Lena Archer, 15 ans de son état, courait comme une forcenée derrière le ballon de foot. Ses chaussures glissèrent sur le parquet du gymnase et elle s'étala lamentablement sur le sol. La chute, suivie par les rires hystériques de ses camarades de classe, lui procura une vive douleur au genou. Elle gémit un peu et frotta sa peau endolorie tout en tentant d'ignorer les innombrables moqueries des gens de sa classe.

- Elle est tellement maladroite, c'est hallucinant, commentait Alice. Comment peut-on vivre en étant aussi ridicule ?

- Haha, c'est vrai, renchérit Sara. Elle passe son temps sur le sol.

- Archer ! appela le professeur. Debout, arrête de faire la victime et remets toi à courir.

La petite brune s'exécuta en soupirant. Elle avait l'habitude des commentaires moqueurs d'Alice et ses amis, mais son genou la faisait souffrir dès qu'elle faisait un mouvement. Sa peau s'était brûlée sur le parquet et elle boitait un peu. Heureusement, son calvaire dura peu de temps puisque la sonnerie retentit, annonçant la fin du cours de sport. Tout le monde se dirigea vers les vestiaires, Lena à leur suite. Après s'être changée, la petite brune allait sortir mais une main se posa sur son épaule. Elle se retourna vivement, pour apercevoir Alice qui affichait un air joyeux.

- Euh... Oui ?

- Tu as perdu ton sac, non ?

Lena lança des regards désespérés tout autour d'elle, sans voir son sac de cours. Il avait tout simplement disparu. Lena suspectait un mauvais coup de la part d'Alice et ses amis, mais elle ne fit aucun commentaire.

- Il semblerait que oui, déclara-t-elle au bout d'un moment.

- Des idiots l'ont caché dans le local de sport, lui répondit Alice en prenant au faux air désolé. Mais ne t'inquiète pas ! Le prof est parti, il ne te dira rien si tu fouilles dans le local, donc tu peux y aller sereinement.

- Euh, d'accord.... Merci ?

Alice ne répondit pas, se contentant de sourire d'un air mauvais. Lena la contourna et se dirigea vers le local avec hésitation. « De toute façon, je n'ai pas le choix, je dois récupérer mon sac. Vas y ! » S'ordonna-t-elle à elle-même. Elle s'arrêta à l'entrée du local, puis se précipita à l'intérieur en voyant son sac au fond de la pièce. Alors qu'elle s'en saisissait, elle entendit la porte se fermer derrière elle, et la clé tourner dans la serrure. « Oh non, pas encore... » Murmura-t-elle.

- Désolée, lança la voix d'Alice de l'autre côté de la porte. Je crois bien que c'est fermé à clé... Quel dommage !

Lena entendit ses talons claquer sur le parquet ciré du gymnase, avant que le bruit ne disparaisse totalement. Elle soupira longuement et s'assit par terre, appuyant son dos contre le mur. Elle ne possédait pas de téléphone portable du fait des maigres revenus de sa famille, et elle savait très bien que personne ne passait dans le gymnase après 18h. Après ce qui lui sembla être des heures, des bruits de pas précipités remplacèrent le silence étouffant. Lena allait appeler à l'aide, lorsqu'elle surprit des paroles étranges :

- Non, non, laissez-moi ! s'écria une voix apeurée.

Lena, intriguée, tendit l'oreille en faisant bien attention de rester silencieuse. L'atmosphère semblait... Dangereuse.

- First ! lança une autre voix, beaucoup plus joyeuse.

- Sérieux, Drake ? Pourquoi ça devrait être toi le premier à te nourrir ? demanda une troisième voix.

- Parce que je suis le leader et tout le monde le sait. Tu protestes uniquement parce que t'es jaloux, Uriel.

- Arrêtez de vous disputer comme des gamins de quatre ans, ordonna une nouvelle voix. Y'en aura pour tout le monde.

- On attaque quand, alors ?

Lena reconnaissait ces voix et ces prénoms. Drake Byron, Orlando Griffin et enfin les jumeaux Uriel et Aelfric Coleridge, accompagnés d'une voix qu'elle ne reconnaissait pas. Ils étaient tous les quatre les plus populaires du lycée, et il était impossible de ne pas les connaître. Lena les avait toujours trouvés effrayants, et semblait-il qu'elle avait raison. Elle hésitait même à respirer pour que personne ne l'entende. Soudain, elle entendit Drake Byron éclater d'un rire hystérique, suivi d'un long cri d'agonie. « Ils... Ils lui ont fait du mal ! Ils l'ont peut-être même tué... Oh non, oh non, oh non ! » Horrifiée, Lena recula d'un pas. Elle heurta un sac de ballons de basket qui s'écrasa sur le sol dans un bruit retentissant. Un silence s'ensuivit, durant lequel Lena se maudissait intérieurement.

- Il y a quelqu'un ? demanda Orlando.

- Bien sûr qu'il y a quelqu'un ! rétorqua Drake. Je vais voir ça.

Lena entendit ses pas se diriger vers le local et pria pour disparaître. La porte s'ouvrit d'un seul coup, dévoilant les quatre délinquants, tous couverts de sang. Lena les observa quelques secondes, et à la lumière du gymnase, elle se rendit compte que leurs canines dépassaient quelque peu. Quelques gouttes de sang dégoulinaient sur leurs lèvres et leurs yeux rouges la fixaient intensément. « V-V-Vampires ! » bégaya-t-elle.

- Exactement ! confirma Uriel. Et maintenant ?

- Bon, eh bien, je suppose qu'on va devoir la tuer aussi, déclara Aelfric en haussant les épaules. Qui s'y colle ?

- Tu poses encore la question ? répondit Drake comme si c'était l'évidence même.

Il s'avança vers Lena qui tremblait comme une feuille. Comme il était plus grand qu'elle, il se baissa à sa hauteur pour placer son visage devant le sien. Lena le regarda dans les yeux, et déclara :

- Tu ne me fais pas peur.

- Ah, vraiment ? répondit-il, amusé.

- Oui, vraiment.

Sans lui laisser le temps de répliquer une nouvelle fois, elle lui donna un énorme coup de tête dans le nez. Elle sentit l'os se briser et n'attendit pas qu'il reprenne ses esprits pour s'enfuir. Contournant les trois autres vampires médusés, elle s'enfuit en courant le plus vite possible.

- Elle... Elle m'a brisé le nez ! s'écria Drake.

- Ça va, tu sais très bien que ça va guérir d'ici dix minutes, lui répondit platement Uriel.

- Wow, elle t'a pas raté ! rit Aelfric.

- Ca tu l'as dit. Elle était plutôt marrante, non ? demanda Orlando.

- En tout cas, si elle raconte ça à qui que ce soit....

- Personne ne la croira. Des vampires ? C'est ridicule !

Uriel se désintéressa de la conversation et reposa son regard sur leur victime du jour, un petit « intello » du nom de Charles. Il n'allait manquer à personne de toute façon.

- Bon, c'est bien beau tout ça, mais faut camoufler le meurtre, déclara-t-il. On fait passer ça pour un suicide ?

- Ouais, c'est parfait ! répondit Aelfric. Y'a des cordes dans le local, il faudra juste nettoyer le sang et le pendre quelque part.

Le plus loin possible de cet endroit, Lena reprenait son souffle après avoir couru aussi longtemps. « Des vampires... Ça doit être une blague, c'est forcément une blague ! » Murmura-t-elle comme pour s'en convaincre. Cependant, elle revoyait encore leurs yeux de prédateurs et sentait encore l'odeur de sang qui émanait de ces gens. Ce n'était pas du faux sang. Ce n'était pas un faux cadavre qu'elle avait aperçu lors de sa fuite. Ce n'était pas des lentilles. Ce n'était pas des fausses canines. Elle le savait parfaitement, mais ne pouvait se résoudre à cette pensée.

Des vampires. Ridicule, non ?