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Morsure de l'âme
Par Elerynna
Originales  -  Romance/Surnaturel  -  fr
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    Chapitre 1     1 Review    
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Titre : Morsure de l'âme

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NDA : Cette nouvelle m'appartient totalement et est soumise à la licence Creative Commons. Aucun plagiat n'est accepté.

____________________________________

Plaine de Kinvara – Irlande – fin septembre 1471

Le soleil dardait ses rayons sur les belles plaines qui entouraient la ville d’Ennis1 . Faisant briller les gouttelettes de rosées qui s’accrochaient encore sur les brins d’herbe. Des roches s’élevaient vers le ciel, offrant un peu d’ombre aux animaux qui paissaient là durant la journée. Les oiseaux s’envolèrent, battant des ailes afin d’échapper à l’intrus qui avançait lentement.
Un jeune homme blond, habiller de vêtements mités et déchirés par endroits marchait faiblement dans la prairie. De sa manche sali, il essuya la transpiration qui glissait sur son front. Au loin, il aperçut un rocher suffisamment grand et large pour lui offrir une cache afin de se protéger des rayons du soleil. Il se laissa glisser contre la paroi inégale arrachant un peu plus sa chemise brune.

— Mince !

Le grognement était rauque par le manque d’hydratation de sa gorge. Fermant les yeux, il se rappelait ses derniers jours dans son village. Il avait vécu toute son enfance à Kinvara2 , pourtant ce n’était plus son village. Sa différence avait été rejetée par tous les villageois. Personne ne savait pour son empathie, pourtant, alors qu’il sentait la colère de certains, il restait souvent cacher chez ses parents. Mais lorsque, pendant la grande fête du village, il avait senti la peur, la rage de certains, cela avait été tellement fort et brutal qu’il s’était évanoui, en plein milieu des villageois. Apparemment, il avait déliré, parlant de tout et de rien, révélant ce que certains cachaient au fond d’eux, il avait tout dit sans qu’il n’en prenne conscience, et cela lui avait été fatal. La sentence était tombée deux jours plus tard. Il était renvoyé du village et avait interdiction d’y retourner. Ses parents avaient voulu s’y opposer, mais le chef leur avait demandé de ne pas s’opposer s’ils ne voulaient pas être exilés à leurs tours.

Lathan leur avait demandé de ne rien faire, de rester au village. Leur âge ne leur permettait pas cela. Il les avait rassurés en leur disant qu’il irait vivre dans un autre village. La séparation avait été très dure, sa mère n’arrivant pas à admettre qu’elle allait perdre l’un de ses fils. Alors, le jeune homme, cadet de sa famille, était parti dans la nuit, pour ne pas voir le visage ravagé par la terreur de sa mère.

Et maintenant il était là, dans les prairies qui bordaient la côte ouest de l’Irlande. Levant ses yeux bleus ardoise vers le ciel, il vit apparaitre de gros nuages venant de l’océan. Il comprit rapidement qu’il devait se trouver un abri. Il allait pleuvoir, il le savait. Posant son paquetage près de lui, il en sortit une gourde d’eau, s’hydratant par petite gorgée pour en apprécier le moment. Un grondement le fit sursauter alors qu’il allait s’endormir à même le sol. Le soleil s’était caché et le vent soufflait de plus en plus.

Se levant difficilement, car ses jambes commençaient à le faire souffrir, Lathan se mit en marche vers le petit abri qu’il avait aperçu plus loin dans les terres. Il savait qu’il pouvait s’y réfugier et être à l’abri du vent, de la pluie et des éclairs. Alors qu’il marchait, il constata que les oiseaux avaient cessé de chanter, les animaux s’étaient cachés, comme lui le faisait en s’éloignant de l’océan. L’orage approchait rapidement, les nuages s’amoncelaient au dessus de lui. Un éclair le stoppa. Il venait de trancher et d’enflammer l’un des seuls arbres qui trônaient au milieu de toute cette étendue plane. Lathan resta pétrifié pendant quelques secondes, jusqu’à ce que le grondement sourd retentisse autour de lui. Cela déclencha son geste et il se mit à courir. Il aperçut au loin la petite cabane en pierre qui l’abriterait. La pluie s’abattit sur lui comme un jet brutal, les gouttes glaciales lui frappaient le visage.

La porte de l’abri était en morceau lorsqu’il arriva. Lathan s’engouffra à l’intérieur pour échapper à la pluie. C’était une pièce unique, même pas assez haute pour qu’il tienne debout. Un abri pour animaux certainement, pensa-t-il. Le sol était plein d’herbe et de morceaux de bois provenant de la porte cassé. Il n’y avait qu’une petite lucarne, d’une vingtaine de centimètres de largeur et pas beaucoup plus haute. Les pierres qui constituaient les murs commençaient à tomber. Cet endroit n’était plus utilisé depuis bien longtemps.

S’installant dans le coin le moins abimé, Lathan remonta ses jambes contre son corps et les entoura de ses bras pour garder un peu de chaleur. Il entendait sa pluie s’abattre sur le petit toit en chaume. L’orage était à présent au dessus de lui et chaque éclair le faisait sursauter. Plus le temps passait, et plus Lathan avait l’impression que l’orage avait décidé de rester au dessus de lui. Il réussit quand même à s’endormir, la fatigue s’étant abattue sur lui aussi sûrement qu’un coup sur la tête. Cela faisait tout de même quatre jours qu’il arpentait la plaine.

Il se réveilla en sursaut, grelotant et claquant des dents. Ouvrant doucement ses yeux, il s’aperçut que le temps était redevenu calme. Essayant de se calmer, Lathan posa sa main sur le sol pour se lever, mais il en fut incapable, il était trop faible pour faire le moindre geste. Il se résolut alors à se coucher correctement par terre en se positionnant en boule. Il avait froid, très froid, et aucun rayon de soleil ne semblait transpercer la barrière des nuages qu’il apercevait par la lucarne.

Son ventre se mit à gargouiller, la faim se faisait sentir. Mais ne pouvant se lever, il soupira et attrapa quelques brins d’herbe près de lui. Ce n’était pas le meilleur repas, mais cela lui donnerait l’impression d’avoir mangé un minimum. Il resta un long moment allongé, se demandant ce qu’il allait devenir, il n’avait rien pour se soigner, même pas une couverture. Depuis combien de temps était-il là ? Finalement, il s’endormit de nouveau ne sachant pas ce qui l’attendait quand il se réveillerait.

 

Plaine de Kinvara – Irlande – début octobre 1471


Une douce odeur de soupe envahit ses narines. Une odeur qu’il n’avait plus sentie depuis son départ de chez lui. Reprenant conscience avec la vie, Lathan se mit à percevoir son environnement. Un crépitement de bois, un bruit de cuillère dans un récipient, des pas lents qui passaient à côté de lui. Où était-il ?

— Je sais que tu es réveillé.

La voix près de lui était calme et douce. Il s’agissait d’un homme assez jeune au vu du son de sa voix. Lathan sentait qu’il pouvait avoir confiance, et c’est avec prudence qu’il ouvrit les yeux. Ceux-ci tombèrent sur un visage laiteux, mais fin, des joues un peu creusent. Lathan posa son regard sur la bouche fine souriante. Il remonta vers un nez fin puis tomba sur deux yeux mordorés.

— Comment vas-tu ?
— Je… me sens faible.
— C’est normal, cela fait déjà trois jours que je t’ai amené ici, mais cela faisait certainement déjà plusieurs jours que tu étais dans cet abri.

Lathan voulut se lever, mais il retomba lourdement, sentant en dessous de lui un matelas en plume recouvert de… laine ? Tournant son visage, il vit des peaux de mouton sous lui. Et sur lui reposait une couverture du même style. Deux mains se posèrent sur ses épaules et Lathan leva son regard vers celui bienveillant de l’homme qui l’avait trouvé.

— Je vais t’aider, fait doucement, ton corps c’est beaucoup affaibli.
— Comment… m’avez-vous retrouvé ?
— Je me promenais lorsque j’ai entendu un murmure. Quand je suis entré, tu étais frigorifié et tu parlais dans ton sommeil. Alors, je t’ai ramené ici pour te soigner.
— Merci…

L’homme l’aida à se relever, mais lorsque Lathan posa ses pieds au sol et qu’il essaya de se lever, ceux-ci se dérobèrent et il s’effondra contre son sauveur.

— Je vais te recoucher, tu es encore malade. Comment t’appelles-tu ?
— Lathan O’Kim
— Je suis Sil’Arn Reid.

C’était un prénom étrange, mais bizarrement cela allait très bien à l’homme. Lathan se recoucha correctement voyant Sil’Arn remonter la couverture sur lui. Il sentit une main douce se poser sur son front. Elle était grande, mais fine et chaleureuse.

— Je n’arrive pas à faire tomber ta fièvre. Je vais refaire un remède. Essaye de te reposer encore un peu. Je te ferais aussi une infusion de plante.

Soupirant, Lathan ferma les yeux tout en écoutant les bruits dans la pièce. C’était apaisant.

Lathan était seul dans la petite maison. Sil’Arn lui avait qu’il partait pour aller chercher de quoi manger et le soigner. Il ne comprenait pas pourquoi il ne guérissait pas. Sil’Arn lui avait fait boire diverses variétés d’infusion. Certaines étaient infectes, d’autres étaient bonnes, mais aucune n’avait d’effet sur lui, sauf le réchauffer un peu. Il restait cloué au lit, Sil’Arn l’obligeait de temps en temps à se lever pour faire quelques pas. Malgré les efforts de l’homme, Lathan se rendait compte de son état. En à peine deux semaines, il avait perdu beaucoup de kilos. Tellement qu’il se demandait à quoi il ressemblait à présent. Par moment, il mourrait de chaud, transpirant tellement qu’il fallait le changer toutes les demi-heures.

Dans ces moments-là, Lathan voyait le regard de Sil’Arn. Un regard où la peine et l’impuissance pouvaient se lire. Sil’Arn s’excusait et prenait soin de lui au mépris de ses propres besoins. Et justement, Lathan se mit à réfléchir. Sil’Arn faisait toujours à manger pour lui, mais jamais il ne l’avait vu se restaurer, ou très peu. Lorsque l’homme était à son chevet, il avait remarqué ses iris. Elle changeait parfois de couleur pour prendre une teinte plus foncée, un rouge foncé. Et quand cela arrivait, Sil’Arn était plus tendu, et finissait par quitter la maison quelques heures. Lorsqu’il revenait, Lathan voyait le changement, l’homme était plus détendu, plus calme, et ses iris avaient repris leur belle couleur.

Lathan se crispa. Tout cela le ramenait à une légende que l’on racontait dans son ancien village. Se rappelant les paroles, le jeune homme se retourna dans son lit pour regarder dehors. Et si finalement c’était vrai ? Après tout, tout concordait. Les iris qui changent de couleurs, l’attitude crispée, ses heures passées dehors pour ensuite revenir.

La porte s’ouvrit doucement, mais Lathan ne bougea pas. Il avait une drôle d’impression et il voulait connaitre la réponse. Il entendit Sil’Arn poser quelque chose sur la table, puis s’approcher de lui après avoir remis du bois dans l’âtre. Lathan sursauta en sentant la main froide se poser sur son front.

— Je sais que tu ne dors pas. Comment te sens-tu ? demanda l’homme d’une voix douce.
— J’ai froid et je me sens toujours aussi faible.
— J’ai trouvé d’autres plantes, je vais te préparer une infusion.

Avant que Lathan ne puisse répondre, Sil ‘Arn s’était levé et s’activait dans la cuisine. Le malade se retourna finalement pour le regarder faire. Même avec ses questions, il le trouvait très beau. Une beauté presque intemporelle.
Il était grand au moins une tête de plus que lui, ses cheveux noirs lui arrivaient au niveau des épaules larges, et ils semblaient très doux. Son corps était élancé, mais Lathan avait pu remarquer ses muscles bien dessinés. Mais la plupart du temps, ils étaient cachés par des vêtements amples. L’homme était réellement séduisant, et très attirant. Et Lathan le savait.

Sil’Arn s’approcha quelques minutes plus tard pour l’aider à s’asseoir. Il avait bien senti son regard posé sur lui. Il s’installa à ses côtés et passa un bras autour de son dos pour l’aider à tenir correctement pendant qu’il buvait l’infusion.

— Je suis désolé si ce n’est pas très bon…
— Ce n’est pas grave. Sil’Arn, je peux te poser une question ?
— Bien sûr.
— Je ne sais pas trop par quoi commencer à vrai dire.
— Et bien, commence par ce que tu veux.

Lathan but une nouvelle gorgée avant d’avoir le courage de prendre la parole. Il regardait la boisson, n’arrivant pas à lever ses yeux vers l’homme qui le soutenait.

— Cela fait des semaines maintenant que je suis ici et que tu essayes de me soigner. J’ai appris à te connaitre et j’ai remarqué certaines choses.
— Je…
— Attends, ne dis rien. J’ai vu tes changements d’humeur, tes yeux qui deviennent rouge foncé à certains moments et généralement, tu t’en vas, comme tout à l’heure. Dans mon village, on nous racontait souvent l’histoire d’un homme… comme toi… on dit de lui qu’il boit du sang pour vivre.
— C’est vrai… murmura Sil’Arn.
— Cette histoire, c’est toi ?
— Oui…

Lathan se mit à trembler, faisant bouger sa tasse qui n’était pas très loin de se renverser. Sil’Arn le vit et lorsque finalement Lathan la lâcha, il la rattrapa à une vitesse telle, que Lathan ne put voir le geste. Il essaya de se reprendre lorsqu’il vit Sil’Arn se lever et aller un peu plus loin de lui.

— Je suis un vampire, énonça platement Sil’Arn.
— Et tu bois du sang ?
— Oui. Mais je ne bois que du sang animalier.
— Dans mon village, ils disent que tu bois notre sang.
— Normalement oui, je devrais en boire, car votre sang est meilleur pour nous, mais… je ne veux pas tuer d’humains.
— Nous ? Vous êtes plusieurs ?
— Oui, j’ai une sœur et deux frères. Mais ils ne vivent pas ici.

Sil’Arn se sentait soulagé d’avoir partagé ce secret avec Lathan. Pour lui, le jeune homme était devenu son ami et même plus que cela. Le seul à vrai dire. Le vampire le regarda dans les yeux pour voir ses expressions et tout ce qu’il vit fut de la peur, mais aussi de l’incompréhension. Allait-il le rejeter ? Allait-il s’enfuir à la première occasion ? Lathan lui, ne savait pas quoi dire. Jamais il n’aurait imaginé être sauvé par un vampire. Lui qui pensait que ces histoires étaient totalement imaginaires.

— Pourquoi m’avoir sauvé ce jour-là ?
— Parce que ce n’est pas dans ma nature de laisser les gens mourir.
— Pourtant en faisant cela, tu aurais pu boire mon sang.
— Non. Nous buvons le sang lorsqu’il est chaud. Et comme je te l’ai dit, je bois du sang animal. Lathan… As-tu peur de moi ?
— Oui et non. J’ai peur parce que je ne veux pas mourir, mais en même temps, tu prends soin de moi. Tu es gentil et aimable.

Le vampire se sentit rassuré, il voyait la sincérité dans ses yeux. Finalement, il se rapprocha. Voyant qu’il ne tremblait plus, il s’installa à ses côtés, laissant tout de même un peu d’écart entre eux. Lathan attrapa de nouveau la tasse que lui tendait Sil’Arn. Leurs doigts se touchèrent involontairement. Lathan sentit la crispation du vampire.

— Pourquoi me soignes-tu ?
— Parce que chaque vie est précieuse. J’ai vu beaucoup de personnes mourir…

Ils restèrent silencieux à cette phrase. Sil’Arn se rappelait de chaque vie que ses frères et sœurs avaient prise et que lui avaient enterré le plus solennellement possible quand ils ne le voyaient pas. Il essaya de comprendre ce qui lui arrivait maintenant. La dernière personne à qui il avait avoué son statut s’était enfuie très loin de lui alors que Lathan semblait l’accepter. C’était déroutant pour lui. Son regard se posa sur lui. De quel mal était-il atteint ? De tous les remèdes qu’il connaissait, aucun ne marchait.

— Je ne verrais pas le printemps…

Cette phrase murmurée douloureusement fit sursauter le vampire. L’angoisse qu’il avait sentie lui fit mal. Il refusait cette éventualité.

— Cesse de dire n’importe quoi. Tu verras le printemps.
— Sil’Arn ?
— Oui Lathan ?
— Quand vous mordez un humain, que lui arrive-t-il ?
— Cela dépend. Si nous buvons tout son sang, il meurt. Mais si nous lui en laissons suffisamment, il revit ou vit… enfin, notre venin se mélange à son sang et il devient un vampire à son tour.
— Je vois… Sil’Arn… Je veux que lorsque je serais proche de la fin, tu me mordes.
— Non ! s’écria le vampire. Je ne veux pas faire cela.

C’était la première fois que Lathan le vit s’énerver comme cela. La colère filtrait de lui comme des vagues dangereuses. C’était dense et cela déstabilisa Lathan qui se laissa tomber sur son lit en tremblant. Sil’Arn se retourna brutalement. Sa colère disparue instantanément en voyant l’état de son ami. Il se précipita vers lui et posa sa main sur son front.

— Je suis désolé Lathan !
— Ce n’est… rien…
— Si, je ne veux pas te voir comme cela. Tu es précieux pour moi Lathan. Je tiens à toi alors ne me dit plus ce genre de chose.
— Pardon…
— Repose-toi. Je reste près de toi.
— Sil’Arn. Peux-tu… me prendre dans tes bras s’il te plait ? Je veux sentir ta chaleur contre moi.

Le vampire ne répondit pas, mais se releva. Il enleva son pantalon pour ne pas être gêné et fit signe à Lathan de se mettre assis. Il vint s’installer derrière le jeune homme, contre le mur. Le vampire remonta les couvertures sur eux lorsqu’il fut installé et glissa ses bras autour de son ami.

— Merci.
— Repose-toi maintenant. Je veille sur toi.
— Tu veilles toujours sur moi Sil’Arn.

Celui-ci sourit et cala son visage contre celui de Lathan qui avait déjà fermé les yeux. Sous la couverture, le jeune homme chercha la main qui l’entourait et l’enlaça doucement.

— Sûrement peur que je m’en aille, pensa le vampire qui serra les doigts autour des siens.

Il resta un long moment à surveiller Lathan. Celui-ci semblait se réchauffer grâce à sa température corporelle plus élevée que la moyenne. Sil’Arn se demandait comme il pouvait sauver cet homme qui lui était à présent indispensable. Il savait que quelque chose les reliait intimement, mais ne l’avait jamais éprouvé. C’était dense, palpable, et pourtant il refusait. La dernière fois qu’il s’était attaché à quelqu’un, cette personne était partie.

Lathan se réveilla doucement sentant autour de lui la prise de Sil ‘Arn. Apparemment il n’avait pas bougé. Levant un peu sa tête, le jeune homme remarqua les yeux dans le vague de son ami. Alors, c’est doucement qu’il libéra un bras et qu’il vint poser sa main sur sa joue. Lui qui croyait que les vampires avaient la peau froide, il s’était bien trompé, c’est même l’inverse, la peau était douce et agréablement chaude.

— Tu as bien dormi ?
— Oui, combien de temps j’ai dormi ?
— Environ cinq heures.
— Autant ? s’exclama Lathan en se relevant un peu.
— Oui. Tu avais besoin de sommeil. Je suis content que tu ais pu dormir autant, de plus tu ne t’es pas réveillé durant ton sommeil.

Lathan fut encore plus surpris. Habituellement il bougeait beaucoup, se réveillait, mais là rien ? Il n’eut pas à réfléchir longtemps pour avoir sa réponse. C’était tout simplement le fait d’avoir eu Sil’Arn près de lui. Le sentir contre lui lui avait fait du bien, l’avait rassuré.

— C’est… grâce à toi. Je devais certainement te sentir contre moi, et du coup cela m’a rassuré. Mais, cela ne te gêne pas ? Je veux dire au niveau… du sang.
— Non, j’ai appris à vivre avec des humains autour de moi et donc à refréner cette envie. De plus, j’ai « mangé » tout à l’heure quand je suis parti.
— Oh.

Lathan se leva pour libérer Sil’Arn qui l’ausculta. Un fin sourire s’afficha au fur et à mesure sur le visage du vampire. Lathan en fut surpris, c’était la première fois qu’il le voyait sourire comme cela. D’habitude ce n’était que des esquisses de sourire, mais celui-là était franc. Le malade en resta interdit et sans s’en rendre compte, il posa un doigt sur sa lèvre inférieur. Sil’Arn se releva brusquement et s’éloigna de lui.

— Je… suis désolé, murmura Lathan en laissant retomber sa main sur le matelas.
— Non… c’est moi, j’ai agi par instinct.
— Je ne le referais plus.

Sil’Arn resta quelques minutes loin de Lathan. Il sentait son envie de sang affluer en lui. Non ! Il ne devait pas ! Lathan remarqua le changement et vit les yeux de Sil’Arn devenir rouges.

— Tu…
— Tais-toi.

C’était tellement rare quand Sil’Arn élevait la voix que Lathan ne bougea plus. Le vampire s’en voulut et le jeune homme le comprit en voyant son regard suppliant.

— Sil’Arn, prend de mon sang.
— Non. Je vais dehors. Repose-toi encore !

Sil’Arn ne laissa pas le temps à son ami de répondre qu’il avait déjà refermé la porte derrière lui. Lui qui croyait pouvoir le supporter, c’était lourdement trompé. Lathan resta quelques secondes sans bouger. Trop stupéfait par ce qu’il venait de se produire. Il avait dit cela comme une évidence. Mais lui-même n’était pas certain d’y survivre s’il l’avait fait.
Sachant qu’il ne pouvait rien faire dans son état, Lathan se recoucha. Pourtant, l’inquiétude le rattrapa en voyant la nuit tomber en temps que la neige.

Il se leva doucement, réussissant à attraper son manteau. Il l’enfila prudemment, sentant sa tête lui faire mal et réussi à franchir la porte d’entrée. La neige avait recouvert toute la plaine de son beau manteau blanc. Il chercha du regard un signe de Sil’Arn mais ne vit rien du tout. Il marcha très faiblement dans la neige. Le vent se leva, le pétrifiant sur place tellement il était glacial. Il crut alors qu’il allait mourir là. Pourtant alors qu’il sentait ses jambes se dérober et son corps tomber lentement, deux bras vinrent le soutenir par-derrière.

— Imbécile ! Je t’avais pourtant dit de te reposer.
— Je m’inquiétais.
— Tu savais très bien que j’allais revenir. Accroche-toi à moi.

Sil’Arn le prit dans ses bras et couru vers la maison. À peine arrivé, il le coucha dans le lit, veillant à lui retirer ses vêtements couverts de neige. Il lui prépara une infusion et la lui apporta. Sil’Arn s’installa de nouveau dans le lit, reprenant la même position que quelques heures auparavant.

— Je suis désolé Sil’Arn.
— Non, c’est moi. Je n’aurai pas dû partir si vite.
— J’ai vu tes yeux.

Le vampire serra un peu plus fort le corps de son ami contre le sien. Depuis quelques jours il sentait un changement s’opérer en lui. Il savait parfaitement ce que c’était, mais jamais il n’aurait cru le revivre. Lorsque Lathan lui avait dit de boire son sang, il l’avait mal pris, ne voulant pas le voir mourir, et surtout pas par sa faute.

Plaine de Kinvara – Irlande – début mars 1472

Lathan ne tenait plus. Il se sentait vraiment partir. Son corps refusait obstinément de guérir, le rendant chaque jour un peu plus faible. À présent, il n’arrivait même plus à se lever, juste à tenir assis, et encore, il fallait que Sil’Arn le tienne contre lui. Le jeune homme voyait le moral du vampire descendre en flèche. Cela faisait maintenant près de deux mois qu’il s’occupait de lui. Il partait souvent, pour revenir avec d’autres plantes. Il passait le plus clair de son temps à mélanger diverses plantes, baies et racines pour trouver le médicament qui le guérirait. Sauf qu’en faisant cela, il omettait lui-même de se nourrir. Il ne partait plus pour trouver des animaux.

— Il faut que tu ailles boire Sil’Arn…
— Non ça va. Je vais trouver et tu guériras.
— Pourquoi t’obstines-tu ?
— Parce que tu dois guérir. Tu mérites de vivre, alors… laisse-moi trouver le remède.

La voix du vampire s’était brisée soudainement, faisant sursauter le malade. Pourquoi Sil’Arn agissait ainsi ? Pourquoi voulait-il tant que cela qu’il vive ? Lathan tourna son visage vers la fenêtre et observa le ciel. Quelques rayons de soleil passaient au travers des nuages, faisant briller la neige qui s’était accumulée sur le rebord de la fenêtre.
Il ne vit pas le vampire tourner la tête pour le regarder. Cela devenait de plus en plus difficile pour lui de le voir mourir à petit feu. Il refusait l’évidence, il refusait la facilité. Pourtant, cela serait si simple… Non ! Il ne voulait pas, lui avait souffert à sa transformation, il ne voulait pas que Lathan le vive lui aussi.
Sil’Arn retourna à sa décoction, occultant sa blessure.

— Je trouve que les rayons du soleil sur la neige embellissent la plaine. Quand j’étais plus jeune, je passais des heures à regarder les prairies baignées dans le soleil. C’est tellement beau…

Lathan n’attendait pas de réponse, il voulait juste parler pour combler le silence pesant de la petite maison. Au fond de lui, il ne voulait pas mourir, on ne meurt pas à vingt-quatre ans… Il voulait découvrir d’autre chose, connaitre des amis, voir son pays, se promener, rester encore sous le soleil et surtout, il voulait tomber amoureux… oui… aimer…

Son cœur se mit à tambouriner dans sa cage thoracique. Aimer. Depuis quelques semaines, il rêvait de plus en plus de Sil’Arn. Se sentait rassuré à ses cotés, et même lorsqu’il lui avait avoué être un vampire, cela ne l’avait pas dégouté, au contraire. Cela lui avait montré que ce dernier lui faisait confiance, qu’il ne le considérait plus comme la personne qu’il avait ramenée chez lui pour le soigner. Mais qu’ils étaient devenus amis. Mais lui ressentait autre chose, et il le comprit maintenant. Il se sentait bien en sa présence. Et lorsque Sil’Arn devait partir, il sentait une déchirure en lui, un mal-être. Sil’Arn était devenu bien plus qu’un ami. Il l’aimait. Et ce n’était que pour lui qu’il s’accrochait à la vie. Il avait bien vu ses regards tristes, son acharnement à trouver un remède, comme maintenant.
Lathan se retourna en sentant la présence de Sil’Arn près de lui.

— J’ai trouvé autre chose, bois s’il te plait.
— D’accord.

De toute façon, Lathan ferait tout ce que Sil’Arn lui demanderait. Il détestait son regard triste lorsqu’il se posait sur lui. Alors, il donnait le change en essayant de rester en vie. Lathan se redressa difficilement et attrapa la tasse que lui tendait son ami. Il grimaça à la première gorgée. C’était horrible à boire, mais se força à tout vider.

— Je vais encore chercher.
— Sil’Arn arrête. Cela suffit. Tu m’as fait boire des centaines de décoctions, et aucune ne fonctionne.
— Je trouverais !
— Tu crois que je n’ai pas vu ? Tu crois que tu peux me mentir aussi facilement ? Tu te trompes lourdement. Maintenant… je ne veux plus te faire de mal alors… va chasser, et mange, enfin boit ! Tu as les yeux qui sont devenus rouges. Tu passes ton temps à essayer de me sauver alors que rien n’y fait. Il faut se rendre à l’évidence, je ne guérirai plus.
— Ne dis pas cela. Il y a encore…
— Ne dis rien. Et va boire.

Sil’Arn resta un long moment silencieux, les yeux baissés vers le sol. Lathan comprit sa douleur et posa sa tasse sur la petite table de chevet. Il prit son temps pour se lever un peu et entoura le cou du vampire de ses bras pour poser sa tête contre son épaule. Sil’Arn leva une main pour la poser sur celle de son ami. C’était un moment très dur pour tout les deux. Pourtant, quelque chose se passait, quelque chose que chacun voulait et qui était en train de se produire.

— Maintenant, va te restaurer, s’il te plait.
— D’accord, je reviens le plus vite possible.

Lathan se détacha de lui et se recoucha sous la couverture. Sil’Arn le borda et alors qu’il allait partir, son ami lui attrapa la main pour le faire se retourner et lui fit signe de se baisser légèrement. Lathan ne réfléchissait pas, il voulait juste agir. Quand le vampire fut à sa portée, il leva son visage et posa ses lèvres à la commissure de celle du vampire.

— À tout à l’heure.

Sil’Arn parti précipitamment. Il sentait encore la douceur des lèvres de Lathan. Comment cela avait-il pu se produire ? Il marchait dans la neige en y pensant. Finalement, un petit sourire passa ses lèvres et il se concentra pour trouver sa proie. S’arrêtant soudainement, il calma sa respiration et écouta le moindre bruit. Pas loin de lui se trouvait un cerf, seul. Il s’approcha très lentement, faisant le moins de bruit possible. L’animal était en train de manger. Sil’Arn ne lui laissa pas le temps de réagir et lui bondit dessus.

Ses dents acérées s’enfoncèrent dans la jugulaire et laissèrent le sang chaud couler dans la gorge du vampire qui fermait les yeux de délectation. Il s’était abstenu de boire, veillant sur Lathan. Mais force était pour lui de constater qu’il avait très faim. L’animal poussa son dernier soupir, et s’effondra au sol en même temps que Sil’Arn qui le vidait de son sang. Cela ne dura que quelques minutes. Quelques minutes que Sil’Arn apprécia à sa juste valeur. Il sentait ses forces lui revenir à chaque gorgée.
Lorsqu’il eut fini. Il caressa les poils de l’animal et murmura.

— Je te remercie. À présent, je vais te rendre à la terre.

Sil’Arn trouva une grosse branche et commença à creuser un grand trou. Sa force étant revenue, il eut vite fini et prit l’animal dans ses bras afin de le poser à l’intérieur et l’enterrer convenablement. Jamais il n’avait laissé un animal en pleine forêt. Chacun d’eux méritait le repos dans un endroit calme ou aucun animal ne viendrait le dévorer sans scrupule.

Le vampire resta assis près de la tombe précaire, réfléchissant à ce qu’il fallait faire. Au fond de lui, il s’en voulait, car il n’arrivait pas à soigner la personne qu’il aimait. Il aimait Lathan comme jamais il n’avait aimé dans sa vie, et le voir mourir petit à petit le faisait souffrir. Voilà pourquoi il passait tout son temps à chercher le remède qui le guérirait.

Lorsque la nuit commença à tomber, Sil’Arn se releva et partit en direction de sa petite maison. Il rentra sans faire de bruit, croyant que Lathan dormait profondément. Pourtant lorsqu’il eut fini d’enlever son manteau, un sanglot se fit entendre. Surpris, Sil’Arn se retourna et vit le corps de son ami tressauter. Il s’approcha doucement.

— Lathan ?
— Sil’Arn… aide-moi…

La voix de Lathan était suppliante et faible. Depuis combien de temps était-il comme cela ? Sil’Arn se senti soudainement mal et s’assit sur le bord du lit. Il posa une main sur les cheveux de Lathan qui sursauta.

— Que t’arrive-t-il ?
— Je ne me sens pas bien… j’ai froid, je tremble.

Sans plus réfléchir, le vampire ouvrit le lit et prit Lathan dans ses bras. Il l’entoura des couvertures et le serra contre lui. Ils savaient, tous les deux savaient, mais Sil’Arn ne voulait pas l’admettre. Ce n’était pas possible, pas maintenant. Lathan pleura dans les bras de Sil’Arn qui lui caressait les cheveux chaleureusement.

— Je me refuse à cette éventualité Lathan. Ne me quitte pas. Ne me quitte pas maintenant, tu n’as pas le droit.
— Pourquoi ?
— Parce que je refuse de te perdre. Je refuse de te voir partir là où je ne pourrai pas te rejoindre.

La voix de Sil’Arn était empreinte de désespoir. Jamais il n’avait autant souffert que maintenant. Lathan leva son regard et rencontra celui si beau du vampire.

— Pourquoi dois-je partir… alors que j’ai enfin trouvé la personne que je veux chérir ? Sil’Arn, garde-moi auprès de toi. Je ne veux pas partir, je veux vivre avec toi. Je veux… te dire tout ce que je ressens.
— Dis-le-moi.
— Sil’Arn…
— S’il te plait, dis-le-moi, donne-moi cette force.

Le moment était tellement triste. Les deux hommes se regardaient, le désespoir, la peur se devinaient entre eux. Lathan sentait la fin de sa vie arriver. Même si le vampire ne l’avait pas dit, Lathan avait compris ce qu’il attendait de lui. Posant sa main contre la joue de Sil’Arn, Lathan usa de ses dernières forces pour se lever légèrement et posa ses lèvres sur celle du vampire qui ferma les yeux de douleur. Le baiser était malheureux.

— Je t’aime Sil’Arn, je t’aime tellement.

Pour la première fois, le vampire laissa échapper le sanglot qu’il retenait au fond de lui. Une larme glissa sur sa joue et Lathan vint la récupérer avec son doigt avant de la porter à ses lèvres.

— Lathan…
— Fais-le…
— Pardonne-moi.

Sil’Arn remonta le corps de son ami contre le sien afin que son visage repose dans son cou. Il sentit ses bras l’enlacer. La prise n’était pas forte, mais cela lui donna un peu plus de courage pour ce qu’il s’apprêtait à faire. Il déposa un baiser sur la jugulaire qui se trouvait à présent au niveau de sa bouche et sans prévenir Lathan, il enfonça ses canines dans celle-ci pour laisser échapper le venin qui le transformerait en vampire. Il entendit la plainte de Lathan et resserra son étreinte contre son corps. Il laissa couler le sang de l’homme qu’il aimait dans sa gorge en fermant les yeux. Ce geste était le pire de tous. Jamais il n’avait autant souffert de toute sa vie.
Devoir mordre la seule personne qu’il aime, c’est pire qu’une torture.

Lathan sentit les dents de Sil’Arn transpercer sa gorge. C’était douloureux, mais il se força à ne pas crier, laissant juste passer un gémissement de douleur. Son étreinte fut plus forte. Il se sentait partir. Il savait que pour Sil’Arn, faire cela devait le faire souffrir autant que lui. Devant ses yeux il revoyait ses parents, sa sœur, son frère. Son départ après avoir été chassé de son village. L’orage qui venait de la mer. Les éclairs, la pluie qui s’abattait sur lui. Son soulagement d’avoir trouvé ce petit abri pour animaux. L’eau qui glissait sur son corps. Son réveil dans ce lit qu’il n’avait plus quitté. Le premier regard qu’il avait posé sur Sil’Arn. L’ardeur qu’avait mise celui-ci à le sauver. Sa révélation. Son attirance. Le baiser si chaste, mais tellement bon. Et enfin le véritable baiser qu’il venait d’échanger avec l’homme qu’il aimait passionnément.
Il sentit les canines se retirer et une langue venir lécher les dernières gouttes de sang qui s’échappaient de la blessure. Lathan laissa son visage s’effondrer contre son ami. Et enfin, il perdit conscience.

Sil’Arn pleurait à présent à chaude larme. Le corps de Lathan était sans vie. Ou presque. Les battements de son cœur étaient très faibles, presque imperceptibles. Le vampire fit glisser son corps contre le sien. Plaçant le visage de Lathan dans son cou. L’entourant de ses bras afin de le maintenir contre lui. Il lui embrassa le front, les cheveux, la tempe. Et le garda contre lui un long moment. Jamais il n’avait été aussi triste qu’à présent.

Sil’Arn n’avait pas bougé depuis deux jours à présent. Gardant le corps de Lathan contre lui. Il avait cessé de pleurer. À présent, il n’attendait qu’une seule chose. Son réveil. La transformation avait commencé. Ses cheveux avaient changé de couleur, pour devenir blanc laiteux. C’était la seule différence physique qui s’était opérée. Le reste était interne.

Un mouvement le fit sursauter. Baissant son regard, il vit le corps de Lathan bouger légèrement. D’abord le bout des doigts, puis la main, le bras, et enfin ses jambes. Un magnifique sourire se fendit sur le visage du vampire. Son amant se réveillait enfin. Il desserra son étreinte pour le laisser bouger. Lathan n’avait toujours pas ouvert les yeux.

Je me sens étrange. Mon corps semble plus léger, je sens mes doigts bouger, mes mains. J’essaye de bouger aussi mes jambes. J’ai l’impression d’être dans le corps d’un autre. Il est tellement différent. Pourtant, je sais que c’est le mien. Une douce chaleur se répand dans mon corps et je sens deux bras se défaire de moi. Est-ce bien ce que je crois ? Pourtant, je me suis senti partir. Non, Sil’Arn m’a mordu. J’ai senti ses larmes couler dans mon cou. Je veux le revoir. Je veux revoir son sourire, qu’il me parle.
Je bouge lentement, essayant de trouver mes repères. 

Et enfin, j’ouvre les yeux. La lumière m’éblouit et m’oblige à les refermer vivement. J’entends le bruit du petit rideau être tiré. Il est là. Mes paupières se lèvent de nouveau et je distingue les couvertures autour de moi. Le mur aussi. Je lève un peu mes yeux, et j’aperçois le rideau. Une main se glisse dans mes cheveux. C’est tellement doux que j’en referme les yeux pour m’abreuver de cette caresse.
Je ne suis pas seul. Je n’ai plus mal à ma poitrine comme avant. Ma respiration est redevenue normale. 

J’ouvre de nouveau les yeux, et cette fois, je lève ma tête pour rencontrer ce magnifique visage. Les yeux de Sil’Arn m’observent, il semble heureux. Cela se voit dans la brillance de ses iris. Moi aussi je suis heureux, je te revois enfin. 

— Bonjour, me murmure-t-il. 

J’essaye de parler, de lui répondre, mais cela reste coincer dans ma gorge. J’essaye de nouveau, mais rien ne vient. Je vois sa main se poser sur ma bouche doucement.

— Ne force pas. Ça va revenir. Prends ton temps pour reprendre tes repères. Je suis là.

Je le remercie en hochant de la tête et je me laisse aller à mes envies. Je lève mes mains pour voir qu’elles ont repris leur taille initiale. Je me touche le visage et je sens ma peau qui est devenue douce. Je revis ! Je suis redevenu moi-même. Le moi avant que je ne tombe malade. Un sourire apparait sur mon visage. Je veux me remettre debout. Cela fait si longtemps que je n’ai pas marché. Je me retourne lentement, mémorisant tout les changements qui se sont faits en moi. Je sens les bras de Sil’Arn qui me lâche et je retire la couverture de sur moi pour bouger mes jambes. Je les observe, heureux de les voir bouger à nouveau. 

Posant mes pieds sur le sol, je peux sentir la texture du petit tapis de peau. Je bouge mes orteils dessus, c’est doux et agréable. Je me lève enfin, doucement, car j’ai peur de tomber. Je sais que Sil’Arn me regarde, mais qu’il n’ose pas parler. Il me laisse faire, veillant quand même sur moi. Mes jambes ne se dérobent pas et j’avance doucement, afin de prendre conscience des changements. J’ai l’impression de peser aussi lourd qu’une plume. Alors que je baisse mon regard, je sursaute. Je vois mes cheveux ! Ils sont devenus… blancs ! Et ils m’arrivent en dessous des épaules ! Mais ils sont blancs ! Aussi blanc que la neige ! Comment cela se fait-il ? 

Je sens la présence de Sil’Arn près de moi et je relève mon visage afin de le voir. Il est encore plus beau que tout ce que j’imaginais. J’ai l’impression de le redécouvrir. Et sans que je ne puisse m’en empêcher, je m’approche de lui et l’enlace de toutes mes forces. Je plonge mon visage dans son cou et je respire son odeur. Une douce odeur de plante. 

— Doucement Lathan.
— Je suis en vie… Merci…
— Bien sûr que tu es en vie. J’aurais été incapable de te tuer.

Lathan se recule vivement à ses paroles et plongea son regard dans celui de Sil’Arn qui n’avait pas bougé.

— Crois-tu que j’aurai réussi à tuer la personne que j’aime ? J’en suis bien incapable.
— Que tu …aimes ?
— Oui. Lathan, je t’aime, je t’aime depuis si longtemps.

Cette révélation glisse dans le corps de Lathan qui revint se loger contre celui de Sil’Arn qui l’entour de nouveau de ses bras. Il est si heureux. Heureux d’être de nouveau en vie, heureux de savoir Sil’Arn auprès de lui, et enfin, heureux de savoir que ses sentiments sont partagés.

Cette fois, les deux hommes se regardaient droit dans les yeux. Plus rien ne comptait à part l’autre. Doucement, Sil’Arn leva une main et fit glisser ses doigts contre le visage de son ami. La douceur de la caresse fit fermer les yeux de Lathan, qui se mit à sourire.

— Si tu savais la douleur que j’ai éprouvée. Jamais je n’ai eu aussi mal de toute ma vie qu’il y a deux jours lorsque je t’ai mordu.
— C’est moi qui t’ai demandé de le faire. Sil’Arn, je suis heureux à présent. Tu m’as sauvé.
— Mais à quel prix ?
— Crois-tu que je te l’aurais demandé si je ne le voulais pas ? Tout ce que je voulais, c’était être à tes côtés. T’aimer de tout mon cœur et de toute mon âme. Et à présent c’est possible.
— Est-ce que tu m’autorises à… t’embrasser ?
— Évidemment, viens.

Ils se sourirent, heureux. Finalement, Sil’Arn ferma la distance qui les séparait. Posant ses lèvres sur celle de l’homme qui l’aimait de tout son cœur. Le baiser était chaste, pourtant, lorsque Lathan entre-ouvrit la bouche, Sil’Arn vint chercher sa langue avec la sienne. Il sentit les canines de son compagnon, mais ne s’en occupa pas. Le baiser en devint plus tendre, plus passionné. Leurs mains s’étaient glissées l’une dans l’autre, enlaçant leurs doigts. Ce simple geste les liait pour l’éternité. Ils se séparèrent et se regardèrent avec passion.

— Je vais t’apprendre à vivre comme moi. Et rien ne nous séparera.
— Tu me le promets ?
— Oui. Je te le promets, mon amour.

Lathan sourit tendrement et vint rechercher un nouveau baiser. À présent, plus rien ne comptait. Les deux hommes étaient heureux et savaient qu’ils vivraient de nombreuses années ensemble, à s’aimer de toute leur force. Sil’Arn l’avait ressenti depuis longtemps. Leur attirance s’était fait le jour où il l’avait trouvé. Et inexorablement, leurs vies avaient changé. Et ils s’aimaient du plus profond de leurs âmes.

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[1] Ville d’Irlande situé dans le centre-ouest du pays. Comté de Clare (actuellement)

[2] Petite ville d’Irlande. Comté de Galway (actuellement)

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