J’avais pris l’habitude d’écrire dans un petit carnet ce qui me passait par la tête. Depuis ce jour, j’avais osé décorer sa jolie couverture en y écrivant « I’m a lonely whale ». C’est ainsi que je l’avais nommé. Il paraissait si beau à mes yeux, évidemment, il était mes seules paroles, moi qui me sentais seule. J’avais tellement peur du monde qui m’entourait. Alors, c’est à lui que je parlais, que je me confiais.
« Je suis une baleine solitaire », pourquoi une baleine ? A cause d’une fameuse découverte scientifique à laquelle je m’étais intéressé de près. Une pauvre baleine nageant seule dans les vastes océans. Personne ne la comprenait car son chant était différent. Pourtant, il était bien plus fort et fréquent que les autres mais elle était condamnée à être incomprise à jamais.
Devant cet article, je me sentais soudainement si proche de ce cétacé. Cette triste histoire m’avait motivé à acheter ce carnet. Quand les mots avaient commencé à se déposer sur la toute première feuille, j’avais immédiatement était envahi par ce torrent de liberté. Oui, je me sentais libre de pouvoir enfin relâcher tout ce que j’avais à dire. Des choses que je retenais enfermé depuis des années.
Tellement de questions se bousculaient dans ma tête. Dans mon lycée, je ne voulais approcher personne. J’avais même apparemment un surnom, « La boite ». Sans doute car je n’affichais aucune émotion, car j’étais seule, car je tremblais rien qu’a voir quelqu’un face à moi.
Je n’étais pas timide… J’étais traumatisé. Je ne voulais plus revivre certains passages de ma vie. Quelques années étaient passées déjà, mais cela restait ancré dans mon esprit. Personne ne pouvait m’approcher, j’étais une pierre à leurs yeux.
Mais j’étais si ridicule… Je me sentais si seule et perdue. Je ne savais où me mettre. Il y avait tout ce monde autour de moi, tout cet entourage. J’avais la terrible impression d’être jugée au moindre geste. Vous connaissez peut être cette sensation, voir le monde bougée autour de vous mais ne rien pouvoir faire, être comme invisible.
Tout les soirs, après ma journée d’école, je m’asseyais sur le banc d’un parc à deux pas de chez moi. C’est ici que je sortais mon carnet, mon stylo. Là, j’écrivais, je me livrais, je me découvrais, je me libérais.
On ne me dérangeait aucunement. Il y avait juste le vent qui faisait danser mes cheveux et les petites larmes qui venaient mouiller les pages de mon précieux carnet. Elles étaient parfois semblables à une vraie pluie salée. Elles étaient comme l’eau qu’évacue une baleine à la surface de l’eau. J’évacuais mes peines parce que j’avais beau envoyer des signes aux autres, ils ne les voyaient pas. Ils couraient tous devant et moi, je rampais encore derrière. Je rampais sur cette route, sous une tempête, dans le froid de l’hiver, à les regarder courir au loin.
Mais commençons par la première page, ma petite introduction.
« Je suis comme « La baleine la plus seule au monde ». Tu l’as connais ? Surement que non… Je nage au milieu de ce vaste océan, seule, sans savoir où aller. Que quelqu’un vienne m’aider, que quelqu’un vienne parcourir la route vers ce que nous sommes avec moi. J’aimerais avoir des rêves… J’aimerais ne plus pleurer, mais de toute manière, tant que l'eau m'enveloppe, tu ne verras jamais mes larmes. Jamais personne ne les verra, tout comme personne n’entendra mes cris. J’aimerais avoir un guide. J’aimerais me fixer des objectifs. J’aimerais avoir un but, juste avoir un véritable rêve. »
Je n’avais pas de rêve…
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