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Chocolat noir, chocolat blanc
Par Jaiga
Originales  -  Romance/Humour  -  fr
One Shot - Rating : T (13ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     20 Reviews    
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Notes :
- Bien que cette fiction ait été écrite dans l’optique d’un concours, les personnages et l’univers dépeint dans cette fiction m’appartiennent intégralement. Merci de ne pas emprunter cette histoire ou l’un de ses composants sans m’en avoir parlé au préalable.

-Comme dit plus haut, cette fiction a donc été écrite dans le cadre d'un concours, pour lequel il fallait faire une parodie de déclaration amoureuse. Ca a donné ça.
A vrai dire, j'avoue avoir réellement fait un gros trip en écrivant cette fiction. *3* Elle est dnc à prendre au quarante-cinquième degrès, voire plus.
Je m'excuse d'avance pour toutes les fautes d'orthographes qui doivent trainer, et j'espère que vous prendrez autant de plaisir à la lire que j'en ai eu en l'écrivant. =D

 

__________________

 

Chocolat noir, chocolat blanc

Alec se massa longuement les tempes, plongé au plus profond de ses pensées. Assis sur le bord de son lit, les coudes appuyés sur ses genoux, il n’avait pas bougé depuis une bonne dizaine de minute. Pourtant, ce n’était pas tant parce que ses paupières étaient lourdes, et son corps courbaturé, qu’il restait ainsi immobile et immergé dans ses pensées. Non, son mutisme était plutôt la cause de l’organisation erratique de ses souvenirs de la veille, ce qui était somme toute assez problématique dans l’état actuel des choses.

Une seule chose était claire, dans son esprit embrumée. Il avait embrassé Ivan.

Cela, il s’en souvenait parfaitement. Ils étaient les deux seuls gays dévoilés de tout leur vaste groupe d’ami, et à chaque fête ou repas, on ne manquait pas de les coller tous les deux l’un à côté de l’autre à un moment de la soirée. Les âmes charitables pensaient qu’ainsi, ils ne se sentiraient pas seul au milieu de tous ces hétéros susceptibles de se maquer les uns aux autres. Ca partait probablement d’une très bonne intention, et jusque là, ils s’en étaient tous les deux amusés, même s’ils n’étaient finalement pas si proches que ça…

Alec gémit très dignement devant le désastre de sa situation.

Il avait toujours été attiré par Ivan. Ivan aux doux cheveux blonds, Ivan le sûr de lui, toujours calme, toujours en forme, cultivé et intelligent. Dès leur première rencontre, Alec avait trouvé en lui l’incarnation de son idéal masculin, l’homme qu’il avait toujours rêvé de rencontrer un jour. Mais Ivan, lui, ne le considérait sans doute que comme une vague connaissance.

Ou du moins, jusqu’à la veille.

Il se souvenait à peu près bien des trois verres de manzana, des deux get 27 et du malibu coco qu’on lui avait servi – et il était même capable de les énumérer, ce qui était plutôt bon signe. Il se rappelait également d’avoir vu ses camarades étudiants gesticuler les bras en l’air, et il était à peu prêt capable d’associer cette réminiscence avec le refrain de YMCA. Il revoyait aussi parfaitement la lumière tamisée d’une veilleuse, ainsi que les quelques petites bougies allumées dans le vaste salon réquisitionné pour la fête, tout comme l’éclat de l’écran de l’ordinateur, sur lequel s’agglutinaient toujours deux ou trois personnes qui s’interrogeaient quand au choix de la chanson suivante. Et le corps d’Ivan à côté de lui lorsqu’il s’était laissé tomber sur le canapé, et son regard bleu, et le goût de ses lèvres, la douceur de la peau de sa joue.

Puis, plus rien.

En se réveillant, une trentaine de minute plus tôt, il s’était découvert allongé tout habillé sur son lit, un pivert à la place de la cervelle et une haleine capable de réveiller un mort.

Est-ce que cela s’était vraiment passé ? Avait-il vraiment embrassé l’homme parfait, la créature de ses rêves ?

Il n’osait y croire. Mais pourtant, les faits étaient là, il y avait bel et bien eu une fête la veille, ils avaient tous bu plus que de raison, et par conséquent, il était tout à fait possible que cette chose ai réellement eu lieu. Mais quand à savoir ce qu’il s’était véritablement produit…

Tout le désarroi d’Alec venait de là. Il ne savait pas ce qu’il avait bien pu se passer, après qu’il ait roulé la pelle de sa vie à celui qu’il convoitait secrètement depuis des mois. Comment Ivan avait-il réagit ? Qu’est ce qu’ils avaient bien pu se dire ?

Il ne se rappelait pas, geignit-il intérieurement, tout en se massant les tempes. A moins que… Peut-être une fille aussi éméchée que lui –il ne saurait dire laquelle, une blonde, peut-être Emma- l’avait-elle tirée de force au milieu des danseurs, une poignée de seconde plus tard. Oui, sans doute, le flou se dissipait un peu… Une image de cuvette de toilette lui revint brutalement. La main d’une autre fille, l’une des rares personnes à jeun, posée sur son dos tandis qu’elle essayait de lui expliquer qu’elle allait le ramener, lui et quelques autres, parce que dans leur état, il valait mieux qu’ils aillent se coucher.

Mais est-ce que tout cela avait vraiment eu lieu dans le laps de temps qui avait suivi, ou n’était-ce que des bribes disparates de la soirée ?

Alec secoua la tête, et inspira. Il n’y avait pas à tergiverser. Si cela c’était vraiment passé, alors il devait s’expliquer avec Ivan. Si ça n’avait été qu’un rêve, eh bien, c’était un rêve prémonitoire, et il était temps qu’il déclare sa flamme.

Pour la première fois de sa vie.

Le jeune homme marqua une pose en réalisant qu’il n’avait jamais dit les mots « je t’aime » à qui que ce soit, excepté les membres de sa famille. Les rares petits amis qu’il avait eus n’étaient que de simples passades, des petits copains « pour le fun » plus que pour les sentiments. Si bien qu’il se demanda un instant comment est-ce que l’on s’y prenait, dans ce genre de situation. Devait-il improviser ?

Galvanisé par ces réflexions, il cessa de tergiverser plus longtemps, et se rua sur son téléphone portable. Il parcourut fébrilement la liste de ses contacts, et dénicha au plus vite le numéro d’Ivan parmi tous les noms de ses camarades étudiants.

La sonnerie retentit.

 

Ivan s’enfonça sous sa couette, pour ignorer les vibrations intensives de son téléphone portable, sur le plancher de son appartement. Il s’était couché excessivement tard, par rapport à d’habitude, et il ne se sentait pas prêt à quitter son lit de si tôt. D’autant plus qu’en prenant en considération la fête de la veille, dans son entourage proche, cela ne pouvait guère être que sa mère, qui s’inquiétait de ne pas avoir eu de nouvelle de son fils unique depuis plus de 24 heures.

Il bâilla, et sans même sans rendre compte, se rendormit.

 

Alec raccrocha dès que le répondeur se déclencha. Hors de question qu’il lui laisse un message, c’était trop impersonnel pour un aveu pareil, et de toute manière, il n’avait strictement aucune idée de ce qu’il pourrait bien lui dire.

De là lui vint l’idée d’aller voir Ivan en personne, pour pouvoir s’expliquer longuement avec lui, et prendre le temps de réfléchir. S’il se retrouvait en face de lui, il pourrait voir en direct les expressions que prendrait son visage, plutôt que de ne s’appuyer que sur l’intonation de sa voix, et adapter ses propos en conséquence. Et ça serait certainement beaucoup plus intimiste…

Mais aussi beaucoup plus dur, couina-t-il mentalement.

Alors qu’il reposait son téléphone, une odeur agressive atteignit ses narines, le faisant grimacer de dégout. Elle s’approchait vaguement du mélange entre l’odeur d’un phoque venant de courir un marathon, et celle d’un œuf oublié dans un placard pendant plus de six mois, si bien qu’il lui fallut un moment avant de comprendre qu’effectivement, elle venait bien de lui.

Il bondit jusqu’à sa salle de bain.

Sa douche dura plus de dix minutes, et il se savonna et se shampooina au moins deux fois d’affilée avant d’être satisfait. Il se rasa plus impeccablement et soigneusement qu’il ne l’avait jamais fait, et hésita pendant cinq bonnes minutes devant son flacon d’eau de toilette, sans savoir s’il devait s’en mettre ou non.

Les yeux noisette de son reflet le fixaient avec insistance, lui rendant une image de lui-même peu flatteuse. Ses traits étaient tirés par la fatigue de la veille, ses courts cheveux bruns étaient toujours autant en batailles, quoi qu’il fasse pour tenter de les arranger. Il avait fait énormément de natation, étant petit, et s’il avait arrêté depuis longtemps toute activité physique, il continuait toujours de se trouver trop grand, ses épaules trop larges et sa silhouette trop carrée. A côté de lui, Ivan était souple comme une liane, athlétique, toujours en forme et propre sur lui. A cause de cela, Alec avait toujours pensé que le blond n’était décidemment pas un homme pour lui…

Il soupira pour chasser ses mauvaises pensées, résigné. Le plus important était de se déclarer, le temps des réflexions et de la remise en question viendrait ensuite.

C’est ainsi qu’une demi heure plus tard, il se retrouva debout devant le petit immeuble coquet où résidait l’élu de son cœur, un bouquet de fleur à la main.

 

Ivan s’étira de tout son long, avant de déplier son tapis de sol en face de la porte fenêtre. De son balcon, il avait une vue directe sur un petit jardin derrière l’immeuble, un petit coin de verdure qui donnait l’impression d’échapper un peu à la ville environnante. De sorte que lors de sa séance quotidienne, il orientait toujours son tapis en cette direction, afin d’y trouver une source d’apaisement et de concentration supplémentaire.

Il se plaça au centre du tapis, le dos bien droit, et joignit ses mains sur sa poitrine, paumes contre paumes. Il ferma les yeux, inspira, et commença les premiers mouvements de la salutation au soleil.

Il pratiquait le yoga depuis maintenant trois ans, et avait acquis de nombreux automatismes de cette discipline. Au début, il avait commencé à se rendre à un cours collectif sur le campus, entrainé par l’une de ses amies proche qui n’osait si rendre seule. Cela le faisait plutôt rire, car il pensait à l’époque que c’était une pratique réservée aux quinquagénaires retraitées ou aux grands stressés, ce qu’il était sûr de ne pas être, dans les deux cas.

Il avait assuré à son amie qu’il ne viendrait que les premières séances, le temps qu’elle s’habitue et qu’elle puisse y venir seule. Il s’attendait à se lasser dès la première leçon, et avant même de commencer, avait déjà élaboré tout un tas d’excuses pour esquiver les cours suivants.

C’était finalement son amie, qui était partie au bout de trois semaines. Et lui, il considérait aujourd’hui que c’était l’un des plus gros changements de sa vie, et n’arrivait plus à s’en passer. Tous les jours, il pratiquait une dizaine de minute la salutation au soleil, et se rendait une fois par semaine aux cours sur le campus. Plusieurs fois avant les examens, il lui était même arrivé de pratiquer une heure chez lui, afin de trouver le calme et la force nécessaire pour attaquer les épreuves ou les révisions.

Il exécuta l’un après l’autre les douze mouvements de la salutation au soleil, de manière fluide, liée, comme une danse gracieuse et raffinée. Uniquement vêtu d’un survêtement de coton blanc, il sentait son corps se détendre, ses tensions se dénouer, à mesure qu’il s’exerçait.

Il allait accomplir l’enchainement complet pour la troisième fois, lorsqu’il entendit quelqu’un frapper à la porte.

Les sourcils froncés, il cessa son activité, et alla déverrouiller la serrure.

Un bouquet de tulipes rouges apparut dans son champ de vision, puis la tête d’Alec, qui culminait largement au dessus des fleurs. Les paupières d’Ivan s’écarquillèrent, tandis que le cœur de son vis-à-vis se mettait à battre la chamade.

Alec avait longtemps hésité, devant la boutique de la fleuriste, tiraillé entre l’idée que cela ferait mieux pour une déclaration d’amour, et celle que les fleurs ne s’offraient peut-être qu’aux femmes. Il avait finalement opté pour un bouquet discret, sobre, et avait trouvé une excuse toute choisie au cas où Ivan ferait une tête bizarre en les voyant –ce que le blond était d’ailleurs justement en train de faire.

- Salut Ivan ! Commença-t-il d’une voix enjouée. Ma voisine m’a donné des fleurs, et comme je ne savais pas quoi en faire et que je sais que tu aimes bien les tulipes, j’ai pensé à te les apporter… Je peux entrer ?

Le tout débité d’une traite, d’une voix qui se voulait certainement très assurée, mais qui transpirait la gêne et le malaise. Les joues d’Alec étaient rouges, et sa main trembla lorsqu’Ivan la frôla pour se saisir du bouquet.

- Merci beaucoup… sourit doucement ce dernier, un sourire qui faillit faire fondre le brun sur place. C’est gentil d’être passé, mais je suis en train de faire quelque chose…

Ivan se frotta l’arrière de la tête, visiblement mal à l’aise, avant de reprendre.

- Ca te dirait d’aller m’attendre au café au coin de la rue ? Je t’y rejoins dès que j’ai terminé !

Alec n’eu même pas le temps d’ouvrir la bouche que la porte était déjà refermée sur l’élu de son cœur. Ce dernier s’appuya un moment sur le mur, le bouquet serré contre lui, avant de se ressaisir. Pratiquer tous les matins dès le réveil était devenu pour lui un rituel, un tic qu’il devait absolument accomplir. Son corps ressentait le manque chaque fois qu’il ne le faisait pas, et psychiquement, il sentait qu’il avait besoin du yoga pour pouvoir être prêt à affronter correctement chaque nouvelle journée. Seulement, arriverait-il à se concentrer suffisamment pour pouvoir reprendre ? Cela lui prendrait certainement du temps, une chose qui lui faisait justement défaut.

Pour ne rien arranger, en se saisissant de la carafe d’eau sur sa table de nuit, pour s’en servir en guise de vase, il remarqua son portable sur le plancher. Il eut alors l’occasion de constater que ce n’était pas sa mère qui l’avait appelée, plus tôt dans la matinée.

 

Alec se laissa tomber sur une chaise du café, les jambes molles et l’esprit vacillant.

On ne pouvait pas vraiment dire que cela c’était bien passé, loin de là. Il fut un instant tenté de commander quelque chose de fort, pour se remettre de ses émotions, mais son overdose de la veille l’en dissuada, d’autant plus qu’à seulement onze heure du matin, les gens l’auraient probablement regardés d’un mauvais œil.

Il se résigna donc à se morfondre sur une tasse de café.

Ses pensées se mélangeaient dans sa contemplation du liquide noir, se dissolvaient à l’intérieur comme les cristaux de sucre qu’il ajoutait sans regarder. Est-ce que Ivan ne voulait pas de lui, pour l’avoir ainsi mis à la porte ? Il n’avait pas non plus répondu à son appel, n’y avait pas non plus fait allusion durant leur bref échange. Mais en même temps, il avait vraiment eu l’air affairé, et il lui avait sourit, l’avait même remercié…

Les joues d’Alec s’enflammèrent à ce souvenir, à la fois de bonheur et de honte.

Il n’oserait plus lui parler avant un bout de temps, après ça. Pourtant, il voulait, non, il devait se déclarer à lui, aujourd’hui même. Sinon, leur baiser échangé finirait par se fondre dans les souvenirs flous de la soirée, et Ivan l’effacerait totalement de sa mémoire, tout comme la cervelle d’Alec l’avait déjà fait pour les trois quarts des évènements de la veille.

C’est lorsque son pied tapa dans son sac à dos, jeté à la hâte sous sa chaise, qu’il eu une nouvelle idée. C’était son sac de tous les jours, celui qu’il jetait machinalement sur son épaule chaque fois qu’il sortait, pour aller à la fac autant que pour faire un tour en ville. A l’intérieur, il y avait donc toujours de quoi pallier à toute situation, porte feuille, monnaie, trousse et classeur souple contenant quelques embryons de notes aussi bien que des gribouillages d’adresses ou de liste de courses.

Poussant sa tasse de café à l’autre bout de la table, il sortit une feuille de papier, piocha dans sa trousse le plus beau stylo qu’il possédait, et commença à écrire de sa plus belle plume le si beau nom d’Ivan.

 

Il avait dans l’idée de lui écrire une lettre enflammée, touchante, dans laquelle il se dévoilerait entièrement. Il y aurait mis les plus belles métaphores, les plus jolies figures de styles qu’il connaissait. Tout son cœur serait passé à travers les mots, les phrases, sans être lourd ni trop cliché. La lettre ainsi écrite, il l’aurait soigneusement pliée, et glissée dans la boite aux lettres d’Ivan, ou remise au serveur du bar pour qu’il la donne au blond lorsque celui-ci viendrait le rejoindre, il n’avait pas vraiment décidé. Lui se serait caché quelque part, ou serait rentré à son studio, le portable vissé à la main, guettant la réaction de son amour secret.

Néanmoins, lorsqu’il y eu plus de boulettes de papier sur la table en alu que de feuilles blanches dans son classeur en plastique, il du bien commencer à se demander si c’était finalement une bonne idée. Et lorsqu’il plongea une énième fois la main dans son sac, pour ne rencontrer que ses cours de l’avant-veille, il lui fallut se résoudre à changer complètement de plan.

Il réprima un sanglot, complètement déboussolé. Cela n’aurait pas été très glorieux, que de fondre en larme au beau milieu d’un café. Aussi, il resta digne et parvint à se contrôler.

Il se retrouvait à présent complètement démuni, perdu devant l’immensité de l’épreuve qui l’attendait. Cela n’avait été qu’un baiser, certes passionnés, mais seulement un baiser, du à l’alcool et perdu au milieu de tout un tas d’évènement dont il ne souvenait que de quelques bribes. Peut-être même qu’Ivan lui-même ne se rappelait pas du baiser, avec tout ce qu’il avait bu.

Il tiqua soudain. Est-ce que Ivan avait vraiment bu ? Maintenant qu’il y pensait, il n’était jamais resté sobre suffisamment longtemps pour voir le blond en état d’ébriété, ou même un verre d’alcool à la main. Peut-être bien que le jeune homme était tout à fait conscient de ses actes lorsqu’ils s’étaient embrassés. Peut-être avait-il très mal pris le fait qu’Alec, lui, soit plus proche du coma éthylique que tous les autres convives réunis. Peut-être que c’était pour ça qu’il n’avait pas répondu au téléphone, qu’il l’avait laissé sur le pas de la porte et qu’il ne le rejoignait toujours pas au café.

Alec se leva comme un automate, les poings serrés, et quitta le bar d’une démarche résignée –manquant du coup d’oublier son sac à dos et de partir sans payer.

Il se dirigea tout droit vers l’immeuble d’Ivan, bien décidé à mettre les choses au clair, se préparant à devoir affronter la colère de son amour secret, à devoir faire définitivement une croix sur lui. Le regard ferme et le corps bien droit, il monta les marches une à une, d’un pas lourd et mesuré. Leva le poing pour frapper vigoureusement à la porte, prêt à pénétrer coûte que coûte à l’intérieur, même s’il devait pour cela passer sur le corps d’Ivan.

Il s’effondra sur les marches, le visage dans ses mains, les genoux ramenés vers ses épaules. Toutes ses forces l’avaient quittées, il demeurait vidé, épuisé, totalement ébranlé.

Son cœur battait la chamade à l’idée de voir le blond, de lui adresser la parole. Son esprit refusait de fonctionner correctement dès qu’il essayait de réfléchir à ce qu’il pourrait lui dire, ses pensées s’entrechoquant dans sa tête comme des boules de billard.

Alec aurait pu rester ainsi des heures, prostré à quelques pas à peine de la porte de l’élu de son cœur, si ce dernier n’avait pas fini par sortir, une poignée de minute à peine après l’arrivée du brun.

- Alec ? S’étonna-t-il en le trouvant ainsi recroquevillé. Qu’est ce que tu fais là ? Rentre !

Le brun tourna vers lui des yeux gorgés de larme, et ne se fit pas prier pour lui obéir. Il bondit et s’agrippa au cou d’Ivan, laissant à peine à ce dernier le moyen de refermer la porte. La lèvre tremblotante et la goutte au nez, Alec lui déballa tout, d’une traite, sans même réfléchir à ce qu’il faisait.

Il étala devant les yeux éberlués du blond l’intégralité de son désarroi. Ses doutes quand à la soirée d’hier, ce qui s’était passé ce matin même, ses tentatives de déclaration infructueuse, les nombreux rejets qu’il avait essuyé en retour. Comme s’il ne réalisait pas qu’il à qui il s’adressait, il rapporta à l’objet de son désespoir toutes les hypothèses fumeuses qu’il avait établit par rapport à son comportement, lui parla de sa peur d’être rejeté, de sa crainte qu’Ivan ne l’aime pas ou pire encore, le haïsse. Il lui raconta comment il l’avait observé de loin sans jamais oser l’approcher, le feu qu’avait éveillé en lui leur baiser de la veille, la manière dont tout les espoirs qu’il avait jusqu’à lors longtemps couvés avaient soudainement pris formes, avant d’éclater comme une bulle de savon. La voix entrecoupé de larmes, puis de sanglots, et enfin de spasmes, il avoua même à Ivan combien il l’aimait, ou du moins croyait l’aimer, parce qu’il était la première personne dont il pensait vraiment être amoureux.

Et Ivan lui tapotait doucement le dos, et le gardait entre ses bras, alors même qu’il faisait une bonne tête de moins que lui, les yeux aussi ronds que deux soleils. D’ailleurs, constata Alec une fois que sa bouche se fut refermée, et qu’il recommença très lentement à faire fonctionner le petit pois qu’il possédait en guise de cervelle, les joues d’ordinaires si pâles de l’élu de son cœur avaient pris une très légères coloration rosées, comme si elles avaient été un peu trop exposées aux rayons solaires.

-Mais… Alec… fini par balbutier le blond, après quelques secondes de silences. Tu ne te souviens vraiment pas de ce qu’il s’est passé hier ?

Les larmes du brun se tarirent d’un coup, et il se mit à secouer la tête de gauche à droite, en reniflant.

Les joues d’Ivan étaient à présent devenues rouges vifs, et il y avait dans ses yeux une lumière très étrange.

- Alec… répéta-t-il en se mordant la lèvre inférieure, visiblement très mal à l’aise et les yeux grands ouverts. Hier soir, après que l’on se soit embrassé, tu m’as déjà avoué tout ça…

Ce fut comme si un gouffre s’était ouvert sous les pieds du brun, un gouffre profond, noir, aux parois hérissées de pointes. Il se sentait tomber à l’intérieur, l’air souffler à ses oreilles et la gravité l’attirer toujours plus vers le fond, dans une chute affreusement lente et atrocement longue.

- Tu… Mais… Je…

Il était devenu aussi rouge que son vis-à-vis, des pieds jusqu’à la tête.

- Pourquoi est-ce que tu… tu…

Il ne parvint pas à achever sa phrase, mais Ivan comprit par miracle là où il voulait en venir.

- Ce matin, je n’ai pas répondu parce que je pensais que c’était ma mère… Pour tout à l’heure, je n’avais pas encore terminé ma séance de yoga, et j’avais besoin de me concentre, mais je n’ai pas réussi, et finalement, il m’a fallu énormément de temps pour me préparer… Je suis désolé que tu ais pensé que je ne voulais pas te voir…

Le blond se gratta l’arrière du crâne en regardant ses pieds, un peu gêné. Mais il releva pourtant la tête aussitôt après, pour ajouter quelques mots, constatant ainsi que la mâchoire d’Alec s’était décrochée et qu’il se retrouvait incapable de prononcer une parole.

- Mais tu sais, je suis quand même très touché que tu ais fait tout ça pour moi… gloussa-t-il doucement devant la réaction comique de son vis-à-vis, et à vrai dire, véritablement amusé par les aveux si touchant de ce dernier.

Il avait toujours su le brun excessif, mais n’aurait jamais cru que quelqu’un pourrait un jour en arriver là pour lui. Si bien que, comme galvanisé par la faiblesse de son compagnon, il rajouta un ton plus bas.

- Pour tout te dire, c’est aussi la première fois que je pense être amoureux, et à vrai dire, je ne savais pas trop comment me comporter non plus, ce matin… C’est pour ça que je t’ai mis un peu trop vite à la porte…

Beaucoup trop perturbé par la visite du brun, puis par la découverte de son appel matinal, il avait été absolument incapable d’achever sa salutation au soleil. Comme une adolescente pour son premier rendez vous, il avait passé un temps incalculable à se préparer dans la salle de bain, à réfléchir à ce qu’il pourrait bien dire à Alec et à la manière dont il devrait se comporter avec lui. Ses réflexions n’avaient pas été plus fructueuses que celle de son ancien admirateur secret, d’autant plus qu’il se sentait déstabilisé par le fait qu’il n’avait pas achevé sa pratique matinale de yoga, et ce pour la première fois depuis des mois.

Ainsi se clôturait plus ou moins leur enchainement incalculable de quiproquos, qui se cumulaient depuis le début de la journée.

- Alors, on… on sort ensemble ? demanda Alec d’une voix blanche, les paupières si larges qu’on les aurait dites étirées par des pinces.

- Depuis hier soir, oui… sourit doucement Ivan, un sourire qui fit littéralement fondre son nouvel amant.

Le brun se jeta sur lui -quoiqu’il se trouvait toujours dans ses bras, si bien qu’en fait, il ne se jeta pas vraiment sur lui, il le saisit plutôt par le col- et l’embrassa avec toute la fougue dont il était capable. Ivan ne pu garder son équilibre que grâce à ses trois années de yoga, qui lui avaient appris à bien se camper sur ses pieds et rester solide en toute circonstance.

Ils étaient tous les deux diamétralement opposés, l’un pressé et excessif, l’autre calme et mesuré. Ils ressemblaient à deux facettes différentes du monde, deux antithèses, comme le yin et le yang, ou le chocolat blanc et le chocolat noir. C’était pourtant cette même différence qui les avait toujours attirés chez l’autre, qui les avait toujours fascinés.

Et Alec devait avouer que même s’il se sentait affreusement bête pour tout ce qu’il avait pensé, affreusement stupide pour avoir oublié une partie aussi importante de la soirée, affreusement imbécile d’avoir au bout du compte complètement raté non pas une, mais près de quatre déclaration d’amour successive, là, tout de suite, dans les bras d’Ivan, il se sentait l’homme plus heureux du monde, aussi léger qu’un nuage réchauffé par le soleil qu’était son nouvel amant.

ooo

 

Je vous remercie d'avoir lu jusqu'ici. N'hésitez pas à me laisser une review pour la moindre remarque ou critique que vous auriez à faire. ^^

 
     
     
 
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