Chapitre 1-Ni Villageois, ni Loup
« Aussi loin que je me souvienne, tout le monde a toujours joué. Les règles sont simples ; deux camps, les Villageois et les Loups-Garous. Une seule meneuse, notre bienfaitrice, c’est elle qui exécute les condamnés. Ensuite il y a plusieurs cartes et chacune possèdent un don spécial, elles sont nombreuses et il faut retenir à quel camps elles appartiennent. Mais ce n’est pas un problème, on les apprend à l’école. Par exemple, Cupidon, c’est très simple il appartient aux Villageois et il désigne deux amoureux… Ce personnage est inutile pour moi, peut être qu’il faut le supprimer dès le premier tour ? Je sais que les Loups-Garous et les Villageois vont exécuter leurs victimes dans la salle du Juge à chaque pleine lune ? D’ailleurs la Déesse ne sort jamais de cette salle, elle est étrange. Je me souviens que fut-il un temps une rumeur circulait à Thiercelieux comme quoi elle aurait eu une relation avec un villageois, et pas n’importe qui, Thorium Agravaint. Il est mort quand j’avais deux ans, le meilleur joueur qui est existé à Thiercelieux, un fin stratège et aussi mon père. Mais cette rumeur avait fait qu’il soit éliminé par les Villageois lors d’un vote… Ceux-ci craignaient que la Déesse prenne parti pour lui. Je n’en savais pas plus, ma sœur le hait juste parce qu’il a tué notre mère pour survivre. Moi, je l’admire, il avait raison et je ferais la même chose que lui ! Chaque personne qui se trouvera sur le chemin de ma victoire, je le tuerais, je l’éliminerais, lui et toute sa famille. Je gagnerai cette Partie et on ne m’oubliera jamais ! Jamais ! »
Le bout de fusain avec quoi écrivait Adrien se cassa subitement laissant apparaitre des petites tâches noires ainsi que de la fine poussière de charbon sur ses écrits. Soudain, la porte s’ouvrit dans un grand fracas et un courant d’air frais fit envolé les quelques feuilles qui servaient de journal à l’adolescent.
-« Adrien ! Pour l’amour du ciel, c’est la sixième fois que je te demande de venir !! Une jeune femme d’une vingtaine d’années apparue sur le palier de la porte d’entrée qui permettait d’accéder à l’unique pièce de la chaumière. Habillé d’une robe violette légère, elle possédait des traits fin de naissance qui étaient appuyés par la faim et la fatigue. Allons ! Ne vois-tu pas que tu vas nous retarder, sors de ce lit !
-Je suis prêt regarde ! Il sortit pour montrer qu’il était effectivement habillé et paré, Alors ? Tu vois, ça sers a rien de me crier dessus ! Il attrapa une pomme et se dirigea vers l’entrée. Rhilda soupira.
-Ah, quinze ans et déjà au moins dix centimètres de plus que moi, ce monde est injuste ! Elle sourie en refermant la porte, encore heureux que Gorben soit patient, il nous attend sur la place. Rhilda regarda Adrien, celui-ci se taisait dévisageant sa sœur de haut en bas. Ecoute je sais ce que tu pense de lui mais je t’en prie fait un effort envers mon fiancé… Tu sais c’est dur aussi pour moi.
-Ah oui c’est pour ça que tu l’épouse dans deux mois ! Ca a l’air de vraiment te déranger ! Franchement tu… » Un bruit sourd les stoppa net, venant du clocher, mélangeant les sons de différentes cloches, Treize-heures sonnaient.
Peu à peu toute la population du village se mit à marcher vers la place centrale, le jour de Destin était enfin arrivé. Tous les onze ans, vingt joueurs participants au jeu étaient désignés au hasard et remplacés par ceux qui n’avaient encore jamais joué. Ainsi Thiercelieux comporter quelques personnes qui vivaient une vie normale, sans jeu. Arrivé devant la salle du Juge, chacun, joueurs et non-joueurs attendaient impatiemment. Un homme aux joues joufflues et qui devait bien peser dans les cent-cinquante kilos s’approcha, il sentait le métal et les cendres mélangés à la sueur. Un personnage d’au moins deux mètres, et qui, malgré le fait qu’il portait un veston assez chic, reflétait le type d’homme de la quarantaine qu’on qualifierait d’ours solitaire. Il tendit une de ses épaisses mains à Adrien et affichât un large sourire. Adrien regarda la crase noire visible entre les doigts du gaillard et le contourna, cherchant à se rapprocher de l’entrée de la salle. Au passage il lui glissa un coup d’épaule et fit mine de n’avoir rien senti. L’homme regarda l’adolescent filait à travers la foule, avant de continuer sa route jusqu'à Rhilda.
-Dis-moi ton jeunot là, il vivra toujours avec nous après le mariage ? Enfin tu sais que ce n’est pas que je ne l’aime pas ce petit, mais il a tendance à m’agacer et puis à quinze ans, c’est plus trop un gosse juste un profiteur, non ? Haha !! » Il tenta de lui arracher un baiser.
-« Gorden ! Elle poussa l’homme ventru par sa bedaine pour éviter le contact de ses lèvres. Ce garçon est ma seule famille et c’est aussi mon frère, tu as promis de lui enseigner le métier de forgeron ! De plus beaucoup de personnes disent que tu as revu la fille du boulanger et je… » Il lui attrapa son poignet pour la faire taire et se mit à le lui serrer en l’attirant vers le bas.
-« La ferme ! Il jeta quelques vifs regards aux alentours et se pencha vers elle en chuchotant, on sait très bien tous les deux pourquoi on doit se marier ! Et si jamais « ils » l’apprennent on est fichu, j’en ai rien à faire de toi ou de l’autre petiot !! Alors si tu tiens à t’occuper encore de ton frère, ferme-la et sourie, n’est pas ma chérie ? » Son sourire narquois revint sur ses lèvres et il lâcha le poignet de sa chère ‘’fiancée’’.
Pendant ce temps, Adrien s’était approché de l’entrée de la salle des Jugements, des escaliers de pierres finement taillés permettaient l’accès à une lourde porte en bois aux incrustations de métaux précieux et qui devait bien mesurer trois mètres de hauteurs sur cinq mètres de longueurs pour vingt centimètres d’épaisseurs. D’imposantes statues de fers la gardaient de chaque coté, bouclier en main et épée au fourreau, toutes deux portaient un masque, l’une d’un lycanthrope, l’autre avec un visage humain sculpté. Ebahi par cette construction, Adrien remarqua qu’en haut des escaliers se tenait un mur sur lequel était inscrit des centaines de noms, certains commencer à vieillir si bien que la mousse avait recouvert ces prénoms-là, d’autres étaient fraichement inscrits sur la pierre. Un homme noir dégageant un certain charisme, portant une longue cape pourpre et une corne de chasse en bandoulière monta les marches et s’arrêta devant l’imposante porte. Il frappa trois coups, se retourna face à la foule et sonna dans sa corne. Celle-ci avait un bruit lourd, pesant, enlevant toute sensation de sureté. Le silence se fit peu à peu dans la foule et tous les yeux convergèrent vers ce personnage.
-« Villageois de Thiercelieux ! Aujourd’hui viens le jour de Destin ! Voyez notre bienfaitrice à choisi de rendre la liberté à vingt d’entres vous, pour qu’il puisse quitter la Partie !! L’homme brandit en l’air sa corne, un puissant tumulte de joie s’éleva de la foule, puis il rebaissa sa main et le calme réapparu. Mais voyez vous chaque délivrance à un prix, si vingt retrouvent la liberté, vingt doivent la perdre pour que la Parie ne soit point troublée… Aussi c’est à vous de décider si cet échange doit avoir lieu ou non ! »
Personne ne répondit, chacun était conscient de sa lâcheté car chacun savait que la Meneuse ne délivrerait seulement que les plus âgés et choisira les vingt plus jeunes du village pour intégrer la Partie. Un nouveau venue n’est pas toujours bien reçu, son incompétence dans le jeu et son manque d’alliés, peut importe son camps, fait de lui une proie ainsi qu’un bouc émissaire facile. Voyant la réaction de son public, le gaillard sortie de sa poche un rouleau fermé par un sceau en cire rouge, il l’ouvrit et le déroula. Puis commença une énumération de noms et prénoms, les vingt premiers qui furent appelé pleuraient, remerciaient, bénissaient, ceux-là étaient désormais libre jusqu’à la fin de leur vie. Ensuite, vingt autres noms furent cités, personne ne souffla un mot, seul un vent fin printanier se faisait entendre. Adrien était au fond d’un gouffre sans fin… Son nom n’avait pas été cité ni même évoqué. Soudain un bruit sourd se fit entendre derrière lui, une main s’agrippa à lui et une masse s’appuya sur son dos. D’un geste vif il se retourna, pris de surprise par ce qui était en face de lui, il tressaillit, mais se reprenant aussi vite, il eu le temps de rattraper ce qui s’était appuyé sur lui. La foule compris à ce moment là ce qui s’était passé et on entendit des cris qui s’élevèrent peu à peu. Adrien était consterné, ce qu’il retenait et qui avait pris appui sur lui, n’était autre que le corps d’un jeune garçon d’une douzaine d’année. Ses mains tremblaient couvertes du sang de la victime qui ne faisait que couler et se rependre par terre. L’enfant toussait, serrait de toute ses forces la chemise d’Adrien, toujours vivant, il pleurait. Face à eux, une femme, tenant fermement dans sa main droite une faucille ruisselante de sang, gémissait.
-« Rhaaaaaaa maudits !!! Mon mari a crevé dans votre jeu trompeur !!! Je suis déjà au service de cette cause et de la Meneuse en tant que joueuse!!! Les villageois fixaient la protagoniste, terrifié par la scène qui se déroulait à leurs yeux. La femme continuait à s’égosillait en faisant reculer les curieux à coups de faucille. Ah traitres ! Marauds ! Jamais vous ne me prendrait mon fils vivant maintenant !!! Je le tuerai bien avant !!! Elle se tourna vers Adrien. Toi !! Pourquoi tu ne fus pas appelé à la place de mon enfant !! Tu es le bâtard de Thorium Agravaint non ?! Elle se mit soudain à rire et à chancelait en s’attrapant le visage. Mais peut-être que la Meneuse te protège hein ?! Mais oui c’est cela, n’est pas sale bât… » Elle ne put finir sa phrase, une lance la traversa de par en par, elle s’agenouilla, esquissa une grimace en ricanant avant de basculer en arrière. Puis elle s’éteignit. La lance qui l’avait transpercé avait été lancée depuis le haut des escaliers, par l’homme qui se trouvait devant la porte. Gorden et d’autres hommes du village tirèrent le cadavre jusqu’à la sortie du village et l’abandonnèrent à la bordure de la forêt. L’enfant n’était que blessé et fut amener au clocher pour y recevoir les soins dont il avait besoin.
-« Gens de Thiercelieux, voyez comme le démon avait pris possession de cette femme !! Si vous ne vous détournez pas de notre Meneuse et respecter ses règles, vous garderez votre folie !! Chacun doit y mettre du sien, l’enfant reviendra en jeu dès qu’il sera rétablit, que seul les quarante personnes cités aujourd’hui viennent avec moi. Les autres retournez à vos activités ! » L’homme fit rentrer alors peu à peu les personnes qu’il avait cité juste avant l’incident. Soudain, quelque chose lui revient en mémoire. Il se retourna chercha attentivement dans le foule et s’écria :
-« Toi, Fils de Thorium !!! Adrien se retourna et revint vers les escaliers. Ton père était un grand joueur, et ta sœur n’est pas mauvaise dans la Partie… Vois-tu la femme qui vient de mourir était une joueuse, alors tu bénéficieras de son rôle et de sa carte. Les yeux d’Adrien se mirent à refléter une certaine lueur et une certaine vivacité, comme si cette nouvelle l’avait ramené à la vie. Allons !! Dépêche-toi que je puisse fermer cette porte !! »
Il monta en hâte les escaliers, enfin il allait prouver sa valeur aux villageois, à sa sœur et à la Déesse. Sa respiration était presque coupée, sa joie explosait partout en lui. Il s’arrêta juste devant la porte pour reprendre son souffle et apprécier ce moment qu’il avait tant attendu… Juste avant de franchir l’embouchure et de pénétrer dans cette salle qui lui semblait si sacrée, Adrien jeta un léger regard par-dessus son épaule, la foule se dispersait. Gorden se dirigeait vers la Taverne avec quelques autres gras amis à lui, en ricanant, accompagné de deux ou trois catins, les vieilles commères du village commençaient déjà à faire passer quelques rumeurs sur la femme qui était morte, les plus actifs reprenaient leurs activités avec entrain, des enfants chantonnaient une mélodie dédiée aux malheureux choisis et parmi eux, Rhilda lui fit un signe en essuyant quelques larmes. L’homme le poussa à l’intérieur de la salle et referma l’épaisse porte derrière lui… |