J'observais le plafond avec attention. Les lumières des voitures, dans cette après-midi pluvieuse, y dansaient au grès de la circulation. Je n'osais plus bouger, clouée au matelas par mes larmes, je me repassais le moment dans ma tête, le moment où leurs lèvres se touchaient, le pluie de mon désespoir coulant le long de leur parapluie de bonheur. Baiser volé, coin de rue, pluie battante et l'espoir vole en éclat, le cœur se brise.

*Vraoum*

Je ne bouge pas, toujours, les cheveux encore trempés, les habits de même, les draps aussi maintenant.

*Vraoum*

Ma mère gueule, des traces de chaussures dans l'appart. Et on revient au rêve brisé. J'ai envie de sauter, de crier mon désespoir, mon amour même s'il est trop tard, envie qu'elle sache que mon cœur ne bat que pour elle, même brisé. Elle est peut être encore avec lui, j'ai même pas envie de savoir.

*Vraoum*

*Drililililing*

Téléphone ... Ma mère décroche ...

"Sephyy !"

*Mmph*

Je ferme les yeux, priant un Dieu auquel je ne crois pas de faire disparaitre le monde cruel qu'il a créé. Je reste immobile, soupirant, tentant d'oublier tout le monde, le reste.

"C'pour twââââ !"

*Mmph*

 J'arrive même pas à crier, répondre "J'suis pas là" mais je n'en ai plus la force, toute utilisée à me morfondre celle ci, à pleurer. Etrangement j'arrive à me lever, glissant hors du lit trempé tel un escargot dans sa bave. J'ouvre les yeux, passe la porte, trainant des pieds, attrapant le téléphone du bout des doigt, comme ces choses que l'on hait, dont on a si peur.

"....phy ?"

*Nrgh*

Lui ... c'est lui, le téléphone tombe, cognant contre la table, je m'effondre, les pleurs redoublant, retriplant, requadruplant, démultipliant d'intensité. Si vous ne pensez pas pouvoir perdre votre meilleur ami, vous vous foutez le doigt dans l'œil jusqu'à la cheville. L'amour détruit tout, c'est pareil pour tous, Même la guerre ne détruit pas aussi bien les êtres humain. Ca vous détruit de l'intérieur, flingue votre esprit, aimer c'est un suicide de l'âme. On subit tous son effet destructeur. C'est inéluctable, tous.

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Elle se réveille doucement, affolée, ne sachant où elle est. Posant les yeux sur son bras bandé, elle se rappelle, malheureusement. Puis son regard tombe sur Elle. La plupart des gens descendent aux enfers sur un escalier, y'en a qui vont plus vite que d'autres en se cassant la gueule, mais Sephy semblait prendre un tout autre chemin, celui de l'ascenseur. Pas n'importe quel ascenseur, celui dont les câbles ont lâché, qui s'écrase. Mais qui s'écrase pas n'importe comment, plus vite encore qu'une personne sautant dans le vide. C'est une descente, une chute qui vous cloue au plafond, vous êtes immobile ne pouvant rien faire, plaqué à votre destin par la force des choses, attendant juste que le sol vienne vous sauver.

 Elle ne pouvait plus bouger, immobilisée dans son lit d'hôpital par la seule présence de Lily. Les larmes aux yeux, pleurant sans bruit, sans secousse, sans sanglot. La fixant du regard. Lily ne l'avait pas encore remarqué, plongée dans son bouquin. Sephy ne respirait plus, ayant peur d'attirer son attention. Au moins se disait-elle, il n'était pas là.

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Elle leva la tête de son ouvrage. Mon visage était couvert de larmes silencieuses. La voix douce de Lily résonna dans mes oreilles "Ah, tu es réveillée ?" Elle avait un sourire chaleureux, comme si elle voulait dire "Ne t'inquiète pas, c'est pas grave, je t'en veux pas" et à moi de penser, éclatant en sanglots bruyants, résonnant dans la chambre blanche de l'hôpital *... de ta faute, t'peux pas comprendre !* Et elle de rétorquer de son regard profond *Si, je comprends, j'ai deviné depuis longtemps, mais bon c'est la vie ...* Et à moi d'abandonner, tombant en larmes, en pleurs et en sanglots. Le cœur, l'esprit, l'âme, le corps en miettes. Elle se lève et s'approche doucement du lit, m'enlaçant, retenant ses propres larmes. Me murmurant des mots étouffés dans mes pleurs. On pourrait croire que c'est lassant, que sa manie de pouvoir réconforter tous ne marche pas à tout les coups .... Mais on dirait presque une règle de la nature, que Lily est là pour réconforter le monde de son malheur .... Alors cette fois je suis sûrement l'exception qui la confirme comme on dit. Oui, je ne m'en remettrais jamais, j'aurais pu, après quelques années de plus, mais 2 ne fut pas suffisant. Et sa disparition précipita le reste ... Au moins songeais-je, elle n'aura pas ma mort sur ma conscience, elle ne m'aura pas vu une fois de plus, une toute dernière fois essayer d'en finir, elle ne sera pas arrivé juste à temps pour me sortir de là ... En fait peut être espérais-je juste ça, que ça la ferait revenir, comme à chaque fois ...

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23 décembre 1992

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Une fille se suicide par pendaison, retrouvée le matin dans sa chambre.

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