d’habitude Max ne remarqua pas ce soudain revirement de situation et se sentait juste un peu trop cogné par moment par des filles, pourtant la piste était assez grande pour ne pas avoir à se coller se disait-il. Heureux sont les ignorants, bientôt il allait vivre un véritable harcèlement de leur part. Mais pour le moment il ne s’en doutait pas encore alors continua-t-il de danser, pour faire plaisir à Théo avant tout et pour ne pas avoir à entendre ses reproches le lendemain, qui n’auraient pas manquées sinon, si d’aventure il s’était entêté à rester dans son coin encore.
Théo quant à lui, n’avait pas manqué de s’apercevoir de ce changement soudain dans l’air, de ces regards d’envie de ces filles aux désirs en girouette. Il en était écœuré et avait une furieuse envie de leur envoyer en pleine face que Max ne serait à aucune d’entre elles, qu’aucunes ne le méritait et que de toute façon il était le seul qu’il voulait dans sa vie. Bref une jalousie croissante grondait en lui. Il voulait dérober de la vue de toutes ces mijaurées son bel ami qui évidemment ne se doutait de rien. Il bouillonnait de rage et une étincelle mauvaise dans son esprit suffit à lui faire comprendre qu’il fallait qu’ils quittent la soirée, qu’il emmène Max loin de ces regards concupiscents. C’en était trop, alors pour la seconde fois de la soirée empoigna son ami par les bras, surprenant Max et le força à sortir de la piste.
Une fois seuls dehors,
- Bordel Théo mais quelle mouche t’as piqué, pourquoi tu m’as traîné comme ça loin de la piste, je croyais pourtant qu’il fallait qu’on danse ? Tu peux m’expliquer bon sang ?
- …
- Mais parle putain, qu’est-ce qu’il y a enfin ?
- Rien Max, rien, c’est juste que je suis fatigué et j’ai envie de rentrer. Comme on ne peut pas parler là-bas, je ne pouvais pas te le dire c’est pourquoi je t’ai amené ici, voilà tout. Puis je me disais que j’étais égoïste, que ça t’emmerde vraiment cette soirée et qu’il fallait que j’arrête de te forcer à faire quelque chose que tu n’aimes pas.
- Et bien détrompes toi, finalement je commençais à m’amuser. Tu sais c’est vrai que quand on ne regarde personne, on ne voit pas les gens nous dévisager et du coup on est plus libre d’agir. C’était assez libérateur en fait. Dis tu crois que je me suis trop ridiculisé en dansant ?
- Non Max tu ne t’es pas ridiculisé rassures-toi. Mais je suis vraiment fatigué, je ne voudrais pas te forcer à rentrer tu sais…
- C’est bon je te suis, je me suis amusé c’est vrai, mais comme on dit les plaisirs les plus courts sont les meilleurs. Bon on y va ?
- Oui…On y va. Il regarda une dernière fois en direction de la piste et ne se surpris pas à voir derrière les vitres les mêmes idiotes les suivre du regard. Il avait envie de leur faire un doigt d’honneur mais se contint. Ils partaient donc à pied, comme ils étaient venus et mirent plus d’une demi-heure pour le retour dû à leur état. Max ne comprenait pas pourquoi Théo restait si silencieux et si renfermait durant leur trajet alors il se disait que son ami devait vraiment être fatigué ainsi n’insista-t-il pas. Arrivé devant la maison de Max, Théo se contenta d’un rapide au revoir puis alla à sa maison.
Ce n’est seulement dans l’intimité de sa chambre, après s’être sommairement nettoyé, qu’il se laissa à l’analyse de cette soirée qui devenait la pire idée qu’il ait eut. Il se doutait que cette horde de filles en chaleur n’allaient pas en rester là, bien qu’elles soient pour la plupart bête comme leurs pieds, il savait qu’une fois qu’elles repéraient une proie elles ne la laisseraient pas s’échapper comme ça, telles des lionnes dans la savane, ou plutôt comme des hyènes, cette image étaient plus à même de les représenter. Lui savait les envoyer paitre sans problème, mais Max, son Max, son si innocent et embarrassé Max, comment allait-il réagir ? Lui qui se cambre sec dès que quelqu’un essaye de faire une tentative de rapprochement un peu trop poussé pour lui. Sa bulle privée n’a était par le passé éclatée que pour accueillir une seule personne, lui-même Théo et il fallait qu’il le concède, ça ne s’est fait qu’à l’usure.
Car déjà petit, Max n’aimait rien de plus que de rester seul avec ses livres et ses pensés dans l’ombre d’un arbre, loin des agitations des cours de recrée. De plus déjà du fait du décalage d’âge qu’il avait avec ses camarades de classe, et immatures et cruels comme on peut l’être à cet âge là, de toute façon personne ne faisait en sorte de l’intégrer à leur jeu. C’est pourquoi fut-il surpris à la rentrée de classe suivante quand un garçon vint lui demander la permission de s’assoir à ses cotés sous l’arbre. Il l’avait vu brièvement car il était un nouveau dans sa classe cette année. Pourtant il avait remarqué que contrairement à la plupart des nouveaux il s’était vite fait accepter par ses camarades, c’est vrai qu’il était souriant et de bonne humeur, alors que lui petit roux qu’il était ne souriait que très peu. Ainsi quand Théo lui demanda une place à ses coté à l’ombre de son arbre qui n’accueillait jamais que Max lui-même, il ne su quoi répondre. Alors uniquement par politesse il acquiesça et repris vite sa lecture.
Théo – Tu lis quoi dis ?
- Rien, juste un roman.
- Ah oui et lequel ?
- A la croisée de mondes…
- Ah oui de Philipp Pullman, il est génial
- Pardon tu connais ?
- Ben oui pourquoi ? Ma tante me l’a offert cet été et j’ai lu toute l’œuvre du coup. Enfin bon je préfère quand même Le seigneur des anneaux.
- Ah non je ne suis pas d’accord, on ne peut pas comparer c’est différent, moi je trouve que l’univers de Pullman est plus riche que celui de Tolkien. S’emporta-t-il presque.
- Si tu veux, je n’voulais pas te froisser tu sais.
- Mais non tu ne…non pas du tout…enfin je veux dire… Bégaya l’enfant maladroitement.
- Tu sais je trouvais bizarre que tu restes là au lieu de venir jouer avec au ballon, mais en fait je te comprends, c’est vrai que lire c’est bien aussi.
- Ah ? Ah merci…
- J’ai l’impression que tu es souvent seul ? Pourquoi ?
- Ben j’sais pas, c’est comme ça, j’aime bien c’est tout.
- Alors tu veux que je te laisse tranquille ?
- Non, non pas du tout, tu peux rester…si tu veux.
- Merci, tu sais je t’aime beaucoup.
- M…merci…
- Tu veux bien qu’on soit ami ?
- Euh tu sais j’ai pas beaucoup d’amis moi ?
- Oh d’accord, dans ce cas je n’insisterai pas…
- Non attends c’est pas ce que je voulais dire… Oui je veux bien qu’on soit ami.
- C’est vrai ? Vraiment vrai ?
- Ou… oui
- Ah je suis content, je suis content que tu veuilles bien devenir mon ami. J’ai tout de suite su que tu étais différent, d’ailleurs les autres me l’ont dit.
- Ah… oui peut-être…c’est vrai.
- C’est pour ça que je veux que tu sois mon ami, tu seras mon ami bizarre à moi rien qu’à moi et tant pis si les autres t’aimes pas. Moi je t’aimerai longtemps, aussi longtemps que la vie.
Le jeune Max était vraiment très bouleversé par ces aveux, par cette rencontre si étrange et par ce garçon si déconcertant, si différent des autres. Un garçon de son âge qui comme lui lisait des romans, un garçon qui parlait si étrangement. Un garçon qui le voulait lui pour ami. C’était tellement nouveau pour lui. Alors pourquoi ne pas essayer, il n’avait jamais eut d’ami avant et pourtant quand il lisait les relations d’amitiés dans ses romans, il avait envie d’y croire. Pourtant il restait encore sur ses réserves. Il ne parlait pas beaucoup, la plupart du temps c’était Théo qui le faisait, un peu seul d’ailleurs, il ne lui répondait que brièvement et un peu froidement. Il avait tout simplement peur, peur de perdre quelque chose qu’il n’avait jamais demandé, mais sitôt offert il avait peur de se le faire retirer, alors bizarrement il agissait avec Théo avec plus de froideur chaque fois qu’il essayait de se rapprocher de son ami. Il refusait de venir chez Théo quand ce dernier l’invitait. Refusait de lui prêter ses livres tant chéris, ses seuls amis d’avant. Puis à force d’acharnement, Théo réussit à faire céder petit à petit les barrières de défense de Max et à gagner pleinement sa confiance. Ils grandirent en étant les confidents les plus attachés, consolidant chaque jour la force de leur amitié. |