Tête dans le cul et tongs aux pieds, Blaise marchait vers la ville, avec l’espoir qu’un marchand ou n’importe qui d’autre en véhicule à moteur passe par là. Manquerait plus qu’il arrive en retard à son travail et ça achèverait de lui pourrir sa journée. En attendant de savoir si oui ou non cette dernière allait être définitivement merdique, le brun s’avançait sur le chemin de terre sèche et d’herbe brûlée par le soleil qui frôlait ses mollets à chaque pas. A sa droite… Rien si ce n’est la « savane ». Pas le moindre animal, tous planqués, faut dire qu’il faut être con pour sortir à cette heure ci… Avec ce soleil qui peine à redescendre, si bien ancré là haut d’où les coups de sang sont les plus forts. A sa gauche… …Rien non plus. Pas d’animal, pas d’eau, pas d’arbre encore correct. La dèche quoi. Un vrombissement le fait se retourner, au loin vient un car, soulevant la poussière, faisant détaler les quelques oiseaux planqués aux abords du chemin. Le jeune homme fronce les sourcils, trop de couleurs, trop propre, rien sur le toit. Car de touriste. Génial. L’inutilité même. Toujours à quinze dans leur bus pour quarante personnes, clim à fond, appareils photos réflex numérique 30 méga pixels au taquet, menthe à l’eau dans leur petite gourde et énormes chaussures de marche aux pieds. Chaussures de marche qui à elles seules coûtent plusieurs mois de salaire pour les habitants de la région et qui ne servent qu’à arpenter les hôtels luxueux. Bon, de toute manière si on proposait aux vieux du coin, ils ne feraient que rire et retourneraient gambader dans leurs baskets bon marché, celles qui ne manquent à personne quand elles restent ancrées dans la boue après la saison de pluie. Plus les années passent et plus il se dit que ces européens ou américains ont une tendance à vouloir toujours plus de choses inutiles… Son pays est d’après tous, un des pays les plus sous développé. Si être développé c’est se voir affublé d’un maximum de trucs ridicules, autant rester dans la pauvreté toute sa vie. Certes, il est vrai que certains villages n’ont pas d’eau potable à proximité, ça c’est con. C’est sûr. Les passages avec les épidémies aussi c’est la galère, les trucs de prévention des maladies sexuellement transmissible c’est pareil. Mais dans l’ensemble la vie est belle. Y a pas de chacun pour soi, pas d’égoïsme latent, pas de bonnes mœurs à respecter. Enfin si, comme partout. Mais moins. La vie au soleil, en musique, au chaud et au calme. Que demander de mieux ? Le car le dépasse, ralentit, puis continue sa route, juste pour laisser assez de temps à tous les petits vieux de prendre en photo un authentique autochtone de la région. De là ou il se tient, il sourit en imaginant les commentaires du guide touristique : « …spécimen d’âge moyen, grande taille qui peut amener à une appartenance à la tribu des… …On observera la musculature développée, sans doute due à un travail dans les champs, ainsi que l’effort vestimentaire pour mieux s’intégrer au monde civilisé… …comme dit, c’est à cet âge que commence la reproduction, la cour à la femelle se fait de différentes manières. Pour commencer le mâle… » Mais très vite, ses lèvres se resserrent en songeant à ses problèmes. Plus de lycée, donc pas d’avenir hors de la misère habituelle –pas que ce soit invivable, non, non-, plus de gazinière, donc plus de plats cuits à l’intérieur, vla le retour du feu de bois ou du squattage chez les voisins, des évènements particulièrement étranges, un hibou tombé du ciel… Un hibou en Afrique ! Une lettre d’admission dans une école de sorcellerie… Rien que ça… Bon, il était vrai que chaque fois qu’il avait peur ou se mettait en colère quelque chose d’étrange se passait. Mais c’était ainsi. Il était Blaise, le malchanceux dangereusement bizarre. La magie? Ca existait, certes. Il y avait un sorcier dans le village voisin. Mais une école de sorcellerie? Faut pas pousser non plus. Pour Blaise, la magie se limitait en des sensations, des guérisons, des émotions. Pas à des cours à apprendre et des histoires de chaudrons, d’asphodèle et de cours de sortilèges. Et puis honnêtement, pourquoi quitter le pays? Il était bien. Il trouverait bien le moyen de s’instruire autrement qu’en allant au lycée. Le brun buta sur une pierre un peu plus pointue que les autres et se reprit en secouant la tête. Quand bien même il serait tenté par le voyage, il n’avait même pas les moyens de se rendre à la gare. Alors payer les cours de ce genre d’école… C’était insensé. Un second bruit de moteur se fit entendre derrière lui et il se retourna vivement, mettant sa main en visière pour apercevoir un gros camion de brousse aux couleurs anciennement vives et présentement passées par la poussière approcher en cahotant. Un grand sourire s’étendit sur ses lèvres, c’était le marchand de tissus. Quelques secondes plus tard, le camion ralentissait quelque peu à sa hauteur et un vieil homme aux cheveux blancs lui cria par la fenêtre: -Saute! Si je ralentis encore la mama va caler et on en aura pour une demi heure avant de repartir! Aussi, Blaise sauta d’un bond souple sur le marchepied et après avoir salué le vieux par la fenêtre, grimpa sur le toit de la cabine du conducteur en s’aidant du rebord de la portière pour rejoindre cinq autres habitants des environs, qu’il connaissait au moins de vue, installés sur le toit surchargé de paquets et autres objets hétéroclites peu fréquents sur le sommet d’un véhicule. Et tandis que la camionnette reprenait de la vitesse, l’un des jeunes le laissa s’écrouler sur le vieux fauteuil fixé à la taule à l’aide de cordes artisanales auxquelles personne ne ferait confiance si elles n’avaient pas tenu plus de cent trajets. Bien installé, Blaise regarda venir s’asseoir sur l’accoudoir l’un de ses compagnons de voyages qui, entre une foule de phrases, questions sur son village, son boulot etc, lui fit remarquer d’un regard, qu’un des hommes les accompagnant était une vieille connaissance. Le genre de connaissance sacrément marquante puisque cet homme de plus de quarante ans était le chasseur contre qui il s’était battu en début d’année, et qui lui avait laissé une cicatrice pour le moins cuisante à la cuisse droite. La source du conflit étant que le plus âgé était plus ou moins ce que l’on nomme un braconnier comme le prouve le fusil sur son épaule, et est venu se servir et effrayer les bêtes qui paissaient autour du village. Chose sacrilège puisque d’une part, les déchaînés de Greenpeace et autres européens dérangés avaient réussi à faire passer un décret pour la sauvegarde de certaines espèces à grand renfort de discours houleux et pancartes ridicules, et d’autre part, parce que si quelqu’un pouvait enfreindre les lois du pays, c’était bien les chasseurs rituels. Autrement dit, tous les jeunes du village, environ trois fois par an pour les cérémonies diverses. Et certainement pas un étranger banni de sa propre région. Du coup, question d’honneur, les jeunes étaient partis à sa rencontre pour le faire partir et cesser, mais en guise de réponse ils n’avaient reçu que des balles. Malheureusement pour Blaise, en dehors de son agilité exemplaire, il traînait toujours autant sa poisse, et s’était retrouvé armé d’un simple couteau face à un chasseur expérimenté et sans le moindre scrupule. Aussi, il garderait à jamais cette balle de plomb dans la cuisse. Il savait déjà de quoi il allait mourir. C’était bien de connaître sa mort à l’avance. C’était avantageux. … Mais il fallait avouer que ça foutait foutrement les nerfs en pelote que de savoir qu’il allait mourir pour des traditions qu’il ne suivait que parce que c’était entré dans les mœurs de son village, comme carnaval pour les nordistes. Mourir d’une infection du sang au plomb pour la saint valentin. Ne serait-ce pas ridicule? Eh bien c’était à peu près identique pour son affaire. Une main poisseuse s’abattit sur son épaule tout aussi humide, et il ne put qu’esquisser son sourire habituel. A vrai dire, il était extrêmement rare qu’il ne sourie pas. C’était arrivé à son expulsion du lycée, à la balle dans sa cuisse, et à la mort de ses parents. Et encore. Son sourire était tellement modelable que même en colère ses dents étincelaient, à ceci près que c’était un sourire effrayant qui prenait place. Il claqua amicalement sa main sur la jambe à demi nue à côté de lui, et se tourna définitivement vers le chasseur qui semblait s’être tendu pour s’adresser à lui d’une voix mielleuse, ne quittant pas son air infiniment trop jovial: -Ben alors charogne, t’es encore en vie? Ca va tu t’es bien remis à ce que je vois. J’étais sûr que tu ne pourrais plus te servir de tes membres après que j’en ai eu fini avec toi la dernière fois. Blaise revit mentalement le corps étendu sous lui, le rouge du sang et le noir de la peau se mélangeant pour ne former qu’une masse frémissante, tendue par des sursauts de nerfs malmenés. Il jeta un coup d’œil aux jambes maigres et constellées de cicatrices du braconnier. -Mais c’est qu’ils t’ont bien soigné tes ambassadeurs! Allemagne c’était ça? C’est vrai, qui peut résister au charme dément d’une tête de zèbre crevé accroché dans son salon? Il avisa les mains serrées sur le fusil. -T’arrives encore à tirer sans index? C’est dommage, ils ont pas encore trouvé la solution pour refaire pousser les membres hein? -Blaise. On est quittes. Et j’ai un fusil, alors ne me cherche pas. Il était vrai que, techniquement, il n’avait pas l’avantage et en plus, ce mec était vraiment terrifiant quand il avait décidé de vous mettre du plomb dans la peau. Aussi, avant de se taire pour éviter de se faire percer un deuxième piercing à la cuisse il lança une dernière phrase. -Oh non, on sera quittes quand tu seras mort. Si j’avais su que je n’arriverais pas à extraire la balle, je t’aurais tué sur place. Mais bien entendu, il fit un clin d’œil au chasseur, ce n’est que partie remise. Le vieux ricana, et baissa la tête pour éviter les branches des arbres annonçant l’arrivée à proximité de la ville avant de se redresser et d’avancer jusqu’au jeune homme, boitant légèrement en enjambant bâches et rouleaux de tissus. -Partie remise, ça me va. On verra ça à la prochaine saison par contre, parce que là j’ai fini, il fait trop chaud pour chasser. Montre voir ma trace! Lança-il, penché sur les jambes de Blaise avec un sourire sadique à quoi le concerné éclata de rire et remonta le pantacourt de toile kaki qu’il portait, jusqu’à la moitié de sa cuisse. Le chasseur et l’un des hommes partageant le véhicule retinrent un hoquet de stupeur à la vision d’un impact noirâtre duquel s’étendaient sur un ou deux centimètres des traînées tout aussi foncées. Rien de bien énorme, mais tous savaient ce que cela signifiait. Une mort prochaine, peut-être cinq ans tout au plus, et une agonie douloureuse. Intérieurement agacé de l’attitude presque pitoyable de ses deux…connaissances, Blaise rabattit le tissu sur sa peau d’un geste brusque et lança un regard noir qui disait clairement quelque chose du genre « Arrêtez vos minauderies, c’est moi qui crève. Pas vous. ». A quoi le vieux répondit en sifflant: -Quand je pense que je me suis plaint de mes blessures. Et l’autre d’ajouter, moqueur: -Tu vois, tu serais pas mêlé à un européen palot comme la mort, on ne verrait rien sur ta peau. -Va crever, rit Blaise avant de se redresser et de se tourner vers les occupants: -Messieurs, c’est ici que je descend, bonne journée à vous, et toi, lança-il en fixant le chasseur, je vais m’assurer que tu mourras avant moi. Quelques poignées de main échangées plus tard, il sauta au bas du bus, ignorant la faiblesse de sa jambe anciennement blessée. Tous lui firent de grands signes de main une fois qu’ils le dépassèrent, y comprit son adversaire, auxquels il répondit aussi. Pas question de la jouer crevard enragé, pas question non plus de se jeter sur son pseudo ennemi sans raison valable et qui plus est sur environ deux mètres de tissus qui ne demandent qu’à s’engorger de sang et ruiner ainsi tout leur attrait. Ils n’étaient pas des bêtes. La sociabilité était commune, et aucun d’eux ne créerait de bagarre sans que les deux soient prêts et en forme. Ils avaient le temps. Lorsqu’il posa le pied sur le plancher de sa maison, -ou cabane, le nom différait selon les personnes le prononçant- Blaise fut accueilli par un hibou de mauvais poil, de toute évidence en forme et affamé, qui semblait lui en vouloir énormément de revenir à une heure aussi tardive. Ni une ni deux, son courage en poche, le jeune homme ressortit aussi vite qu’il était entré, les mains sur la tête, et claqua la porte au bec de l’animal. La nuit était fraîche. Au loin déjà, on pouvait voir les premières lueurs du soleil. C’était l’aube. Cinq heures du matin et le soleil allait bientôt réapparaître. La soirée avait été longue, mais il pouvait se le permettre à présent puisqu’il n’avait plus de cours à suivre. Au loin, un meuglement -de vache ou de gnou- se fit entendre et l’obscurité disparaissant peu à peu, laissa ses yeux distinguer sa mobylette, toujours couchée devant sa maisonnée, entre deux touffes d’herbes folles. Elle était étrangement rouge depuis l’après midi. Il l’aimait bien dans son jaune d’or précédent… Aussi, plissant les yeux, il se concentra dessus, répétant mentalement « Redeviens jaune, redeviens jaune ». Au bout de quelques minutes, jetant un regard à droite à gauche pour voir si quelqu’un pouvait l’apercevoir, il se leva du tabouret sur lequel il s’était installé, et tendit ses mains vers la petite moto, comme si avec ce geste, quelque chose pouvait se passer. -Redeviens jaune, c’est un ordre. Abra… cadabra! Un oiseau passa, poursuivant une mouche pas décidée à mourir. -Ok… La moto était rouge. Définitivement rouge de toute évidence, et à part être passé pour un con à ses yeux et s’être auto-rabaissé dans son estime personnelle, ses incantations lamentables n’avaient servi à rien. Une main sur le front marquant son désespoir, Blaise se redressa, tournant sur lui-même, et finit par r’ouvrir la porte de la cabane, dans laquelle il entra à pas de loup en retenant un bâillement. Le hibou avait de toute évidence élu domicile sur le haut d’une étagère, et s’était permis de se faire de la place comme en attestaient la multitude de bouquins et le narguilé argenté qui avaient chu au sol. Après s’être passé de l’eau sur le visage, le brun sortit d’une de ses poches un petit sachet de cacahuètes et de miettes de pain, à défaut de graines, de souris et autres trucs bizarres que devait manger l’animal, et versa le tout dans une petite coupelle qu’il posa sur la table basse. Il s’avança alors vers sont lit, et repoussant le drap qui ressemblait étonnement à un patchwork, s’y installa, faisant grincer les ressorts. -Merde, jura-il en relevant les yeux vers le hibou qui venait de se réveiller et de hululer de manière agacée. En fait, il ne s’arrêta pas au hululement inquiétant -pour un novice en bestioles européennes-, il poursuivit par un battement d’ailes agacé et s’approcha du bord de l’étagère, plantant ses serres dans le bois tendre, faisant déglutir le jeune homme. Le courage n’avait jamais été son fort, s’il pouvait éviter les conflits de face, il le ferait sans le moindre remord, aussi, il cherchait des yeux quelque chose qui pourrait lui servir de batte si jamais la bête tentait une attaque, parce que les lionnes, à la rigueur, il maîtrisait mais un hibou… Pensez donc! Une poêle lui fit un clin d’œil lumineux alors qu’un rayon de soleil se posait dessus et Blaise se prit à regretter d’avoir une case aussi grande. Pas moyen de l’attraper sans avoir à bouger beaucoup. Et vu le regard menaçant du hibou, il ne valait mieux pas qu’il bouge. Mais, avec un espoir infime, le jeune homme tendit le bras vers le narguilé qui traînait au sol, et manque de chance pour lui, ce fut le moment que le hibou choisit pour lui sauter littéralement dessus. Aucun des deux ne sut si c’était la surprise ou la menace du bec pointé vers lui qui fit réagir le brun, mais il croisa les bras devant son visage, et espéra repousser l’oiseau de toutes ses forces, si bien que l’animal fut projeté de l’autre côté de la pièce -c’est-à-dire pas très loin non plus-. -Merde! Siffla-il une seconde fois depuis son retour. Il se leva pour aller prendre le hibou dans ses bras, et le ramena sur le lit, attrapant au vol la coupelle de nourriture qu’il lui avait amené. -Allons mon gros, va pas faire genre qu’un ptit choc de rien du tout t’a assommé alors que tu as fait tout le trajet depuis l’Angleterre pour l’amener cette lettre… Murmura-il en caressant les plumes de la bête avant de lui tendre une cacahuète qu’il accepta avec un regard chargé de reproches. -Bon c’est pas tout ça, mais je suis crevé moi, alors pas de conneries, arrête de m’agresser. Bonne nuit sale chose, chuchota Blaise avant de s’endormir aux côtés du hibou encore un peu assommé. Au petit matin, -c’est-à-dire vers deux heures de l’aprèm- le jeune homme eut la surprise de voir son compagnon installé à quelques centimètres de son visage, sur la tête du lit, l’air un peu patraque à cause de la chaleur environnante. D’un geste hésitant il tendit la main vers l’oiseau et caressa légèrement les plumes de son cou. A sa surprise il n’eut en réponse qu’un hululement appréciateur. Avec un sourire il se leva et s’approcha de la fenêtre pour l’ouvrir en marmonnant: -’Fera toujours aussi chaud, mais au moins y aura de l’air. Du pied, il poussa un pavé rouge au pied de la porte d’entrée pour la maintenir ouverte. -Je reviens, je vais me laver et chercher de l’eau, lança-il au hibou tout en attrapant un jerricane et passant la porte. -Ben alors Blaise! Tu parles tout seul ou t’as amené de la gazelle? Lança un imprudent installé sur une chaise devant sa baraque. S’il y avait un truc qu’il n’appréciait pas, c’était qu’on se mêle de sa vie privée. De toute façon, jamais il ne ramènerait qui que ce soit dans sa case, faut pas abuser, en ville il passe pour un citadin et déloge les petites touristes, mais les amener dans son taudis -bien que fort agréable- aurait été honteux. -Tu veux qu’on parle de la dernière fois que t’as réussi à toucher ta propre femme Rijaal? Lança-il, son éternel sourire aux lèvres avant de continuer son chemin, sachant très bien que le sourire de l’autre ne ressemblait à présent plus qu’à un rictus vexé. A son retour, alors qu’il marchait pieds nus et sur la terre brûlante qui se collait à sa peau trempée par l’eau de la source, il ne put que regarder bouche bée un grand hibou noir s’emplafonner littéralement contre le mur de sa baraque, faisant trembler les planches. -Oh non… Un deuxième! Deux mois plus tard, fin juillet, Blaise Zabini n’était plus « Le Malchanceux », « Le poisseux », « Le vicieux » -Hey qui a osé?!- Hm pardon, je reprends. Il n’était plus Le malchanceux, le poisseux, le serpent à sonnette, le mec bizarre. Non, non. A présent il était Blaise Zabini, l’homme aux hiboux. Et jamais il n’avait été aussi agacé de sa vie. Voilà deux mois que les trois grandes écoles de sorcellerie européennes le harcelaient littéralement d’abord pour qu’il intègre leurs écoles, puis ensuite pour qu’il leur rende leurs hiboux, ensuite pour le menacer de poursuites s‘il ne leur renvoyait pas leurs bestiaux. Bon dieu, il ne demandait que ça! Mais étrangement, après avoir failli mourir pendant l’allé, les hiboux refusaient net de repartir… Au grand désespoir de leur hôte qui galèrait totalement à les nourrir, à se nourrir, et surtout, à protéger sa bouffe des serres affamées de ces sales bestioles. Par chance, après une ou deux colères monstre suite à des fientes animales dans SA case, les oiseaux avaient appris à sortir faire leurs affaires plus loin. Y a pas à dire, si on oubliait leur décision de camper chez lui, ces petites choses étaient serviables. Certaines lui amenaient ses cigarettes d’un meuble à l’autre, d’autres lui tendaient des livres, peinant parfois à les soulever. Bien entendu, Blaise avait tenté quelques feintes… Les avait plusieurs fois tous mis dehors pendant des heures, pour finalement se rendre compte qu’un des traîtres avait r’ouvert une des deux fenêtres et que les hiboux faisaient ni plus ni moins qu’un tour de manège. Une fois il avait réussi à les bloquer à l’extérieur. Mais ça comportait quelques problèmes. D’une, il ne pouvait plus sortir. Et de deux, il avait une migraine atroce à force de les entendre frapper aux carreaux et glisser sur la taule métallique du toit. Au final, il s’était fait une raison, et attendait patiemment que les « Aurors » comme disaient les lettres, allaient venir les chercher. Oui parce qu’il avait tenté de leur répondre aussi, mais aucun hibou ne voulait quitter la fraîcheur -il était sceptique quant à cet adjectif- de sa maison. Finalement, toujours fin juillet, une cérémonie rituelle à laquelle il était forcé de participer l’envoya en pleine savane, chercher un Nyala (une sorte d’antilope d’après moi) pour finalement se retrouver coincer entre un Nyala maigrichon, et une troupe de lionnes bien décidées à l’avoir quand même, accompagné en tout et pour tout de deux « camarades » d’une vingtaine d’années, pour qui la chasse était une pratique hautement marseillaise. Autrement dit, on fait pas grand-chose, mais on en raconte beaucoup. -Viens Blaise, c’est bon on leur laisse, on en trouvera un autre. -Non. -Quoi non, siffla un des deux hommes entre ses dents sans quitter les lionnes des yeux, tu veux te faire bouffer ou quoi?! T’as pas assez de cicatrices?! -J’ai dit non. -Blaise putain, la dernière fois que tu nous as fait le coup tu t’es mangé la balafre que t’as dans le dos! -Je suis fatigué, j’en ai marre et je veux rentrer, alors on chope ce putain de cabot, et on se tire! -Blaiiise, c’est pas une bonne idée! Si encore on avait des fusils! Mais putain soit réaliste, deux lances et trois poignards, même longs et aussi bons que les tiens, ça sert à rien contre huit lionnes! Le silence s’installa. Au loin le soleil déclinait, reflétant ses dernières lumières sur les peaux foncées des trois hommes, approfondissant le relief des quatre griffures qui parcouraient du Nord Ouest au Sud Est le dos du jeune homme. (La fille qui a fait une année de géo et qui compte bien l’utiliser d’une manière ou d’une autre…) -Vous avez raison, lâcha le plus clair. On se casse! Deux soupirs plus tard, ils commencèrent à battre en retraite, lentement, lentement, un pas après l’autre sans quitter des yeux les lionnes tout aussi immobiles qu’eux, priant intérieurement pour le Nyala ne décide pas de se barrer de suite les laissant seuls face aux fauves. Quand soudain Blaise se figea, interloqué. -Tu fous quoi?! Cracha un des deux derrière lui. -Les mecs, je crois que vous aviez raison. Jsuis trop pâle, je dois avoir une insolation. -Mais qu’Est-ce qu’on s’en branle Blaise putain! Cria l’autre, prêt à partir en courant dès qu’il le pourrait. -Les mecs… Je vois la mort. A dix heures… Comme un seul homme, les deux noirs tournèrent la tête dans la direction indiquée, et se figèrent eux aussi en apercevant entre deux arbres brûlés par le soleil une forme drapée de noir, grande, fine, longiligne, au visage plus blanc tous les touristes qu’ils avaient pu voir à leur sortie de l’avion. Un air patibulaire incrusté dans le moindre de ses pores. Et cette forme marchait dans leur direction, bien décidée à passer entre les lionnes et leur proie. D’une seule voix, les trois jeunes soufflèrent: -Mais il est fou ce con! Ce que Blaise ne savait pas à cet instant… C’est que ce con était Severus Snape en personne.
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