Habitant dans le nord de Nottingham, ils dévalèrent les rues étroites et nauséabondes de ce quartier de "White Trash"(1), ne se souciant pas de la seule lumière encore présente: la lune. Ino s'arrêta un instant pour contempler ce qui constituait son enfance. Elle n'en voulait à personne pour cette misère, ni pour les années de quarantaine que ces habitants avaient subi. Tels des intouchables en Inde, ils vivaient en marge d'une société qui refusait de reconnaître que des blancs pouvaient être traités encore plus mal que les noirs. Triste vérité qu'eux acceptaient, faute de mieux. Son père, caissier dans une grande firme de supermarché, crachait parfois sur le sol de carrelage brisé prenant Dieu à témoin de son infortune, lui qui était pourtant si croyant. Il s'empoignait alors violemment les cheveux et fixait ses maigres genoux sales. Elle agrippa plus fort la main de Naruto, appréciant les caresses de l'astre lunaire sur sa peau crasseuse. Plus tôt dans la soirée, elle avait maladroitement serré son père dans les bras, mue par un sentiment soudain d'amour inconditionnel. Ils ne se reverraient pas.
Naruto l'entraîna doucement dans la gueule béante du centre ville pour qu'ils se perdent d'émerveillement devant tant de lumières, de rires et de vie. Ils dormiraient dehors cette nuit. Il la sentait trembler contre lui. Peut-être pleurait-elle dans son sommeil, silencieusement. Depuis 1 heure 24 qu'ils étaient installés sous ce porche humide, c'est à peine si les étoiles avaient fait attention à eux, hautes dans le ciel à cette heure tardive. Il les insultait dans sa tête, les trouvant quelque peu hautaines de ne pas les éclairer davantage, eux qui avaient tant besoin de chaleur. À une ou deux rues de là, le jeune homme entendait les cris et les rires de la communauté homosexuelle de Nottingham, très présente. Si présente que certaines mauvaises langues ne pouvaient s'empêcher de renommer la ville : New San Francisco. Il pensa un peu à ce qu'il laissait derrière lui, à ce vieux Jiraya et son épicerie miteuse ainsi qu'à sa petite amie, Hinata. Il les abandonnait sans regret cependant. Celle qui rêvait entre ses bras valait tous les sacrifices du monde.
Le pâle soleil anglais les réveilla petit à petit. Ils s'ébrouèrent, ressemblant momentanément à des chats de gouttière puis partirent en quête du bus qui les emmènerait à Oxford. Sur le chemin, un marché vint leur donner l'occasion de voler à manger : tandis qu'Ino sifflait quand la voie était libre, la main de Naruto jaillissait prenant ici et là une pomme, une part de tourte à la viande, deux tomates. Ils s'assirent au pied d'une église, sur de grandes marches en marbre.
Ils ne remarquèrent pas tout de suite les yeux curieux d'un jeune homme qui attendait sa compagne sur le porche du lieu saint. À côté de lui, un énorme chien au regard étrangement humain s'impatientait.
« - J'exige de voir Danzô immédiatement ! » La jeune femme hurlait, ce qui avait pour effet de faire voleter ses cheveux rouges coupés courts. En dessous de sa mine sévère, on pouvait deviner une réelle peur. Elle tapa du poing, mais le gardien de la résidence ne bougea pas. « - Hélas, son éminence ne reçoit pas les gens comme vous. J'ai ordre par le capitaine de la garde lui-même de ne laisser entrer personne. -Vous allez le regretter. Je vous le garantis » L'homme haussa les épaules. Lorsque leurs yeux se croisèrent, la jeune femme compris à quel point il était idiot et préféra ne pas insister. Tayuya allait repartir quand une voix froide l'interpella. « - Mlle Bakhir ? -Capitaine ! » Elle lâcha un soupir de soulagement. «- Que faites-vous ici ? Notre Grandeur le Gardien de la Racine ne reçoit pas aujourd'hui. » Elle fit la moue. « - Il est urgent que je lui parle, Saï. Nous pensons avoir fait une découverte exceptionnelle, aujourd'hui et je suis persuadée que son éminence sera ravie de l'apprendre. -Son éminence ne sera ravie de rien du tout. Elle vous fera savoir quand elle aura besoin de vos services. » Il lui fit un geste du poignet, exigeant qu'elle se retire immédiatement. Tayuya se contenta de grincer des dents, avant de filer jusqu'à sa voiture pour retourner au labo.
La circulation décidant de ne pas de fluidifier, la scientifique se laissa aller à la rêverie. Rien ne lui promettait une carrière aussi brillante que celle qu'elle était entrain de commencer, et travailler pour La Racine avait l'avantage d'être protégé en toutes circonstances. Surtout si comme elle, vous effectuiez de dangereuses recherches sur l'origine de monde. Lorsqu'elle était sortie de ses brillantes études à Harvard, elle savait son chemin tout tracé : son père Orochimaru était un membre important de La Racine, et il lui avait assuré une place confortable au sein d'une équipe de recherche sur les textes anciens où elle s'était rapidement ennuyée. Il n'y avait là que des fanatiques qui adulaient chaque ligne de la Nouvelle Bible, dont les significations restaient cependant obscures. Pour avoir une chance de percer au sein des nombreuses Chambres de Recherche de La Racine, elle se mit sérieusement aux études. Jusqu'à trouver l'existence d'une chose qui la gênait. Sur le coup, il lui avait semblé qu'elle était d'importance vitale. Et en ce moment même, elle priait que ce ne soit pas du tout le cas.
Sasuke Uchiwa et sa femme, Temari formaient sans nul doute le couple le plus vénéneux de ce siècle. Alors que tout leur être évoquait des anges, la noirceur de leur âme pouvait rivaliser sans problème avec le pire des démons. Si des animaux devaient les représenter, de gros rats noirs aux yeux rouges seraient tout à fait appropriés. Ce soir-là, une réception au cœur des appartements royaux était organisée : évidemment, ils étaient invité puisque leur influence s'étendait jusqu'à l'arctique. Ils espéraient que le Roi de l'Angleterre accorderait l'état de grâce à Sasuke pour qu'il devienne enfin Sir Uchiwa, et qu'il accéda alors aux cercles privés. Une fois là-bas, il deviendrait un atout supplémentaire à La Racine. Même s'il ne laissait rien paraître, il était plus excité qu'un enfant qui attend une sucette. Il dévoila ses crocs très brillant, et enlaça son épouse, déposant un léger baiser dans son cou. Ils contrôleraient bientôt des forces supérieures, il le sentait. Devant le portail de leur immense villa tape-à-l’œil, ornée de pierres immaculées, de grandes fenêtres et de jardins à perte de vue avec des fleurs exotiques et des grands arbres touffus, un chauffeur attendait, une cigarette se consumant entre ses doigts.
Sakura Haruno observait tout cela, cachée derrière un bosquet tout fané de l'autre côté de la rue. Elle patientait depuis plus de 2 heures qu'ils se décident à partir, tout comme le conducteur de la limousine, à quelques mètres d'elle. Lorsqu'ils sortirent du manoir, elle les mitrailla de photos jusqu'à qu'ils rentrent dans la voiture. Elle se tassa le plus possible derrière son minable petit arbre, en râlant. Quand ils furent assez loin, elle se faufila comme une ombre, escalada cette fichue clôture, rampa dans le jardin pour arriver, hors d'haleine devant une fenêtre laissée négligemment ouverte. La jeune femme inspira lentement, tentant de retrouver son calme. Tel un chat, elle se fondit dans l'obscurité de la pièce et attendit un moment que sa vue s'habitue. Autour d'elle, des canapés luxueux datant du 18ème, une petite table basse en acajou et les murs tapissés de bibliothèques lui indiquaient qu'elle se trouvait dans un salon, sûrement le quatrième ou le cinquième du manoir. Elle décida de sortir, et poussa lentement la porte grinçante et se glissa dans le couloir, jusqu'au fond de la maison, là où le bureau était supposé être. Cette porte-là refusait de s'ouvrir. Sakura poussa encore un peu, et le verrou finit par céder sous son poids. Ici commençait vraiment sa mission.
À cet instant, les deux adolescents ressemblaient davantage à des enfants. Ils étaient collants de crasse, humides de sueur et purs de totale innocence. Agrippés l'un à l'autre, presque avec sensualité, ils se démarquaient du groupe. Avec cette lumière qui les inondaient doucement, et toute cette poussière, on aurait pu croire l'espace d'un instant qu'ils avaient de grandes ailes scintillantes, constituées de poudre d'or. Pour chaque personne qui les contemplait, il n'y avait pas de doute : c'était des anges. |