manyfics
     
 
Introduction Les news
Les règles Flux RSS
La Faq Concours
Résultats ManyChat
Plume & Crayon BetaLecture
Nous aider Les crédits
 
     

     
 
Par date
 
Par auteurs
 
Par catégories
Animés/Manga Comics
Crossover Dessins-Animés
Films Jeux
Livres Musiques
Originales Pèle-Mèle
Série ~ Concours ~
~Défis~ ~Manyfics~
 
Par genres
Action/Aventure Amitié
Angoisse Bisounours
Conte Drame
Erotique Fantaisie
Fantastique Général
Horreur Humour
Mystère Parodie
Poésie Romance
S-F Surnaturel
Suspense Tragédie
 
Au hasard
 
     

     
 
au 31 Mai 21 :
23295 comptes dont 1309 auteurs
pour 4075 fics écrites
contenant 15226 chapitres
qui ont générés 24443 reviews
 
     

     
 
Easy as pie.
Par WildShelby
Harry Potter  -  Romance  -  fr
12 chapitres - Rating : T+ (16ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 6     Les chapitres     8 Reviews    
Partager sur : Facebook | Twitter | Reddit | Tumblr | Blogger
Chapitre 3 - Partie 2

Chapitre  3.
Deuxième partie.

Il sonna à la porte, un peu hésitant. Guère à l’aise dans ce genre de circonstances, il avait fait un effort vestimentaire. À son jean, plutôt banal, il avait associé un pull au col en V d’un vert passé qui faisait ressortir ses yeux. Ça n’avait rien d’original, et il n’était même pas convaincu de la véracité de cette dernière affirmation : il avait acheté ce pull quasiment sur les ordres de Ginny, un jour où elle avait réussi à le traîner dans une virée shopping qu’il avait détestée, et avait levé les yeux au ciel, exaspéré, lorsqu’elle avait estimé que ce pull bien trop cher pour sa bourse s’accordait trop bien à son regard pour ne pas faire partie de sa « garde-robe ».

À l’intérieur, il entendit des chuchotements, des bruits de chaise que l’on déplace, puis un « c’est bon, j’y vais ! » d’une voix traînante qu’il reconnut aussitôt…. Et face au propriétaire de laquelle il se retrouva nez-à-nez la seconde suivante. La surprise marqua le visage de Draco, fier et altier dans sa chemise d’un blanc immaculé, une mèche de cheveux blonds retombant sur son visage pâle. Cela ne dura qu’un instant, et elle fut immédiatement remplacée par l’expression d’un dédain auquel Harry s’était un petit peu attendu.

— Potter, dit-il simplement, froid comme la glace.

— Malfoy, répondit Harry sur le même ton.

— Draco, fais-le entrer, ordonna Hermione depuis la pièce voisine, un rire dans la voix.

— Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu fous là ? siffla Draco, ignorant la demande de la jeune femme.

— Je devrais sans doute te poser la même question, répliqua Harry dont la patience fondait comme neige au soleil.

— Harry, rentre tout de suite dans cette maison avant que je vienne te chercher moi-même, s’écria Hermione sans bouger de l’endroit où elle se trouvait. Dans sa voix, il était difficile de ne pas entendre l’amusement. 

— Tu permets, marmonna Harry tout en forçant le passage contre le blond, lui fourrant au passage le plat dans lequel il avait posé le dessert du soir, préparé spécialement plus tôt dans la journée.

S’il avait hâte de retrouver Hermione et s’il jubila un petit instant de l’air ahuri sur le visage de Draco, Harry ne put ignorer le parfum du blond, si familier déjà et pourtant si rare, comme une odeur qu’il n’aurait pas sentie depuis bien trop longtemps. Les images qu’elle éveilla rosirent légèrement ses joues. Dans la cuisine, Hermione était occupée à déballer les plats livrés un peu plus tôt par un traiteur des plats duquel Blaise et elle raffolait. Quand elle vit son ami, elle abandonna sa tâche et l’enlaça immédiatement, dans un geste en tout point identique aux étreintes desquelles ils étaient coutumiers, lorsqu’ils étaient plus jeunes. La jeune femme, malgré les années, malgré la fatigue, malgré les déceptions et malgré sa vie de couple, n’avait pas changé. Elle avait toujours cette odeur qui n’appartenait qu’à elle et que Harry n’avait jamais sentie ailleurs, elle le serrait toujours contre elle de la même façon, en se mettant sur la pointe des pieds pour être en mesure d’enfouir son visage contre son cou et les cheveux chatouillant ses narines. Le regard du jeune chef croisa celui de Blaise, qui malgré ses bras croisés sur le torse dans une posture peu encourageante pour le nouvel arrivant, n’avait pas su retenir un sourire. Il y’avait quelque chose d’étonnant à voir Hermione sourire ainsi, se montrer aussi affectueuse avec un autre homme que lui-même, mais depuis ses révélations sur Ron, il apprenait à connaître une nouvelle Hermione… Et la semaine n’avait pas été facile.

Jeudi, 23h30.

La maison est plongée dans le noir, silencieuse. Dans le salon, seules les veilleuses de la télévision et de la chaîne hi-fi diffusent une lumière bleue un peu cheap. Le parquet craque sous ses pas alors que Blaise avance à tâtons, essayant de faire le moins de bruit possible. Il s’arrête, le cœur battant. L’alcool bu avec Draco cogne contre ses tempes, ses gestes sont lents, lourds et maladroits, il a chaud. Il sait que lorsqu’il rejoindra Hermione dans la chambre, il lui faudra s’expliquer. Après s’être versé un verre d’eau fraîche, il décide qu’il est temps d’affronter la jeune femme. Sous la porte fermée, il voit filtrer la lumière douce de leurs lampes de chevet. Il s’arrête, hésitant. Son allure n’est pas fière, un peu balourde, maladroite. Il a chaud, mais il frissonne, parce que malgré les brumes de l’alcool, il a conscience que c’est du sérieux. Hermione est en colère, et elle a toutes les raisons du monde de l’être. Sa vie passée n’appartient qu’à elle ; elle aimait Ron, évidemment, et il ne peut même pas lui en vouloir parce qu’il sait que pour mériter l’amour d’une personne aussi merveilleuse qu’elle, il faut être soi-même exceptionnel. Non qu’il se considère comme tel, d’ailleurs : longtemps, il a eu peine à croire qu’elle le trouvait intéressant, qu’elle pouvait être séduite par lui, même après avoir passé des semaines, des mois, même, à l’apprivoiser, à la connaître, à la comprendre. La porte grince légèrement lorsqu’il pousse le battant. Sa femme est assise, appuyée contre la tête de lit. Les draps ne sont pas défaits, mais elle s’est mise en pyjama. Il retient un sourire, parce que c’est l’un de ses pyjamas, et qu’au fond, il espère que c’est bon signe. Un adolescent ne se monterait pas autant de films pour essayer de se rassurer, mais c’est une pensée magique qui le réconforte un petit peu.

Lentement, elle pose le livre qu’elle lisait sur la table de chevet, et lève les yeux vers lui. Son visage est neutre, fermé, et d’une certaine façon, Blaise préfèrerait voir de la colère, de la tristesse, tout plutôt que cette froideur teintée d’indifférence. Elle a attaché ses cheveux à la va-vite, des mèches tombent le long de son visage, l’encadrent avec une délicatesse qui lui tord l’estomac. Il a tout à fait dessoulé, maintenant, il sait avec certitude ce qu’il veut lui dire. Pardon, Hermione, pardon d’avoir été un connard égoïste, égocentrique, nombriliste et tellement bas du front que je n’ai même pas vu ta douleur, trop occupé à pleurer sur ma jalousie pour un mec qui n’est pas mort mais pas vivant non plus.

Aucun des deux ne parle. Hermione le regarde, et lui est un peu gauche, encore, comme un gamin appelé au tableau pour répondre à une question dont tout le monde sait qu’il n’en connait pas la réponse. Un pied devant l’autre, l’homme s’approche du lit, jusqu’à ce que ses mollets soient appuyés contre le matelas. Sa femme ne bouge pas, elle lève juste les yeux vers lui, sans même bouger la tête. Elle l’attend, comprend—il, elle attend qu’il ait le courage de prendre la parole.

— Tu pourras me pardonner ? Demande-t-il finalement, parce que c’est la seule chose qui l’intéresse.

— Je ne sais pas. Qu’en penses-tu ? Pourrais-tu juste fermer les yeux sur un manque de confiance aussi flagrant de la part de la personne avec qui tu as choisi de te marier ?

— Qui ne fait pas confiance à l’autre, Hermione ? s’emporte-t-il, levant les yeux au ciel, exaspéré.

— Si tu voulais un résumé de ma vie par le menu, il fallait le demander, je me serais fait un plaisir de te donner tous les détails les plus croustillants. Tu veux en savoir plus sur ma première fois, peut-être ? Ou sur mon premier béguin ? Ma première humiliation ? Ah, je sais, le dégoût pour moi-même que j’ai ressenti lorsque nous avons commencé à nous fréquenter.

La jeune docteure s’est levée, et sa colère n’a plus rien ni de glaciale, ni de maîtrisée. Ses cheveux sont ébouriffés, exactement comme ils l’étaient lorsque Blaise l’a connue et qu’elle passait ses journées à la bibliothèque en parallèle de son internat.

— Les premières fois que nous nous sommes vus, après que tu m’aies emmenée dans les restaurants les plus chics, parce que tu voulais me montrer combien tu étais important, j’allais pleurer sur son lit, à la clinique, parce que je me dégoûtais d’être séduite par toi alors qu’il était là, incapable de faire un geste, d’ouvrir ne serait-ce que les yeux, sans espoir de me revenir un jour. Ça a duré des semaines, pendant lesquelles chaque fois que je pensais à toi, je pensais systématiquement à lui, à la vie qu’on aurait dû avoir, à toutes ces choses qui me semblaient courues d’avance, évidentes, que jamais je n’avais remises en cause parce que même si c’est le plus emmerdeur que la terre a jamais porté, c’était l’homme que j’aimais.

Les larmes coulent sur ses joues, alors qu’elle déroule ses regrets, ses peurs, ses douleurs. Son visage tout entier exprime la douleur d’une histoire qu’elle a enfouie comme un secret trop encombrant, un chapitre de sa vie sur lequel elle a choisi de tirer un trait, tout en sachant qu’il ne disparaîtra jamais réellement, qu’il menace de surgir à tout moment. Impossible de retenir cela plus longtemps, pas alors que Blaise la bassine avec Draco, avec Harry qu’elle lutte pour garder dans sa vie malgré la montagne de souvenirs qu’ils partagent et dont ils subissent le poids avec la même intensité, avec la même tentative de prétendre que tout va bien. Tout ne va pas bien.

En face d’elle, incapable de faire un geste, Blaise l’écoute, pendu à ses lèvres comme au bout d’une corde.

—Ron a longtemps été tout pour moi, pour Harry aussi. On a grandi ensemble, on a tout découvert ensemble. Tout. Tu n’as pas idée de ce par quoi on est passés, de ce qu’on a affronté, tous les trois, mais ça nous a convaincus qu’on passerait nos vies ensemble, parce qu’il n’y avait pas d’autre possibilité, parce que c’était tellement évident, tellement logique, qu’aucun d’entre nous n’a jamais ne serait-ce qu’entrevu la possibilité que tout déraille et que Ron finisse comme un légume dans un lit d’hôpital, victime de ses parents qui refusent de couper les machines et de Harry et moi que ça arrange bien parce qu’on refuse l’idée qu’il puisse mourir.

Elle gesticule, indifférente à ses cheveux qui collent aux larmes sur ses joues, à la morve qui coule de son nez, à son bras qui cogne la lampe de chevet, parce que Hermione n’est pas tout à fait là, elle est avec ses souvenirs, avec ses regrets, avec ses douleurs secrètes.

— Je savais quelle robe je voulais, quelle bague, quelle alliance je souhaitais. J’avais tout imaginé, et dieu sait que ça ne me ressemblait pas, mais je voulais cette vie, je la voulais de toutes mes forces. Je le voulais tellement que je ne pensais qu’à ça, et que même après l’accident, je passais des heures sur des putains de site de mariages, d’inspiration et de décoration, à tout planifier. C’est ça que tu voulais, Blaise, connaître le plus ridicule, le plus pathétique, le plus bas me concernant ? Parce que là, tu n’as encore rien entendu. Tu sais ce qui est le pire ? C’est que lorsque je t’ai rencontré, après que j’ai réalisé à quel point je t’aimais, j’ai compris que ce n’était plus Ron que je voulais, que je ne voulais plus de ce rêve, et que de l’homme à qui je m’étais promis d’être fidèle MA VIE ENTIÈRE, je n’avais fait qu’un passage de ma vie, je ne voulais plus que de toi. Et tu n’as pas idée à quel point ça m’a dégoûtée de moi-même, parce que j’avais toujours pensé être une personne bien, avec des valeurs.

Elle s’assoit sur le bord du lit, vidée de ses forces, de sa colère, de sa combativité, à peine capable d’autre chose que de pleurer toutes les larmes de son corps. Dire ses peurs, ses doutes, ses regrets ne la console pas, ne la soulage pas, bien au contraire, ça ne fait que la plonger un peu plus dans un désespoir dont elle pensait qu’elle avait réussi à s’en débarrasser. C’est tout juste si elle remarque que Blaise s’est rapproché, vivement, et qu’elle la serre maintenant dans ses bras, de toutes ses forces. Il murmure à son oreille des mots d’amour qui ressemblent à des formules magiques supposées adoucir l’instant, calmer l’état d’énervement dans lequel elle se trouve. Et ça marche. Sa voix, basse et grave, agit sur elle comme un onguent, la calme, l’apaise, et elle s’accroche à lui, ses poings serrés sur l’étoffe de sa chemise. À tous les deux, ils pourraient affronter les pires tempêtes, les plus hautes vagues de colère, de désespoir, d’injustice, mais Blaise réalise maintenant seulement que pour rester aussi forts, ils ont peut-être besoin, parfois, de traverser leurs propres crises, traverser le blizzard pour mieux se retrouver, pour se souvenir de l’amour qu’ils se portent. Le quotidien a trop vite fait de les émousser, de les endormir, pour les réveiller, désorientés et fiévreux, fragilisés.

Samedi, 11h.

Les gravillons crépitent sous les pneus de la berline de luxe noire dans laquelle le couple Zabini se déplace. Blaise se gare le plus loin possible de l’arbre sous lequel sont garées les autres voitures. Hermione retient un sourire ; il n’a pas envie de devoir la faire nettoyer, et avec les feuilles et leurs fleurs qui tombent du végétal majestueux, c’est inévitable. Dans le ciel, le soleil est haut, chaleureux. Tout semble beau, émouvant, presque, comme si la nature avait décidé que cette journée lui appartenait, comme si elle reprenait ses droits. Perséphone a quitté Ades, les beaux jours font leur grand retour, timides mais décidés à réchauffer les cœurs transis. L’air reste frais, le vent piquant, mais cela réchauffe leur cœur, aide leur sourire à monter jusqu’aux yeux.

Depuis les larmes de Hermione, tout n’est pas simple. Ils ont fini par s’endormir, ce soir-là, l’un contre l’autre, sans un mot de plus. Lorsque Blaise s’est réveillé le lendemain, Hermione était déjà partie, et n’avait, contrairement à ses habitudes, laissé aucun mot, aucune attention à son égard. Il reste des vestiges de cette colère qui a fait trembler les murs tant de leur maison de ville que de leur couple. C’est leur première grosse dispute, la première fois aussi qu’ils se sont regardés sans trop savoir à qui ils avaient vraiment à faire. Effarés d’avoir pu se montrer ainsi l’un à l’autre, ils n’en sont pas moins soulagés de voir qu’aucun des deux n’a pris la fuite. À présent, c’est une forme de sérénité qui les mène ici, aux confins d’une propriété qu’un vieux panneau de bois branlant, à la peinture écaillée par les intempéries, le temps et la simplicité des matériaux, indique pourtant avec emphase.

Le Terrier. Le nom est à l’image des lieux : rustique et chaleureux, intime et convivial. Nul besoin de rentrer dans la demeure, dont on constate immédiatement qu’elle a été agrandie, retapée, modifiée au cours des années, donnant une impression de construction de bric et de broc pourtant étonnamment agréable à l’œil, pour comprendre que c’est un Foyer, au sens noble du terme. L’aspect éclectique des lieux, presque bohème, qui à un œil peu attentif pourrait donner l’illusion d’un endroit abandonné ou peu entretenu, a quelque chose de chaleureux, de rassurant, comme s’il était impossible de ne pas s’y sentir tout à fait chez soi. Le vélo bleu, appuyé contre le mur, près de la fenêtre aux volets vert clair, semble prêt à se fondre dans la maison, tant la rouille l’a enveloppé de ses bras orangés. Pourtant, il semble prêt à être enfourché à tout moment par un ou une Weasley. Blaise imagine Hermione monter sur cette selle vieillotte et pédaler avec énergie jusqu’au village, plus bas sur la route boisée qui mène à la propriété familiale, les cheveux ondulant et voletant autour de son visage, les pans de sa robe délicatement fleurie battant sur ses cuisses avec volupté.

Les fleurs sont plantées un peu au hasard, leurs couleurs chatoyantes semblent n’avoir aucune cohérence, comme si elles avaient poussé là de leur propre chef, parce qu’elles l’ont décidé.  La limite entre la pelouse et les gravillons n’est pas clairement définie, contrairement à la propriété des parents de Blaise, ou à celle du clan Malfoy. Ici, la nature est la bienvenue ; d’ailleurs, des canards et des poules gambadent librement, et Blaise se demande s’ils sont destinés à être mangés un jour ou s’ils sont juste des habitants du Terrier. Des nains de jardin d’un goût douteux - si tant est qu’il soit possible de considérer que “nains de jardin” et “bon goût” aient leur place dans la même phrase - ont été abandonnés ci et là, la peinture passée, le bout du bonnet brisé.

Ça n’est pas beau au sens habituel pour Blaise : il est habitué aux belles demeures droites et fières, à la peinture impeccable, aux immenses fenêtres que pas une trace ne saurait troubler, aux jardins au style soigneusement réfléchi avec leurs fontaines et leurs parterres de fleurs, leurs arbres soigneusement taillés dans la plus pure tradition des jardins à la française. Là, c’est tout l’inverse, mais c’est plaisant, parce que l’œil a toujours quelque chose de nouveau à découvrir : des fraises qui poussent paresseusement dans un bac pendu à une fenêtre, encore vertes et minuscules, un parasol d’un jaune flamboyant nonchalamment appuyé contre le tuyau de la gouttière, qui court le long de l'arête de la maison, qui semble attendre patiemment que les beaux jours, les vrais, fassent leur grand retour. Près de la porte d’entrée, des bottes de pluie (ou de jardinage) ont été abandonnées, et une chaussette dépasse lamentablement de l’une d’entre elles. Oui, la vie est présente partout, même de ce géranium bien triste qu’on a laissé pourrir là après la saison, et qui finira au fond du bac à compost.

Blaise jette un coup d’œil à Hermione, dont le sourire est sans équivoque possible. Son regard pétille, et la joie fait rougir ses joues avec une délicatesse telle que ses lèvres fourmillent d’envie de les embrasser, de plonger dans son cou, là où elle distille quelques gouttes de son parfum subtilement floral, et dont il ne reste, le soir venu, que de vagues effluves auxquelles se sont mélangées, imposées, même, les odeurs naturelles de son épouse. Celle de sa peau, chauffée par le soleil, de sa sueur, aussi, quand il faut courir dans les couloirs de l’hôpital. Aujourd’hui, il y trouverait, s’il osait, la senteur de son gel douche, le même que celui qu’il utilise, et qu’ils aiment partager parce qu’ainsi, ils sentent un peu pareil, exactement comme quand, après l’amour, leur sueur s’est mélangée, et qu’il est difficile de déterminer où commence l’un et où s’arrête l’autre.

Il prend sa main, tiède et sèche, dans la sienne, immense et rêche, et elle lève les yeux vers lui. Son sourire, s’il parvient jusqu’à ses yeux, ne cache pas pour autant l’humidité de ceux-ci. Lorsqu’il a demandé à Hermione de lui présenter à la famille de Ron, dont il a compris qu’elle a encore une importance immense dans son cœur, mais avec laquelle elle a peu à peu rompu tout contact suite à leur mariage, elle n’a pas hésité une seconde. Dans son regard, dans la fébrilité de ses gestes lorsqu’elle a téléphoné à Molly Weasley, la matriarche de la famille nombreuse, Blaise a compris qu’il avait fait le bon choix, et que si Hermione n’est pas femme à attendre l’autorisation de qui que ce soit pour agir comme bon lui semble, elle vit comme une libération de pouvoir enfin renouer avec cette partie de sa vie. Ses épaules sont tout à fait droites, maintenant, l’insouciance, même si ça n’est pas son trait de caractère principal, marque ses sourires, ses éclats de rire, sa démarche même. Comment ne pas remarquer qu’au milieu de cette propriété, la jeune femme se sent chez elle, à sa place ? Blaise le voit, parce que cet endroit lui ressemble : elle a passé tant de temps, ici, qu’il peut deviner ses gestes partout, qu’il sait que son rire est fait pour résonner au milieu de cet endroit un peu fou, un peu hors du temps et de l’espace, et si cela lui tord le cœur dans une forme de jalousie dont il sait qu’elle est liée à Ron, cela lui donne de nouvelles perspectives. Lui qui n’a jamais eu de vraie famille, trimballé d’un beau-père à un autre par une mère mangeuse d’hommes chez qui la lassitude de la routine succédait inévitablement à l’enthousiasme des débuts, a le sentiment qu’il touche quelque chose du doigt, un nouvel horizon qu’il n’a pas vu venir et dont il n’arrive pas à déterminer s’il est fou de l’accueillir avec cette sérénité, cette langueur de l’âme.

Ils s'avancent ensemble, mais n’ont pas le temps d’arriver à la porte que déjà, des voix étouffées leur parviennent de l’intérieur de la maison. Presque aussitôt, la porte s’ouvre sur une femme ronde et large, dont le sourire ne ment pas : Molly Weasley a attendu leur arrivée avec impatience. Jamais elle ne l’avouera, parce que malgré ses grands airs, sa voix qui porte et sa sympathie, la facilité déconcertante avec laquelle elle se comporte, certaines choses n’en demeurent pas moins intimes, secrètes.

Intime est la douleur qui vrille son cœur en continu depuis l’accident de Ron, depuis ce jour fatal où sa vie, celle de son époux et celle de ses autres enfants a changé, irrémédiablement, définitivement. Intimes sont les regrets qu’elle lit dans le regard de son époux lorsqu’il la voit pleurer sur le lit de la chambre restée inchangée de leur fils cadet, inconsolable, aujourd’hui encore. Intime, secrète est la honte de ne plus être capable d’être la mère joviale en toutes circonstances de cette famille nombreuse qui, depuis toujours, se repose sur elle sans discontinuer. Intime, secret est le besoin, rarement satisfait que, pour une fois, on lui permette d’être celle qui peut compter sur les autres. Molly Weasley, derrière ses bras grands ouverts, est une femme secrète.

Elle s’avance vers eux, les bras déjà tendus dans une invitation à une étreinte qui promet de leur couper le souffle. Déjà, elle serre Hermione contre elle, et la jeune femme, malgré les années, appuie immédiatement sa tête contre l’épaule de la matriarche, la serrant contre elle à son tour. Elle murmure des mots à son oreille que Blaise ne peut pas entendre, mais ça n’est pas un problème : ça n’appartient qu’à elles. Puis, avec un naturel qui cloue le grand homme noir sur place, si peu impressionnable le reste du temps, la femme plus âgée le serre contre lui également. Comme Hermione, il se penche, un peu gauche, et lui rend son étreinte. Son regard capte celui de son épouse, qui se contente de sourire, parce que, Blaise le comprend tout de suite, ça ne l’étonne en rien.

Dans le dos de sa femme, qui dégage une odeur de tarte aux fruits, de pâte feuilletée et de délices du dimanche après-midi passé en famille autour de gourmandises indécentes, un homme que Blaise suppose être Arthur Weasley s’avance vers eux. Si ses cheveux commencent à grisonner au niveau des tempes, il n’y a pas de doute : il est bien responsable de la couleur de cheveux flamboyante de cette famille que l’homme noir a découvert sur des photos dévoilées par Hermione. Ensemble, ils ont passé de longues heures à observer ces albums qu’il n’avait jamais pensé à ouvrir auparavant. Molly se détache de lui et se recule, incapable de cacher son émotion. Ses grands yeux bruns brillent, il faudrait bien peu de choses pour que les larmes plongent sur ses joues. Pour l’instant, elles surnagent, vaillantes, et disparaissent même totalement quand la femme replète papillonne des cils, geste d’une coquetterie presque étonnante chez une personne vêtue d’une étrange robe à fleurs et d’un tablier à carreaux qui jure terriblement. Blaise retient un rire ; il connait un blond pincerait les lèvres de dégoût s’il était là.

– Venez, les enfants, leur fait signe Arthur, plus réservé que sa femme.

Hermione trottine sagement derrière Molly, qui n’a pas lâché sa main. Alors qu’elles se dirigent ensemble vers la maison, Blaise l’admire, étonné de voir que même le soleil joue de ses cheveux, révélant des teintes de blond et de roux qu’il n’avait encore jamais vues… Ça n’est pas faute d’avoir passé plus de temps que la raison le voudrait à dévorer cette femme magnifique du regard. Le surprendre, chaque jour, chaque instant, y compris par des détails sans importance pour n’importe qui d’autre que lui, c’est là le pouvoir merveilleux de Hermione.

Dans la maison, la décoration est à l’image de l’extérieur. Ce que d’aucun qualifierait de taudis, qualificatif péjoratif s’il en est mais qui traduit à merveille l’aspect hétéroclite, très bric-à-brac du choix des meubles, des décorations, sans doute récupérées, restaurées, arrangées aux bons goûts de la famille, est terriblement chaleureux, habité, même. Arthur et Molly les invitent à s’assoir dans la cuisine, ce qui surprend Blaise. Dans son monde, personne ne s’arrête dans la cuisine, les invités sont reçus selon la plus stricte étiquette, dans le salon, le bureau ou la salle de réception selon les occasions, mais sous aucun prétexte dans la cuisine. Hermione, de son côté, ne semble pas s’en formaliser. Elle sourit, toujours, regarde autour d’elle comme pour imprimer dans son esprit de génie des images qu’elle pensait ne jamais revoir. Rien n’a vraiment changé, chez les Weasley. Au-dessus de la porte, il y’a toujours cette horloge, fabriquée par Fred et George alors qu’ils étaient plus jeunes, sur laquelle ils ont collé, au fur et à mesure des années, des photos de cette marmaille nombreuse et énergique que sont les gamins Weasley. Deux visages supplémentaires, dont les cheveux qui les ornent ne sont pas roux, ont été ajoutés quelques années plus tard, laissant aux visiteurs la possibilité de découvrir Hermione et Harry, bien plus jeunes, aux portes de l’adolescence.

— Asseyez-vous, les invite Molly tandis qu’elle sort du réfrigérateur un pichet rempli d’une citronnade odorante qu’elle a fait elle-même. Blaise accepte son verre avec plaisir.

— Merci, Madame.

Elle hausse un sourcil moqueur.

— Madame ? Personne ici ne m’appelle madame, mon chéri. Appelle-moi Molly, et je t’appellerai Blaise.

— Ca me va, Molly.

Elle sourit, un sourire immense, si grand qu’il est un peu tremblant, un peu hésitant, et qu’elle l’efface de son visage, laissant place à une moue affligée. Arthur pose une main sur son bras, et elle les rejoint à table, posant ses mains sur le devant de son tablier, dont elle lisse nerveusement des plis qui n’existent que dans son esprit.

— Excusez-moi, c’est un peu difficile… avoue-t-elle, son masque de jovialité glissant lentement de son visage, et dévoilant toute la douleur de cette femme que ni le temps, ni ses autres enfants, ni même son époux, n’ont su consoler de sa douleur.

— Nous pouvons repasser, Molly, tu sais… murmura Hermione, une main posée contre son verre glacé sur lequel coulent quelques gouttes de condensation dont la vie est assurément plus simple que celle de ces quelques humains.

— Quelle idée ! s’exclame Arthur. Non, vous restez ici, comme c’était prévu. Nous avons préparé une chambre pour vous, et les jumeaux ont hâte de te voir Hermione.

— Cela fait si longtemps. Vous m’avez vraiment manqué, souffle la jeune femme, prodigieusement mal à l’aise.

— Tu nous as manqué aussi, ma chérie. Nos vies se sont éloignées, parce que nous ne parvenions pas à affronter la douleur ensemble. Te regarder nous rappelait que Ron ne serait plus jamais parmi nous, et même si nous souhaitons ton bonheur autant que nous avons souhaité le sien et celui de tous nos enfants (elle adresse un sourire doux et hésitant à Blaise, qui n’est pas dupe : c’est au bras de Ron qu’elle aurait préféré voir Hermione), il nous a fallu du temps pour faire notre deuil, pour accepter que… Rien n’est plus pareil, à présent. Mais une chose n’a pas changé : notre amour pour toi. Tu fais partie de cette famille, à présent.

— Et toi aussi, jeune homme, ajoute Arthur en pointant un doigt faussement autoritaire sur Blaise, ce qui fait rire sa femme.

Blaise s’était imaginé des scènes apocalyptiques, des crises de larmes, des instants de gêne intense, mais rien de tout ceci n’arrive en ce samedi ensoleillé. Parfois, c’est inévitable, l’émotion est trop forte, et Molly laisse échapper une larme que Arthur s’efforce de faire disparaître, d’un baiser ou d’un mot plus drôle que le précédent. Hermione et lui font l’objet de toutes leurs attentions, ils leur demandent de tout raconter, se délectent des détails, promettent de venir les visiter dans leur maison de ville dont Blaise vient de décider qu’elle aura elle aussi ses parterres de fleurs sauvages. Ils parlèrent des autres enfants Weasley, dont Blaise avait parfois entendu le nom, déjà, lors d’anecdotes racontées par Hermione. Il apprend que les deux ainés, Charlie et Bill, ont quitté le pays depuis longtemps, et font le tour du monde, nouant des contacts avec des banques du globe pour l’un, participant à des fouilles archéologiques dans les jungles les plus reculées et les déserts les plus dangereux pour l’autre, ne revenant au bercail que pour les fêtes de fin d’année. Percy, lui, occupe un poste dans Blaise ne retient pas quel ministère, avec un titre un peu pompeux qui veut tout et rien dire et annonce à Zabini la couleur concernant ce beau-frère qui, sur les clichés que lui montre Molly, semble bien plus austère, sérieux et presque cul-serré que n’importe lequel des autres Weasley. Fred et George, jumeaux maléfiques par excellence, ont monté leur propre commerce de farces et attrapes au cœur de Londres, boutique dans laquelle il est peu probable que Blaise mette un jour les pieds. Pourtant, quand Arthur, les yeux brillants d’une fierté qu’il ne prend pas une seule seconde la peine de cacher, lui demande s’il connait la boutique, il hoche la tête, et voit dans le regard de Hermione que c’était la meilleure chose à faire.

Lui n’a jamais connu ça, le regard de fierté, cette envie de dire au monde que son enfant est digne d’une fierté telle que celle que ressent Arthur. Son regard, la façon dont il parle de ses fils, puis de Ginny, la maraîchère sauvage qui a redonné espoir à sa mère, éveillent en Blaise un sentiment étrange, un peu amer, son cœur se serre suffisamment pour qu’il s’interroge, qu’il pense à tous ces moments où sa propre mère oubliait jusqu’à son existence, préférant ses époux successifs à son fils qui n’avait besoin que d’un peu d’attention, un peu de tendresse, juste assez de complicité pour feindre une relation autre que celle d’une mère baladant un fils qu’elle avait eu plus par erreur que par désir. Sous la table, il attrape la main d’Hermione, chaude et délicate, et enlace leurs doigts, et la sentir serrer sa main dans la sienne réchauffe son cœur.

— … et Harry est le principal client de Ginny, depuis plusieurs années maintenant, explique Arthur, avant de se tourner vers sa femme. Molly fait pousser les herbes aromatiques et les fleurs comestibles qu’elle vend dans certains des plus grands restaurants londoniens.

— Harry ? Harry bosse avec Ginny ? répète Blaise, tout à coup très intéressé.

— Oui, affirme Molly, hochant vigoureusement la tête.

— Tu dois bien le connaître, non ? demande Arthur, qui semble avoir un don pour mettre le doigt sur les petits détails qu’il vaudrait mieux garder cachés.

— Euhm… C’est-à-dire que…

— Non, Arthur, Blaise et Harry ne se connaissent pas, explique sobrement Hermione.

— Je ne comprends pas, avoue Molly. Harry est ton meilleur ami, ma chérie, vous êtes inséparables depuis si longtemps et…

— Nous avons un peu perdu contact… Nous nous téléphonons, bien sûr, mais…

— Hermione, tu l’aimes ? demande Molly, tout à coup beaucoup moins souriante.

— Oui, évidemment.

— Alors je me fiche que vous ayez des horaires comme les vôtres, que vous soyez occupés. Aujourd’hui, c’est une responsabilité pour vous que de sauvegarder votre amitié. Ron n’est plus là, c’est une chose que tu n’ailles plus le voir, ce que je comprends, d’une certaine façon, surtout maintenant que tu as refait ta vie, et j’en suis très heureuse, dit-elle avec un regard d’une douceur étonnante pour Blaise, mais Harry et toi…

Hermione hoche la tête, les yeux humides.

— On ne peut pas dire que Harry fasse beaucoup d’efforts, lance sèchement Blaise.

— Harry a toujours été… difficile, murmure Molly. Mais il fait partie de cette famille, au même titre qu’Hermione. Je ne veux forcer personne, je considère qu’ils sont mes enfants, au même titre que mes sept autres enfants, je sais l’importance qu’ils ont l’un pour l’autre. Harry est une tête brûlée, un lion en cage que seule Hermione est capable de raisonner. Quant à toi, ma chérie, souffle-t-elle, y’a-t-il une personne sur cette terre, Blaise mis à part, qui te connaisse mieux que Harry ? Pardonne-moi, je ne veux pas forcer une amitié qui peut-être n’a plus d’avenir, je ne cherche pas à m’accrocher à une époque qui est révolue, mais je sais que même sans Ron, vous auriez été les meilleurs amis du monde. Et Ron ne doit pas être celui qui vous sépare, son souvenir ne doit pas vous éloigner l’un de l’autre. À un moment, bien sûr, vous ne pouviez pas vous voir sans penser à Ronald, dans sa chambre, à votre avenir qui a changé en une fraction de seconde, mais vous avez avancé. Tu es un médecin exceptionnel, mariée à un avocat tout aussi exceptionnel dont l’amour transparait dans le moindre de ses gestes, y compris lorsqu’il me fusille du regard parce que je te fais pleurer (elle adresse un coup d’œil entendu au jeune homme), Harry est un chef de talent dont la réussite ne compense pas la solitude, mais je crois que toi aussi, tu as ce vide dans ta vie, ce besoin de le retrouver…

À cet instant précis, aussi clairement qu’un gong retentissant, qu’une page que l’on tourne ou que le contraste entre une touche blanche et une touche noire sur un piano, Blaise a enfin mis le doigt sur un détail essentiel, une information qui lui sera utile pour la suite : à un moment donné, il ne sait pas encore lequel, leur vie a changé.

Reste à savoir si c’est pour le meilleur ou pour le pire.

 Vendredi soir, 23h30.

Dans un discret cliquetis, la porte se referme sur la nuit. Ce sont deux mondes différents ; la nuit, fraîche et inhospitalière, toute en solitude et en recoins sombres et inquiétants, dangers mystérieux et imprévisibles, représentation abyssale, sur les rives de la Tamise, des cauchemars les plus inavouables, des craintes les plus anciennes et profondément ancrées, et l’intérieur réconfortant et enveloppant du foyer, le sentiment d’être au bon endroit, au bon moment, comme deux parties complexes d’une même pièce qui enfin sont réunies. Hermione, du bout des orteils, retire ses chaussures, avec une pensée pour Blaise qui grogne chaque fois qu’il la voit faire ainsi. Ses baskets, un peu crottées par les flaques qu’elle n’a pas vues dans la pénombre, restent là, abandonnées à leur triste sort dans l’entrée, rejointes dans l’instant qui suit par un sac à dos usé de toile bleue et de cuir. Elle fait quelques pas sur la pointe des pieds, grimace lorsque le parquet ancien craque sous son poids.

Dans le salon, seule une lampe de table diffuse une lumière tamisée dans la pièce. Tout semble adouci, flouté, produisant l’effet d’un cocon confortable dans lequel Blaise n’a pu que se glisser avec délectation, à en juger par son long corps étendu sur le canapé, profondément endormi. La vision émeut Hermione, qui s’appuie contre l’arche séparant l’entrée du salon. La beauté de l’instant la touche, aussi sûrement que le sourire de Blaise lorsqu’il la regarde en s’imaginant qu’elle ne s’en aperçoit pas, ou celui qu’elle entend dans la voix de Harry lorsqu’ils passent du temps au téléphone. Pourtant, ce n’est pas à lui qu’elle a envie de penser ce soir-là. Délicatement, elle passe une main dans les cheveux de son époux, s’enivrant de cette odeur qui réveille son cœur à chaque fois qu’elle la sent. C’est toujours la même chaleur, délicieuse et dévorante, qui s’échoue paresseusement sur ses terminaisons nerveuses, par salves successives, produisant la même forme de surprise naïve à chaque fois, comme une première respiration, un nouveau coup d’œil sur tout un monde de plaisir et de bonheur.

Ses jambes fines et galbées sont douloureuses depuis des heures, aussi grimace-t-elle lorsqu’elle se redresse. Ce soir, plus que d’autres soirs, elle ressent ce besoin de coller son corps contre celui, larges, chaud et accueillant, de l’homme à qui elle a choisi de lier sa vie. Dans un soupir, elle s’allonge contre lui, tirant sur leur corps le plaid épais qui a déjà accueilli nombre de leurs étreintes. Dans son sommeil, Blaise pousse un soupir satisfait.

— Je t’aime, murmure Hermione dans un souffle. Pas à la façon exubérante des Weasley, ni à celle, silencieuse et boudeuse, de Draco, ni même à celle, passionnée et magnifique de Harry, mais je t’aime.

Elle s’endort le nez au creux de son épaule, enveloppée dans un monde de simplicité et d’évidence.

Le plat produisit un bruit sourd lorsqu’Hermione le posa sans douceur sur la table. Avec un raclement de chaise des plus déplaisants, elle s’installa près de son mari, et face à Harry, à qui elle jeta un regard exaspéré. Jouer les marieuses n’était de toute évidence pas une bonne idée ; lorsque Harry était arrivé, qu’il l’avait serrée dans ses bras, elle avait pensé, naïvement de toute évidence (et cela revenait à enfoncer des portes ouvertes), que la soirée ne pourrait que bien se passer, parce que si Harry et Draco avaient beaucoup de défauts, ils n’en étaient pas moins bien éduqués, et sauraient se tenir correctement. Ces qualités chez eux s’étaient, semblait-il, annulées au contact l’un de l’autre.

Dans la cuisine, Blaise avait servi au brun une bière anglaise, achetée pour l’occasion chez un caviste de sa connaissance. Tandis qu’Hermione s’occupait de transvaser le repas des plats en aluminium dans ceux, en terre cuite, de la maison, Harry et Draco avaient pris le parti d’éviter soigneusement le regard de l’autre. Si Draco exprimait une indifférence froide à l’égard de Harry, comprenant qu’il était le seul à être surpris de sa venue et de la déconvenue que cela représentait pour lui, le brun n’avait pu s’empêcher de se sentir terriblement gêné par ce qui apparaissait pourtant au début comme une bonne idée. Maintenant qu’il était là, dans une cuisine qu’il ne connaissait pas, avec une meilleure amie qu’il n’avait pas vue depuis bien longtemps, son époux qu’il rencontrait officiellement pour la première fois après avoir passé une soirée de cours avec lui sans même le reconnaitre, et le meilleur ami de ce dernier, devant lequel il s’était mis à genoux pour lui offrir la fellation de sa vie et semblait avoir autant envie de lui accorder un regard que de se jeter dans la Tamise.

Hermione, elle, ignorait son regard, et à en voir la façon dont elle pinçait les lèvres, elle le jugeait en partie responsable. Il savait ce qu’elle pensait : il n’avait qu’à être drôle, balancer quelques vannes et amuser la galerie. Mais Harry n’était pas Ron, il était doué pour rire aux traits d’humour de ses proches, mais n’avait jamais été foutu de sortir le bon trait d’esprit au bon moment avec le bon public. Alors il n’essayait plus — et surtout pas à l’attention d’un homme qui le jaugeait comme s’il était prêt à lui arracher la tête d’un coup de dents et de son comparse qui était plus glacial que le compartiment congélation de son frigo.

— C’est plutôt bon, dit Harry en piquant un morceau de viande non identifiée du bout de sa fourchette, méfiant.

Malfoy haussa un sourcil narquois qui n’échappa à personne.

— Si on aime le bas de gamme, sans doute. Il me semble que tu as pris des cours de cuisine, Blaise, peut-être aurais-tu pu faire un effort ? persifla-t-il à son meilleur ami.

— Hermione est bien plus douée à commander de la nourriture que je ne le suis à la préparer, même en ayant reçu un cours de la part de Harry. D’ailleurs, poursuivit-il en se tournant vers un chef dont le regard colérique envers Draco n’était atténué par aucune forme de civilité, j’ai appris que Ginny Weasley te fournissait la plupart de tes légumes ?

Harry ne cacha pas sa surprise de se voir poser une telle question par Blaise. C’était la première fois qu’il lui exprimait son intérêt. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire de guingois, alors qu’il hochait la tête, sa fourchette suspendue au-dessus de son assiette, visiblement pas décidée à piquer le moindre morceau d’aliment supplémentaire.

— C’est exact, même si ça vient plus du fait que ce sont des produits de qualité que du fait que Ginny est une amie de longue date.

— Ils ont été fiancés, souligna Hermione avant d’écarquiller les yeux avec un regard d’excuse pour Harry, dont les joues se teintèrent soudain de rose.

— Vraiment ? interrogea Blaise, incapable de cacher sa curiosité.

Draco, lui, s’était écarté de la table, son dos appuyé avec nonchalance contre le dossier de sa chaise. Il écoutait la conversation, haussant des sourcils sardoniques aux propos des convives. Difficile d’imaginer Potter avec une femme rousse, alors qu’il avait semblé fasciné par ses propres cheveux blonds, et qu’il était difficile de trouver chez lui la moindre féminité, même si son corps, relativement fin, ne collait pas à l’étiquette de la virilité telle qu’une vision stéréotypée pouvait la percevoir.

De nouveau, Harry hocha la tête, visiblement mal à l’aise.

— Nous étions bien plus jeunes, Ron était encore… En pleine forme. Ça n’a pas duré, parce que pour elle comme pour moi, ça n’était qu’une solution de facilité, et nous aspirions à autre chose.

— Et tu aspirais à quoi, Potter ? demanda innocemment Draco, avec un sourire en coin qui n’avait rien d’innocent. 

— Je n’en sais rien, mais pas à une vie avec une femme, en tout cas, répliqua sèchement le chef. Tu es bien placé pour le savoir, non ?

Hermione souffla fortement par le nez. La soirée allait être longue. Il faudrait un miracle pour que ces deux-là ne s’étripent pas. 

 

 
 
Chapitre précédent
 
 
Chapitre suivant
 
 
 
     
     
 
Pseudo :
Mot de Passe :
Se souvenir de moi?
Se connecter >>
S'enregistrer >>