Point de vue d'Hermione.
Je suis levée depuis cinq heures du matin. Ma valise est faite depuis bien longtemps, mais je ressens le besoin irrépressible de tout vérifier, histoire de ne pas perdre le contrôle de mes nerfs.
Je me rends dans la cuisine et me prépare un toast bacon-miel, il n'y a rien de mieux ! Alors que je saisis la bouteille de lait, maman entre en souriant et me dit bonjour en m'embrassant sur le front.
Je déglutis difficilement. J'ai vraiment l'intention de lui dire bonjour à mon tour, mais j'ai une boule au ventre et donc peur de lui vomir dessus.
Je lis dans son regard qu'elle a compris. Elle enchaîne, pour me rassurer :
- On arrivera à King's cross vers neuf heures quarante-cinq, ça te convient, ma chérie ?
J'opine du chef, reconnaissante. Elle sait que j'ai besoin d'arriver au moins une heure en avance pour me détendre et retrouver la pleine possession de mes moyens.
Point de vue de Drago.
Père et Mère ont des engagements ailleurs, qu'ils ne peuvent pas annuler. Comme d'habitude, je passe au second plan. Il m'ont laissé devant la gare... Ils n'ont même pas eu la bonne idée de m'accompagner jusqu'à la voie 9 ¾... Je ne leur demandais pas de me tenir la main pour me faire monter dans le train, mais j'ai l'impression d'être une valise trop encombrante dont on se débarrasse en vitesse !
Je suis devant la voie 9¾. Je me sens blêmir face à la barrière. J'ai peur. Et je suis seul pour affronter ça. Je n'ai pas le droit d'être «faible» devant Père et Mère, mais leur présence, signe de normalité et d'intérêt pour moi, m'aurait rassuré.
C'est idiot. Je suis né dans le monde magique, et je connais plein de choses sur celui-ci. Et pourtant, j'ai peur.
Je reste immobile devant la barrière, indifférent à la foule qui me bouscule et me dévisage avec mécontentement.
J'entends une voix de fille, tout essoufflée demander :
- Toi. Aussi. Tu. Va. À. Poudlard ?
Je ne comprends pas immédiatement que c'est à moi que l'on s'adresse. Je me retourne, prêt à traumatiser ce qui sera sans doute une de mes futures victimes à Poudlard.
Elle a d'épais cheveux bruns ébouriffés et de grandes dents. Quand mes yeux croisent les siens, marrons, et surtout magnifiques, j'oublie tout ce qui les entoure. Bouche, nez, tout s'efface ! Ils m'ouvrent la porte à de nouveaux horizons, moins vastes mais aussi moins sombres que ceux que Père veut m'offrir.
Je me racle la gorge. Je dois me ressaisir.
- Oui, réponds-je piteusement.
- Je pensais être la seule à venir aussi tôt. Tu attends depuis longtemps ?
- Depuis huit heures et quart. Mes parents avaient une urgence. Les tiens aussi ?
- Oh... Non, les miens sont... (elle s'interrompt, cherchant ses parents en tournant le tête de gauche à droite, les yeux plissés par la concentration) juste là ! s'exclame-t-elle, victorieuse.
Elle les appelle en faisant de grands signes. Ils se dirigent vers nous, tout sourire.
- Papa, maman, voici...
- Drago Malefoy. Enchanté de faire votre connaissance, dis-je en tendant la main pour qu'ils me la serrent.
«Être irréprochable et toute circonstance» est la phrase préférée de Père, mais elle veut surtout dire «être hypocrite». Si j'avais été «naturel», je n'aurais pas été aussi froid et distant. J'aurais eu un sourire qui laissait paraître mon stress, et j'aurais peut-être bégayé.
Ils me répondent qu'ils sont également enchantés, et la mère reprend la parole :
- Tu vois, tu n'es pas la seule à être en avance, Hermione !
J'allais répondre mais Père m'agrippe par les épaules et me dit à l'oreille, assez fort pour que la dénommée Hermionne et ses parents entendent :
- Espèce d'incapable, je t'ai dit cent fois de ne pas traîner avec ça.
«Ça». Hermione et ses parents étaient réduits à «ça». Je ne les connaissais pas encore, mais je ressentais une certaine empathie pour eux, et de la colère envers Père. En plus de cela, je me sentais humilié.
Je fais de mon mieux pour rester impassible et fais les présentations, comme si de rien n'était :
- Monsieur, Madame, Hermione, voici Lucius Malefoy. Père, voici Hermione et ses parents. Elle prend le train avec moi.
Comme moi quelques instants plus tôt, le père d'Hermione dit qu'il était enchanté et tendit la main. Père ne la prit pas, hautain, et elle retomba mollement le long de son corps.
J'aurais dû m'en douter. Père connaît les personnalités les plus importantes des alentours. Ceux qu'il ne connaît pas ne sont pas importants et donc indignes de son intérêt.
Il me donne envie de vomir. Je fais de mon mieux pour ne pas blêmir davantage et me répète intérieurement «être irréprochable...».
Il m'a menti et m'a laissé seul avec ma peur pour me mettre à l'épreuve, et j'ai échoué lamentablement ! |