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Voyages : première partie
Par Matsuyama
Fullmetal Alchemist  -  Action/Aventure/Fantastique  -  fr
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Chapitre 1

Chapitre 1

Un peu au sud de la Citée de l'Est, se trouvait un petit village du nom de Resembool ; il y avait une cinquantaine d'habitations, une petite école et un marché ; une rivière coulait derrière la colline située près de l'école et contournait le village. Ce jour-là, le temps était magnifique, et la plupart des enfants étaient partis se baigner. C'est pourquoi personne n'entendit les premiers hurlements.

A présent, le village comptait les malades, tandis que dans le sanctuaire, la salle se remplissait de draps blancs de plus en plus nombreux.

Dans une maisonnette un peu éloignée des autres, un homme veillait sa femme alitée. Il était grand, avait des yeux bleus et des cheveux bruns ; vêtu à cet instant d'un pantalon beige et d'une chemise blanche, il posait avec délicatesse une serviette humide sur le front fiévreux de son épouse. Celle-ci, très pâle, avait les cheveux châtains et des yeux marrons embués par la fièvre. Doucement, l'homme se pencha sur elle :
‹ Trisha, mon amour... Remets-toi vite... › chuchota-t-il.

Tandis qu'il refermait la porte de la chambre, un cri retentit dans la cuisine. Une seconde plus tard, dans un éclair jaune, son plus jeune fils se précipitait dans ses jambes, au bas des escaliers :
‹ Papa !! Ed recommence ! Dis-lui qu'il ne doit pas ! ›

Dans la cuisine, le jeune Edward était assis sur le sol, dans sa tunique bleue, tenant entre ses mains un cerceau de bois. Son père avança et s'effondra sur une chaise avant de demander :
‹ Qu'est-ce que tu as encore fait ? › Le petit garçon releva la tête et ses yeux d'or brillèrent d'indignation :
‹ Rien !! Je lui ai juste réparé ! ›
‹ Comment ? ›
‹ Ben... › L'homme soupira, trop inquiet et fatigué pour le gronder.
‹ Tu sais que tu ne dois pas faire ça... si quelqu'un te voyait... ›

Puis il se leva et commença à préparer le repas ; sans regarder les enfants, il fit :
‹ Ed, occupe-toi de ton frère, veux-tu ? ›
‹ D'accord. Al, dépêche-toi ! ›
‹ Si j'veux, d'abord !! ›
Il partit en riant, poursuivi par son frère. Le père soupira de nouveau, plus triste que jamais ; depuis deux semaines, depuis cette terrible attaque, la maladie ne cessait d'emporter les habitants du village. Et maintenant, sa femme était fiévreuse... Délaissant le repas, il se laissa tomber sur la chaise, le visage caché entre ses bras.

Les deux enfants étaient dans la salle d'eau ; nus, ils jouaient à s'éclabousser dans la baignoire à moitié pleine. C'était une petite pièce : en son centre se trouvait la baignoire ronde, au niveau du sol; au fond, une armoire contenant du linge ; à gauche les lavabos. Les vêtements des petits traînaient à même le sol, éparpillés.
Edward avait 11 ans, et des cheveux et des yeux d'une intense couleur or. Alphonse avait un an de moins que son frère, des yeux bleus et des cheveux châtain clair, presque blonds. Ils n'avaient rien vu de ce qui s'était passé au village, mais les sanglots que cachait leur père suffisaient à leur faire comprendre que quelque chose de grave était arrivé. De plus, il leur était interdit de sortir du jardin, ce qui pour eux était déjà suffisamment étrange en soi.

‹ Dis, Ed... Tu crois qu'on descendra quand même pour la fête ?
‹ Bien sûr ! Tout le monde doit y aller. ›
‹ Mais, et maman ? ›
‹ Elle ira mieux, c'est ce que papa a dit. ›
‹ Oui... ›

Devant le repas, les enfants dînaient seuls ; leur père était remonté dans la chambre, stipulant bien qu'ils ne devaient pas le déranger. Cela se passait ainsi depuis quatre jours. Quatre jours pendant lesquels ils restaient seuls la plupart du temps, et qu'ils n'avaient pas vu leur mère.

Dans la chambre, l'homme se tenait devant le lit, abattu. Pendant plusieurs minutes, il ne fit rien. Puis :
‹ ... Leto... ? ›Il se précipita à son chevet.
‹ Oui, je suis là ! ›
‹ Co... comment vont... les enfants...? ›
‹ Bien, très bien. Ne t'inquiète pas, tu dois penser à toi. ›
‹ S..s'il te plaît... je voudrais... les voir... ›
‹ ?? Maintenant ? ›
‹ Oui. ›
Il soupira, et sortit, refoulant ses larmes.

Lorsqu'ils entrèrent dans la chambre, Ed et Al s'approchèrent doucement du lit. Leur père leur avait bien dit de ne pas parler trop fort, de ne pas courir, de ne pas la fatiguer... Alors, ils avancèrent lentement jusqu'au lit, où ils virent le sourire de leur mère. Immédiatement rassurés, ils s'assirent près d'elle.
‹ Maman ? ›
Alphonse avait parlé en premier ; il était tellement soulagé.
‹ Bonjour, trésor... ›

La voix de Trisha était faible, mais elle souriait, et cela lui suffisait. Le plus jeune grimpa sur le lit et s'assit à côté d'elle ; son visage avait perdu ses couleurs, ses yeux étaient voilés et même ses cheveux paraissaient ternes sur l'oreiller ; même si elle souriait, cela semblait lui demander beaucoup d'efforts. Edward resta debout, regardant sa mère avec une mine sérieuse.

‹ Viens là, Ed... Que je vous serre dans mes bras... ›

Alphonse n'hésita pas et plongea vers elle, mais son frère était tendu ; ils se blottirent contre elle, tandis que ses mains leur caressaient les cheveux. Puis elle chuchota :

‹ Edward... Peux-tu me faire... une promesse...? ›
‹ ? ... Laquelle ? ›
‹ Promets-moi... de veiller sur ton frère... prends soin de lui... ›
‹ Bien sûr, comme d'habitude. ›
‹ Non. Mieux... ›

Ce fut en entendant ces paroles que Alphonse comprit pourquoi Ed était si nerveux. Relevant la tête, il regarda sa mère, les yeux humides :
‹ Pourquoi tu dis ça, maman ? Tu seras là pour le surveiller, n'est-ce pas ? ›
‹ Al, trésor... sois un gentil garçon... d'accord ? ›
‹ Mais... ! ›
‹ Chuut... Je vous aime, tous les deux... ›
Al ne retint plus ses larmes, serrant sa mère dans ses bras ; Edward, lui-même en pleurs, se redressa et la regarda dans les yeux, sans lâcher sa main :

‹ ... Je promets... ›

Deux heures... Deux heures depuis que Trisha avait fermé les yeux. Leto était allé chercher deux amis pour la transporter jusqu'au sanctuaire. Dans la petite salle sombre, il était agenouillé devant le corps de son épouse ; les enfants étaient seuls, mais il s'en fichait. Trisha... sa femme... pourquoi elle ... ? Pourquoi maintenant ? Il ne voyait plus rien.

Je vous aime, tous les deux...

Tous les deux ? Les enfants... Et lui ? Pas lui ? Pourquoi n'avait-elle pas pensé à lui dans son dernier souffle ? Pourquoi n'avait-elle pas voulu lui parler... le prendre dans ses bras lui aussi...
Il serra les poings de rage. Maudites créatures !! Tout le village était sur le point d'y rester, les rues étaient infectes, même la rivière était souillée du sang de leurs enfants... les enfants...

Il se frotta vigoureusement les yeux et se leva. Regardant une dernière fois le drap blanc à ses pieds, il se retourna lentement, puis sortit d'un pas lourd. Devant les portes, une petite foule était rassemblée ; il s'approcha, sans vraiment y penser, traversant la petite cour pour sortir. Passant, il surprit des brides de conversations :
‹ ...Et il a quand même demandé l'argent !... ›
‹ ...ça va encore durer longtemps, vous croyez ?... ›
‹ ...Ce pauvre Leto, c'est malheureux... ›
‹ ...elles sont parties vers le sud, non ?... ›
‹ ...et ses deux gosses, ils ne sont pas malades ?... ›

Il pressa le pas. Il ne voulait pas avoir à leur parler, il voulait juste rentrer chez lui, il voulait juste être tranquille... Le chemin qui menait jusqu'à la maison était désert ; les gens ne s'aventuraient plus au-dehors, même si cela ne servait pas à grand-chose. Les vastes champs dorés qui entouraient le villages étaient tristement silencieux ; il se dit que les animaux avaient sûrement dû partir depuis longtemps, et cela l'accabla plus encore... 'S'il n'y a plus rien, c'est que ce n'est pas prêt de s'arranger. Cette fois, c'est la fin du village.' En y repensant, plusieurs familles étaient parties, elles aussi ; vers la citée de l'Est, probablement, où l'on risquait moins de se faire attaquer. Il passa la clôture du jardin : ses fils étaient assis devant la porte, serrés l'un contre l'autre. Ses premières réflexions lui revinrent à l'esprit, et il ne put contrôler l'accès de rage qui l'étouffa soudain : bousculant les enfants, il entra et claqua violemment la porte. Arrivé à la cuisine, il s'effondra sur la table, la respiration saccadée. Pourquoi ? Pourquoi n'avait-il pas pu la serrer une dernière fois contre lui... ?
Au bout d'une longue demi-heure, il se rendit compte que le bois était humide sous son visage ; alors, une seconde fois, la rage l'envahit : il cria, renversant la chaise, repoussant la table contre le mur, vidant les étagères, frappant tout ce qu'il pouvait trouver.

Quand il se calma enfin, se laissant glisser le long du mur, il s'endormit.

Le silence était revenu dans la maison. Alphonse, yeux fermés, mains sur les oreilles, s'était caché derrière les marches de l'entrée ; toujours recroquevillé, il finit par souffler :
‹ ... c'est fini ? › Il entendit Ed lui répondre de loin, sans comprendre. La voix légèrement tremblante, mais rassurante de son frère réussit à le convaincre de sortir de sa cachette. Edward se tenait devant la porte, à l'écoute ; quand Al se montra, il lui fit signe d'entrer, poussant doucement la porte. Sans chercher à comprendre, ni même savoir ce qui s'était passé, ils montèrent dans leur chambre en silence. Ils n'en sortirent pratiquement plus durant le mois qui suivit.

Après la scène de la cuisine, Leto resta particulièrement distant avec les enfants ; ceux-ci ne se montraient pas beaucoup, et il ne les approcha pas davantage, préférant resté assis à regarder le vide. La première gifle fut envoyée alors qu'un soir, il croisait Edward dans les escaliers : le garçon eut le bon réflexe de s'accrocher à la rambarde, sans quoi il aurait dégringolé. Sans explication, il continua à monter, couvant le petit d'un regard noir ; celui-ci ne broncha pas, ni ne pleura, mais resta longtemps assis là avant de se relever. Dans le village, la mort du dernier des O'Boyle fut suivie de nombreux départs : il n'y avait plus qu'une vingtaine de familles, à présent, et la maladie était toujours aussi active. Bizarrement, bien que leur père aille et vienne régulièrement au sanctuaire, Ed et Al restaient en parfaite santé ; la seconde gifle vint lorsque Alphonse demanda innocemment ce qu'ils allaient manger ce soir-là : les yeux écarquillés de stupeur, une main sur sa joue endolorie, il s'enfuit dans sa chambre loin de la fureur de son père. Son regard aurait pu le foudroyer sur place : oui... en parfaite santé...

Par la suite, Leto se mit à tousser, puis quelques heures plus tard, crachait son sang. L'image de sa femme étendue sur son lit le fit d'abord trembler d'angoisse ; les pensées tournoyaient dans sa tête : sa faiblesse, personne pour s'occuper de lui, la douleur dans sa poitrine comme celle qui avait vaincu Trisha ... Puis il se calma, étrangement serein : sans réfléchir, il monta jusqu'à la chambre des enfants. Entrant, il vit les petits sursauter ; il se sentit peiné ; puis il attrapa un sac et commença à le remplir de diverses affaires, vêtements, jouets, livres, tout ce qui lui tombait sous la main. Ayant finis, il se tourna vers les enfants et fit :
‹ Mettez vos manteaux et descendez, tout de suite ! ›
Il les vit obéir, lui jetant de furtifs regards intrigués. Une fois dehors, il les emmena jusque chez leur voisine la plus proche : celle-ci vivait seule et ne sortait pratiquement jamais, il y avait donc de grandes chances pour qu'elle soit encore en bonne santé ; il lui confia les enfants en souriant, assurant qu'il n'y aurait pas de problème. La vieille femme accepta, et, avec les deux petits blonds, regarda l'homme s'éloigner.

Tard cette nuit-là, les langues rouge orangé des flammes s'élevèrent dans le ciel noir : l'incendie ne se laissa pas maîtriser, mais la maison était éloignée, aussi fut-elle la seule détruite.
Les villageois étaient rassemblés au bord du petit chemin qui conduisait jusqu'aux ruines encore fumantes ; choqués, ils commentaient l'événement avec désarroi :
‹ Pourquoi les dieux s'acharnent-ils ainsi sur nous...? ›
‹ C'est vraiment affreux, pauvre Leto... ›
‹ ...comment ça, il était à l'intérieur ?!!... ›
‹ Et ses deux gosses, où sont-ils...? ›

Depuis le salon de leur voisine, Edward et Alphonse fixaient d'un regard vide ce qui restait de leur maison ; ils savaient que leur père était resté à l'intérieur, sinon, pourquoi les aurait-il laissé seuls ? Désormais orphelins, les deux enfants se seraient l'un contre l'autre devant la petite fenêtre ; Alphonse pleurait, mais en silence, ses larmes coulant sur l'épaule de son aîné. La vieille dame qui les logeait – petite, les cheveux noirs tirés en un chigon serré – les laissa dormir ainsi, tandis qu'elle-même passa la nuit dans la cuisine, ne faisant rien pour tenter de les réconforter.

‹ Ed... ›

Alphonse se redressa quelque peu, chuchotant d'une voix faible ; la mort de leur mère un mois plus tôt, puis le suicide de leur père l'avait finalement anéanti : il lui semblait que son coeur était devenu vide tant il avait pleuré. A présent, ce qu'il souhaitait par-dessus tout, c'était que son frère le serre contre lui, dise quelque chose comme ' Réveilles-toi, tu as encore fait un cauchemar' ...
Mais Edward ne disait rien. Ce n'était pas un mauvais rêve...

‹ Ed... Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ? › Pas de réponse.
‹ ... comment on va faire, tous seuls... ? ›

Il vit, à travers ses larmes, son frère relever la tête. Dehors, il pleuvait, de fines gouttes s'écrasant sur la vitre glaciale ; l'aube pointait à l'horizon, rendant le spectacle des décombres encore plus désolant, si cela était possible.

‹ On restera pas seuls... ›
‹ ?? › La voix son aîné était enrouée, mais froide et déterminée.
‹ Ed ? ›
‹ On ne restera pas tous seuls. ›
‹ Comment ? ›
‹ Tu te souviens de ce que disait le prêtre ? Que le suicide est un pêché, qu'on ne pas se faire pardonner... ›
‹ Oui, et alors ? ›
‹ Les gens qui se tuent n'ont pas le droit de repartir... mais... pour Maman, c'est différent... ›
‹ Qu'est-ce que tu veux dire ? › Un silence.

Un long silence, durant lequel Alphonse resta à contempler son frère, qui fixait le vide derrière la fenêtre. Enfin, Edward se tourna lentement vers lui, avec une expression résignée.

‹ On va aller la chercher. ›
‹ Qui ? ›
‹ Maman. On va aller la chercher, parce que ce qu'il s'est passé ici n'était pas juste. Elle n'aurait pas dû mourir si tôt. Alors on va aller la chercher et la ramener. ›
‹ ... d'où...? ›
‹ De là où elle est en ce moment. ›

 
 
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