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au 31 Mai 21 :
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Graineaters
Par SeanConneraille
Originales  -  Romance/Humour  -  fr
One Shot - Rating : T (13ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     5 Reviews     Illustration    
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Note : Hello les gens ! Alors voilà une pitite fic que j’avais proposée pour le recueil de nouvelles Love Shots T.2 d’Event Yaoi pour le Yaoi Yuri Con de l’année passée. Donc maintenant que le délai d’un an est passé, je peux la poster ici avec l’illu et nan c’est pas tout neuf et ça a pas été lavé avec Ariel Fraicheur Alpine, ça sent juste la poussière avec quelques toiles d’araignées dans les coins.

Sur ce je vous laisse. Bisous les loulous. Bonne lecture.

 

 

 

*********************************

 

Graineaters

 

 

 

 

-Tony ?

-Oui ?

-Tu as pris ton petit déjeuner ?

-Mais oui maman, t’inquiète, je l’oublie jamais.

-Bon très bien, passe une bonne journée mon garçon.

-A ce soir m’man.

 

Le petit gars qui vient de parler là, c’est moi, Anthony Morel, vingt ans et toutes ses dents. Et la femme avec qui je discutais, si vous avez bien suivi, c’est ma mère, Frédérique. Oui, elle est un peu mère-poule et je suis un peu un fi-fils à sa maman mais bon, c’est notre petit secret.

 

Si ma mère aime bien m’appeler par mon diminutif c’est parce que je suis son Tony Danza personnel. Oui oui, c’est moi qui fais le ménage à la maison.

Je fais aussi la cuisine quand mes horaires le permettent mais c’est ma mère qui s’occupe du linge, je suis vraiment trop pas doué avec ça et c’est peu de le dire. La machine à laver est mon ennemie.

Bon, je ne suis pas exactement un as aux fourneaux non plus, mais disons que je me débrouille et qu’il m’arrive parfois de réussir parfaitement un plat. Et oui !

 

Ceci dit, à part mon statut d’homme de ménage, je ne partage pratiquement rien avec l’acteur de « Madame est servie ». Je ne suis pas brun, je ne suis pas costaud, je suis juste un type un peu trop maigre pour sa –grande- taille avec des cheveux châtain dont la seule particularité est d’être extrêmement frisés. Yep, je suis un caniche.

Donc pour éviter les quolibets et pour des raisons pratiques, j’ai investi dans une tondeuse qui fonctionne plutôt bien et qui me permet de garder la moumoute sous contrôle.

 

Je fais le ménage depuis que je suis rentré à la fac et que j’ai emménagé avec ma mère. Elle s’est séparée de mon père l’année de mon bac, et comme elle a trouvé un appartement pas loin de l’université, c’est plus pratique pour moi ; ça m’évite des frais de logement et ça réduit mon temps dans les transports. En contrepartie, comme ma mère ne gagne pas des masses à son boulot, je m’occupe des tâches ménagères -étant donné mes horaires très allégés- et je me paie mes frais de scolarité en travaillant pendant l’été.

 

Mon père aurait pu me payer mes études vous vous dites. Ouais c’est sûr, il aurait pu, parce que lui il en gagne du fric, mais mon choix d’orientation lui en a passé l’envie. Il n’a pas vraiment apprécié que je me dirige vers la sociologie, estimant que c’était une voie de garage, réservée aux feignants, incompétents, et autres gentils mots en « -an ».

Pour me punir il m’a sucré tout son apport financier parce qu’il ne voulait pas « subventionner mon échec ». Sympa hein.

 

Depuis, nous sommes en léger froid avec mon paternel, d’autant plus que je n’ai pas vraiment apprécié la manière dont il a quitté ma mère mais elle était trop gentille et effondrée pour lui faire des remarques à l’époque. Le point positif de cette histoire, c’est qu’il m’a donné suffisamment de hargne pour avoir envie de lui faire manger ses commentaires et pour l’instant c’est bien parti puisque je viens d’avoir ma licence en étant major de promo. Comme quoi, suffit d’un peu de motivation.

 

Mais pourquoi la sociologie me direz-vous ?

 

Au départ, quand j’avais vraiment la foi, je voulais tenter une prépa, et puis le divorce de mes parents m’a un peu déprimé alors j’ai revu mes ambitions à la baisse. A l’époque j’avais plus vraiment le goût à rien et je savais plus quoi faire. Et puis un frangin à un de mes potes qui était en fac d’histoire arrêtait pas de nous dire que la fac de socio était remplie de meufs et moi je voulais pécho.

 

Je sais. J’étais jeune et tout. Il n’empêche que cette petite fac à la mauvaise réputation m’a bien plu et qu’elle m’a donné envie de m’investir à fond dans mes études (en plus de vouloir rembarrer mon père bien sûr). Je rentre en master l’année prochaine et je vais essayer de me trouver un job dans cette branche plus tard. Ou alors je finirai prof à la fac. Ça peut être une bonne option ça aussi. Enfin bref, voilà ma petite vie et ça sert à rien de penser à tout ça pendant que je bosse, j’aurai bien le temps d’y penser plus tard.

 

Et oui, je vous avais dit que je travaillais pendant l’été, et bien nous sommes en été, et j’ai un boulot. Trouvé par mon père. Incroyable n’est-ce pas ? Vous sentez l’arnaque ? Vous la sentez hein ? Et bien vous avez raison. Laissez-moi vous raconter tout ça.

 

C’est un jeudi que le drame arrive. J’ai eu mes résultats en début de semaine, j’ai fait la fête comme il se doit les deux jours qui ont suivi, et je m’apprête à aller voir ma petite agence d’intérim favorite pour voir ce qu’elle a de beau à me proposer quand mon père me téléphone.

 

Il me félicite pour mes résultats, ce que je trouve assez étrange en soi parce qu’il évite plutôt le sujet d’habitude, trop de honte à avouer son erreur vous comprenez.

Et puis il prend de mes nouvelles pour endormir ma méfiance et quand je lui apprends que je suis sur le point de chercher du travail pour cet été il me dit que « ça tombe bien parce que j’ai quelque chose de parfait pour toi ».

 

Plutôt sceptique au départ, l’espoir s’insinue en moi quand il commence à me parler d’un de ses collègues patron qui cherche un jeune pour mener des enquêtes de terrain sur la consommation des ménages pendant les vacances scolaires. Mon père rajoute ensuite qu’il a déjà proposé ma candidature et que je n’ai qu’à aller au siège de l’entreprise pour passer un entretien.

 

C’est un peu trop beau pour être vrai hein ? Je sais, mais j’ai toujours été un peu naïf et ça m’a fait plaisir que mon père semble s’intéresser à moi pour une fois. Donc j’ai foncé tête baissée.

Il s’avère que l’entreprise en question était la grosse boîte d’agro-alimentaire Keelug’s et qu’ils souhaitaient que je fasse mes enquêtes dans un supermarché. Qu’est-ce que vous auriez fait à ma place ? Une grande entreprise de renommée internationale vous propose un job pour deux mois dans votre branche, pistonné par papa qui serait en fâcheuse position si vous rechigniez à la tâche. Ben j’ai accepté hein.

 

Ce que je ne savais pas à l’époque, c’est que la tenue obligatoire pour ce job c’était…un tigre.

 

- Hey maman c’est Tonny ! On va le voir ?

 

Ouais…pas n’importe quel tigre. Vous connaissez les Frozties ? Mais si, voyons, ces fameuses céréales du petit-déjeuner (mes préférées, j’en mange depuis que je sais tenir une cuillère) dont la mascotte –Tonny- est un tigre sympa à bandana rouge.

 

Ben voilà. Tony et Tonny ne font plus qu’un. Le grand félin rayé en peluche qui se promène dans le supermarché ou qui se tient près du petit stand de neuf heures à midi et de quinze heures à dix-neuf heures, cinq jours sur sept, du mardi au samedi, cache en son sein un jeune homme de vingt ans un peu trop crédule.

 

Ma naïveté me perdra. Mais bon, quand votre propre père avec qui vous ne vous entendez pas toujours, plutôt pas que toujours d’ailleurs, vous dit que vous êtes « parfait pour l’emploi », que vous correspondez parfaitement au profil et que vous ne pouviez pas tomber mieux, ben, ça vous fait plaisir quoi. Qu’il pense que j’ai des qualités ça m’a touché, après m’avoir traité de branleur, de bon à rien, m’avoir dit que je fonçais droit dans le mur en choisissant la sociologie plutôt que le droit, l’économie, ou la médecine. Il aurait même préféré une fac de langues. Enfin, heureusement pour lui, je n’avais pas complètement touché le fond, après tout j’aurais pu choisir musicologie.

Enfin bref, mon père a une idée très arrêtée de l’Université et malheureusement pour moi, j’ai fait l’erreur de m’y inscrire.

 

Pour ça que je vous dis que je suis qu’un abruti de naïf. J’aurais dû sentir le mauvais coup quand il m’a fait cette proposition de son plein gré.

Mais non. Anthony abruti Morel c’est moi, tigre à plein temps. Appelez-moi grosse truffe.

 

J’ai rien dit à ma mère, j’avais trop honte et j’étais trop dégouté. Ah ils doivent bien se foutre de moi tous autant qu’ils sont. Et mon père vient de rentrer dans la case « vague connaissance » de mon répertoire téléphonique.  

 

J’aurais pu les envoyer paître et lâcher le boulot mais premièrement, je n’avais qu’à demander des précisions pendant l’entretien ; deuxièmement, c’est plutôt bien payé et troisièmement, j’avais trop la rage pour penser correctement et j’ai eu la stupide idée que j’allais leur en mettre plein les mirettes. Déguisé en tigre.

 

Bref. Je bosse donc depuis deux semaines dans ce supermarché qui est aussi accessoirement le plus grand du coin et qui est agrémenté d’une jolie petite galerie marchande qui attire encore plus de monde. Tous les gens que je connais habitent dans un rayon de 1 à 5 km, autant vous dire que ma vie sociale est en grand danger. Heureusement que je suis déguisé finalement et que j’habite de l’autre côté de la ville, ça retient ma mère de venir me voir. Pour l’instant.

Je suis moins content de porter ce costume quand je dois me balader sur le parking en plein après-midi sous un beau soleil estival mais c’est jamais pour très longtemps et j’ai le droit à une plus grande pause dans ces cas-là.

On m’envoie aussi de temps en temps dans un autre supermarché pendant un jour ou deux, le temps d’une promotion mais je reviens toujours à mon point de départ.

 

Enfin, tout se passe plutôt bien jusqu’à présent, je fais un petit sondage en échange d’un mini paquet de céréales pour la dégustation, je me fais dévisager par des parents, tirer la queue par des enfants, serrer dans des petits bras d’enfants, donner des coups de pieds par des enfants, draguer par un mec bizarre qui doit aimer un peu trop les animaux. Irk.

 

Le soir je prends mon bus peinard et ça m’amuse de voir toujours les mêmes gens à l’arrêt ou dans la rue. Je devrais faire une étude là-dessus tiens.

 

Je vois toujours une petite grand-mère qui promène un chien affreux mais qui a l’air très gentil et très vieux. En face de l’arrêt, dans le parc, un groupe de jeunes squatte en permanence les jeux d’enfants. Je me demande s’ils sont là toute la journée aussi. 

Un type à vélo passe tout le temps à la même heure. C’est plutôt pratique pour savoir si je suis en retard ou pas. Si je le vois passer alors que j’ai pas encore atteint le coin de la rue, vous pouvez être sûrs que je rate mon bus.

 

Et puis à l’arrêt lui-même, je retrouve presque tous les soirs les vendeuses et vendeurs des magasins de la galerie marchande du supermarché, dont un qui me regarde toujours de bas en haut quand j’arrive, un type qui fume dans un coin le visage masqué par ses cheveux longs, et un autre avec un casque perpétuellement vissé sur le crâne et qui semble déconnecté en permanence du monde réel.

 

C’est ma petite routine et je l’aime bien, mais bien sûr elle n’est que provisoire, sinon il n’y aurait pas d’histoire.

 

Le clébard arrive au début de ma troisième semaine. Je suis à mon poste depuis une heure quand je vois débarquer deux gars avec un présentoir qu’ils installent de l’autre côté de mon allée. Derrière eux, Picoo, le chien de Chocapoc, céréales produites par Lestlé ennemi héréditaire de Keelug’s. Mon nouvel obstacle à mon succès total. Qu’à cela ne tienne, je l’écraserai sur le chemin de la gloire céréalière !

 

Dans un film vous auriez assorti la scène d’une musique de western, de gros plans sur nos regards de peluche et d’une boule de poussière qui aurait roulé dans l’allée alors qu’un silence de mort se serait fait dans le magasin. Règlement de comptes au BigMarket.

 

La guerre s’est déclarée sans un mot, il a suffi d’un échange de regards. Et même derrière mon masque j’ai senti toute son hostilité et je me suis efforcé de lui la rendre au centuple. Et depuis, pas de quartiers !

 

-Madame ! C’est pour un sondage…

-Madame ! Tenez un échantillon gratuit de Chocapoc contre…

-Hey petit, si ton père répond au questionnaire tu auras droit à deux échantillons de Frozties !

-Monsieur combien avez-vous d’enfants ? Trois ? Alors ça sera trois mini-paquets pour vous !

 

Ce bâtard…je le hais ! Un de ces jours il va voler dans ses paquets il va rien comprendre !

Je vais les lui faire bouffer moi, jusqu’au dernier pétale !

 

Les patrons sont contents bien sûr puisqu’on sue sang et eau pour surpasser l’autre. Je suppose que c’est pareil pour lui, mais moi j’ai explosé mes dernières stats.

 

Il n’a pas les mêmes horaires que moi, il arrive une heure après et repart une heure avant parce que sa pause de midi n’est que d’une heure, et heureusement ! Je crois qu’on se battrait dans les vestiaires si on y était au même moment.

 

Parfois, un gamin inconscient nous demande une photo de lui entre nous deux, alors le temps de quelques secondes on enterre la hache de guerre et on fait comme si de rien n’était entre deux coups de coudes furtifs, deux gros pieds écrasés, deux coups de tête accidentels.

 

-Bonjour, je cherche Anthony Morel, vous pourriez m’indiquer où je peux le trouver ?

-Qui ça ?

-Anthony…

-Ah ! Tonny ! Oh vous pouvez pas le manquer…

 

Et ce croche-patte qui le fait atterrir tête la première dans sa pyramide de céréales est tout à fait involontaire, ce n’est pas de ma faute si j’ai de gros pieds orange.

 

Par contre c’est de sa faute s’il me saute dessus pour se venger et faire voler en éclat mon édifice à la gloire du flocon de maïs glacé au sucre.

C’est aussi de sa faute si ma tête vole loin de mon corps et roule jusqu’aux pieds d’une personne que je ne voulais vraiment, vraiment, vraiment pas voir ici.

 

-Tony ?

-Maman ?

 

Et. Merde.

 

Le chien s’est figé au-dessus de moi, mais je m’en moque. Je me débarrasse de lui sans le regarder, incapable de lâcher ma mère des yeux. Je suis certain d’être aussi rouge que mon bandana.

 

-Anthony qu’est-ce que ça veut dire ? Pourquoi es-tu dans ce costume ? Qu’est-ce qui se passe ici ?

 

Ma mère est interrompue par un type de la sécurité qui nous oblige à nous rendre en réserve, le chien et moi. Le directeur est furax. Il nous passe un savon dantesque et nous informe que la journée sera retenue sur notre salaire et qu’à la prochaine incartade c’est la porte pour nous deux. Nous repartons en trainant la patte avec l’obligation de nettoyer tout notre bordel et de remettre en état les stands dans les plus brefs délais.

 

Ma mère est restée là où on l’a laissée, outrée de voir son fiston se battre comme un malpropre en plein milieu d’un supermarché. Pire ! De le voir gaspiller de la nourriture à cause de ses âneries.

 

-Maman, je travaille là, tu veux pas m’engueuler plus tard ?

-Comment ? Tu…je ! On en rediscutera à la maison !

 

Elle repart finalement d’un pas énervé je dirais, me laissant seul face à une foule moitié hostile, moitié moqueuse. Génial. Avec tout ça, je viens de perdre la moitié de ma popularité dans le cœur des enfants.

 

-La honte, Tonny s’est fait gronder par sa reum !

-Haaan c’est trop un loser en fait.

 

Ainsi prit fin la glorieuse carrière de Tony le Tonny du BigMarket. Et devinez à qui ça a profité ? Picoo le chien ! Etonnant n’est-ce pas. Mais chose très étrange, il n’a pas l’air de s’en réjouir. Voir tous ces gens le harceler, ça doit lui faire peur. C’est sûr qu’avant il attirait plutôt les gentilles petites filles qui aiment câliner des gentils toutous et c’était moi qui me coltinais tous les petits garçons bagarreurs, teigneux, excités de la vie.

Amuse-toi avec eux maintenant Picoo de malheur ! Tout est de ta faute !

 

Comble du bonheur, le zoophile revient me voir alors qu’il avait arrêté depuis que le chien était là, pour me proposer une épaule chaleureuse histoire de me consoler. Merci, mais non merci. T’es p’tet bien gentil mon gars mais je suis pas fan des types avec des fétichismes trop bizarres.

 

Je rentre chez moi dépité et la discussion animée avec ma mère se finit par un sermon, une promesse de ne plus recommencer à me battre, un câlin pour se faire pardonner de m’enguirlander et un coup de fil musclé à mon paternel qui s’est bien fait remonter les bretelles. Ça faisait plaisir de voir ma mère comme ça, et ça m’a fait plaisir de la voir me défendre. Je l’aime ma maman.

 

Le lendemain est un calvaire. Le surlendemain…les gens étant ce qu’ils sont, plus aucun ne semble se rappeler des évènements et seuls un ou deux gamins viennent me tirer la langue et la queue au passage. Celle en peluche hein ! Je ne suis pas un pervers pédophile aux dernières nouvelles.

 

Enfin bref, la vie reprend son cours sauf que dorénavant, ma mère sait.

Et bien sûr je ne devrais pas virer parano, mais quand des gens que tu connais, que tu sais qu’ils ne viennent jamais dans ce magasin, se mettent à passer devant toi avec un petit sourire railleur aux lèvres et ben ça te met le doute.

Et quand tes meilleurs potes débarquent de nulle part et se mettent à te causer en pleine allée alors que tu ne veux qu’une chose c’est arracher les petits carreaux du carrelage pour pouvoir t’enterrer tranquillement, et ben je crois que le doute n’est plus permis.

 

Ma mère sait, et ma mère parle.

 

Maudit.

 

-Hey Antho !

 

Je suis maudit.

 

-Ben merde, réponds quoi ! Fais pas style tu nous reconnais pas !

 

Et le clébard qui n’arrête plus de me dévisager depuis l’incident. Je crois que je veux mourir. Vraiment.

 

-Oui bon ça va, pourquoi vous êtes là ?

 

« Vous » ce sont mes trois meilleurs amis : Cyril Michel, Clément Meunier et Christophe Ryan, respectivement Crik, Crak et Crok, mes Raïs Krispy à moi. Oui, ma vie tourne autour des céréales, qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ?

 

Si vous ne les connaissez pas, les vrais Crik, Crak et Crok sont trois lutins qui apparaissent sur les paquets des céréales précédemment citées. Alors pourquoi donner ces surnoms stupides à mes amis hein ? Facile !

 

Crik est roux, Cyril est roux. Crik est boulanger, Cyril a aussi pour surnom Miche –de pain- ouais c’est tiré par les cheveux.

Crak est blond, Clément est blond. Crak est meunier, Clément s’appelle Meunier, même pas besoin de se griller un neurone.

Et enfin Crok est brun, Christophe est brun. Crok est un soldat, Christophe s’appelle Ryan comme le soldat perdu de recherche. Marrant hein ?

 

Evidemment s’ils sont venus me voir c’est pour se moquer de moi vous pensez bien, surtout que je leur avais bien caché ce que je faisais en réalité, me doutant de leur réaction s’ils venaient à savoir. Et ben je peux vous dire que je ne me suis pas trompé.

 

Je les ai connus en Terminale. Ils n’étaient pas dans mon lycée mais on s’est retrouvés dans le même club. Un truc très fermé réservé à une certaine catégorie de la population. Les gays vous pensez ? Et ben non !

Bon ok, on est gays. Oui, même moi. Ah oui, je vous avais dit que j’avais fait socio pour pécho des filles hein ? Oui, c’est ce que je croyais aussi. J’étais jeune, naïf et innocent. Et puis j’ai vu la lumière. Bref.

Ce groupe ultra-select se nomme la Ligue des Graineaters, réservée à toutes les personnes touchées par la grâce de la graine soufflée, en pétale, croustillante, craquante, j’en passe et des meilleures. Oui, ça existe.

 

Les trois C eux, ils se connaissent depuis le collège, ils ont tout de suite accroché, tout de suite su qu’ils étaient gay, tout de suite couché ensemble. Non, ça j’en sais rien. Je ne sais pas trop ce qu’ils font de leur vie amoureuse (pour ne pas dire sexuelle) mais je ne sais pas si j’ai envie de le savoir. Ils sont un peu étranges parfois. Je me demande même s’ils ne sont pas dans un couple à trois. Je ne les ai jamais vus avec quelqu’un d’autre et ils sortent toujours ensemble en boite. Enfin bref, un mystère que je ne suis pas pressé d’élucider.

 

Toujours est-il qu’ils sont là, qu’ils me parlent, et que je n’ai pas envie de leur répondre. Je les envoie paître en douceur.

 

-Bon les gars, c’est pas que je vous fous dehors parce que je peux pas, mais j’aimerais bien faire mon travail correctement.

-Oh le rabat-joie, râle Cyril (le roux, rappelez-vous), venez on se casse, on est plus assez bien pour lui depuis que c’est devenu une peluche.

-Clair !

-T’abuses mec, et fais gaffe on va te pourrir sur Facebuk.

 

Ils partent sur cette dernière menace de Christophe, et je me permets une micro-pause d’une minute pour souffler un peu.

Je laisse mes yeux trainer du côté du clebs pour le voir en train de regarder mes potes partir (enfin je suppose que c’est ça, toujours difficile à dire avec les costumes), avant que son regard ne retombe sur moi et qu’il ne sursaute. Alors comme ça on s’attendait pas à ce que je te regarde monsieur le chien ?

Je le trouve louche des fois. Enfin, pas que des fois. Mais je suis parano je vous dis. Et maudit. Et naïf. Et un abruti. Bref.

Y’a des jours où j’aimerais bien savoir ce qu’il cache sous son costume, voir s’il est aussi affreux que son caractère. Oui parce que je l’ai toujours pas vu, avec nos horaires décalés. Peut-être un jour, j’aurais cet immense honneur. Vous la sentez l’ironie ? Oui ? C’est bien.

 

Aujourd’hui j’ai quand même eu un petit moment de gloire. Un peu avant que mes terribles amis débarquent, je scannais tranquillement la foule de mon regard de félidé à la recherche d’une nouvelle proie pour un petit sondage tout frais, tout frétillant, quand j’ai vu un type qui marchait un peu plus vite que les autres. Derrière lui, la petite mamie au chien de mon arrêt de bus qui levait la main pour le retenir.

Et devinez quoi ? Le type lui avait volé son porte-monnaie. En plein supermarché ! Vous y croyez vous ? Ben moi oui. Donc quand j’ai vu que le type avançait dans ma direction, ni une ni deux, ma jambe s’est tendue avec une technique qui avait fait ses preuves sur un canidé quelques jours plus tôt et ce pauvre type a fait une rencontre intime avec le carrelage. Surtout ses dents. On en a retrouvé une sous un rayon un peu plus tard. La mamie, elle, a retrouvé son porte-monnaie et j’ai gagné un bisou sur la truffe et une petite pièce de la grand-mère.

C’est bon d’être un héros.

 

*****

 

Il est dix-huit heures, horaire de départ du chien. Il commence à partir mais semble finalement changer d’avis et se dirige vers moi. Bizarre. Il est presque à mes côtés quand un gamin le bouscule en criant qu’il veut faire une photo avec « Tonny !! T’es trop fort, je t’adore ! ». Le clébard abandonne et s’en va vers les vestiaires. Très bizarre.

 

J’ai une sensation étrange quand j’arrive à l’arrêt de bus. Je ne sais pas si je vire vraiment parano mais j’ai l’impression que les gens me regardent bizarrement. J’ai pourtant vérifié avant de partir mais je n’ai rien sur le visage et ma tenue est propre et classique. Cette fin de journée est louche.

 

Le week-end passe et je reprends le mardi en ayant tout oublié du samedi précédent jusqu’à ce que je m’aperçoive d’une chose étrange. Le chien n’est pas là.

 

-Pascal ?

-Oui ?

-Il est pas là le clébard ?

-Pourquoi, il te manque ?

-Non, pas spécialement, mais son contrat se termine en même temps que le mien non ?

-Bah ouais, il est peut-être malade.

-Ouais…peut-être.

 

C’est quand même…bizarre. Je me répète ? Je sais. Mais vous ne trouvez pas qu’il y a un truc pas net ? J’ai un mauvais pressentiment je vous dis.

 

Je rentre chez moi le moral un peu à plat. Mine de rien, ces compétitions avec le toutou me divertissaient plutôt pas mal et je me suis ennuyé toute la journée, sans pouvoir m’empêcher de m’inquiéter dans un petit coin perdu au fond de ma tête.

 

Mon téléphone me réveille en plein milieu de la nuit.

 

Code Rouge.

 

*****

 

Je suis complètement stressé quand j’arrive au siège de la Ligue des Graineaters. Je rentre dans la salle de réunion en m’essuyant les mains sur mon pantalon et croise les regards inquiets de Clément, Cyril et Christophe. Tout le monde est présent autour de la table : en plus des Raïs Krispy, The Bear, The Bee, Cocoo et même Froggy sont là. C’est vraiment mauvais alors.

Mister Flakes fait son entrée dans le silence le plus total. Son visage est grave.

 

-Mesdemoiselles, Messieurs, un incident fâcheux s’est produit ce week-end. Picoo a été enlevé.

-Quoi ?

 

Les visages autour de la table sont effarés et l’exclamation de Christophe résonne contre les murs. Ce n’est pas la première fois qu’on s’en prend à l’un d’entre nous, mais c’est la première fois qu’un évènement aussi grave se produit. Et même si Picoo appartient à une bande rivale, nous sommes du même camp et nous sommes tous touchés par sa disparition parce qu’elle implique ce que nous redoutions depuis quelques temps : les autres sont passés à la vitesse supérieure.

 

-Vous…vous êtes sûr que c’est le vrai ?

-Vous en connaissez un autre Tonny ? me demande Mr Flakes d’un ton qui montre qu’il n’apprécie pas que je mette en doute son affirmation.

-Et…Et bien, à mon travail, il y a un type déguisé en Picoo et il n’était pas là hier. Je…

-Vous travaillez au BigMarket c’est bien cela ? me coupe notre leader.

-Oui…je, c’est…c’est le même ? C’était le Vrai ? Depuis le début ?

 

Flakes acquiesce. Putain ! Non ! Comment j’ai pu être aussi aveugle ? C’est pas possible !

 

-Hey, Antho. Ça va ? T’es tout pâle, me souffle discrètement Cyril en se penchant vers moi.

 

Bien sûr que ça va. Le type dont je suis amoureux en secret depuis trois ans s’est fait enlever et je n’ai rien vu venir. Mais tout va bien.

 

-On va le retrouver mec, t’inquiète, m’assure Clément d’un ton confiant.

 

Il n’y a qu’eux qui sont au courant, qu’eux qui savent à quel point cette nouvelle me bouleverse. Merde. Je dois me ressaisir. Flakes est en train de parler.

 

-Le seul élément dont on dispose c’est ce message qu’on a trouvé à son domicile :

 

« On a le chien et on hésitera pas à s’en servir

Vous êtes prévenus »

 

-Tout semble indiquer que la missive provient des Rongeurs, continue Mr Flakes.

-Oui, je sens leur odeur pestilentielle d’ici, confirme Froggy avec une moue dégoutée.   

 

Ces saletés. Je les déteste. Quand je les aurai retrouvés, ils vont comprendre leur douleur.

Ah, je vous ai perdu non ? Oui je sais, vous êtes passé d’un type étudiant en socio, déguisé en tigre pour son job d’été, à une réunion bizarre, avec des gens bizarres, qui parlent de choses bizarres.

 

Vous savez, quand je disais que la Ligue regroupait des gens touchés par la grâce des céréales, je ne plaisantais pas. C’est assez invraisemblable mais nous sommes en quelque sorte des…super-héros. Difficile à avaler mmh ? Pour nous aussi ça l’a été au départ.

Oui, c’est mon dernier secret, je vous le promets.

 

Quand je vous dis que le sort s’acharne sur moi c’est qu’il le fait vraiment et devoir incarner Tonny dans un supermarché était sans nul doute encore une farce du destin. Parce que je suis vraiment Tonny.

Vous me prenez pour un fou ? Je comprends. C’est arrivé il y’a trois ans et demi environ, le premier janvier de ma dernière année de lycée.

 

Comme tous les matins, je remplis un bol de mes céréales favorites, seul dans la cuisine. Mes parents sont dans le salon en train de regarder la télévision pour l’avant-dernière fois sous le même toit.

Je plonge ma cuillère avec enthousiasme dans le bol, et c’est quand je prends la première bouchée que le drame arrive. Je m’étouffe. Stupide n’est-ce pas. Je sombre dans l’inconscience.

Je me réveille dans un immense champ de maïs, seul, des épis à perte de vue, un soleil rouge qui se lève à l’horizon. Le premier rayon atteint la pointe d’un épi et c’est à ce moment là que la Voix s’élève. C’est d’abord un chuchotement, puis une douce mélodie portée par le vent.

Je me retrouve assis à la table de la cuisine, cuillère à la main, vivant, et pas très sûr de ma santé mentale. Je finis mes Frozties dans un état second avec une voix qui me répète en fond « le tigre est en toi ».

 

La journée passe et l’heure du goûter arrive. Je vais me chercher un encas quand je vois un petit flocon de maïs trainer sur la table de la cuisine. Je le mange sans y penser.

L’instant d’après, je suis un tigre. Et ouais, comme ça. Ben ça fait sacrément bizarre quand vous vous regardez dans un miroir et qu’au lieu de votre frimousse d’adolescent mal dans sa peau vous tombez sur la bouille de Tonny le tigre. Suuuuper bizarre.

 

Après un moment de panique plutôt normal hein, on est d’accord, je reçois un appel d’un certain Flakes qui me demande de le rejoindre au fond de mon jardin.

C’est là que j’ai rencontré mon patron non officiel, Mister Corn Flakes, vêtu d’un manteau aux épaules couvertes de plumes, fier comme un coq. Ce type c’est un peu notre Charles Xavier à nous, notre mentor. C’est lui qui nous a appris tout ce qu’on devait savoir sur nos pouvoirs. C’est assez simple finalement. Je mange mes Frozties tous les matins pour « recharger » mon réservoir d’énergie sans que cela ne me transforme. Si je veux prendre ma forme animale, il me suffit simplement de manger un seul flocon. Pour retrouver ma forme humaine, j’en mange un autre et voilà ! C’est plutôt pratique puisqu’on peut contrôler nos transformations et on a juste à toujours emmener une dose de céréales avec nous en cas d’urgence.

 

On ne sait pas qui nous attribue nos pouvoirs. On sait seulement qu’il y’a une entité, humaine ou non qui nous observe pendant de longues années avant de nous désigner comme ses « élus ». 

Une deuxième entité est apparue plus tard, créant l’équipe de Lestlé menée par Licky et dont fait partie Picoo. Nous ne nous entendons pas franchement avec eux même si notre travail est le même. Et oui, nous protégeons la veuve et l’orphelin et tout ce qui suit.

 

Vous voulez que je vous raconte ma première rencontre avec les Lestlé ? C’est aussi ce jour-là que je suis tombé amoureux. C’était épique.

 

On se retrouve tous dans une ruelle pour sauver un garçon d’une bande de voyous et tout le monde veut se jeter dans la bataille et demande la première place parce que « on était là avant ». Une catastrophe. On réussit quand même à sauver le garçon mais on finit par tous se battre et c’est comme ça que je rencontre Picoo.

Il essaye de me transformer en Chocapoc en me lançant des jets de chocolat fondu et moi de le mordre. On se retrouve à rouler à l’écart des autres et c’est là que son arme se retourne contre lui. Il avale un Chocapoc sans faire exprès et redevient brusquement humain. Et là, juste wouah ! Tout en nuances de chocolat. Des cheveux noir intense, une peau chocolat blanc, un regard chocolat au lait. Un vrai appel à la dégustation. Et j’ai presque l’impression que le coup de foudre est réciproque quand ses yeux s’agrandissent et qu’une légère rougeur apparait sur ses joues.

Souvent, lorsque je suis sous ma forme animale et que je suis sous le coup d’une émotion intense, j’ai tendance à reprendre une apparence quasi-humaine. J’ose parfois espérer que ce qu’il a vu lui a plu.

Je suppose que c’est pour ça qu’il m’a reconnu au BigMarket. Est-ce aussi pour cela qu’il a essayé de m’approcher ?

Je n’ai jamais eu l’occasion de lui parler jusqu’à présent, et la rivalité de nos deux équipes ne nous a jamais permis de nous rapprocher sur le terrain. Le pire dans tout ça ? Je ne sais même pas son vrai nom. Quelle plaie.

 

Enfin, revenons à nos moutons, parce que malheureusement, comme tous bons super-héros qui se respectent, nous avons aussi des ennemis comme ce gang des Rongeurs, dirigé par Rator, qui nous met des bâtons dans les roues depuis quelques temps. On les surnomme ainsi parce qu’ils pullulent, qu’ils prennent une apparence à mi-chemin entre l’homme et la bestiole qui ronge et qu’ils passent leur temps à grignoter du fromage. Leurs actions avaient jusqu’à présent été assez insignifiantes mais le vent a semble-t-il tourné.

 

-C’est l’équipe de Lestlé qui m’a transmis ce message, ajoute Mr Flakes, parce que Licky est en déplacement et qu’il ne peut pas coordonner l’action de sauvetage.

-Dites plutôt qu’il n’en a rien à foutre.

-Froggy !

-Pardon M’sieur Flakes.

-Bien, nous mènerons donc cette opération en collaboration avec Buzzy, Leo et Golden Abrahams.

 

Les protestations commencent à fuser dans la salle et Flakes tape une fois de la main pour rétablir le silence.

 

-Je ne veux aucun incident, gronde-t-il, le premier qui fait une incartade est démis de ses fonctions pour un mois. Est-ce que c’est clair ?

 

Un concert de « oui » mornes s’élève. Je hoche simplement de la tête, incapable de desserrer les dents.

 

*****

 

Nous retrouvons la Lestlé Team à la sortie de la ville. Buzzy et The Bee ont survolé la région toute la journée et ont repéré un rassemblement inquiétant dans les champs situés à quelques kilomètres. Tout le monde se dévisage en chien de faïence avant de suivre Corn Flakes. Nous sommes prêts au combat.

 

Les Rongeurs sont tous rassemblés dans un immense champ de blé. Rator surplombe la foule, juché sur une remorque. Nous avançons à découvert et la bande de vauriens s’écarte sur notre passage. Je reconnais le type au casque et celui qui fume à mon arrêt de bus. Ils nous surveillaient depuis un moment en fait.

Rator nous aperçoit enfin et ses petits yeux perfides luisent de malveillance.

 

-Ah ! Parfait, je vous attendais. Je vois que toute la petite bande est là, ou presque. Le spectacle n’en sera que plus divertissant et c’est votre ami qui va être content. Hein Picoo que tu es content ?

 

Il fait un pas de côté et dévoile le chien déjà en forme animale, attaché à une chaise. De l’adhésif l’empêche de parler et ses yeux paniqués accrochent les miens. Mes poings se serrent et j’entends The Bear gronder à côté de moi.

 

-Vous savez, reprend Rator, j’ai fait une découverte très intéressante sur ce brave toutou. Savez-vous qu’il suffit d’être celui qui lui donne son Chocapoc pour pouvoir contrôler son esprit et lui faire obéir au moindre de vos ordres ?

 

Je sens mes coéquipiers se tendre.

 

-C’est la merde, me souffle Cyril.

-Je te le fais pas dire.

 

Ça craint, parce que Picoo a un pouvoir sacrément puissant quand même. Ses jets de chocolat fondu transforment vraiment n’importe quoi en Chocapoc tout en produisant un « Paf » sonore.

 

-Ouuh comme j’aime cet instant où celui qui se croit le plus fort se rend compte qu’il est dans la merde, se gausse Rator.

 

Je vais le buter. Mais au même moment il coupe rapidement les liens retenant les bras de Picoo et lui ordonne de nous pulvériser.

 

La suite est un carnage.

 

Tout le monde s’écarte des jets de chocolat et tout le monde attaque tout le monde.

Cyril, le boulanger, englue ses assaillants avec de la pâte à pain avant de les cuire avec son souffle brûlant. Clément, dont les mains se sont transformées en pierre à moudre, réduit en farine tout ce qui passe à sa portée. Christophe montre toute sa maitrise des techniques de combat aidé de Cocoo notre singe ninja. Un peu plus loin, The Bear et Leo foncent dans le tas sans réfléchir et massacrent à grands coups de pattes les rongeurs.

Golden Abrahams module son corps devenu or à volonté, le transformant tour à tour en massue ou en longue lame tranchante.

Dans les airs, The Bee et Buzzy coordonnent leurs actions. Buzzy lance des anneaux rétrécissant sur les Rongeurs et The Bee finit le travail en envoyant des volées de dards empoisonnés. 

Tout ça au milieu de la marée de Chocapoc qui ne cesse d’enfler.

Après un rapide signe de tête de Corn Flakes, je profite de la confusion générale pour faire une percée vers la remorque. J’évite comme je peux les attaques de Picoo et je saute sur Rator.

 

Une main serrée autour de la gorge l’empêche facilement de parler et je ne peux pas m’empêcher de le railler.

 

-Moi aussi j’aime cet instant où celui qui se croit le plus malin se rend compte qu’il est dans la merde.

 

Et je l’assomme. Trouver un Chocapoc est très facile étant donné la mer dont nous inonde Picoo et je me précipite pour lui en faire avaler un. Il reprend forme humaine avec un soupir de soulagement et s’évanouit dans mes bras. Pourquoi pas. Je ne vais pas m’en plaindre personnellement.

 

Bref, la mission est un succès. On a certes perdu un très grand champ de blé mais nous avons sauvé Picoo et anéanti le gang des Rongeurs.

Tout le monde se retrouve dans notre QG, même les Lestlé, pour un débriefing commun. Picoo nous apprend que Rator avait prévu de l’utiliser pour détruire toutes les réserves de céréales du monde entier, ce qui aurait conduit à l’anéantissement de nos pouvoirs et lui aurait permis de contrôler la planète sans aucune force d’opposition.

 

N’importe quoi ce plan si vous voulez mon avis. Enfin bref, on s’en moque, on peut enfin rentrer à la maison après cette dure journée de labeur. Heureusement que j’avais prévenu le travail que j’étais « malade » et « indisponible » pour la journée.

Maintenant il faut reprendre le train-train habituel, bus, costume, clients, dodo. Mais le point très positif c’est que je sais désormais qui se cache derrière le chien en peluche qui me fait face.

 

On passe toute la journée du jeudi à se dévisager par-dessus les clients. A leur faire croire qu’on les écoute alors qu’on a d’yeux que pour la grosse peluche d’en face. Vous avez déjà fantasmé en matant une peluche ? Non ? Ben moi c’est fait maintenant. On est stupides.

Je suis stupide.

Le temps file à toute allure et l’heure de sa fin de journée est rapidement là. Je le vois qui s’en va sans un regard en arrière et je ne peux pas m’empêcher de ressentir une petite déception en voyant son gros popotin marron s’en aller au loin.

 

Je passe ma dernière heure de travail dans un état d’esprit un peu morose. Je me traine d’un pas lourd vers les vestiaires. Je jette un coup d’œil machinal dans la pièce et je vois son costume. Avec lui dedans. Il a juste enlevé sa grosse tête.

J’enlève la mienne et il me dévisage rapidement de ses grands yeux chocolat avant de baisser la tête. Monsieur est timide. Tout s’explique.

 

Je m’avance vers mon casier sans un regard pour lui, et je le vois se dandiner d’une patte sur l’autre du coin de l’œil. Je souris en attrapant mes affaires, et enlève mon costume sans plus faire cas de sa présence. Je l’entends s’étouffer derrière moi. Et ouais je suis en calebut’ c’est que ça chauffe là-dedans ! Sa toux se transforme en quelque chose de vilain et je me précipite pour lui donner une tape dans le dos. Merde alors, tu meurs pas quand on est sur le point de conclure !

 

-Merci, fait-il d’une voix étranglée.

-La salive c’est traître, je lui réponds gentiment en me mettant face à lui. 

-Carrément.

 

Sa voix est carrément incertaine et il regarde partout sauf là où je suis.

 

-C’est quoi ton prénom ?

-Pardon ?

 

Ses yeux s’écarquillent.

 

-Et ben, j’aurais dû poser la question plus tôt si j’avais su que c’était le seul moyen pour que tu me regardes. Ah, faut pas que je dise des trucs comme ça hein, ça te met mal à l’aise et tu deviens tout rouge. Je suis pas sympa je sais, mais j’aime bien quand tes joues sont colorées, ça te va bien.

-Err…hum, euh merci.

 

Tss, j’arrive pas à m’empêcher de le titiller. Je suis un monstre.

 

-Et donc ?

-Quoi ?

-Ton prénom ?

-Oh…E…Eddy.

 

Il se grattouille le bout du nez, gêné et je lui souris.

 

-Et donc, Eddy, tu penses que toi et moi, dans un futur très proche, et si on oublie qu’on est dans des teams rivales, on aurait moyen de s’entendre ?

 

Il hoche la tête.

 

-Et tu penses qu’on pourrait faire un peu plus que s’entendre ?

-Hum, quoi par exemple ?

-Je ne sais pas. Se toucher par exemple. Parce que tu vois, là tout de suite j’ai très envie de toucher tes lèvres avec les miennes. Tu crois que c’est dans le domaine du réalisable ?

 

Il déglutit et relève finalement ses yeux dans les miens. Sa réponse est un souffle que je m’empresse d’avaler.

 

Oh. Oui. Redis-moi oui. Avec ta bouche, avec ta langue. Voilà comme ça. Dis-moi oui avec cette main qui s’agrippe désespérément à ma nuque. Avec ton corps…pelucheux.

 

-Mmh, et…tu ne penses pas que tu pourrais…enlever ce costume ?

-Putain, si, mais embrasse-moi encore.

 

Qui suis-je pour refuser ? Et comme je suis multitâche, j’ouvre la fermeture éclair de son costume en même temps que j’enroule ma langue autour de la sienne. Efficace le garçon hein !

Je m’écarte juste assez pour le libérer de son imposante entrave et mes mains tremblent un peu quand elles se posent pour la première fois sur ses épaules nues.

Eddy soupire et approfondit encore le baiser.

Nos mains se faufilent le long de nos corps et ont presque atteint leur destination finale quand un puissant coup contre la porte nous fait sursauter violemment et nous nous éloignons précipitamment l’un de l’autre.

 

Deux types entrent dans la pièce sans faire attention à nous.

La tête plongée dans nos casiers, on échange un rapide coup d’œil amusé quand les employés du BigMarket passent derrière nous.

On finit par s’habiller en silence, puis Eddy s’approche doucement de moi et glisse sa main dans la mienne.

 

-Tu viens ?

-Je te suis.

 

*****

 

-Au fait tu as brillamment évité le sujet mais tu ne m’as toujours pas donné ton nom de famille.

-Pff, le type il tombe amoureux de moi et il sait même pas comment je m’appelle.

-Allez quoi, et puis tu connaissais pas mon nom non plus alors tu peux parler. Donc, c’est quoi ton nom ?

-Quoi t’es de la CIA ?

-Non, je suis bien pire que ça. Alors ?

-…doan

-Quoi ? Répète un peu plus fort ?

-Tss, tu fais chier. Medorian.

-Mé…Médor ? Tu t’appelles Médor ? Picoo le chien s’appelle Médor !! HAHAHAHAHA !!

 

Je meurs de rire. J’en pleure !

 

-Oui ben ça va, c’est arménien et j’ai pas choisi alors ta gueule.

-HAHAHAHAHA !!

-Tooonnnyyy…si tu ne cesses pas tout de suite tu vas le sentir passer.

-Quoi ? Ton os ?

-Pas que ça !

-Mouais, tu feras moins le malin quand le tigre sera en toi.

-C’est pas parce que je t’ai laissé les trois premières manches que tu vas m’avoir une quatrième fois !

 

Je suis Anthony Morel, vingt ans, casé, étudiant en socio à mi-temps, héros à plein temps. 

Vous pouvez m’appeler Antho, Tony, Tonny, ou bien Toto, mais surtout n’oubliez pas, le tigre est en moi !  

 


Fin






*****

Merci d'avoir lu et à la prochaine les enfants !

 
     
     
 
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