Disclaimer : Vous pouvez remplacer « D. » et « H. » par les noms que vous savez et toute la petite famille… Les personnages sont empruntés à JKR, impossible d’en faire une originale. Un conseil : avancez doucement. pour Kaminek BO : Tori Amos, Black dove : « She was a january girl She never let on how insane it was In that tiny kinda scary house By the woods, by the woods, by the woods, by the woods » (Pas plus loin.) Le petit poucet — Il était déjà passé par là, une ou deux fois, ou peut-être pas. Les arbres se ressemblaient tous dans l’obscurité. Il ouvrait, et fermait les yeux, comme des respirations, pour recoller les morceaux de conscience que chacun de ses pas éclatait comme une flaque. D’une main il serrait son bras. Il ne savait pas où était la plaie. La douleur se promenait — le touchait à l’épaule, aux côtés, lui tirait la manche. Il fermait les yeux. Il voyait les arbres défiler clairs sur noir, les troncs presque lumineux et les contours à la craie, il entendait ses pas, comme quelqu’un derrière. Il entendait comme des gouttes qui tombaient, régulières : peut-être laissait-il des traces de son passage. Mais il ne voulait pas faire demi-tour. Il était sorti par le fond du jardin, par le petit portail qu’il avait longtemps cru fermé, parce qu’il n’avait jamais eu la curiosité de l’ouvrir. Il s’était ouvert sans bruit, avait couiné un peu en se refermant. Il avait marché droit devant lui dans la forêt, sans s’arrêter, jusqu’à présent, jusqu’à ce qu’il se rende compte que ses jambes ne le portaient plus. le portaient plus. Il rentra la main dans sa manche pour s’appuyer à l’arbre, et se relever. Quelque chose de moite coulait sur sa joue, qu’il oublia d’essuyer. Mais il était calme. Il voulait seulement sortir de là. Là-bas les bois s’éclaircissaient. Il trébuchait peu. Il se laissait guider. C’était comme s’il savait où il allait, et il le savait, sûrement. Il suivait à l’envers un de ces chemins qui ne mènent nulle part. Il y avait une maison à l’autre bout. Il était déjà venu une fois. Tous les volets n’étaient pas fermés, aucune lumière n’apparaissait aux fenêtres, sinon celle de la lune, floue sur une vitre. C’était une grande maison dans la petite clairière, couleur de suie. Agrippant la poignée, il frappa doucement à la porte ; il n’attendait pas de réponse, c’était ouvert, il referma derrière lui et se laissa tomber contre le montant, recroquevillé par un frisson. Au sol. Ses doigts qui serraient sa lèvre avaient un goût de mort, froid et lisse. Il chercha fébrilement la clé près de ses jambes et se tordit pour fermer à double tour. Puis il s’enroula dans le silence. … Quand D. se réveilla il était assis et quelqu’un lui parlait. Quelqu’un lui parlait très près du visage, vite, et bas. Qui il était, ce qu’il faisait là, il fallait partir, non, simplement aller dans une autre pièce, un moment, cela devrait aller. Il était réveillé mais avait du mal à se repérer à cause de l’obscurité. Il y avait un escalier qui montait au premier, et des pièces derrière — un autre corps trop près qui s’agitait au dessus de lui, indistinct. Il n’écoutait pas. Oui, il pouvait se lever. Le garçon le guida jusqu’à une petite chambre comme un débarras derrière l’escalier. Il y avait un lit au milieu du bric-à-brac d’armoires, chaises, vieilles boîtes à vêtements. Mais il ne voulut pas s’allonger. Les mouvements de l’autre ralentissaient, et il put distinguer son visage. Ils avaient le même âge. « - Qu’est-ce qui t’est arrivé ? » D. ne répondit pas. « - Je n’aurais pas du entrer, dit-il enfin. » « - Tu peux rester. Personne ne devrait te trouver ici, du moment que tu ne sors pas de la chambre. - Je n’ai pas envie de sortir. » Le garçon eut un mince sourire. « - Tu n’as pas besoin de sortir. Ça ira. Tu peux dormir si tu veux… » D. ne voulait pas parler, il avait la nausée. Quelque chose de très désagréable lui touchait la figure, la poitrine, descendait, il se sentait tomber de sommeil. Il ne voulait pas. « - Il y a quelqu’un d’autre qui habite ici ? - Oui. » « - Un ogre ? - Un peu. » « - Il y a tellement de trucs poussiéreux ici, ça couvrira... » Il suspendit sa phrase. L’escalier craquait derrière la porte, lourdement. « - Ne bouge pas, dit-il en chuchotant. » Il sortit. Le claquement du loquet sonna comme quelque chose de beaucoup trop fort dans la tête de D.. Il se passa les mains sur la figure : les cheveux sur ses tempes étaient un peu humides, c’était douloureux, mais il n’y avait rien. Il se laissa tomber sur l’édredon froid. Il y eut quelques instants de calme, puis il distingua des frottements de pas de l’autre côté du plafond, des éclats de voix, brefs, et des silences plus longs. . Une claque du revers de la main. Des raclements de meubles. Des cris. Il était chez lui. Il y avait son père qui ne disait rien, les lèvres qui ne tremblaient pas. « - Qu’est-ce que tu faisais, là ? » Il ne répondait rien. Il marchait à tâtons dans sa propre maison. Il y avait des lumières et rien derrière les fenêtres, des tubéreuses dans les vases. C’était un cauchemar : tout se déformait dans un holocauste de bleu. . Ce fut la porte à nouveau qui le réveilla. Le garçon brun était assis contre le montant et respirait bizarrement. D. se redressa. Il attendit de longues secondes avant que l’autre ne sente son regard et relève la tête. « - Ça va, dit-il. » Il marmonna cette phrase sûrement plusieurs fois ; puis D. le laissa venir dans le lit à côté de lui, ne le repoussa pas quand il se rapprocha. Leurs jambes se touchaient. Il souriait, des sourires qui se tordaient en grimaces et se mordaient, les larmes ne coulaient pas. D. ne savait pas quoi faire. Il connaissait ce garçon, et ne trouvait rien à lui dire. Il était tétanisé — le visage tétanisé, les doigts tremblants. Il ne pouvait pas bouger, ou très doucement, comme dans le sommeil. Il fallut se laisser violer. « - Je suis déjà venu ici, n’est-ce pas ? - Peut-être bien… Oui. - … » « - Ne crie pas. » . . . D. souleva le bras qui lui entourait la taille et se glissa hors du lit. Le vertige ne dura pas longtemps quand il se mit debout. Il acheva de se rhabiller et sortit de la chambre. Ses yeux s’étaient habitués à la pénombre. Arrivé dans l’entrée, il lança un regard vers le premier étage. Le papier peint était plutôt moche avec ses frises de fleurs. Il hésita à monter : après le remue-ménage qu’il avait entendu plus tôt… A présent tout était très silencieux, n’était un tic tic régulier. C’était l’horloge du salon : une grosse main pendait d’un accoudoir ; il se figea. L’homme dans le fauteuil lui tournait le dos. Il n’avait pas bougé. Il fallait qu’il sorte. Il traversa le hall, l’horloge du salon et le sang dans ses tempes couvraient le bruit de la clé quand il la tourna, vraiment très doucement, mais la porte. Tous les contours des gonds étaient nets dans les lueurs du hall. Il faisait si clair que cela grincerait. Il recula. Il monta les escaliers avec le moins de bruit possible, il ouvrit une porte. Une odeur infâme flottait dans la chambre, pas une respiration. Longeant le lit en aveugle, il se fraya un chemin jusqu’à la fenêtre, ouvrit les volets et s’enfuit. Il suivit en courant un chemin qui partait de la clairière. Les étoiles pâlissaient dans la nuit comme de la buée ; c’était presque le matin quand il vit le vieux mur se dresser devant lui et la grille ouverte. La porte d’entrée était fermée. Il y appuya le front. . Sa mère le regarda sans rien dire, et lui ne la regarda pas. Elle s’effaça pour le laisser entrer. Elle semblait plus préoccupée que soulagée de le voir. Elle s’approcha de lui dans le couloir, mais D. ne la laissa pas le toucher. « - Regarde dans quel état tu es… » Ses habits étaient souillés, ses cheveux collés par la sueur dans ses yeux. Il voulait monter directement. Mais son père « - Qu’est-ce que tu fais là ! Qu’est-ce que tu faisais ? » D. ne répondit pas. Il voulut esquiver le coup et heurta violemment l’angle du petit meuble. Le vase vacilla. Il se laissa envahir par la douleur du choc dans son bras. Il monta dans sa chambre comme un automate. Comme un automate. Il se sentait épuisé mais savait qu’il serait incapable de dormir. Il s’assit par terre, sous sa fenêtre, et attendit que cela passe. . . Des petits coups sur la vitre, comme des cailloux. Il se leva et écarta le rideau. . . . La nuit était claire quand la maison explosa. ……………………………….. . H. se retourna sur le dos et rouvrit les yeux. Il avait entendu quelque chose à l’extérieur de la chambre. Il se leva et faillit trébucher sur ses bottes aux pieds du lit. Il était parfaitement réveillé. Il poussa la porte, toucha le mur. Lucide. La maison avait presque une chaleur humaine, à présent, les ombres du couloir lui étaient familières. Il se dirigea doucement vers l’entrée. Un garçon était étendu contre la porte, inanimé. H. s’accroupit et lui écarta les cheveux, examina le visage, le pouls. Il le redressa contre le montant de la porte. « - Regarde dans quel état tu t’es mis, murmura-t-il en lui caressant la tête. » Il alla chercher un linge et de l’eau pour essuyer la poussière, les traces de larmes salées sur ses joues ; du sang coulait de son oreille, H. y appliqua un petit baiser et tout se guérit par magie. « - C’était bien le moment. Il va rentrer. Et moi, qu’est-ce que je vais faire de toi... Dans ma chambre, ça devrait aller. Et puis, de toute façon... Qu’est-ce qui t’est arrivé ? …Tu m’entends ? » D. ouvrait les yeux et cherchait des repères derrière H.. H. resta immobile un moment. « - Accroche-toi à moi, dit-il, et lève-toi. On ne va pas rester là cent sept ans. » Il le guida dans le couloir derrière l’escalier jusqu’à son placard de chambre, et le fit s’asseoir sur le lit, adossé au mur. Le blond semblait bien réveillé à présent. « - Je n’aurais pas du entrer, dit-il d’une voix enrouée. » « - Qu’est-ce qui t’est arrivé ? » Il ne répondit pas. « - Tu peux rester, finit par dire H.. Personne ne devrait te trouver ici, du moment que tu ne sors pas de la chambre. - Je n’ai pas envie de sortir. » H. sentit son cœur le presser désagréablement dans sa poitrine. « - Tu n’as pas besoin de sortir. Ça ira. Tu peux dormir si tu veux » Il se tut. Son souffle commençait à se dérégler, il ne fallait pas que l’autre l’entende ; il ne fallait pas qu’il panique. Il faillit se répéter, lui dire encore, ça ira, se retint de justesse. Il fallait qu’il se calme. « - Il y a quelqu’un d’autre qui habite ici ? - Oui. » « - Un ogre ? H. eut presque envie de rire. Un ogre… - Un peu. » Il pouvait rentrer d’une minute à l’autre. « - Mais il y a tellement de trucs poussiéreux ici, ça couvrira... » L’escalier craqua derrière la porte, lourdement. Il ne l’avait pas entendu entrer, et le salon — non, il n’y avait rien eu : il n’avait rien remarqué et était monté directement. H. serra les dents. « Ne bouge pas » chuchota-t-il et il sortit. Il glissa rapidement vers le salon. Le gros tas était toujours dans le fauteuil, bien sagement. Il l’y laissa et s’engagea dans l’escalier. Vers le haut des marches et dans le couloir des chambres il y avait des miettes. C’était presque comique : il avait traversé le salon pour aller se chercher le gâteau, et n’avait rien vu. H. suivit la piste et entra dans la chambre. « - Qu’est-ce que tu fous là ? - … » H. restait figé, le regard bloqué sur le couteau et le plat qui serait vite nettoyé. « - Ne parle pas trop fort, tu vas réveiller tout le monde, articula-t-il faiblement. - Dégage. » H. tourna la tête et le dévisagea. Ce type était immonde, et son cou beaucoup trop gras pour lui. Il se sentit soudain vidé de toute son énergie. Il n’y avait rien à faire. « - Dégage ! » H. sortit en lui souhaitant bon appétit. La porte claqua derrière lui. Il descendit. Arrivé dans sa chambre, ses nerfs lâchèrent. Il se mit à trembler, les larmes lui brûlèrent la gorge mais il ne pleura pas ; il se souvint de la présence de D.. « - Tout est parfait, dit-il dans ses mains, calme-toi, calme-toi, calme-toi. » Il se laissa tomber dans les draps, se rapprocha du garçon qui ne faisait rien pour le repousser. Il aurait du le tuer, lui écraser n’importe quoi sur la figure, violemment. Ou lui dire, j’ai tué tes deux parents, il y avait de la mort aux rats dans la tarte, le regarder se décomposer, essayer de se faire vomir, ne pas y arriver, vouloir l’aider, le voir détaler. Il sentit les doigts de D. près de sa joue. Quelque chose craqua en lui. . Il leva lentement la tête près de l’oreille de D. et sentit sous ses lèvres un goût de sel. Il ne savait pas bien qui avait pleuré. Il n’y avait plus aucun bruit, aucun bruit de pas, rien. Il se redressa sur son coude. Le visage était blême, le regard fixé sur le plafond. H. le regarda. Il finit de déboutonner la chemise déjà malmenée et se pencha pour embrasser la peau moite. Il le désirait. Il voulait l’embrasser. Il le sentit lui attraper le bras. « - Ne crie pas s’il te plaît, dit H.. - Je n’ai pas crié. » Il sourit. Tout était bien. . . Il va à la fenêtre. Des ombres bougent en bas, dans le jardin, aux contours parfaitement net sous les rayons de lune ; des silhouettes attendues. Des ombres de feuilles. La rumeur de la forêt derrière, comme un brûleur de gaz. … H. se retourna sur le dos et son bras passa sur les draps jusqu’à se cogner au mur. Il pesta inconsciemment, bascula de l’autre côté pour se lever. De sa demi-fenêtre, obstruée par l’armoire, filtrait un peu de clarté. Il tendit la main vers le sol, et se laissa retomber sur le lit. Il enfila ses bottes, prenant le temps de les lacer. Il sortit par la porte de derrière, la tira derrière lui mais elle se referma mal, et rebondit sur le montant. Il y eut un bruit comme une explosion. Il scruta le ciel : l’on voyait parfaitement les étoiles à travers la nuit pâlissante. Il y avait peu de vent. Il traversa la clairière les yeux fermés. L’air était tellement moins lourd qu’à l’intérieur. Il suivit le chemin qu’il avait déjà fait une fois ou deux. Quelques souvenirs du trajet lui traversaient l’esprit quand il voyait tel arbre, ou tel virage, il savait où tourner. Arrivé au mur d’enceinte il l’escalada et s’assit au sommet. Ce n’était pas très haut. Le manoir s’était effondré. Un gros bout du toit et de la pièce qu’il couvrait trônaient sur le reste des décombres, comme une petite maison bancale. Cela flambait par endroits. Dommage, il aurait bien aimé y habiter, une fois débarrassé. Une silhouette sortit de nulle part, et, trébuchant sur les gravats, progressa jusqu’à la grille sans le voir. H. attendit qu’il s’éloigne puis sauta de son mur et le suivit. Il s’enfoncèrent dans la forêt. Le garçon marchait plutôt droit malgré quelques écarts, ses genoux flanchaient à chaque brindille. Il se tenait le bras, très fort, un de ses doigts hésitant entre caresse et griffure se plantait, et tirait doucement au bord d’un accroc, juste un accroc à la manche. H. faisait jouer les graviers au fond de ses poches. Il jeta un coup d’œil alentours, essayant de voir dans quelle partie de la forêt ils pouvaient bien être. Les bouleaux renvoyaient des éclats de la lune, l’obscurité derrière semblait trop dense. Il aperçut sur un côté des petits cailloux blancs. Il ralentit le pas. Le garçon était tombé. Il décida d’aller voir où cela menait… |