Disclaimer : à moi moi moi. Réponse à un défi sur le thème "nuage" avec les mots imposés suivants : - salsa - carotte - bleu - vieux - ange - autoroute - chanson A LA TERRASSE D'UN CAFE Le mois d’août touche à sa fin et, bien qu’il fasse un temps splendide associé à une chaleur des plus agréables après une semaine de pluie discontinue, elle commande un café au serveur qui ne sait plus où donner de la tête tant la terrasse est comble. Certains clients la fixent sans éprouver la moindre gêne, d’autres se retiennent de se lancer dans une observation frontale. D’autres enfin, ignorent jusqu’à sa présence, trop occupés à jouir de ce moment de détente avec leurs familles ou leurs amis. Un vieux tube passe à la radio et, même si elle aime cette chanson, elle sait que plus jamais elle n’écoutera la voix de Gloria Estefan clamant « Oye mi cuerpo pide salsa » de la même façon. Plus jamais cet air entraînant ne sera associé à une ambiance festive dans son esprit. Un homme lui adresse un sourire triste alors qu’elle referme sur elle les pans de son lourd manteau d’hiver. Elle a l’impression qu’il ne la prend pas pour une extra terrestre, qu’il comprend de l’intérieur à quel point on peut être glacé lorsqu’on est privé de sommeil. Elle tente d’étirer les coins de ses lèvres pour lui rendre son sourire, mais cet exercice lui demande trop d’effort, alors elle capitule et elle se détourne, oubliant aussitôt cet inconnu qui n’a rien à attendre d’elle. Elle ne pleure pas. Pas encore. Elle jette un oeil hagard sur son café et elle entreprend de l’agrémenter d’un nuage de lait. Le pot semble peser des tonnes et elle se voit accomplir ce geste comme dans un film passé au ralenti. Elle se perd dans la contemplation du liquide noir qui vire peu à peu au marron clair, comme si c’est la première fois qu’elle remarque ce phénomène. Elle entend un couple rire sur sa droite et ce rire l’agace. Plus qu’agaçant, elle le trouve détestable. En y réfléchissant bien, elle déteste aussi ce soleil qui se permet de briller comme si de rien n’était, comme si cette journée était un jour comme les autres. Elle méprise cette chaleur qui caresse les corps alanguis face à la mer d’un bleu limpide. Elle hait la mer aussi, cette carotte hideuse qui fait avancer les ânes dans leurs camping-cars ou leurs voitures, collés pare choc contre pare choc sur la sacro sainte autoroute des vacances. Personne n’a le droit de se sentir bien aujourd’hui…Ni demain…Ni jamais. Elle observe le monde qui l’entoure, hébétée car il continue scandaleusement de tourner alors que sa vie à elle s’est arrêtée en même temps que le cœur de son compagnon. Mais elle ne pleure pas. Pas encore. Pour le moment, elle est trop choquée pour verser la moindre larme. Elle a eu tout le temps de la lente agonie pour se préparer mais, malgré cela, elle reste ébahie face à ce café avec un nuage de lait, comprenant sans comprendre ce qui lui arrive, voyant sans voir la valse de la vie autour d’elle. Comment tous ces gens peuvent-ils rire et vivre, inconscients du fait qu’un être lumineux – presque un ange – les a quittés ? Comment osent-ils profiter du soleil quand elle a si froid ? Elle resserre autour d’elle les pans de son lourd manteau d’hiver et elle se lève, laissant derrière elle ceux qui passent une bonne journée alors qu’elle vit la pire de toute son existence. Elle n’a pas bu une goutte de café. Elle n’aime pas le café au lait mais lui, il tenait tellement à son précieux nuage lacté qu’elle a eu l’impression, l’espace d’une seconde - d’une magnifique et délicieuse seconde - qu’il allait surgir pour se délecter de cet amer breuvage. Fin.
Merci d'avoir lu ce petit texte même s'il n'est pas terrible terrible. A bientôt. |