Salut tout le monde ! Me voici avec une petite fic Sherlock (faut bien évacuer la frustration de la fangirl...), qui j'espère vous plaira.
Disclaimer : Sherlock Holmes, John Watson, la compagnie, appartiennent à Conan Doyle, et le contexte appartient aux Moftiss, nos maîtres à penser en matière de sadisme. Rating : Entre K+ et T, dirais-je. Résumé : Post Reichenbach. John est censé faire son deuil de Sherlock, mais en navigant sur Internet, il découvre un forum dédié aux irréductibles fans de Sherlock Holmes, ceux qui n'ont jamais cru à son imposture. Intrigué et ému, il décide de s'inscrire, pour partager incognito ses sentiments avec des fidèles de Sherlock... Note : Spoilers des deux premières saisons et d'évènements à venir dans la troisième saison. Note 2 : c'est ma première réelle fic Sherlock. Il se peut donc que les personnages soient un peu OOC, je m'en excuse d'avance, promis, je fais de mon mieux. Note 3 : J'aime les geeks. J'adore écrire sur des geeks. Pardonnez-moi d'avance le nombre de conversations internet, sms ou autre qu'il y aura dans cette histoire. Note 4 : Je suis nulle pour les titres. Cette fic ne déroge pas à la règle. Mea culpa.
Voilà pour l'instant. Enjoy !
xXxXx
John avait toujours été un geek. Bon, enfin pas quand il était en Afghanistan, parce qu'il n'avait pas trop le choix, mais quand il était rentré en Angleterre et qu'Ella lui avait dit qu'il fallait qu'il tienne un blog, même si ça ne l'avait pas emballé au début, il s'était vite laissé prendre au jeu. Le blog avait bien marché, le temps qu'il avait duré, mais après la mort de Sherlock, il l'avait laissé tomber, après un ultime post : "C'était mon meilleur ami, et j'aurai toujours foi en lui."
Ce message était à plusieurs fins ; la première, faire comprendre aux lecteurs du blog que Sherlock n'était pas un imposteur. Bien sûr, s'ils avaient réussi à se laisser berner par Moriarty à la base, John voyait mal comment ils auraient pu se laisser convaincre en une phrase, mais on ne savait jamais. La deuxième, au cas où Sherlock serait encore vivant – si jamais il passait sur ce blog, il verrait que son ami le plus proche croyait toujours en lui, et que ses paroles, sur le toit, n'y avaient rien changé.
Bref. Peu lui importait qu'il y ait encore des lecteurs pour recevoir son témoignage de foi, et Sherlock, de là où il était, devait avoir certaines difficultés à en prendre connaissance. Le plus important, dans tout ça, le vrai but de l'opération, la troisième finalité, c'était que ça l'avait légèrement soulagé de publier ce billet.
Depuis, il était retourné voir Ella, sa psychologue. La jeune femme n'arrivait pas réellement à soulager la douleur qui se logeait dans sa poitrine, mais John savait que sans elle, ce serait probablement encore pire.
Et il se retrouvait là à nouveau, comme presque toutes les semaines, assis sur ce fauteuil, l'air hagard et le regard perdu dans le vide. Ella était compréhensive, elle n'essayait pas de le brusquer. Il se passa plusieurs séances avant qu'elle ne demande :
- Et le blog ?
John leva les yeux vers elle, sa première véritable réaction depuis qu'il s'était installé.
- Quoi, le blog ? demanda-t-il, sur la défensive.
- Vous l'avez arrêté ?
Cette fois, un élan de colère courut dans ses veines. Comme si c'était possible de continuer quand la source d'inspiration s'était tarie ! C'était un blog sur Sherlock, pour Sherlock. Et Sherlock ayant disparu, le blog n'avait plus de raison de vivre.
- Évidemment que je l'ai arrêté. Je n'avais plus rien à dire.
- Pourquoi ?
Cette fois, il la regarda comme si elle lui avait caché un déficit mental depuis tout ce temps – ou alors, était-il devenu plus intelligent au contact de Sherlock ? Non, ça ne risquait pas. Il se résolut donc à lui expliquer en mots, comme à une enfant de cinq ans.
- Parce que c'était un blog sur Sherlock, pour Sherlock, et Sherlock ayant disparu, le blog n'avait plus de raison de vivre.
- Je ne crois pas.
- Comment ça ?
- Ce n'était pas un blog pour Sherlock, ou sur Sherlock. Je vous avais demandé d'écrire afin de vous aider à vous libérer de votre stress et de votre traumatisme. Sherlock y a eu une place prépondérante parce que vous avez vécu toutes ces histoires avec lui, mais le blog n'était pas pour lui.
- Eh bien, il l'est devenu ! s'irrita John.
Ella ne répondit pas – elle ne voulait pas pousser son client dans ses retranchements. Le but, ce n'était pas de l'exaspérer. Elle le fixa, simplement, et John lui rendit son regard. Malgré ce qu'avait pu en dire Sherlock, il n'était pas idiot. Il voyait bien cette lueur dans son regard.
- Vous voulez me faire écrire à nouveau, constata-t-il avec calme.
- Je pense que ça pourrait vous aider, John.
- Moi, je ne crois pas. Pour moi, écrire est devenu synonyme de "écrire sur Sherlock". Et je crois que je ne pourrais pas…
Il s'interrompit, sa voix se cassant sur le dernier mot.
- Je ne peux plus écrire. Sherlock n'est plus là, je ne peux plus écrire.
- Et si vous écriviez sur autre chose ? demanda la jeune femme avec douceur.
- Sur quoi ? Je n'ai envie d'écrire sur rien d'autre.
Écrire sur Sherlock, c'était piquant, c'était exaltant. Relater les histoires qu'ils avaient vécu, prendre du recul, savoir que des gens les lisaient et prenaient la peine de commenter, ça, c'était bien. Mais si ce n'était pas sur Sherlock, ça n'avait pas d'intérêt. Ce n'était pas piquant, ce n'était pas exaltant. C'était ennuyeux, et John détestait cet ennui-là autant que Sherlock le détestait, de son vivant. Pas au point de tirer des balles dans les murs, mais pas loin.
- Et les forums ?
- Comment ça, les forums ?
John ne voyait pas où elle voulait en venir.
- Vous savez, je ne vous demande pas d'écrire forcément quelque chose avec un début et une fin, comme vous le faisiez pour les aventures de votre ami. Le vrai but de l'écriture, c'est surtout de pouvoir vous libérer de ces sentiments oppressants, de cette tristesse. Peu m'importe, à moi, que vous écriviez sur un blog ou que vous écriviez sur un forum, ou sur Facebook, ou sur Twitter, du moment que ce que vous écrivez parvient à vous soulager un peu.
- Je ne vois pas ce qui pourrait me soulager là-dedans.
Soit, il était buté, mais Ella, toute compétente et agréable qu'elle était, avait parfois des méthodes dont il doutait hautement.
- Vous, vous ne le voyez pas, mais moi, je pense que ça pourrait vous aider. Vous voudrez bien essayer, au moins ?
John haussa les épaules.
- Soit. Si vous voulez. J'essaierai.
Un sourire naquit sur le visage d'Ella, et la séance en resta là pour cette fois-ci.
xXxXx
Lorsqu'il s'installa devant son ordi, John eut une étrange sensation de déjà-vu – qui, si elle datait de plusieurs années, était toujours aussi vivace qu'autrefois. La sensation du "je n'ai rien à écrire. Rien ne m'arrive".
Son blog n'avait pas changé d'un pouce depuis la dernière fois qu'il y avait mis la souris, et ça devait déjà remonter à deux ans. Le compteur était toujours bloqué sur 1895 (il ne l'avait jamais réparé), les commentaires de son dernier article étaient toujours désactivés, et le message d'Anonymous (aka Jim Moriarty) leur disait toujours combien il était désolé d'avoir hacké leur blog et pénétré dans leur appartement. Eh bien, de là où il était, maintenant, il n'avait plus lieu d'être désolé, pas vrai ? Ce qui n'empêchait pas John de ressentir une haine sans nom à la simple vue de l'inutile message. Tout était de sa faute. Et tout le monde l'avait cru. Après tant de temps, John ne parvenait toujours pas à comprendre comment les gens avaient pu donner foi à ce tissu de mensonges. Il suffisait qu'un inconnu arrive sur le devant de la scène avec un piège un peu trop bien ficelé, et tout le monde se mettait à lui manger dans la main. Comme si des années à suivre les aventures de Sherlock sur ce blog n'avaient pas compté.
Dieu que c'était douloureux de naviguer à nouveau sur ces pages… Tous les commentaires étaient encore là, et avec eux, ceux de Sherlock, évidemment. Des commentaires qu'il avait écrits de ses propres doigts, reliés à un corps bien vivant. Des commentaires qui se muaient en conversation sur "et si on allait manger, il est midi", alors qu'ils étaient dans la même pièce. Tellement de souvenirs…
John sentit sa respiration s'altérer, syndrome typique de la montée de sanglots, et il bloqua son souffle pour ne pas se laisser aller. Deux minuscules larmes lui piquèrent les yeux, mais il réussit à les maintenir sous contrôle. En revanche, la douleur qui martelait son cœur ne semblait pas près de disparaître, elle. Tout ce temps, et elle n'avait pas changé d'un pouce… John ne s'attendait plus vraiment à la voir partir.
Il était en train de parcourir l'article qu'il avait posté sur The Great Game, ainsi qu'il avait appelé cette histoire – Jim Moriarty qui envoyait des énigmes à Sherlock, qui devait les résoudre en un temps imparti. Quant à la conclusion du "jeu", la pénombre de la piscine, les reflets bleutés, les clapotis de l'eau, les pas de Sherlock qui résonnaient, les bombes cachées sous son manteau, la voix de Moriarty, John avait l'impression qu'aucun de ces détails ne s'effacerait jamais de son cerveau. Il aurait presque pu réciter ce qu'ils avaient dit ce soir-là. You can talk, Johnny boy. Sa voix… Celle d'un psychopathe. Sorry boys ! I am soooo changeable ! Juste alors qu'ils avaient cru être sauvés. Et puis, Stayin' Alive qui résonnait dans le silence. C'était la musique qui leur avait sauvé la vie, mais depuis, John n'avait plus jamais été capable de réécouter les Bee Gees de la même façon.
Et puis quelque chose attira son attention. Un message, posté juste après celui de son ex-petite amie Sarah (god, il n'avait pas pensé à elle depuis si longtemps!). Et dire qu'il croyait avoir désactivé les commentaires… En réalité, il l'avait juste fait sur son dernier message. Mais n'importe qui était capable d'aller mettre son grain de sel sur les autres posts. C'était juste, qu'en général… les gens ne le faisaient pas. Le blog était tombé dans l'oubli, tout comme Sherlock, tout comme John. Tout comme Moriarty.
Sauf pour la personne qui avait posté ce dernier commentaire. Il datait de mars, plus de trois mois plus tôt, et n'avait rien de vraiment particulier, à part qu'il lui était personnellement destiné.
Toujours en vie ? 16th March 16:13.
John fixa le message pendant quelques instants. Cette tournure de phrase… S'agissait-il de quelqu'un qu'il connaissait ? Qui d'autre pourrait bien avoir envie de savoir s'il était encore en vie ? Mais toutes ses connaissances avaient tourné le dos à Sherlock, hormis Mrs Hudson et quelques fidèles très très fidèles – qui se comptaient sur les doigts d'une main.
Ou bien il s'agissait d'un inconnu, qui se contentait de réagir aux dernières phrases du post :
Ce fut à ce moment-là que le téléphone de Moriarty sonna. Il prit l'appel et rappela ses snipers. Il nous laissait vivre. Et ce ne fut que lorsqu'il sortit que je fus enfin capable de respirer.
Et c'est comme ça que Sherlock Holmes et moi avons survécu un jour de plus.
C'était ce qu'il avait écrit, exactement. Il y avait donc quelqu'un, quelque part sur la toile, qui se préoccupait de le savoir en vie...
Sh…
Il rejeta aussitôt le nom qui lui vint en tête. Ce n'était pas "Sh" et ça ne serait plus jamais "Sh". Mais, "Sh" ou pas, contre toute attente, l'idée de savoir que quelqu'un, n'importe qui, un inconnu, un pseudonyme sur une page web, se souciait qu'il soit en vie, remonta légèrement le moral de John ; et il eut envie de le remercier. Plus personne ne lui avait demandé de ses nouvelles depuis bien trop longtemps.
Oui, toujours en vie. Merci d'avoir demandé. 13th June 20:33.
Il posta le message et alla vérifier les autres articles, par acquis de conscience, mais l'inconnu n'avait posté que sur celui-là.
Mais entre-temps, une nouvelle idée était née dans la tête de John. Cet inconnu était peut-être un cas isolé, mais s'il demandait des nouvelles, c'était peut-être qu'il n'avait pas cru à la rumeur de l'imposture de Sherlock. (Ou peut-être qu'il était juste curieux, mais ce n'était pas ce qui intéressait John.) Jusqu'à présent, depuis qu'il avait stoppé son blog, il s'était plutôt tenu à l'écart d'Internet, mais peut-être qu'il y avait des gens, sur la toile, d'autres que lui, qui croyaient aussi en Sherlock ?
Ça valait le coup de chercher. John avait toujours détesté voir le nom de Sherlock traîné dans la boue… Peut-être qu'il y avait d'autres fidèles, là, cachés derrière des pseudonymes. S'ils existaient, John aurait bien voulu les connaître – lui, la solitude ne le protégeait pas, pas comme Sherlock. Au contraire, même. La solitude le tuait.
Dans la barre du moteur de recherche, il commença par une recherche banale, Sherlock Holmes. Et, bien évidemment, les premiers résultats à apparaître furent sans surprise des articles de journaux relatant le suicide du faux Sherlock, son imposture et toutes ses manipulations. John préféra ne pas lire – il se sentait déjà d'humeur à balancer son mug de thé par terre. Il fallait qu'il essaie d'être plus précis dans ses mots-clés.
Sherlock Holmes n'est pas un imposteur. C'était peut-être un peu long, mais John réalisa bien vite que ce n'était pas la longueur le problème. C'était plutôt que le moteur de recherche ne prenait pas en compte les petits mots entre les mots-clés. Par conséquent, rechercher Sherlock Holmes n'est pas un imposteur ou bien Sherlock Holmes imposteur, ça revenait au même. Ce qui faisait qu'il y avait toujours autant d'articles insultants sur son ami.
Il fallait revenir aux bases. Sherlock Holmes vrai. Mais là, il tombait sur "Sherlock Holmes n'est pas vrai", et on était repartis pour un tour. Cette fois, le mug évita de peu le plancher.
Sherlock Holmes fans. S'il ne trouvait rien avec ça, il arrêterait les frais avant de devoir se racheter une tasse… Mais cette fois, les résultats furent (légèrement) plus satisfaisants. Dans l'ensemble, il s'agissait de vieux commentaires sur des blogs ou des forums qui clamaient "je suis fan de Sherlock Holmes!", mais il finit par dénicher, en sautant de lien en lien, un forum à l'air pitoyable, dont le titre, assez peu éloquent, était SH Fans. En dessous de la bannière, un petit texte explicatif : Fans de Sherlock Holmes, dans la vie, dans la mort, dans l'imposture.
Ça, ça annonçait quelque chose de plus concret. John fixa la page d'accueil quelques temps, sans oser cliquer nulle part, le cœur battant, puis décida de se refaire un thé avant de l'explorer, pour se donner le temps d'y réfléchir.
Un forum, donc. Tenu par des fans de Sherlock Holmes. Dans la vie, dans la mort, et dans l'imposture : donc, des fans quoi qu'il arrive. Des fidèles. Exactement le genre de personne que John recherchait.
Mais quand il y réfléchissait, il avait un peu peur de ce qu'il allait y découvrir. Sa vision de la fidélité n'était peut-être pas la même que celle de ses inconnus… Et maintenant qu'il savait qu'il y avait des gens qui soutenaient la version de Sherlock, c'était dommage de se rendre compte l'instant d'après qu'il ne s'agissait que d'imbéciles.
Oui, il était méfiant. Mais il avait appris à l'être, même quand il s'agissait de choses insignifiantes. Ce fut pour cette raison qu'il décida finalement d'attendre un peu avant d'explorer le forum. Il le classa sagement dans sa barre personnelle, et alla se coucher, avec encore plus de mal que d'habitude à trouver le sommeil.
xXxXx
Une semaine s'était écoulée, et John n'avait toujours pas regardé le forum. Qui commençait à devenir Le Forum dans sa tête. Cette minuscule plateforme prenait des allures de saint des saints à mesure qu'il y repensait, et il osait de moins en moins aller y jeter un œil. Peur d'être déçu. L'idée de savoir que Sherlock continuait à avoir des fans avait un peu allégé sa souffrance, et il ne voulait pas que cette nouvelle thérapie disparaisse si rapidement. Quand ça ne ferait plus effet, alors, il aviserait…
Pour l'instant, il avait rendez-vous avec Ella. La pluie tapait au carreau, et ça faisait déjà dix minutes qu'il était assis sans dire un mot, à réfléchir. La psychologue respectait son silence, mais lorsqu'il s'éternisa un peu trop, elle décida d'y mettre son grain de sel.
- Alors, John, vous avez écrit ?
God, combien de fois avait-elle dit cette phrase depuis qu'il la connaissait ? John répondit à sa question par une autre question.
- Vous aimez lire, Ella ?
Il lut la surprise dans les yeux chocolat, et l'encouragea à continuer d'un léger hochement de tête.
- Eh bien… Oui, j'imagine. Comme beaucoup de gens.
- C'est pour ça que vous voulez toujours tout résoudre par l'écriture ? Ne le prenez pas mal, c'est juste que ça m'intrigue.
- Je ne cherche pas à toujours tout résoudre par l'écriture. C'est simplement que dans votre cas, je pense que ça pourrait vous aider. Du nouveau ?
Elle avait réussi à retourner à nouveau la conversation à son avantage, à reprendre les rênes. Joli. Elle n'était pas psychologue pour rien. John eut un petit sourire.
- Non, pas grand-chose. Sauf si vous considérez que sept mots, ça compte.
- Tout dépend de ce qu'il y a dans ces sept mots, répondit Ella. S'ils avaient de la valeur à vos yeux ou non. Ils en avaient ?
- Les miens ? Non… Enfin, si. Un peu. Mais moins que les siens.
- Les siens ? Vous avez parlé avec quelqu'un ?
- On ne peut pas dire qu'on ait parlé. Cette personne m'a posé une question, et j'ai répondu. Fin de l'histoire.
C'était comme s'il s'était retenu toute la semaine d'en parler. À présent, Ella l'écoutait, l'air réellement intéressée, et il avait envie de lui raconter. Elle était devenue la seule personne au monde à qui il pouvait tout dire, la seule capable de l'aider. Ça aurait été dommage de refuser son aide.
- C'était une question importante pour vous ?
Il y eut un long silence, pendant lequel John s'interrogea sérieusement sur la réponse, et finalement, il répondit à mi-voix :
- Oui. C'était important. Un inconnu a demandé de mes nouvelles. Ça n'était plus arrivé depuis… J'ai perdu le compte. Et ça m'a fait plaisir. Que quelqu'un se soucie encore de moi, je veux dire… Ça m'a… Ça m'a fait plaisir.
- Vous savez qui était cette personne ?
- Aucune idée. Un pseudonyme sur mon blog. Un inconnu. Ça n'avait pas d'importance. Ce qui compte, c'est que j'existe encore, pour cette personne. Quelqu'un, là-bas, ne m'a pas oublié... Et n'a pas oublié Sherlock.
- Comment pouvez-vous savoir que cette personne n'a pas oublié Sherlock ? C'est à vous qu'elle a demandé des nouvelles, non ?
- Oui… Mais je ne suis… Je n'étais qu'un passeur. Un moyen de faire vivre Sherlock sur internet. En demandant de mes nouvelles, le message que m'envoie cette personne, c'est : "je n'ai pas oublié Sherlock". Du moins… c'est comme ça que je le vois.
Ella resta silencieux, un instant, et John se demanda à quoi elle pensait. Est-ce qu'elle le trouvait stupide ?
- John, peut-être que la personne vous a envoyé ce message en pensant à vous, non ? Vous n'êtes pas indissociable de Sherlock Holmes. Vous êtes vous.
L'idée sembla incongrue, un instant. Il était lui ? Sans Sherlock Holmes ? Quelqu'un s'intéressait à lui et pas à Sherlock ? Non, c'était stupide. Sherlock avait été le soleil, et il avait été la petite luciole phosphorescente qui s'éclairait à sa chaleur. Le soleil s'était éteint depuis longtemps, et la luciole s'était éteinte avec lui. Elle était posée dans le noir sur une table de nuit et plus personne n'y prêtait attention. Un simple jouet, amusant à l'époque, mais maintenant désuet, tombé dans la solitude et l'ennui.
Il secoua la tête.
- Le "moi" que j'étais, Sherlock le rendait intéressant.
C'était en ça que leur amitié était si particulière. Sherlock était le côté lumière, et lui il restait dans l'ombre, mais ils se complétaient à merveille. Il avait redécouvert une raison de vivre parce que Sherlock avait eu besoin de lui, et il avait eu besoin de Sherlock pour continuer à vivre. Quelque part, quand il était entré dans ce laboratoire de l'hôpital St Bartholomew, il n'aurait jamais cru qu'il parviendrait à un tel degré de fusion avec l'homme qui, en empruntant son portable, avait réussi à savoir presque tout ce qu'il y avait à savoir sur lui.
Sauf qu'ils avaient été deux moitiés, et maintenant, une des deux moitiés avait disparu ; et le déséquilibre que ça entraînait était trop important. Voilà – il était déséquilibré.
Comme si elle savait ce à quoi il était en train de penser, Ella dit :
- Vous pensez que vous ne trouverez plus jamais quelqu'un comme Sherlock, John ?
Il leva les yeux vers elle, l'air désabusé. Ça allait sans dire. Personne ne pourrait jamais être "comme Sherlock". Lui, il était banal, mais Sherlock, il était extraordinaire, à tous points de vue.
- Je ne cherche pas. Il n'existe personne comme Sherlock.
- Du point de vue de la personnalité, peut-être. Mais qui vous dit qu'il n'y a pas quelqu'un, dans ce monde, qui pourrait compter autant que lui, à l'avenir ?
Ça paraissait impossible…
- Pas forcément quelqu'un pour le remplacer, reprit Ella, mais quelqu'un pour prendre sa suite. C'est possible, vous savez. Comme quelqu'un qui aurait divorcé et qui se remarierait.
- On n'était pas en couple, grinça John, les dents serrées.
- Ce n'est qu'un exemple. Ce que je veux dire, c'est qu'il est temps que vous alliez de l'avant, John. Vous restez bloqué dans ce passé comme si vous attendiez quelque chose. Il est temps d'avancer, et de trouver de nouveaux centres d'intérêt. De trouver des gens qui prendront soin de vous, et aux yeux de qui vous serez aussi important que vous ne l'avez été aux yeux de Sherlock Holmes.
John tourna la tête vers la fenêtre, légèrement irrité. Elle pouvait parler ! Elle n'y connaissait rien… Elle ne savait pas la valeur de l'amitié qui avait existé entre eux, et elle ne savait pas ce que ça faisait de la perdre. Et surtout, de la voir partir en lambeaux sous ses yeux.
Dieux du ciel, pourquoi, pourquoi Sherlock s'était-il suicidé ? |