Stellane.
Auteur : haniPyanfar
o – o – o – o – o – o
Troisième partie : Yann Kerrye et Harry Potter
o – o – o – o – o – o
14 : Yann ou Draco, that is the question.
o – o – o – o
Chambre de Harry Potter, vendredi 10 août 2007, 7 heures du matin.
Harry ouvrit les yeux et sourit. La journée commençait bien. Le soleil filtrait par une fente des volets, le temps serait beau pour la visite à Poudlard. Le Département des Transports Magiques avait accepté de lui louer un portoloin pour le voyage, non sans réticences. D'habitude, il fallait faire une demande longtemps à l'avance et il y avait une grosse caution à déposer en cas de perte ou de vol. Mais on avait fait une exception pour lui. Il est vrai que jusqu'à ce jour, il n'avait jamais demandé de faveurs.
C'était une des dernières expériences qu'il tentait pour raviver la mémoire de Yann. Il espérait aussi un choc dimanche quand les Vélanes viendraient pour leur visite habituelle à Stellane. Mais même lui commençait à douter. D'ailleurs il se demandait s'il avait vraiment envie de retrouver Draco Malfoy. Yann était beaucoup plus agréable que l'ancien Serpentard. Ils venaient de vivre ensemble quelques jours de vacances formidables et il en souriait encore tout seul au réveil.
Au lendemain de la journée passée sur l'hippodrome, ils étaient allés au terrain d'entraînement des Aurors. Harry savait par Justin que du nouveau matériel pour les filatures des malfaiteurs et le pistage des produits interdits était arrivé. Luna serait présente avec quelques collègues, avec aussi des jeunes gens que les rats du Ministère avaient récemment élus et qui faisaient leur apprentissage.
Bien sûr, Harry n'était là qu'en visiteur puisqu'il était en vacances mais il voulait montrer à Yann en quoi consistait le travail des Aurors. Avec le secret espoir que le jeune homme serait séduit par le métier et qu'il déciderait de postuler pour un emploi. Ils avaient ainsi pu découvrir les nouvelles tenues de désillusionnement qui permettaient de se fondre parfaitement dans le décor. Elles étaient presque aussi performantes que la cape d'invisibilité de Harry.
Du coup, le soir, il avait sorti ce précieux souvenir de son père, rangé dans un tiroir de sa commode depuis la fin de la guerre. Et puis, pris d'une joyeuse crise de folie douce, il avait proposé à Yann une partie de cache-cache sorcier. Ils s'étaient poursuivis dans toute la maison, le premier dissimulé sous la cape, le second essayant de deviner où l'autre se déplaçait aussi silencieusement que possible. Ils riaient et jouaient comme deux gamins qu'ils étaient encore. Surtout Yann qui en avait profité pour attraper plusieurs fois Harry par surprise et pour le serrer contre lui, amicalement bien sûr !
Essoufflés et heureux, ils s'étaient retrouvés à la cuisine où Mimsy leur avait fait des crêpes. De nouveau, Harry avait insisté pour que Yann reste dans le monde sorcier. Mais celui-ci lui avait répondu qu'il retournerait sans doute bientôt à Penzance. Le dimanche, il avait téléphoné à Ma Kerrye depuis le hall du champ de courses. Elle espérait son retour car, disait-elle, son remplaçant ne faisait pas l'affaire.
A cette pensée, Harry se rembrunit un peu mais en repensant aux autres journées passées, il se sentit de nouveau plein d'espoir. Il voulait vraiment que Yann reste à Londres. Il aimait sa compagnie, sa malice, sa joie de vivre. Rien à voir avec ce qu'il avait connu jusqu'à présent avec les filles. Elles, il fallait les séduire tout en évitant soigneusement de trop s'y attacher et surtout ne pas se faire piéger dans des relations durables. Avec Yann, c'était sans équivoque. Il pouvait être lui-même sans se tenir sans cesse sur ses gardes.
Le mardi, ils étaient allés à King Cross, d'abord côté gare de marchandises moldue, là où probablement, Théodore Nott avait jeté l'Ante Memoria sur Draco Malfoy. Ils étaient passés sans le savoir juste à l'endroit où c'était arrivé mais rien n'avait éveillé l'intérêt de Yann. Puis ils étaient passés côté sorcier en traversant le pilier entre les quais neuf et dix. Le train de Poudlard stationnait au neuf trois quart mais sa locomotive rouge ne fumait pas. Elle attendait la rentrée de septembre pour se réveiller.
Ils étaient montés dans un wagon et Harry avait montré à Yann l'endroit où Malfoy l'avait attaqué en sixième année. Bon d'accord, il l'espionnait, caché sous sa cape. Mais tout de même, le Serpentard lui avait cassé le nez d'un coup de talon ! Harry racontait ça à son invité sans même faire le rapprochement avec son ancien ennemi. Yann était Yann et Malfoy était Malfoy. A certains moments, Harry oubliait totalement que c'était la même personne physique avec des cerveaux différents. D'ailleurs le jeune homme ne s'était pas formalisé de l'histoire. Il n'en avait aucun souvenir.
Le lendemain, ils étaient retournés sur le Chemin de Traverse. C'était l'Ile aux Trésors ! Harry voulait offrir à Yann un animal magique, comme Hagrid l'avait fait autrefois avec Edwige, la chouette blanche. Mais le jeune homme avait refusé. Qu'est-ce qu'il ferait d'un hibou, d'un serpent ou d'un chat magique à la Sardine ! Il ferait fuir les clients ! Mais il avait trouvé son bonheur dans les Farces et Attrapes pour Sorciers Facétieux de Weasley and Co.
Georges avait été surpris, presque fâché de voir Draco Malfoy entrer dans sa boutique - les mauvais souvenirs avaient la vie dure - mais il avait finalement été désarmé par le sourire de Yann Kerrye. Il lui avait montré sa dernière trouvaille : un perroquet magique qui retenait toutes les blagues, toutes les injures, toutes les grossièretés qu'on disait en sa présence et qui les répétait d'une voix forte quand on le grattait sous le bec. De quoi faire un tabac chez les pêcheurs de sardines ! Harry en rigolait encore dans son lit. Ah ! Ce n'était pas ce petit aristocrate de Malfoy qui aurait ri de ces pitreries !
Hier jeudi, ils avaient transplané jusqu'aux serres expérimentales du Ministère. Là, des botanistes sorciers faisaient des recherches sur toutes sortes de plantes pour améliorer la pharmacopée magique et aussi dans d'autres domaines comme les produits d'entretien pour les ménagères, les engrais et les pesticides écologiques pour les jardiniers amateurs de plus en plus nombreux et bien sûr les cosmétiques et les parfums. Neville travaillait dans ce secteur et s'était proposé comme guide.
Il leur avait fait visiter les laboratoires où des liquides de diverses couleurs bouillonnaient doucement dans des cornues transparentes. Harry avait reconnu de la Felix Felicis dans l'une d'elle mais on ne pouvait en approcher. Elle était protégée par une barrière magique. Même le sorcier qui la transvasait dans de tout petits flacons travaillait de loin, avec des pinces. Il aurait été trop tentant de s'en approprier quelques gouttes. La potion de chance pouvait-elle agir sur la mémoire de Yann, se demandait Harry ? Il faudrait peut-être essayer.
A la distillerie, on préparait du Polynectar. Deux alambics en cuivre produisaient le premier de l'extrait de polygonum, le second un concentré de sysimbre, qui seraient ensuite ajoutés aux autres ingrédients pour préparer la potion de transformation. C'était une commande du Département des Aurors, qui l'utilisaient dans leurs missions d'infiltration des réseaux de magie noire. En ce moment par exemple, expliquait Harry à ses compagnons, on s'en servait pour dépister et suivre les membres d'une secte de soi-disant vampires. Ils étaient peu nombreux et ne semblaient pas dangereux mais ils inquiétaient le Ministère.
Le plus intéressant, ça avait été la visite des différentes serres, surtout celles des plantes magiques fleuries, le domaine de Neville. Leurs fragrances étaient variées et allaient du chou fermenté - la base d'un excellent déodorant, disait le jeune botaniste - au plus capiteux des parfums. Yann en avait été tout étourdi et il avait fallu que Harry le prenne par la taille pour qu'il ne tombe pas dans les pommes. C'était à ce moment que le Gryffondor avait remarqué la douceur du corps qui s'abandonnait entre ses bras. Léger et souple et agréable à soutenir. Il en souriait encore.
Deux serres étaient interdites de visite mais Neville avait fait une exception pour ses deux amis. Dans la première, il faisait sombre. Un voile noir occultait les vitrages. A l'intérieur, les bulbes de Spatus Saxifrageae Septimus arrivaient à maturité. Ils servaient à fabriquer la potion Remue-Méninges et bientôt, tous les étudiants de Poudlard voudraient en acheter pour la rentrée. Leur odeur était piquante et amère. Neville avait conseillé à Yann de la respirer profondément. Un effet sur ses neurones déconnectés peut-être ? Mais le jeune homme avait seulement été pris d'une quinte de toux qui l'avait plié en deux dans les bras de Harry.
L'autre serre était fermée par un sortilège de clôture mais Neville connaissait le mot de passe. Il y faisait une chaleur étouffante car le soleil y pénétrait à flots. Les longues tables de culture étaient entièrement couvertes de petites plantes aux feuilles minces pointant à la base et aux multiples fleurs jaune d'or à sept pétales au bout d'une tige droite. Elles formaient comme un immense tapis et répandaient un parfum suave, entêtant à la longue.
"N'approchez pas, avait murmuré Neville. Ce sont des sensitives. Elles se referment si on les touche et quelquefois elles boudent pendant plusieurs jours. Or c'est demain que l'équipe des amoureux et des amoureuses doit venir les faucher. Ce sont les seuls à pouvoir les approcher sans risque. Elles servent à fabriquer des potions contre la mélancolie et les peines de cœur. Mais des petits malins les utilisent aussi pour concocter des philtres d'amour, de l'Amortensia en particulier. Après la cueillette, on va les distiller dans le plus grand alambic du laboratoire. Ce jour-là, le personnel peut prendre congé. Certains craignent les effets secondaires des émanations. Elles rendent amoureux de la première personne qu'on a sous les yeux. Bon ça ne dure que quelques jours mais ça peut causer des problèmes. Qu'est-ce que tu as Harry ? Tu es tout pâle .
- C'est le parfum. Il vaudrait mieux que je sorte.
Il avait quitté la serre avec Neville mais Yann s'y était attardé. Il avait fermé les yeux et inspiré profondément l'air lourd de senteurs capiteuses. Du dehors, les deux Griffondors l'avait vu sourire d'un air un peu mystérieux et son visage s'était comme illuminé de l'intérieur. Harry avait senti monter en lui une brusque bouffée de chaleur. Yann semblait si jeune, si … innocent, si fragile …
o – o – o – o
Est-il amoureux ? se demanda Harry en repoussant le drap pour se lever. Mais de qui ? Il avait été très aimable avec l'une des apprenties Aurors, celle au rat noir avec des moustaches rouges. Il avait ri et plaisanté avec elle ... Elle lui avait fait les yeux doux ... Ah mais non ! Yann était gay, il l'avait dit lui-même et il avait embrassé cet Américain à la Cave ...
En se regardant dans le miroir de la salle de bain, Harry se posait des questions. Qu'est-ce qui l'attirait chez Yann ? Il se sentait bien en sa compagnie. Ils étaient juste amis. Alors pourquoi sentait-il une pointe de jalousie lui piquer le cœur en repensant à la scène sous le pommier ? Il était hétéro. Il n'avait jamais eu de relations sentimentales ou sexuelles avec un garçon. Il n'y avait même jamais pensé. Seamus et Dennis étaient ses amis mais il n'envisageait de les imiter.
Depuis Ginny ... - ce nom provoquait encore en lui une bouffée d'amertume ... ah non tiens ! pas aujourd'hui ! le lointain souvenir de la trahison s'estompait ... - depuis la jeune rousse donc, il avait navigué d'aventure en aventure et s'en était bien trouvé. Et voilà que tout à coup, il avait envie d'autre chose. De se ranger peut-être ? De fonder une famille ? La maison de Sirius Black était grande et comme elle semblerait vide si Yann s'en allait ! Même si Stellane et Gabrielle revenaient bientôt de vacances, ce ne serait pas pareil. Elles avaient leur monde de filles. Harry avait besoin de quelqu'un qui partage son univers masculin. Yann était parfait pour ça et voilà qu'il parlait de partir!
Quoi ? Alors là, pas question ! Qu'il soit Malfoy ou Kerrye, le jeune blond devait vivre dans son monde, chez les sorciers ! Poudlard allait libérer sa mémoire de ses chaînes. On n'oubliait pas Poudlard ! Salazar Serpentard lui-même allait s'occuper d'une de ses ouailles ! S'il le fallait, Harry traînerait Yann jusque dans la Chambre des secrets ! Jusque sous les branches du saule cogneur ! Jusque dans l'antre des araignées géantes ! Malfoy devait retrouver ses souvenirs point barre ...
Hola ! Attends un peu ! Si Yann redevenait Draco, il ne resterait de toute façon pas chez lui, square Grimmauld ! Il irait vivre au manoir avec sa mère et peut-être son père s'il était bientôt libéré d'Azkaban ! Harry avait bien l'intention de révéler ce qui se passait à la prison. Les Détraqueurs étaient abominables. Nul être humain ne méritait un supplice pareil. C'était une honte pour la Justice Magique !
En plus, si Yann retrouvait la mémoire, il redeviendrait le jeune homme orgueilleux qu'il était dans sa jeunesse. Moins méprisant sans doute, à l'image du Draco Malfoy débarquant chez lui avec Stellane dans les bras quatre ans auparavant ...
Stellane ... Elle devait revenir à la maison demain samedi pour la visite dominicale de ses tantes Vélanes ... Elle espérait retrouver son père et non un aimable jeune homme qui n'avait d'elle qu'une image fugitive ... Elle avait plusieurs fois envoyé un hibou pour demander des nouvelles … Elle était restée trois semaines dans la Chaumière aux coquillages mais maintenant, elle avait hâte de rentrer …
Harry soupira en finissant sa toilette. Les soucis refaisaient surface. Dommage ! La matinée avait si bien commencé ! Pourquoi fallait-il qu'il balance ainsi entre Yann et Malfoy, entre son ex ennemi et son nouvel ami - oui on pouvait dire ça comme ça - entre les deux facettes opposées du même être, un beau blond aux yeux bleu gris qu'il ... appréciait ... désirait ... aimait ... ???
Non mais ça va pas ?
o - o - o - o
Même jour, même heure, chambre de Yann Kerrye.
Les pensées du jeune blond en question étaient plus moroses que celles de Harry. Depuis plusieurs jours, il avait déployé des trésors de séduction subtile pour conquérir son hôte mais sans véritable résultat. Harry le considérait comme un camarade agréable, il se plaisait en sa compagnie, c'était visible, mais ça n'allait pas plus loin. Il ne manifestait pas ce trouble des sens, prémices révélateurs d'un penchant amoureux ou du moins d'un désir sexuel. C'était un innocent qui ne voyait pas plus loin que le bout de son nez.
Il en avait pourtant déployées, des tentatives d'approche ! N'importe quel homme, même hétéro, aurait réagi à ses avances ! Il l'avait serré contre lui chaque fois que l'occasion se présentait. - Ah ! Cette partie de cache-cache avec la cape d'invisibilité ! - Il avait ri et plaisanté tout en faisant des allusions discrètes à ses sentiments. Il s'était intéressé sincèrement à tout ce que Harry lui avait montré ou expliqué. Il l'avait titillé en prétendant vouloir rentrer à Penzance. Chaque fois, son hôte protestait et lui demandait de rester dans le monde sorcier mais ça n'allait pas plus loin.
Il fallait en finir. Yann prit une résolution. Aujourd'hui, ils allaient faire un tour dans leur ancienne école. Il trouverait un moyen de provoquer directement Harry. Si celui-ci ne lui montrait pas plus d'intérêt, il partirait lundi, après la visite des fameuses Vélanes, ces femmes magiques à qui soi-disant aucun homme ne résistait. Enfin lui ne leur céderait sûrement pas ! Pas après ce qu'il avait découvert dans la serre des fleurs jaunes.
Il avait fermé les yeux et respiré leur parfum à fond. Et derrière ses paupières closes, une image s'était formée, l'image toute simple de Harry, souriant, lumineux, rayonnant. Il avait eu l'impression de le connaître depuis toujours, de l'avoir toujours attendu, espéré, désiré. C'était son compagnon dévolu, son unique, son âme sœur. Il savait maintenant qu'il l'aimait et qu'il n'avait que deux options, le conquérir ou le perdre. Car il ne supporterait pas plus longtemps de le côtoyer sans pouvoir lui avouer ses sentiments, sans le prendre dans ses bras, sans l'embrasser comme la nuit de la Cave ... C'était aujourd'hui ou ce ne serait jamais.
Yann repoussa le drap et se leva. Il en avait fini avec les allusions, les ruses, les chemins détournés. Malgré les réticences liées à son caractère plutôt secret et dissimulateur, il allait avoir avec Harry une discussion franche. Ce ne serait pas facile mais le moyen de faire autrement avec cet obstiné, réfugié, enfermé derrière des barrières de protection aussi solides qu'invisibles ! Il ne voulait rien voir ? Il allait entendre !
o - o - o - o
Dix heures, école de sorcellerie Poudlard, quelque part en Ecosse.
Le portoloin les avait conduits devant le portail du Château. On ne pouvait ni transplaner ni atterrir plus loin. Les sortilèges de sécurité avaient été remis en place, même si les temps troublés étaient terminés depuis plus de neuf ans. Yann regardait avec surprise l'énorme masse de pierre et ses multiples tours, le parc avec au loin une forêt touffue, le lac aux eaux sombres et immobiles. C'était un endroit magnifique. Il n'avait jamais rien vu de tel. Du moins depuis quatre ans, depuis son amnésie.
Harry lui avait raconté beaucoup de choses sur les sept années qu'ils avaient passées en ce lieu. Il lui avait montré des photos. C'était un peu comme quand Ma Kerrye lui racontait la jeunesse de son fils et implantait dans son cerveau des souvenirs factices. Sauf que là c'était vrai. Yann était maintenant convaincu d'avoir vécu autrefois sous le nom de Draco Malfoy, sans que sa mémoire en ait conservé la moindre trace.
De toute façon, ce serait comme ça qu'on l'appellerait ici. Pas la peine d'insister sur le fait qu'il n'aimait pas ce nom et préférait celui de Yann Kerrye. Même s'il n'en avait aucun souvenir, c'était bien dans cette école qu'il avait fait ses études et non pas dans un lycée de Penzance. Alors pour une journée, va pour Draco Malfoy ! Parfois, il ne savait plus très bien lui-même qui il était réellement.
Il avait fait tellement de découvertes depuis qu'il était dans le monde des sorciers ! Ici aussi, tout était nouveau pour lui, à commencer par le vieil homme suivi d'un chat aux yeux jaunes qui arrivait pour leur ouvrir la grille. Argus Rusard et Miss Teigne, d'après ses renseignements. Chose curieuse, le concierge le saluait et lui souriait largement alors qu'il regardait à peine du côté de Harry. Une préférence ancienne sans doute !
" Monsieur Malfoy, Monsieur Potter ! Soyez les bienvenus ! Le Ministère nous a prévenus de votre arrivée mais il n'y a pratiquement que les elfes de maison au Château. Madame la Directrice et la plupart des Professeurs sont encore en vacances pour quelques jours. Il ne reste que Sibylle Trelawney et Rubeus Hagrid ...
La professeur de divination et le garde-chasse. Harry n'aimait pas la première qui prédisait toujours sa mort imminente mais il avait beaucoup de sympathie pour le second, un demi-géant qui avait un faible pour les animaux dangereux et les dragons. Pourvu qu'il n'ait pas en ce moment dans sa cabane une couvée de Scroutts à pétard ou un loup-garou malade !
-... Allez à la cuisine et demandez aux elfes de vous préparer vos plats préférés. Ils vous attendent avec impatience, continuait Argus Rusard. Monsieur Malfoy, cela fait si longtemps que vous n'êtes pas venu au Château. Comment va Madame votre mère ?
-Bien je vous remercie, répondit Yann qui pensait plutôt à Ma Kerrye qu'à Narcissa Malfoy.
Il n'avait pas rendu visite à sa véritable mère. Harry lui avait expliqué son cas, il était inutile de la perturber davantage. D'ailleurs, le reconnaîtrait-elle ? Il avait juste atterri une fois devant les grilles du manoir pendant ses premiers essais de transplanage au loin, mais sans entrer dans le parc ou dans la maison car cela n'évoquait rien pour lui.
Comme cet immense Château d'ailleurs. Mais cela faisait plaisir à Harry de retrouver l'époque de sa jeunesse. Lui, ça l'attristait plutôt. Ce trou dans sa mémoire lui pesait de plus en plus. Il n'avait guère envie de remuer des souvenirs qui ne reviendraient sans doute jamais. Mais il n'était pas là pour ça. Il avait une conquête à faire. Il suivit donc son guide quand il entreprit l'exploration de Poudlard.
Ils descendirent des escaliers, Harry chatouilla la poire d'un tableau et une porte s'ouvrit sur une immense cuisine souterraine. Des dizaines d'elfes s'activaient autour de quatre longues tables. D'après la délicieuse odeur, ils préparaient des conserves et des confitures. Prunes, pommes, poires, coings, melons, fraises et autres fruits mûrs à point débordaient de grandes corbeilles.
Certains s'alignaient tout seuls sur des claies de bois. Un sortilège formulé pour leur conservation et ils disparaissaient ensuite dans des réserves fraîches et bien aérées. D'autres bouillonnaient doucement dans de grands chaudrons de cuivre accrochés dans les cheminées monumentales.
Des elfes en tablier blanc remplissaient avec des louches d'innombrables pots de verre qui s'envolaient ensuite vers des étagères. D'autres préparaient des boissons pétillantes et des jus de fruits, en découpant par exemple d'énormes citrouilles en dés et en les passant ensuite dans une centrifugeuse magique. Ça s'activait dans tous les coins. On préparait l'arrivée de centaines d'élèves dotés d'un solide appétit, qu'il faudrait nourrir pendant toute une année.
Mais brusquement tout travail cessa quand les elfes aperçurent les deux visiteurs. Ils se précipitèrent vers Harry et l'entourèrent en battant des mains mais ils n'approchèrent pas de Yann qu'ils regardaient avec un peu d'effroi. Draco Malfoy ne leur avait pas laissé un bon souvenir. Il fallut leur expliquer brièvement la situation Tout s'arrangea et le chef cuisinier leur promit ...
"... de la tarte à la mélasse, bien sûr Maître Harry ... et des éclairs au chocolat, certainement Maître Draco ... "
Ils quittèrent la cuisine chaleureuse et entreprirent de visiter le Château. Ils croisèrent d'autres elfes occupés à faire le ménage, à astiquer les armures, à chasser les araignées, à traquer la poussière. Tous paraissaient heureux de revoir Harry Potter et tous avaient le même réflexe de recul devant Yann.
" J'étais si terrible que ça ? s'étonnait le jeune homme.
-Disons que tu étais orgueilleux et que tu méprisais tous ceux qui ne faisaient pas partie des personnes riches ayant le Sang Pur. Ça semble complètement ridicule à l'époque actuelle, le monde magique a évolué, mais c'est ce qui a provoqué la guerre autrefois. Maintenant dès l'enfance, on apprend aux jeunes sorciers l'égalité et la tolérance. Ou du moins le respect des autres. Ça marche assez bien, sauf quand il s'agit de Quidditch. Les supporters sont aussi chauvins qu'avant ! Je me demande bien quelle équipe va gagner le tournoi l'an prochain. Serpentard contre Griffondor, c'était le match le plus attendu de l'année. Ah jeunesse !
-Harry, tu parles comme si tu avais cent ans ! Tu n'es pas si vieux ! Au contraire ! Tu es un jeune homme très séduisant ! Je suppose même que tu as brisé bien des cœurs dans cette école. Avais-tu une petite amie ou même plusieurs ?
Mais il vit son compagnon changer de visage. Il sentit qu'il s'engageait sur un terrain glissant. Harry ne lui avait jamais parlé de ses amours. Tout ce que Yann savait, c'était que son hôte était volage et n'avait pas d'attache sérieuse. Au lieu de lui répondre, Harry se tourna vers le portrait d'une diva en robe rose. Ils étaient arrivés devant la salle commune de Griffondor.
-Ah c'est vrai, je ne connais pas le mot de passe, dit-il.
-Il n'y en a pas pour le moment, répondit la grosse dame. Mais je vous reconnais. Vous êtes Harry Potter. Vous pouvez entrer et vous aussi Monsieur Malfoy, même s'il est rare qu'un Serpentard se hasarde par ici.
La porte s'ouvrit sur une pièce chaleureuse, tendue de rouge et d'or. La cheminée était éteinte mais Harry l'alluma d'un " Incendio ". Ils s'assirent côte à côte en face des flammes sur un canapé un peu défoncé. Soudain, Harry se mit à parler d'une voix un peu rauque.
C'était la première fois qu'il parlait de Ginny à son invité et il avait l'impression que ça le soulagerait d'un poids. Il raconta tout : leur idylle avant la guerre, leur séparation pendant la septième année, leurs retrouvailles après la victoire, les fiançailles et puis sa voix se cassa un peu sur la trahison. Mais finalement, il se sentit plus léger. Il se tourna vers Yann avec un léger sourire.
-C'est loin maintenant. On dirait bien que le feu de Griffondor a brûlé ces souvenirs et m'en a délivré. Tu vois, j'ai pu en parler sans tristesse.
-Crois-tu que maintenant tu pourrais aimer quelqu'un d'autre ? murmura Yann en se rapprochant un peu de Harry.
-C'est étrange que tu me dises ça. Je pense en effet à me ranger. J'en ai un peu assez de ma vie de patachon. Je voudrais ... je ne sais pas exactement quoi. Un nouvel amour peut-être. Quelqu'un en qui j'aurais confiance. Pour fonder une famille ... pour avoir des enfants ...
Malgré la chaleur des flammes, Yann sentit un frisson glacé parcourir son dos.
-As-tu quelqu'un en vue ? reprit-il d'une voix éteinte.
-Non pas précisément. Je commence juste à y penser. Mais toi, tu ne m'as rien dit. As-tu laissé une petite amie à Penzance ? Je veux dire un petit ami. Ton cœur est-il pris ?
-Oui, répondit Yann après un léger silence. J'aime quelqu'un. Mais il ne le sait pas.
Inexplicablement, Harry ressentit au cœur la même pointe de jalousie que le soir de La Cave. Il fixa Yann dans les yeux. Leurs regards s'accrochèrent et le jeune blond se jeta à l'eau.
-C'est toi que j'aime Harry. Depuis plusieurs jours j'essaie de te le dire mais ...
-Je ne suis pas homo, coupa Harry brusquement.
Il se leva, éteignit le feu d'un geste et se dirigea vers la porte. Il était à la fois soulagé et embarrassé. Soudain il voyait Yann avec d'autres yeux. Il comprenait mieux maintenant ses attentions, ses sourires, certaines de ses paroles. Mais cet aveu brisait les liens de la simple camaraderie et risquait de l'entraîner vers l'inconnu. Et il ne se sentait pas prêt pour ça.
-Oublions ça, Yann, reprit-il. Ce n'est qu'une passade. C'est juste parce que tu as changé de vie. Restons bons amis ... Viens, il est bientôt midi mais avant de descendre à la Salle à manger, j'aimerais revoir la Salle sur Demande. Si le Feudeymon y brûle encore, il réveillera peut-être ta mémoire. Nous avons failli y griller vifs le jour de la Grande Bataille. Ce sont des choses qu'on n'oublie pas.
Yann se leva sans rien dire et suivit Harry jusqu'au septième étage. Tout en montant les escaliers, il faisait le point sur sa situation. Voilà. Il l'avait fait. Il avait avoué ses sentiments. La réaction de Harry le laissait pensif. Il ne l'avait pas repoussé avec violence. Il proposait juste de rester bons amis. Tout n'était pas perdu. Il pourrait faire d'autres tentatives quand l'occasion se présenterait.
Harry, lui, était plus troublé qu'il ne voulait le paraître. Yann lui plaisait, il ne pouvait le nier. Mais ça n'avait rien à voir avec un sentiment amoureux ... Si ? ... Malgré son corps mince et souple, Yann n'avait rien de féminin. Ses bras étaient solides et quand il vous entourait ... Et c'était comment quand il vous embrassait ?
Harry eut tout à coup la brève impression que c'était déjà arrivé, que des lèvres passionnées avaient cherché les siennes. Il secoua la tête. Allons, tout ça c'étaient des bêtises ! Comme le disait Ma Kerrye, malgré son âge, Yann n'était qu'un grand adolescent et il avait une poussée d'hormones !
Ils étaient arrivés dans un long couloir. Sur l'un des murs se trouvait une grande tapisserie avec un petit homme dansant devant des trolls armés de gourdins. Harry lui demanda si le feu brûlait toujours. Le danseur lui fit signe que non tout en évitant un coup de bâton d'un entrechat.
-Tant pis, dit Harry. Et il passa trois fois devant le mur en répétant : " Je veux entrer dans la Salle sur Demande, là où s'entassent toutes les vieilleries du Château."
Une porte se découpa dans le mur et s'ouvrit sur une immense pièce aux murs encore noircis par l'incendie. Le Feudeymon avait dévoré jusqu'au plus petit objet, jusqu'au moindre bout de papier puis il s'était éteint faute de combustible. Mais déjà en neuf ans, on avait remisé là des piles de livres, l'armoire à disparaître avec une porte pendant sur ses gonds, un bureau au pied cassé, tout un bric-à-brac poussiéreux venant d'une classe désaffectée ... En quelques dizaines d'années, elle serait aussi encombrée que l'ancienne.
-Toi et tes copains, Crabbe et Goyle, reprit Harry, vous nous attendiez ici, Ron, Hermione et moi, sur l'ordre de Voldemort. Crabbe voulait me tuer mais toi tu ne voulais pas. En fait, tu n'as jamais voulu tuer personne. Et quand Crabbe a jeté le sortilège, je n'ai pas pu te laisser mourir dans les flammes. Nous nous détestions mais en même temps, nous savions que cette haine n'était pas naturelle, que dans d'autres circonstances, nous aurions pu nous apprécier comme nous le faisons maintenant. Je me souviens de tes bras autour de ma taille quand nous cherchions la sortie en volant sur des balais. Goyle hurlait dans les oreilles de Ron. Crabbe était tombé dans les flammes. On ne pouvait rien pour lui. On s'en est tiré de justesse ...
Il regardait pensivement la Grande Salle en se demandant comment des souvenirs pareils pouvaient s'effacer d'une mémoire. Soudain, il sentit de nouveau deux bras l'entourer par derrière et le serrer très fort comme autrefois. Une voix douce murmura à son oreille.
"Je n'ai jamais eu l'occasion de te remercier pour m'avoir sauvé la vie. Laisse-moi le faire aujourd'hui ...
Et Yann posa ses lèvres chaudes sur la joue de Harry. C'était doux, c'était tendre, c'était le baiser d'un ami, d'un frère ... Sauf que les lèvres se rapprochaient un peu trop d'une bouche tentante ... Harry eut un léger mouvement de surprise. Aussitôt Yann le lâcha et recula.
-... En toute amitié, termina-t-il avec un sourire enchanteur.
Harry sourit à son tour. On ne pouvait en vouloir à un Yann aussi aimable ...
Quelques minutes plus tard, ils s'installèrent dans la Salle à manger à la table de Griffondor. Les plats se succédaient devant eux, venant directement de la cuisine souterraine. Alors qu'ils dégustaient leur dessert, Sibylle Trelawney apparut à la porte, avec ses bijoux, ses châles et ses grosses lunettes.
"Mon troisième œil m'avait averti de votre arrivée, dit-elle en se dirigeant vers eux. J'ai aussitôt regardé votre avenir dans ma boule de cristal ... Pour moi ce sera juste un café turc, ajouta-t-elle en s'asseyant en face d'eux.
Et une tasse fumante apparut aussitôt sur la table. En fait, la professeur de divination avait été prévenue par l'elfe qui lui apportait le plateau du déjeuner mais elle ne l'avouerait sous aucun prétexte.
-Monsieur Potter, continua-t-elle, vous avez déjoué toutes mes prédictions. Mais cette fois, je ne peux pas me tromper. Vous allez enfin rencontrer l'amour. Une jeune fille blonde va bientôt croiser votre chemin. Ne la ratez pas, c'est la seule qui peut vous apporter le bonheur. J'ai vu un beau mariage et trois enfants ...
- Merci Professeur, répondit Harry en riant sous cape, je suivrai votre conseil. Mais qu'avez-vous vu pour Monsieur Malfoy ? C'est lui qui a surtout besoin de vos lumières.
-Oh Monsieur Malfoy, vous avez déjà été marié et vous avez une fille. Mais votre épouse est morte. Vous avez disparu pendant quatre ans et vous avez perdu la mémoire. Mais tout va s'arranger bientôt avec l'apparition d'une jeune dame brune. Vous aurez un fils et vous vivrez heureux dans votre manoir avec votre père et votre mère.
Bon, il lui suffisait d'avoir lu Sorcière Hebdo pour connaître ces détails sur la vie de Draco Malfoy. Quant à ses prédictions ... avec un Yann homo, elles tombaient un peu à plat ! La professeur but son café noir et regarda machinalement le marc qui était resté au fond de la tasse. Ses yeux s'écarquillèrent, son visage devint très blanc et sa voix se fit rauque.
- ...C'est étrange. On dirait que votre première épouse vous a jeté un sort. Vous n'aimerez aucune autre femme ... Il y a une ombre qui pèse sur votre vie ... Vous recherchez votre passé. Il est là, il n'est pas perdu ... Bientôt, il sera tout près de vous. Saisissez-le, vous n'aurez pas d'autre occasion ... Ce sera douloureux, je vois une épreuve ... Mais vous n'êtes pas seul ... Une étoile vous guide ...
Puis, aussi soudainement qu'elle était entrée en transes, Sibylle Trelawney retrouva son air un peu égaré et reprit de sa voix normale :
- Quoi ? Que se passe-t-il ? Pourquoi me regardez-vous comme si le Sinistros était à vos trousses ? Ai-je dit quelque chose de bizarre ?
-Non non Professeur, répondit vivement Harry. Au contraire ! Vous nous avez promis à chacun beaucoup de bonheur. Merci beaucoup d'avoir pris la peine de consulter votre boule de cristal. Viens Yann, nous devons encore visiter le parc.
Ils descendirent le perron et se dirigèrent vers le lac en silence. Ils firent halte sous le saule pleureur. Le calmar géant flottait paresseusement non loin de la rive. Il envoya vers eux des petites vagues avec ses longs tentacules. Peut-être était-il d'humeur joueuse. Mais le visage de Harry restait grave.
-Tu ne crois tout de même pas aux prédictions de cette voyante, dit finalement Yann. Tu m'as dit qu'elle n'avait aucun talent.
-C'est vrai la plupart du temps . Mais à deux ou trois reprises, elle a eu des sortes de flashs. Dans ces moments-là, son visage et sa voix changent et elle fait réellement des prophéties. Tout à l'heure, elle a parlé de toi, elle a dit que tu allais bientôt retrouver ton passé ... Ça ne ressemblait pas à ses fantaisies habituelles. C'est peut-être vrai ... Attends ! ... Les Vélanes ! Elles viennent dimanche. Elles ont des pouvoirs étranges ! Et si elles possédaient un moyen, une clé pour raviver ta mémoire ? Tu as aimé l'une d'elles puisqu'il y a eu Stellane ! C'est un lien avec ton passé ! Un lien fort !
-Harry ! Harry ! Reviens sur terre ! Je ne crois pas à ces bobards ! Je suis Yann et je le resterai. Pourquoi veux-tu à toutes forces faire revivre Draco Malfoy ? Il te manque tant que ça ? Je croyais que vous vous détestiez ! Ne peux-tu l'oublier et me voir tel que je suis ? Je t'aime Harry. Je te l'ai dit tout à l'heure et je te le redis. Je suis Yann Kerrye et j'aime Harry Potter. Il n'y a personne d'autre.
-Tais-toi, Yann. Ne revenons pas sur ce sujet. Moi aussi je t'aime, beaucoup. Je t'aime en ami, pas en amoureux. Je suis hétéro, je n'ai jamais eu de relations intimes avec un garçon.
-Mais tu n'as jamais essayé ! C'est pour ça ! Ne veux-tu pas faire au moins une tentative ? Avec moi ? De toute façon, ça ne t'engage à rien ! Je vais partir. C'est décidé.
-Jamais de la vie ! Tu restes pour les Vélanes ! Tu es obligé Yann ! C'est ta seule chance d'après Trelawney !
-Elle n'y connaît rien ! Et puis je ne veux pas décevoir Stellane ! Il vaut mieux que je parte avant son retour.
-Non ! Moi, je me fous de Draco Malfoy ! Mais elle, elle veut retrouver son père ! Alors, même s'il n'y a qu'une chance sur un million, tu dois essayer. Justement pour elle !
-Et qu'est-ce que j'y gagne, moi, à part une nouvelle déception ?
-Je ne sais pas moi ! La satisfaction d'avoir tout tenté ? ... Attends, j'ai mieux ! D'avoir tout tenté pour elle et aussi pour toi. Ce soir, si tu veux, tu essayes de me séduire et si tu y arrives, je t'accorderai tout ce que tu demanderas ... Heu dans la limite du raisonnable tout de même ! Mais tu restes !
" Bravo Yann ! Tu as gagné ! Il ne sait pas de quoi je suis capable pour l'avoir ! Je t'en foutrai, moi, du raisonnable ! "
-D'accord ! Promesse pour promesse. Je reste, je te séduis et j'affronte les Vélanes. Je te signale juste, très cher Harry, que si je réussis, ça m'étonnerait que tu me laisses partir et je doute d'en avoir encore envie ! Allez, fais-moi visiter ton parc. Elles sont où, tes araignées géantes ?
Ils éclatèrent de rire ensemble, soulagés tous les deux mais pas forcément pour les mêmes raisons.
o - o - o - o
Ils trouvèrent Hagrid derrière sa cabane; Il épluchait des gros tubercules verts et les jetaient ensuite dans un enclos où deux drôles d'animaux étaient enfermés. Ils étaient gros comme des cochons. Ils en avaient d'ailleurs le corps rose et la queue en tire bouchon. Par contre ils avaient quatre pattes écailleuses terminées par des serres griffues comme celles des oiseaux. Et une tête d'éléphant, avec de tout petits yeux, des grandes oreilles battantes, des courtes défenses et surtout une trompe.
Ces deux-là se faisaient face et justement, leurs deux trompes étaient enroulées l'une avec l'autre si fortement qu'ils n'arrivaient pas à se séparer. Ils tiraient, tiraient et les trompes s'allongeaient mais ne se dénouaient pas. Cela ne troublait pas Hagrid qui continuait à leur jeter de la nourriture et à leur parler avec des grognements modulés.
Il s'interrompit en voyant arriver ses visiteurs. Il rugit littéralement le nom de Harry, l'attrapa comme autrefois et le serra dans ses bras à l'étouffer avant de le relâcher. Par contre, il hocha juste la tête en direction de Yann. Il fallut de nouveau expliquer la situation.
-Tu as perdu la mémoire, Malfoy ? Hé bien ce n'est pas plus mal ! Tu n'es pas l'élève qui m'a laissé le meilleur souvenir. Enfin c'est embêtant tout de même. Qu'est-ce que vous êtes venus faire ici tous les deux ?
-On voudrait aller dans la Forêt Interdite. Je voudrais montrer à Yann l'endroit où Voldemort buvait le sang d'une licorne.
-Oh oh ! Ce n'est pas prudent d'aller en ce moment dans la Forêt ! Les acromantules ont faim. Elles sont trop nombreuses et ne trouvent plus assez de gibier. Elles s'attaquent à tous les êtres vivants, même aux botrucs et aux gnomes de champignons. Mais vous pouvez peut-être y aller sur des balais. Il y en a dans la réserve du stade de Quidditch.
-Bonne idée Hagrid. Merci de nous avoir prévenus ... Non, nous n'aurons pas le temps de prendre le thé. Le portoloin est programmé pour quatre heures. Passez à la maison si vous venez à Londres un de ces jours. A bientôt.
Il y avait en effet des balais dans les vestiaires du stade. Ils n'étaient pas de première jeunesse mais juste pour un survol de la Forêt, ce serait suffisant. C'était agréable de frôler la cime des arbres et de découvrir les habitants des lieux dans les clairières. Ils virent un groupe de jeunes hippogriffes en train de s'ébattre auprès d'un étang, une harde de sombrals avec leurs petits, des cocatrix multicolores paradant devant leurs femelles au plumage plus terne. Ils aperçurent même des centaures qui les visèrent avec leurs arcs mais ne tirèrent aucune flèche. Mais d'araignées géantes, point.
Et puis soudain, ils découvrirent un spectacle rare : deux licornes, un mâle et une femelle, avec leur licorneau, au milieu d'une clairière inondée de lumière. Ils rayonnaient de blancheur et leur unique corne argentée brillait à leur front comme une épée. Perchés sur leurs balais, Harry et Yann descendirent doucement jusqu'à se poser sur une branche d'arbre à quelques mètres des superbes animaux. Ils restaient là sans parler, sans bouger pour ne pas les effrayer.
Mais tout à coup, le mâle leva la tête, poussa un cri d'avertissement et les trois animaux s'élancèrent à grande vitesse dans la forêt. Au même moment, ils entendirent pas très loin d'eux une sorte de cliquetis. Horrifiés, ils découvrirent plusieurs araignées géantes qui se dirigeaient vers eux en passant de branche en branche. Voilà pourquoi ils n'en avaient pas vu jusque maintenant ! Elles se déplaçaient dans les arbres, dissimulées sous les feuillages !
-Draco ! Vite ! cria Harry.
Ils eurent juste le temps de s'envoler sur leurs balais. Les horribles bestioles arrivaient en claquant les unes contre les autres leurs dents pointues, leurs crocs à venin en fait. C'était ce bruit qui avait alerté les licornes et eux aussi bien sûr ! Ils se regardèrent et sans se concerter, ils foncèrent vers la lisière de la Forêt. Mais ils s'aperçurent vite que les acromantules les suivaient en bondissant d'arbres en arbres. Deux humains devaient leur paraître un délicieux repas !
Ils arrivèrent au-dessus du parc en ayant quand même une bonne longueur d'avance. Harry espérait que les bestioles n'oseraient pas sortir des arbres mais il en vit quatre qui continuaient à courir dans leur direction et elles allaient vite ! C'est le moment que choisit le balai de Yann pour avoir des ratés. Il tressauta plusieurs fois, descendit brutalement, atterrit sur l'herbe d'une glissade et ne bougea plus.
Harry se posa aussi et regarda autour de lui pour trouver un abri. Son balai ne supporterait pas le poids de deux adultes. Soudain son regard s'éclaira.
" Viens ! " cria-t-il à Yann et il courut droit vers un saule qui était tout proche.
" Mauvaise idée, pensa le jeune blond, Cet arbre a l'air fragile. Il ne nous protégera guère. Enfin, nous avons toujours nos baguettes. C'est quoi le sortilège déjà ? "
Le saule commença à agiter ses branches mais Harry appuya du bout de son manche à balai sur une racine noueuse. L'arbre s'arrêta aussitôt. Le Griffondor tira Yann vers un trou au pied du tronc, appuya de nouveau sur la racine et les branches se remirent en mouvement. Il était temps, les araignées les avaient presque rejoints. De leur refuge, les deux hommes les virent se faire balayer par le saule.
Cela aurait semblé presque comique si ça n'avait pas été aussi dangereux. Les grosses bêtes furent propulsées dans les airs et atterrirent sur le dos à plusieurs mètres de l'arbre, avec leurs huit pattes emmêlées ou même cassées. Elles se relevèrent péniblement et repartirent vers la Forêt en clopinant. Quand elles eurent toutes disparu. Harry sortit du trou en tirant Yann derrière lui. Ils coururent pour échapper aux branches battantes et se retrouvèrent près du lac. Le calmar géant avait disparu dans les eaux noires.
-C'est le saule cogneur, expliqua Harry quand ils eurent repris leur souffle. Il protège l'entrée d'un souterrain qui mène à la cabane hurlante, un lieu hanté disent les villageois de Pré-au-lard. Mais ce n'est pas vrai, c'est seulement très sale, très poussiéreux. Tout est cassé à l'intérieur. C'est là que Nagini, le serpent de Voldemort, a tué le professeur Snape. Tu étais son élève préféré, il t'aimait beaucoup. Par contre, il me détestait parce que je ressemblais à mon père. Mais dans le fond, c'était un homme bien. Il était espion pour l'Ordre du Phénix ... C'est là aussi que j'ai retrouvé Sirius Black, mon parrain, le cousin de ta mère ...
-Stop Harry ! Arrête ! Je ne veux plus rien entendre ! Chaque mot que tu dis creuse un peu plus le trou dans ma cervelle ! Surtout dans cette école ! Tu ne comprends pas ! Je ne peux rien partager avec toi ici ! Ce serait pareil si tu m'avais emmené dans le lieu le plus enchanteur du monde ! Quand admettras-tu que ma mémoire est définitivement perdue ? J'en ai assez de toutes ces tentatives pour soi-disant la réveiller ! Je vivais dans une belle auberge au bord de la mer. J'avais une mère, un métier, des amis. C'était une petite vie tranquille mais c'était ma vie ! Et puis un beau matin, tu débarques et tu chambardes tout. Le pire, c'est que je tombe amoureux de toi. Moi, Yann, et pas Draco comme tu m'as appelé tout à l'heure. Alors laisse-moi tranquille. Cette école me sort par les yeux ! Il n'est pas encore l'heure de partir ? Je n'en peux plus Harry ! Cette fois c'est décidé, lundi je rentre à la maison ! A MA maison !
Il en faisait un peu trop, Yann s'en rendait bien compte. Mais la dernière aventure avec les araignées géantes l'avait secoué. Il n'aimait pas ces bêtes-là, même petites et inoffensives. Alors celles-là ! Il exorcisait sa peur en provoquant à Harry. Comme il s'y attendait, le Griffondor accusa le coup. Mais au lieu de protester, il le prit dans ces bras et lui tapota l'épaule comme il l'aurait fait avec un enfant effrayé.
-Excuse-moi, Yann, lui murmura-t-il à l'oreille. je ne pensais pas qu'en évoquant ces souvenirs, je te ferai de la peine. Je ne dirai plus rien. Calme-toi. On va rester un peu ici, il sera bientôt l'heure de rentrer à la maison, bon, d'accord, à ma maison. En attendant, si toi tu me racontais ce que tu faisais à la Sardine ? Parle-moi de Ma Kerrye, c'est une femme exceptionnelle. De tes amis aussi, de tes amoureux, je suis sûr que tu en as eu ...
Yann se trouvait bien dans les bras protecteurs qui l'entouraient sans le serrer. Il se rapprocha un peu de Harry, posa sa joue sur son épaule et soupira à son oreille :
-Bien sûr que j'ai eu des amoureux ! Des amants aussi ...
Il sentit le corps chaud se raidir contre lui et les bras se resserrer. Il ajouta aussitôt d'une voix tentatrice :
... Mais toi, ce n'est pas pareil. Les autres n'existent pas. Il n'y a que toi ...
Il eut juste à redresser un peu la tête et leurs regards se croisèrent. Ce fut lui qui commença le baiser. Doucement, en suçotant un peu les lèvres offertes. Puis, voyant que Harry ne le repoussait pas, il se fit plus hardi. Il rapprocha leurs deux corps en posant ses mains sur les fesses de son partenaire et sa bouche se fit pressante. Il réussit à franchir la barrière des dents et sa langue s'infiltra à la rencontre de l'autre.
Et Harry répondit à son baiser. Sans hésitation, sans aucune contrainte. Comme le soir de la boîte de nuit quand c'était lui le demandeur.
Tout s'effaça autour d'eux. Chacun ne voyait plus que le visage de l'autre. Harry avait les yeux à demi fermés, il répondait à l'appel de Yann de tout son être. Ses bras le serraient à l'étouffer, ses hanches bougeaient déjà, son sexe durcissait. Une chaleur bien connue l'envahissait, la même que lorsqu'il prenait pour la première fois une de ses conquêtes dans ses bras. C'était un corps de garçon, c'était une odeur masculine, c'était Yann et cela n'avait pas d'importance. L'attirance était là, primitive et sauvage, brute de toute réflexion, de toute inhibition.
… Un baiser, la première manifestation des relations charnelles. La dernière barrière séparant les êtres qui s'effondre. On admet quelqu'un dans l'espace ultra privé de sa peau, de sa bouche, de son souffle même. On ne fait plus qu'un avec l'autre pendant quelques instants hors du temps. L'intellect s'efface, l'instinct prend le pouvoir, une pulsion venue du fond des âges rend toute pensée cohérente impossible. On ne peut y résister ...
Harry ne résistait pas et Yann savourait sa victoire, la première car l'autre baiser, celui après la boîte de nuit, ne comptait pas si Harry ne s'en souvenait pas. Lui aussi sentait son corps s'embraser, son ventre se tendre, la chaleur l'envahir de partout, lui faisant presque perdre la tête.
Presque.
La conquête de Harry lui tenait trop à cœur pour qu'il baisse complètement sa garde. C'était dans sa nature. Il ne voulait pas, il ne pouvait pas échouer si près du but. Son baiser était passionné mais un tout petit coin de son cerveau restait vigilant, au cas où Harry, reprenant ses esprits, l'aurait brusquement repoussé.
Mais non. Tout était parfait, du début à la fin. Ils ne se séparèrent que quand le souffle leur manqua. Ils avaient tous les deux les joues rougies et les yeux brillants. Ils restèrent un moment sans parler, essayant de calmer les battements accélérés de leurs cœurs.
-On avait dit ce soir, glissa enfin Harry en souriant d'un air un peu contraint.
-J'en avais trop envie, et toi aussi non ? répondit Yann d'un ton moqueur.
-C'est vrai, moi aussi ... Mais ne triomphe pas trop vite. Tu dois me séduire et je n'ai pas l'intention de me laisser faire. Il est temps de franchir la grille. C'est bientôt l'heure pour le portoloin ... Attends ! Tu as une trace noire sur le visage, ajouta-t-il en effaçant doucement une traînée de terre sur la joue de Yann.
Ses doigts firent à celui-ci l'effet une caresse.
o - o - o - o
Deux personnes avaient assisté de loin à leur étreinte. Hagrid rentrait dans sa cabane après avoir enfin séparé ses hybrides de cochon, d'oiseau et d'éléphant.
"Quelle poule mouillée ce Malfoy ! dit-il tout haut en poussant sa porte. Quelques araignées et le voilà qui se réfugie dans les bras de Harry ! Pas plus courageux qu'autrefois quand Vous-Savez-Qui rôdait dans la Forêt Interdite ! Potter est trop bon ! Mais finalement, c'est mieux que de les voir se battre ! Malfoy est devenu plus humain, c'est bien qu'il soit ami avec Harry ! "
Sibylle Trelawney regagnait sa tour après un petit arrêt au septième étage dans sa réserve de cognac. Elle crut d'abord à une hallucination et se promit de ne plus boire mais ses yeux voyaient juste.
"Potter et Malfoy qui s'embrassent ! Je m'en doutais ! Ils sont ensemble ! Mais alors j'avais raison dans mes prédictions ! Blond pour brun, brun pour blond ! Je me suis juste trompée sur le sexe ! Les présages sont parfois si difficiles à interpréter ! Le dirai-je aux autres quand ils rentreront de vacances ? Non, ce sera mon secret ! D'ailleurs ils ne me croiraient pas ! Ils ne me croient jamais ! Hé bien pour une fois que j'ai raison, ils ne sauront rien ! Tant pis pour eux ! "
Ainsi va le monde. Certains ne voient que le meilleur dans les êtres qui les entourent, qu'ils soient humains ou animaux, sans chercher le mal. D'autres ne contemplent que leur nombril et ramènent tout à eux-mêmes.
Les amoureux, eux, se cherchent quelquefois dans le regard de l'autre.
o - o - o - o
A suivre.
|