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Easy as pie.
Par WildShelby
Harry Potter  -  Romance  -  fr
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Chapitre 2 - Partie 1

Chapitre 2.
Première partie.

Les jours suivants se déroulèrent dans une torpeur confortable. D’un commun accord, ils s’étaient entendus pour ne pas se revoir tout de suite ; Draco, de son élocution traînante, avait expliqué à Harry qu’il ne devait pas imaginer qu’ils étaient autre chose que deux hommes qui avaient passé la nuit à baiser. Abstraction faite de l’emploi d’un terme qui ne correspondait à la réalité et aux ressentis ni de l’un, ni de l’autre, Harry avait vigoureusement hoché la tête, accueillant avec soulagement des mots qu’il avait lui-même cherché à exprimer sans savoir dans quel sens les tourner. Le blond ne s’était pas appesanti de telles considérations. Il avait noté son numéro de téléphone sur le carton dans lequel les œufs du petit déjeuner étaient emballés, et s’était éclipsé sans autre forme de procès.

— Non Blaise, je ne vais pas te donner les détails, répéta-t-il pour la troisième fois, tout en bataillant avec son trousseau de clés pour ouvrir la porte de la petite galerie qu’il possédait en centre-ville, marmonnant alors qu’il ne parvenait qu’à faire tomber bruyamment l’amas de clés.

— Laisse-moi savourer ma victoire ! entendit-il indistinctement son ami à travers le téléphone, qu’il avait éloigné de son oreille.

— Tu m’emmerdes, Zabini. Tu viens à la galerie cet après-midi ?

— Tu sais très bien que oui.

— Alors note bien ce que je vais te dire : je ne répondrai pas à tes questions, alors ne perds pas ton temps, menaça le blond.

Blaise eut l’audace de ricaner.

— Tu sais que je finirai par savoir.

— Qu’est-ce que tu veux savoir de plus que ce que tu sais déjà ? On a baisé, oui, plusieurs fois, dans des positions que ton cerveau hétéro n’imaginerait même pas. C’était sympa.

— Sympa ? Draco, je ne t’ai jamais entendu dire autre chose de mecs que tu as ramené dans ton plumard que « ça a été », fit remarquer Blaise.

— J’ai du vocabulaire, Zabini, répliqua froidement Draco avant de raccrocher.

Pourtant, il devait bien reconnaître que Blaise n’avait pas tort. Ça avait été différent ; s’il repensait à sa rencontre avec le chef, force était d’admettre qu’il y avait un avant et un après. Cela n’avait pas soudainement fait de lui un autre homme, mais il y avait quelque chose chez Potter qui lui faisait reconsidérer la question de la proximité. Il n’était pas envahissant, même si, à sa façon, il prenait beaucoup de place. Longtemps, en essayant de comprendre son propre fonctionnement, Draco s’était comparé à un loup, dont le comportement était fonction du territoire et des personnes qu’il acceptait au sein de celui-ci. Blaise mis à part, il n’y avait que peu de monde dans son entourage. Pansy, son amie depuis la fac, était devenue sa partenaire au travail, et jamais rien de plus, malgré les tentatives de celle-ci. Elle ne s’était jamais cachée des sentiments qu’il lui inspirait, et avait fini par accepter qu’ils ne seraient jamais qu’amis. Théo, lui, malgré sa silhouette chétive et sa santé fragile, avait choisi de partir explorer les sites archéologiques d’Amazonie, et à part quelques lettres et photos envoyés au cours de l’année et une soirée pendant laquelle il daignait se joindre à leur petite bande, ils n’étaient pas si proches qu’ils avaient pu l’être. Il pouvait compter sur eux, il le savait, et leur faisait relativement confiance. Il n’avait juste pas besoin de plus.

Du moins s’en était-il convaincu.

Draco rangea son téléphone dans la poche de son élégant pantalon gris, qu’il portait avec une chemise blanche d’une simplicité déconcertante mais d’une facture exceptionnelle. La galerie était à son image : les murs d’un blanc immaculé, le parquet ancien au sol, parfaitement ciré, offraient un écrin idéal aux œuvres qu’il choisissait avec un soin tout particulier. À la différence d’autres galeries qui travaillaient avec des artistes locaux plus ou moins connus qu’ils acceptaient d’exposer en espérant faire le bon choix, Draco, lors de ses voyages à travers le monde, profitait de sa chasse pour acquérir toutes les œuvres dont il estimait qu’elles n’étaient rien de moins que de véritables pépites, et les ramenait pour les vendre à ceux qui sauraient y voir la beauté que lui-même avait perçue. C’était une prise de risque, il le savait, mais il n’aimait rien plus que l’aspect hétéroclite des lieux. Avec les années, il avait réussi à se faire une réputation parmi les amateurs d’art : ce qu’il osait proposer n’était trouvable nulle part ailleurs en ville, et si cette galerie était plus un plaisir qu’il se faisait qu’un véritable gagne-pain, considérant l’argent que lui rapportaient les contrats qu’il signait régulièrement, son patronyme était reconnu comme un gage de qualité. Son élégance, elle, était sa marque de fabrique.

Comme chaque jour d’ouverture de la galerie, l’expert faisait le tour des toiles, des sculptures, des photographiques qu’il exposait. Il vérifiait qu’il n’y avait pas de poussière, pas de rayures, pas le moindre petit défaut ; la lumière devait être parfaite, suffisamment intense pour que les détails soient visibles sans effort, tout en restant juste assez douce pour que la vision soit douce, agréable. L’endroit devait être un réceptacle de qualité pour les œuvres, pour chacune d’entre elles. Cela signifiait qu’elles devaient être choisies pour avoir leur place près de leurs voisines, mais aussi qu’un contrôle draconien devait être effectué pour que les conditions soient idéales. Draco faisait cela à merveille, et il y prenait un plaisir si intense qu’il était presque inavouable.

Pourtant, alors qu’il arpentait les allées de la galerie, redécouvrant chaque œuvre comme la première fois, c’était toute une vie parallèle qui se déroulait sous sa chemise. Sa peau portait encore les traces de la nuit passée avec Potter. Griffures, bleus, traces de dents, même, par endroits, son corps témoignait de ce qu’ils s’étaient donné, de ce qu’ils avaient pris à l’autre. Et si Draco était honnête, il n’avait guère le choix que de s’avouer qu’il n’avait cessé d’y penser. Il avait passé plus de temps que jamais devant son miroir, le matin, à regarder ce corps qu’il ne voyait plus de la même façon, maintenant qu’il avait fait l’objet de tant d’attentions de la part du chef. Son corps n’était plus tout à fait le sien, maintenant qu’il lui semblait qu’il existait un vide, quelque part entre son cœur et son âme, dont il n’avait jamais eu conscience qu’il existait avant que Harry ne le comble.

*.*.*.*

La nuit londonienne était agréable, ce soir-là. Comme cela arrivait parfois, les étoiles étaient visibles dans le ciel, et l’air frais qui soulevait les mèches bordéliques de Harry étaient les bienvenues après une soirée passée en cuisine. Les élèves avaient quitté les lieux depuis longtemps, mais comme il en avait l’habitude, Harry avait pris le temps de tout nettoyer. Il s’était ensuite assuré que les commandes pour les jours à venir étaient prêtes et avaient été transmises en temps et en heure. Malgré le temps passé au travail, Harry appréciait de rentrer chez lui, plus qu’il ne l’avait fait depuis bien longtemps. Vivre seul, de nouveau, posséder cet espace qu’il avait choisi, aménagé et pensé pour correspondre à ses besoins et pour répondre à ses goûts, était une libération en soi. Au cours des mois précédents, la présence de Colin était devenue envahissante, gênante. Il ne supportait plus ni ses attentions excessives, ni le plus petit désordre qu’il provoquait. Lorsqu’ils avaient commencé à se fréquenter, les choses avaient très rapidement pris une ampleur que Harry n’avait pas anticipée, et avant qu’il ait le comprendre ou réagir, Colin s’était fait une place dans son appartement. Sa naïveté, peut-être, ou sa bonté, l’avaient empêché de mettre des points sur les i, surtout considérant que la situation n’était due qu’à son incapacité à dire « stop » quand il était encore temps de le faire.

Quant à Malfoy… Malfoy était un univers différent à lui tout seul, un monde inconnu et inexploré qui attisait sa curiosité et réveillant tous les signaux de danger en lui. Quelque chose dans le regard du blond, dans ses attitudes, dans ses demi-aveux, ses prétendues confessions lui intimait de garder ses distances. Pourtant, il avait suffi qu’il se présente à lui une deuxième fois pour que sa méfiance fonde comme neige au soleil.

Harry eut un sourire alors qu’il tapait le code d’entrée de son immeuble. C’était doux et effrayant à la fois, sucré et piquant tout en même temps, exactement comme une amourette d’adolescent, le genre qu’il n’avait pas vraiment vécue parce qu’il n’avait alors aucune idée de qui il était vraiment. Ses mollets le brûlaient alors qu’il montait les étages jusqu’à son appartement, ayant décidé que c’était une première étape dans sa décision de faire un peu plus d’exercice physique.

Il ne vit pas tout de suite le jeune homme affalé devant sa porte d’entrée. Les cheveux gras tombants devant les yeux, Colin avait les yeux fermés et la respiration lente et trop profonde d’un homme alcoolisé. Ses vêtements n’avaient de toute évidence pas été changés depuis plusieurs jours, et l’odeur qu’il dégageait souleva le cœur du brun. Il soupira, fermant les yeux un court instant. Il n’y avait plus lieu de rêvasser, maintenant, la réalité l’avait rattrapé. Il se rapprocha du jeune homme, passant une main dans ses cheveux, et s’agenouilla à ses côtés. Hésitant sur la marche à suivre, il pensa à le secouer et à le jeter dans l’escalier, solution la plus simple et la plus définitive pour être définitivement tranquille. Mais Harry n’était pas un homme violent, et Colin n’avait rien fait de mal, si l’on excluait ce comportement étouffant qu’il avait lorsqu’il croyait être amoureux d’un autre homme. Son comportement était celui d’un boa constrictor, qui s’enroulait autour de sa proie jusqu’à ce qu’elle n’ait plus d’autre solution que de se laisser faire. Maintenant que Harry avait refusé, avait compris que sa vie n’avait pas besoin de ressembler à cet étouffement permanent, il était simplement perdu, désemparé. Difficile, alors, de ne pas se sentir coupable.

— Colin… murmura Harry, ne provoquant qu’un vague soupir de la part de l’homme imbibé d’alcool.

— Colin, dit-il bien plus fort, tout en secouant son épaule. Tu dois partir.

Le jeune homme ouvrit les yeux, l’air hagard, perdu.

— Harry, tu es rentré… Murmura-t-il, sonné.

— Oui, et tu dois partir. Tu n’as plus rien à faire ici, ce n’est pas chez toi, tu dois t’en aller.

— Je veux être avec toi, Harry. Je suis perdu sans toi, je veux seulement te retrouver, plaida Colin, maintenant bien plus réveillé, malgré son regard embrumé par l’alcool.

Harry soupira, tentant de rester patient.

— Ecoute-moi, Colin. Toi et moi, c’est fini. Je ne t’aime pas, tu comprends ? Je ne t’aime pas, et je ne veux pas que tu vives avec moi. Tu n’as pas ta place dans ma vie, et je ne veux plus que tu viennes ici. Je… Pars. C’est la seule chose que je te demande.

— Mais je t’aime.

— Moi pas. Je veux seulement que tu me laisses. Je ne changerai pas d’avis, je ne veux pas que tu sois ici, avec moi. Ce n’est pas, et ça ne sera jamais ta place. Va-t’en.

— Tu m’aimais…

— Non. Jamais. C’était une erreur. Une méprise. J’ai tenté, crois-moi, j’ai tenté de t’aimer, de me convaincre que cette histoire avait un sens, mais je ne me suis pas senti mieux que depuis que tu es parti. Et tu mérites de trouver une personne qui t’aime, qui ait envie de vivre avec toi au quotidien, pas quelqu’un qui ait le sentiment d’étouffer comme c’était mon cas.

En écoutant ce que Harry avait à lui dire, Colin avait blêmi. Il se leva, titubant sur ses jambes, les lèvres d’un blanc inquiétant tant il les pinçait fort. Son monde entier s’écroulait. Des années durant, il avait gravité dans le cercle d’amis de Harry, avait tout fait pour attirer son attention, fasciné qu’il était par la personnalité hors normes de jeune homme. Il riait à ses blagues, écoutant religieusement le moindre de ses mots, insensible au fait qu’il n’était pas vraiment le bienvenu dans cette bande d’amis qui ne l’appréciaient pas trop. Et puis un soir de juillet, juste après l’anniversaire de Harry, l’année précédente, Colin avait saisi sa chance ; le jeune chef s’était montré aimable avec lui, plus attentif, plus attentionné qu’à l’accoutumée, et ils avaient passé la nuit ensemble.  Ensuite, il avait tout fait pour rester aussi proche que possible de Harry. Il voulait être son monde, son univers, sa vie toute entière, et à force d’insistance, de bienveillance, d’une forme de soumission qu’il avait imposée au brun, il avait eu exactement ce qu’il voulait. Jusqu’à ce que le rêve s’écroule, lui faisant réaliser qu’il avait fini, à un moment donné, par croire que tout ceci était réel. À quel moment avait-il commencé à se persuader que c’était exactement ce que voulait Harry ? À quel moment avait-il fait abstraction du fait que c’était lui, son imaginaire tordu et ses fantasmes innombrables à propos du brun qui avaient tout construit de toutes pièces ? Pendant tout ce temps, il s’était donné sans compter pour Harry, qui s’était bien souvent contenté de recevoir.

Depuis que Harry lui avait annoncé sa volonté de le voir quitter son appartement, il avait dû retourner vivre chez sa mère, et ça avait été une humiliation. Il se revoyait, son sac sous le bras, les yeux rougis et gonflés d’avoir trop pleuré, tentant d’expliquer à sa mère, surprise et effrayée d’être tirée du lit au milieu de la nuit, que Harry l’avait quitté, mis dehors. Il avait tu ses paroles, son aveu de ne pas l’aimer, car il restait une partie de lui qui continuait à espérer, à croire que peut-être tout ceci n’était que temporaire, que peut-être Harry finirait par réaliser qu’il n’était rien sans lui. Sa mère, bienveillante et habituée à la personnalité excessive de Colin, lui avait simplement conseillé de se reposer. C’est ce qu’il avait fait, des jours durant, mais pas une seule seconde il n’avait cessé de penser à Harry. Il avait oscillé entre colère et douleur, entre peine et fureur, et chaque jour avait été une succession d’émotions contradictoires, mais sa tête avait été pleine de Harry, de l’envie qu’il avait d’exister pour lui, y compris si cela devait être par la souffrance.

Harry et les mots cruels qu’il avait prononcés, Harry dont le regard brillait comme jamais Colin ne l’avait vu, Harry qui avait semblé tout à coup si sûr de lui qu’il ne pouvait avoir eu cette révélation tout seul. Colin s’était convaincu, avait monté de toutes pièces un scénario dans lequel Harry n’aurait, après l’avoir retrouvé sur son palier, pathétique et fragile, d’autre choix que de le reprendre. Il avait lamentablement échoué, et face à lui, Harry ne cédait pas d’un pouce. Il semblait juste épuisé, et un peu en colère.

— Tu es monstrueux, siffla-t-il, la colère brillant dans ses yeux.

— Pense ce que tu veux, Colin. Je te demande seulement de partir.

— Tu finiras seul, Harry. Tu es… T’es incapable d’aimer, tu es incapable de laisser quiconque t’approcher, parce que tu ne penses qu’à toi, ta foutue cuisine, ton putain de rugby, tes satanés amis. C’est avec eux que tu devrais baiser, pas avec des mecs que tu ramasses et que tu rends dépendants à toi. Tu fais semblant d’aimer parce que tu ne veux pas blesser, mais tu sais quoi, Harry ? C’est encore pire, parce que j’ai fini par y croire, j’ai fini par penser qu’on avait réellement une chance tous les deux. T’es un lâche, un foutu lâche drapé dans son honneur, dans son courage et dans son succès. Ils le savent, tes élèves, que t’es une ordure ? Ils le savent que tu es incapable d’avoir des émotions, que tu n’es pas foutu de partager quoi que ce soit de toi-même ? Que tu ne laisses même pas ton mec t’embrasser, te prendre la main dans la rue ? Ils le savent que tu ne parles jamais de toi, de ton enfance, de ta jeunesse, que tu gardes ça comme un secret, y compris pour la personne qui partage tes jours et tes nuits ? T’es égoïste, t’es seul au monde, voilà c’que tu es. Tu m’écœures.

Harry ne répondit pas, se contentant de se décaler pour laisser Colin passer. Avant de descendre les escaliers, le jeune homme se retourna une dernière fois, une lueur un peu folle dans le regard.

— Je m’assurerai que tu ne puisses jamais m’oublier, Harry. Je ne sais pas encore comment, je ne sais ni quand, ni où, mais un jour tu croiseras de nouveau ma route et je m’assurerai que tu souffres autant que moi je souffre.

Puis il s’en fut.

Le brun sortit les clés de sa poche, incapable de penser correctement. Enfin, il put retrouver son appartement, le confort de son chez-lui, familier et sécurisant. Il verrouilla la porte à double tour, et, son dos appuyé contre le bois de celle-ci, se laissa glisser au sol, les yeux fermés. Les mots de Colin résonnaient dans sa tête, lui faisant l’effet d’un gong qu’on frapperait juste contre sa boîte crânienne. Aussi blessant que ses paroles aient pu être à entendre, il n’avait pas complètement tort. Lui qui s’était toujours considéré comme quelqu’un de plutôt courageux – non qu’il fût du genre aventurier, avide de sensations fortes, mais il ne reculait pas devant la difficulté – s’était réellement comporté comme un lâche avec Colin. Tout aurait été si simple si, dès le début, il avait été capable de lui dire qu’il n’était pas amoureux de lui, mais son ex-petit-ami avait pris les choses en main si naturellement que Harry s’était souvent demandé ce qui n’allait pas avec lui. Il était le compagnon que bien des hommes auraient rêvé d’avoir : doux, attentionné, attentif et investi dans la relation, il savait être sexy et même si son humour n’était pas exactement irrésistible, son plus gros problème restait, selon le jeune chef, la soumission avec laquelle il se comportait.

Si Harry le lui avait demandé, il aurait sans doute été prêt à faire à peu près tout et n’importe quoi pour lui plaire, pour le satisfaire, pour correspondre à ce qu’il attendait. Il se serait modelé, façonné à l’image de ce qu’il aurait imaginé comme étant l’idéal attendu par le chef brun. C’était tout le problème. Il n’attendait pas de perfection, il n’attendait pas de soumission, il se foutait de l’idéal. Il ne voulait que la réalité, la vérité, et c’était précisément ce dont Colin était incapable ; il n’était capable que d’être un calque, un buvard avide de consignes.

L’appartement, plongé dans le noir, avait quelque chose de rassurant. Seule la lumière de la rue pénétrait les larges baies vitrées, à travers les persiennes à demi baissées, dessinant de larges raies d’une lumière jaune sur les murs, sur les meubles, sur la bibliothèque, que Harry avait remplie de livres de cuisine, de trophées de rugby et de photo de lui-même et ses amis. Au centre de la pièce, un grand canapé d’un beige foncé, sur lequel reposaient coussins et plaids confortables, faisait face à une télévision qu’il avait accrochée au mur. Si la décoration était plutôt minimaliste, Harry adorait les photos qu’il avait accrochées ici et là, la plante verte qu’il s’efforçait de garder vivante en suivant à la lettre les recommandations de Ginny. Après le départ de Colin, pour la première fois depuis longtemps, il avait pu récupérer cet espace qui était le sien. Il avait réinvesti un endroit dans lequel il avait mis tout son cœur, toute son histoire.

Il se redressa, prenant appui sur le mur pour ne pas perdre l’équilibre. La fatigue alourdissait ses gestes, émoussait ses sens. Il ne savait plus combien de temps était passé depuis qu’il avait refermé la porte sur la colère de Colin. Dans sa chambre, qu’il retrouva avec plaisir, les chiffres rouges de son radio réveil lui apprirent qu’il ne lui restait que bien peu d’heures de sommeil ; à presque 6h, il savait qu’il ne fermerait pas l’œil, pas maintenant. Plus maintenant. Après s’être débarrassé de ses vêtements, ne gardant que son caleçon, il s’allongea sur son lit, sans même en défaire les draps, et composa le numéro de Hermione.

Son amie finissait sa garde un peu avant 6h du matin, aussi n’était-il pas rare qu’ils passent quelques minutes au téléphone avant de retourner chacun à sa vie. Avec les années, malgré les efforts, ils n’étaient pas parvenus à continuer à se voir autant qu’ils le voulaient. Alors que Harry apprenait la cuisine, puis partait travailler dans les plus grands palaces et restaurants de luxe du pays, la jeune femme avait étudié la médecine, était tombée amoureuse, s’était mariée, et avait construit son propre cercle d’amis.

— Harry ? répondit-elle dès la première sonnerie.

— Eh, toi.

— Tout va bien ? demanda-t-elle. Attends, je pose le téléphone, je suis en train de me changer.

— Pas de détails, s’il te plait, Hermione. Tu vas bien ?

— Je viens de finir ma garde. C’était un peu l’enfer cette nuit, j’ai rarement vu autant de monde, je suis épuisée, soupira-t-elle.

— Tu adores ce que tu fais…

— Je sais. Et c’est pour cela que je continue, mais il y’a des jours et des nuits où j’ai l’impression que ça ne sert à rien.

— Tu sauves des vies et…

— Oui, bon, peu importe, le coupa-t-elle. Tu n’as pas répondu à ma question : tout va bien ?

— Colin est parti.

— Oh, Harry…

— Je l’ai mis dehors, expliqua-t-il.

Hermione soupira, tout en laçant ses chaussures. Cela n’avait rien d’étonnant.

— Comment tu te sens ?

— Libéré. Je crois, avoua Harry. Mais je m’en fais un peu pour lui…

— Tu sais ce que j’en pense. Cela fait des mois que je te le répète : tu ne lui rendais pas service, à ne pas lui dire les choses. Et ça ne va pas changer maintenant. Colin est obsédé par toi, Harry, il est malade, et la meilleure chose que tu puisses faire, maintenant, c’est de couper les ponts. Ne te laisse pas amadouer par ce qu’il peut te dire.

— Il m’attendait devant l’appartement ce soir.

— Tu n’as pas demandé à ce que les codes d’entrée soient changés ?

— Je ne veux pas en arriver là.

— Fais-le. Fais-le pour toi. Je ne t’ai jamais connu lâche, je ne vois pas pourquoi tu commencerais maintenant.

— C’est particulièrement sympa, ça.

— Excuse-moi. Je suis épuisée, et je dois avouer que je me demandais depuis longtemps quand est-ce que tu te déciderais à franchir le pas. Cet homme ne te rendait pas heureux, Harry, et je déteste te voir mal, te voir faire semblant. Tu n’as jamais su mentir, mais il était plus que temps que tu t’en aperçoives.

— Pourquoi n’avoir rien dit ? s’étonna Harry.

— Tu sais comme moi que tu n’en aurais pas tenu compte, si j’avais dit quoi que ce soit. Je te connais, tu as besoin de faire tes propres erreurs, de te tromper, et de réaliser que tu avais tort. Maintenant que c’est fait, tu vas pouvoir avancer.

— Je me sens bien. Pour la première fois depuis… Depuis longtemps, je me sens libre. Chez moi.

— C’est bien. Tu vas pouvoir reprendre une vie normale, non ?

— Tu veux dire venir vous visiter, Blaise et toi ? s’amusa Harry d’une voix fatiguée.

— Par exemple… Tu ne le connais pas, Harry, mais c’est quelqu’un de magnifique. Il est généreux, patient, c’est un mari formidable, et j’ai du mal à justifier le fait qu’il n’a jamais rencontré mon meilleur ami. 

— Je sais… Je sais Hermione, et je suis désolé. Je te promets de me rattraper.

— Tu as plutôt intérêt. Et puis, tu pourrais lui montrer qu’un homme peut savoir cuisiner… Ça ne lui ferait pas de mal de laisser tomber ses clichés d’un autre siècle.

— Merveilleux mais macho, c’est cela ?

— Tout à fait ! Je l’aime, Harry, je l’aime vraiment, et j’aimerais que vous deux vous connaissiez mieux. C’est important pour moi.

— Tu sais… C’est drôle, j’ai pensé à lui ces derniers jours. Un de mes clients a été emmené à un de mes cours par un ami à lui, qui s’appelle Blaise…

Hermione resta silencieuse un instant, interloquée.

— Comment s’appelle son ami ? finit-elle par demander, provoquant un froncement de sourcils chez son ami.

— Draco, pourquoi ?

— Oh, Harry… s’exclama-t-elle tout en retenant son rire.

— Quoi, Hermione ?

— Draco est le meilleur ami de Blaise. Mon Blaise.

— Oh merde…

— Ne me dis pas que…

— Je ne le dis pas.

— Est-ce que tu es sérieux ?

— Très.

— Tu as… Avec Draco ?

— Comment est-ce que j’aurais pu savoir ? Tu pleures de rire, Hermione, je n’ai pas envie de te raconter quoi que ce soit.

— Excuse-moi, c’est tellement… Improbable.

— Tu le connais bien ?

— Tu veux vraiment savoir ?

— Pourquoi est-ce que tu dis ça ?

— Il y’a quelque chose dans ta voix. Il t’intéresse ? demanda la jeune femme.

— Je… Je n’en sais trop rien. Non. Oui. Il a… Je crois qu’il a éveillé quelque chose en moi.

— Draco est quelqu’un de particulier. Un peu comme toi. Un peu… Un peu à part. Tu vois ?

— Non, pas vraiment.

— Tu veux le revoir ?

— Je crois bien, oui. Oui, je veux le revoir.

Harry n’avait pas le choix que de le reconnaître. Il voulait le revoir, parce que contrairement à bien d’autres avant lui, contrairement à Colin, il ne lui était pas indifférent. Il avait réveillé quelque chose en lui, comme il l’avait expliqué à Hermione. Les mots pour décrire ce que Draco était, ce qu’il lui avait apporté, ce qu’il avait provoqué chez lui n’existaient pas, ou il ne les connaissait pas, ça n’avait pas d’importance, mais il n’était pas indifférent. Sa décision de quitter Colin n’aurait pas été si facile, aussi implacable s’ils n’avaient pas passé du temps ensemble, s’ils ne s’étaient pas donné l’un à l’autre sans se fier à autre chose qu’à leur instinct.

— Je ne sais pas si c’est très utile, je ne sais pas si cette histoire va quelque part.

Harry, gronda Hermione. Ça ne sera pas une histoire si tu ne fais pas en sorte que ça le devienne.

— Mais ça n’est… Ça n’est rien. On a couché ensemble, on s’est vus deux fois, je ne crois pas que ça puisse justifier d’imaginer quoi que ce soit de plus.

— Harry… Vous vous êtes déjà vus deux fois. De la part de Draco, c’est déjà énorme. C’est un solitaire, Blaise ne cesse de le répéter et de s’en inquiéter. Donne-toi une chance, Harry. Et si ça ne donne rien alors… Peu importe. Vu le cul que tu as, tu ne finiras pas ta vie vieux garçon, crois-moi.

Il éclata de rire, les yeux fixés au plafond. Il était bien, là, à regarder de loin le soleil se lever, la lumière changer et l’air se charger d’une humidité annonciatrice d’une nouvelle journée, d’une nouvelle histoire.

— Viens dîner la semaine prochaine. Il sera là, on aura qu’à dire que c’est un hasard… Ce ne serait pas complètement faux.

— Je ne te savais pas aussi complotiste, Hermione.

— Il y’a beaucoup de choses que tu ne sais pas, lâcha-t-elle, étonnamment froide.

— Hermione…

— Ce n’est rien, Harry. Je suis désolée, je suis un peu amère. Tiens-moi au courant pour demain, tu veux ? Je te laisse, je viens d’arriver, et Blaise dort encore.

— Ciao bella.

Harry laissa tomber son bras sur le lit, son corps formant une étoile. Bras et jambes écartés, il sentait à présent le sommeil lui alourdir les paupières. Il eut un léger sourire ; à aucun moment, lorsque Draco lui avait parlé de Blaise, il n’avait réalisé qu’il s’agissait du Blaise d’Hermione. Son sourire s’effaça. Il n’aimait pas ce que cette coïncidence, plutôt drôle, en réalité, lui apprenait sur ce qu’était devenu sa relation avec la jeune femme. Elle était sa meilleure amie, et il n’avait même pas reconnu son époux, pourtant présent à l’un de ses cours, et n’avait pas non plus percuté lorsque Draco lui avait parlé de lui. S’était-il donc isolé à ce point, pour être incapable de mettre un visage sur l’homme qui partageait la vie d’une des personnes qu’il aimait le plus au monde ? S’il réfléchissait, il n’avait guère le choix que de reconnaître que ça n’était qu’une infime partie du problème : cela faisait des semaines qu’il n’avait pas vu son parrain, Sirius, qu’il n’avait réussi qu’à croiser lors de son dernier passage à Londres, et aux messages et mails duquel il ne répondait que trop rarement. Et toujours en retard. Ron, lui, avait cessé de l’appeler. Il ne l'appellerait plus jamais. Ne restait finalement que Ginny, la sœur de Ron, avec qui il travaillait depuis qu’il donnait ses cours de cuisine, et qu’il voyait tous les jours. Avec un grognement désabusé, Harry posa une main sur son front, réalisant combien sa situation était pire que ce qu’il avait pu imaginer. Il s’était totalement isolé, repoussant et rejetant des personnes qui pourtant auraient tout fait pour lui.

Il en était seul responsable.

Des mois, des années durant, il s’était convaincu, à force de répétition, d’auto-persuasion, que la faute appartenait à son travail, à ses clients, aux variations de son activité. Lorsque qu’il n’avait pas suffisamment de clients, il se plongeait dans les démarches marketing et commerciales, prospectant et communiquant sur son concept qui n’avait rien d’unique, mais qui brillait par sa qualité. Au contraire, quand l’affluence était telle que les délais d’attentes étaient de plusieurs mois, il plongeait dans le travail la tête la première, s’investissant de toutes ses forces pour satisfaire ceux qui lui accordaient leur confiance. Jamais il n’avait vraiment essayé d’aménager sa vie autrement, de s’organiser pour donner du temps à ses amis, à sa famille, pas même à Colin lorsqu’il était encore ici, ni à ses ex auparavant. Il s’était contenté de la facilité, de la fuite vers l’avant, compensant par la réussite professionnelle un échec personnel qui à présent, alors que l’aurore pointait le bout de son nez et que la ville se réveillait, lui revenait en pleine figure, boomerang douloureux dont il se serait bien passé.

Pourtant, aussi désagréable que ce fut, cela retira de son cœur un poids dont il n’avait pas perçu qu’il existait auparavant. Il ne lui restait plus qu’à s’assurer que cette situation change pour de bon. Il était temps que les choses changent, et il savait désormais que si Draco ne serait probablement amené à n’être qu’une passade, un épisode immensément agréable et excitant de sa vie, il lui aurait au moins apporté une forme de conscience de lui-même qu’il n’aurait pu atteindre seul.

C’est avec un sourire aux lèvres qu’il s’endormit, libéré de verrous dont il avait lui-même jeté la clé depuis bien longtemps. 

 
 
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