Mercredi 13 Septembre 195 A.C. 7h – Colmar, ville d’Alsace
Colmar était une très belle ville à l’architecture médiévale, aux poutres apparentes sur les façades des maisons, aux nombreuses rues piétonnes et à l’ambiance rustique et chaleureuse.
Lorsque Duo sortit des brumes du sommeil, il faisait déjà jour. Les combats de la nuit semblaient confus et lointains comme un sombre cauchemar dont on rit au matin. Une fois encore il fut frappé par la chaleur de son corps. Sa peau était souple et tiède et son cœur battait vite. Il n’avait jamais obtenu un tel résultat en passant des heures au soleil ou devant un feu de cheminée.
Il ouvrit lentement les yeux, ébloui par la lumière et se redressa pour s’étirer. Un rayon de soleil mal placé lui brûla la rétine et ses bras rencontrèrent le toit de l’habitacle avant qu’il n'ait pu entièrement les déplier. Agacé par tant d’inconfort, il dut se résoudre à… se rendormir.
Mais son coussin – qui irradiait de chaleur – fut agité de très légères petites secousses et Duo ouvrit les yeux, surpris de trouver Heero riant silencieusement.
– J’ai étudié les vampires chez les Preventers, tu sais. Mes cours parlaient de créatures alertes ne dormant que d’un œil, de chasseurs insatiables toujours à l’affût, de guerriers irascibles… Plus je te côtoie, plus je réalise combien mes connaissances sont erronées.
– Non, mais ta description, c’est valable pour les vampires vagabonds, dit Duo en se redressant. Le clan de Solo par exemple ! Ils portent des vêtements sales, ils ne dorment jamais dans des lits et ils se cachent dans des cimetières ou des caves d’immeubles. Moi je suis un vampire de bonne famille…
Et le vampire de bonne famille bâilla à s’en décrocher la mâchoire.
– Uhaaa… J’ai trop bien dormi !
– Tu as dormi sur moi, fit remarquer Heero à voix basse en regardant par la fenêtre.
– Ah c’est pour ça ! Tu m’as même pas viré. T’es cool !
– Hn. N’en fais pas une habitude…
Duo sourit parce qu’il avait décelé de l’amusement dans la voix du brun et qu’aussi incongru que cela puisse paraître après tout ce qu’ils venaient de vivre, il était vraiment en forme et de bonne humeur.
– On arrive quand ? demanda-t-il au chauffeur en se glissant à moitié entre les deux fauteuils.
– On est déjà dans Colmar ! répondit le Maganac. Mais la maison est en plein centre ville et il y a beaucoup de circulation.
– Vivement qu’on y soit ! J’ai trop faim…
Après plusieurs feux rouges, un passage piéton où une vieille dame battit tous les records de lenteur et un carrefour très encombré à hauteur d’une boulangerie, ils arrivèrent enfin à destination. C’était une maison ancienne mais belle et lumineuse. Les murs ocre et les poutres de bois sombre offraient un mélange rassurant entre le confort des riches maisons de centre ville et la beauté de l’architecture médiévale.
Une vieille dame sortit de la maison. Elle était ronde et faisait de petits pas pressés. Elle avait les joues très rouges, les yeux plissés et des rides aux commissures des lèvres qu’ont ces gens qui ont passé leur vie à sourire.
– Oh monsieur Duo ! s’exclama-t-elle en posant une mains affectueuse sur l’épaule du natté qui venait de sortir de la voiture. Maître Quatre m’a appelée pour me prévenir de votre arrivée et il m’a raconté ce qui était arrivé ! Quel malheur ! Entrez vite mes enfants ! Apportez leurs bagages dans l’entrée messieurs s’il vous plaît.
Elle indiqua aux Maganac où déposer les affaires des garçons et les fit entrer sans leur laisser l’occasion d’en placer une. L’intérieur de la maison était coquet et lumineux mais totalement hétéroclite. Une cuisine aux ustensiles et appareils électroménagers modernes côtoyaient un salon aux meubles anciens et polis, à la bibliothèque touffue et poussiéreuse. Un ordinateur portable était posé à côté d’un pot de fleurs séchées, un cygne en porcelaine de mauvais goût trônait ostensiblement sur une télévision numérique dernier cri.
Les Maganac poussèrent la serviabilité jusqu’à déposer les bagages jusque dans les chambres des hôtes, ils saluèrent chaleureusement les deux garçons, refusèrent poliment la tasse de café que leur proposa la vieille femme et repartirent en vitesse dans la voiture noire aux vitres teintées.
– Merci de votre accueil Mahaut, la remercia Duo en s’asseyant à la table de la cuisine. Je vous présente Heero Yuy. C’est un humain. Il était Preventer, mais il nous a aidés à nous défendre contre les chimères et il est maintenant pourchassé par son ordre.
– Comme c’est courageux de votre part, dit la vieille femme avec admiration.
– Heero, je te présente Mahaut.
– Enchanté, dit poliment Heero.
– Sa famille a toujours été proche de celle de Quatre, expliqua Duo. Elle a l’usufruit de cette maison et un revenu, en échange elle accueille les Winner quand ils sont dans la région. Elle a des réserves de sang et une cachette à notre disposition en cas de danger. Il y a eu une période où cette maison a été très utile au père de Quatre.
– Oui, il s’y est caché plusieurs semaines pendant la Croisade. Mon arrière-arrière-grand-père avait dix ans à peine ! Cet épisode l’a beaucoup marqué, il a tout raconté dans un journal des années plus tard. Je vous le montrerai si ça vous intéresse…
Elle leur servit un thé chaud et leur proposa des croissants, des petits pains, une multitude de pots de confitures et de miels, et même une tarte à la rhubarbe qui sortait tout juste du four.
– Je l’ai faite quand j’ai su que vous arriviez ! dit-elle en la découpant sur la table. Des chimères ! Quel cauchemar… Je croyais qu’il n’en existait plus depuis la Croisade. Mes pauvres enfants, quelle peur vous avez dû avoir !
Heero sourit parce qu’elle continuait à dire « mes pauvres enfants » alors que Duo devait avoir plus ou moins son âge.
– Vous connaissiez l’existence des chimères ? interrogea le vampire. Moi je n’en avais jamais entendu parler.
– Oui je me suis beaucoup intéressée à l’histoire de la Croisade. Mais les chimères ont été supprimées des livres des humains. L’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Cependant j’ai pu lire des livres écrits par des vampires et les chimères sont mentionnées parfois. Il parait que ce sont des apparitions terrifiantes et extrêmement dangereuses. J’avais douté qu’elles puissent exister vraiment jusqu’à aujourd’hui. Ces derniers jours ont dû être affreux pour vous mes pauvres chéris…
Et elle continua à leur faire la conversation ainsi tandis qu’Heero et Duo prenaient leur copieux petit déjeuner. Lorsqu’ils eurent fini, elle leur fit visiter le reste de la maison et leur montra leurs chambres. Elles étaient voisines et leurs fenêtres donnaient sur un petit quartier charmant et fleuri. Mahaut elle, avait la sienne au rez-de-chaussée, à cause de ses rhumatismes leur avait-elle expliqué.
Après s’être assurée avec insistance qu’ils n’avaient besoin de rien, elle se retira discrètement en leur indiquant qu’elle serait en bas. Ils prirent une douche et se changèrent. Lorsque Duo sortit de la salle de bain, les cheveux mouillés et une serviette autour de la taille, il trouva Heero installé sur son lit, qui feuilletait un livre.
– Qu’est-ce que tu lis ? demanda-t-il.
Heero leva la tête vers lui, resta stupéfait une demi-seconde par les cheveux détachés de Duo qui encadraient son visage dans une cascade de caramel sombre et brillant le rendant encore plus beau, puis il se reprit et baissa à nouveau les yeux vers son livre et lu à haute voix quelques lignes.
– « … et nul ne nierait que si la date et les évènements relatifs à l’apparition des vampires sont connus, les circonstances de ce qu’on pourrait appeler une « naissance spontanée » elles, demeurent à ce jour totalement obscures. Car en effet, malgré le climat de chaos dans lequel était plongé le monde durant la Troisième Guerre Mondiale rien n’explique l’apparition d’une nouvelle race. Ce n’était pas la première guerre, ce n’était pas la première famine, ce n’était pas le premier exode, la première grande catastrophe que vivait l’Humanité ; et pourtant, pour la première fois depuis des millions d’années, on a vu apparaître des mutations radicales chez les humains. Bien sûr il y a ceux qui prétendront qu’ils ont toujours existé, ces vampires de légendes créés par l’imagination d’un vieil Allemand fantasque et repris par toute une littérature avide de romantisme fade. Mais ces « apparitions » exubérantes que l’on entrevoit aux détours des romans et des poèmes n’ont rien, rien de comparable avec la véritable épidémie qui a frappé le monde. Des milliers ! Des millions de vampires ! Ils sont apparus brusquement et se sont répandus en quelques mois sur toute la surface de la Terre comme une malédiction. Etaient-ils dans des catacombes, cachés depuis l’aube des temps attendant leur heure pour nous envahir ? Sont-ils le résultat d’une mutation incroyablement rapide de notre espèce ? Ou Dieu lui-même nous a-t-il envoyé un fléau pour nous punir ? Nul ne le sait et les mystères de cette naissance semblent avoir été engloutis par l’Histoire. »
Heero referma le livre et le posa à côté de lui sur le lit. Duo lu sur la couverture « Les Nephilims par John Hapsbourg 2296 J.C. Réédition de 184 A.C. ».
– Il était dans la bibliothèque, expliqua Heero en désignant l’étagère où étaient rangés de vieux livres séparés par des bibelots douteux.
– Oui, Mahaut conserve toutes sortes de livres qui traitent des vampires.
– Pourquoi « Les Nephilims » ?
– C’est une métaphore. Dans la Bible, les Nephilims sont des géants, répondit Duo en s’asseyant sur le lit du brun, ce sont des monstres hybrides mi-dieux, mi-humains. Leur nom signifie « ceux qui font tomber les autres ». C’est une façon de dire que les vampires viennent apporter la ruine des hommes.
– C’est quand même étrange, tu ne trouves pas ?
– De quoi ? demanda Duo distraitement en coiffant ses cheveux.
– Que personne ne sache comment les vampires sont apparus…
– Mh. Il y a des vampires qui existaient déjà pendant la Troisième Guerre Mondiale, à l’époque des tous premiers de ma race. Il y a des rois, des empereurs qui ont vécu à cette époque. Mais c’est un sujet tabou. Personne ne leur pose la question. Et ils n’en parlent jamais. Après tout, peut-être qu’ils n’en savent rien eux non plus…
Duo s’interrompit pour tirer comme une brute sur une mèche de cheveux emmêlés qui commençait à lui faire perdre patience. Heero vint s’asseoir derrière lui, lui prit des mains l’instrument de torture – un peigne – et défit le nœud lentement et patiemment. Le vampire trop content qu’on lui vienne en aide le laissa faire sagement.
– C’est très bizarre, j’ai encore sommeil, dit-il en se massant le front.
– C’est normal, après cette nuit…
– Non, c’est pas normal pour moi. Je ne dormais presque pas avant. Ou seulement quand je m’ennuyais en cours.
– Tes pouvoirs se sont réveillés. Tu nous as fait léviter jusqu’à l’aile ouest hier soir, avec la seule force de ton esprit. C’est normal que tu sois épuisé. Il va falloir t’y faire… Et puis tu peux lire dans les pensées aussi, non ?
– Oui, j’y arrive. J’aime pas trop ça alors je le fais pas souvent ; mais j’entends quand même des choses sans le vouloir. C’est désagréable.
– Tu entends mes pensées ? demanda Heero avec un sourire dans la voix.
– Non, pas les tiennes. Mary-Beth et Clay ne les entendaient pas non plus. Ni celles de Trowa. Votre formation de Preventer est très efficace, même quand j’essaye je n’entends rien…
– Ah parce que tu essayes ?
Heero tira un peu plus fort sur la mèche de cheveux pour marquer sa désapprobation. Duo accompagna le mouvement en penchant la tête en arrière jusqu’à voir le visage d’Heero à l’envers.
– Allez c’est bon ! Le prends pas mal ! Et puis si tu ne faisais pas autant le mystérieux ça ne m’intriguerait pas tant…
– Si tu le dis… Et qu’est-ce que tu voudrais savoir exactement ?
– Qu’est-ce que tu penses de moi ? demanda Duo de but en blanc.
– Là tout de suite ? Je trouve que cette couleur te va bien mais que tu devrais boire du sang avant de faire peur à quelqu’un.
– De quoi ?
– Je pense que tu devrais boire du sang, répéta Heero. Tes pouvoirs psychiques fatiguent ton corps. Tu ne te nourris pas assez.
– Je veux bien dormir autant que tu veux mais pas boire plus de sang ! répondit Duo offusqué en se rasseyant dos à l’asiatique. J’aime pas ça le sang…
Heero eut un sourire franc.
– Un vampire qui n’aime pas le sang c’est aussi absurde qu’un lion qui n’aime pas la viande ! C’est à se demander comment tu as pu vivre aussi longtemps !
Duo émit un « ksss » sonore et tourna vivement la tête, envoyant ses cheveux trempés dans le visage de l’humain.
– Duo… râla Heero en s’essuyant la joue.
– Wufei dit ça aussi. C’est pas parce que vous vous êtes des goinfres que…
– Je ne vois pas en quoi je suis concerné moi, je ne bois pas de sang, le coupa Heero avec un sourire moqueur. Et puis, tu as l’air bien sûr de toi pour un vampire assoiffé !
– Je suis pas assoiffé ! riposta Duo.
– Tu as les yeux violets, répondit Heero d’une voix plus basse.
Le vampire se raidit un peu.
– Oh, fit-il en baissant les yeux sur le parquet de la chambre.
Il resta immobile quelque secondes. Heero finit de défaire le dernier nœud.
– Excuse-moi, souffla le châtain.
– Pourquoi ? Je l’aime bien cette couleur. Il faut juste éviter qu’un humain s’en rende compte. Aucune lentille colorée ne donnerait un aussi beau résultat, ils comprendraient que tu es un vampire.
Duo soupira et se leva. Il s’éloigna de quelques pas et s’appuya contre le mur.
– Regarde, dit-il.
Et il appuya le dos de sa main contre son nez pour ne plus percevoir l’odeur du brun. Rapidement ses pupilles se rétractèrent, ses iris s’éclaircirent et redevinrent bleus.
– Si j’étais vraiment assoiffé, mes yeux resteraient violets même loin de l’odeur d’un humain.
– Oui, en effet, c’est étrange... Tes yeux deviennent violets à chaque fois que tu t’approches d’un humain, même si tu t’es déjà nourri ? Comment est-ce que tu as pu tenir autant de temps à Chambord ?
Duo eut un petit rire nerveux.
– Non, en fait ça ne le fait qu’avec toi.
– Qu’avec… ? Oh…
Heero resta interdit, il l’avait déjà suspecté lorsqu’ils étaient à Chambord, mais se l’entendre dire clairement le fit réfléchir à ce que cela signifiait. Et maintenant qu’il y pensait, ça lui rappelait quelque chose…
Gêné par son silence, Duo se mordit la lèvre.
– Heero je sais ce que tu dois penser, mais je ne vais rien te faire… Je sais que j’aurais dû te prévenir mais je fais très atten…
– Oui je sais, le coupa Heero. Tu te contrôles très bien. Et ce genre de… d’attirance n’est généralement pas dangereux.
Duo eut comme un sursaut.
– Quoi, tu connais ce phénomène ?
– Oui, dit Heero avec un air un peu triste, Odin m’en avait parlé, ça le passionnait. Il y avait un scientifique d’OZ qui avait fait une thèse sur ce comportement. Apparemment c’est quelque chose qui n’existe pas chez les humains, ou pas sous cette forme en tout cas.
– Il y a une explication scientifique alors ?
– Oui. Si je me souviens bien, c’est ton cerveau qui produit une hormone qui s’apparente à la phényléthylamine et provoque un état de…
– Attends ! Mon cerveau réagit à ta présence en produisant une hormone ?
Duo se prit la tête dans les mains.
– C’est encore plus glauque que ce que je pensais ! Je crois que j’aurais préféré être un vampire sanguinaire attiré par ton sang…
Heero sourit.
– Si j’ai le droit de donner mon avis, moi je préfère ça…
Duo haussa les épaules.
– Est-ce qu’Odin t’avait dit comment on empêche ça ? Je dois prendre un médicament ?
– Ce n’est pas une maladie Duo… Et ça ne s’empêche pas. Ça n’arrive que chez les vampires nés humains. Le cerveau du vampire reconnaît chez un humain quelque chose qui lui rappelle un souvenir agréable ou rassurant. Ça peut être n’importe quoi, la voix, l’odeur, une ressemblance dans les traits… C’est une impression qu’a enregistrée le cerveau quand il était humain et que le cerveau du vampire a du mal à reconnaître et analyser.
Duo regardait Heero avec attention. Lentement, tout en réfléchissant, il vint s’asseoir par terre, face au lit. Il portait toujours une serviette de bain à la taille et ses cheveux humides mouillaient son dos mais il ne s’en apercevait pas du tout.
– Et… cette hormone ?
– La phényléthylamine ?
– Oui voilà, quel effet ça a exactement ?
– En fait ce n’est pas exactement cette hormone, ç’en est une autre qui lui ressemble. Une hormone inconnue qui n’existe pas chez les humains. Mais en principe ce n’est pas dangereux, la phényléthylamine a un effet apaisant et euphorisant, elle est en partie responsable du sentiment amoureux.
Duo affichait une expression épouvantée. Heero se laissa glisser par terre et s’assit en tailleur en face du vampire.
– Bien sûr ce n’est pas exactement la même hormone… Enfin, tout ce que tu dois savoir c’est que ce n’est dangereux, ni pour les vampires, ni pour les humains.
Duo acquiesça d’un mouvement de tête, il resta un moment silencieux.
– Pourquoi est-ce qu’OZ s’intéresse à ça ? Tu sais tout ça alors que tu ne savais même pas que le cœur des vampires battait, c’est quand même bizarre…
– Oui, c’est un peu n’importe quoi, reconnut Heero en souriant. On ne nous a pas dit que votre cœur battait pour qu’on ait l’impression de se battre contre des personnes déjà mortes, c’est plus facile à gérer. Il arrive aux Preventers de devoir tuer des enfants vampires, tu sais. Et pour le reste, OZ se demandait s’il n’était pas possible d’utiliser ce phénomène d’attraction comme un appât pour permettre aux Preventers de capturer des vampires plus facilement. Mais ça n’a pas fonctionné, l’étude a été abandonnée.
– Pourquoi ?
– Parce que c’est trop aléatoire. Déjà ça ne marche que sur les vampires nés humains et puis c’est une réaction chimique très compliquée, qui varie selon chaque vampire. Il ne s’agit pas de vaporiser un spray pour attirer tous les vampires d’un secteur…
– Et c’est une réaction qui n’apparaît qu’au contact des humains ou ça aurait pu arriver au contact d’un vampire ?
– L’homme qui a fait cette thèse pense que ça n’arrive qu’avec les humains. Pour te donner une réponse plus objective disons que ce phénomène n’a jamais été observé entre deux vampires…
– Je vois… Quelle chose horrible, murmura Duo en baisant les yeux.
– Horrible ? répéta Heero. Pourquoi ?
– Parce que c’est un truc que je ne contrôle pas et que je ne comprends pas. Je déteste ça ! J’ai l’impression d’être juste un monstre ou un animal…
Duo serrait les dents et jetait un regard assassin au parquet.
– Moi je pense au contraire que c’est une sorte de lien qui te rapproche des humains. Ton cerveau conserve sous la forme de ce phénomène, le souvenir de ce que tu étais avant. Ce n’est pas horrible.
Le vampire le regarda un long moment. Puis il inspira profondément et sourit.
– Merci, Heero.
– C’est vraiment une belle couleur, répondit le brun en regardant ses yeux redevenir violets.
†.†.†
16h
Duo écoutait d’une oreille distraite les babillages de Mahaut et d’une oreille attentive la télévision de la voisine – elle était sûrement à moitié sourde pour mettre le son si fort mais Duo lui en était reconnaissant. Quatre avait appelé en milieu de journée. Ils avaient discuté longtemps. Les quatre vampires étaient très fatigués et d’humeur morose. Les combats éprouvants et le fait d’avoir quitté Chambord et leurs amis dans la catastrophe les avaient tous secoués bien plus qu’ils ne l’auraient cru. Quatre l’informa que Clay avait déjà pris soin de prévenir son oncle de leur venue à Neuschwanstein, il lui avait expliqué qui était Heero et bien que la conversation ait été quelque peu houleuse et la négociation difficile, il leur avait obtenu une audience. Ensuite Duo avait demandé comment allaient Wufei et Mary-Beth. C’était eux qui étaient les plus attristés d’avoir quitté Sally. Quatre avait dit que Wufei faisait comme si tout allait bien. Il était comme d’habitude, sérieux, fier, digne de l’inébranlable clan des dragons. Mais Quatre disait qu’il était très malheureux. Aucun des masques de Wufei ne faisait le poids face à l’empathie du blond. Mary-Beth elle, avait pleuré en silence dans la voiture. Elle était affreusement inquiète pour Sally, pour l’avenir, pour la guerre qui approchait. Clay n’avait pas réussi à la calmer. Une des sœurs de Quatre qui se trouvait au domaine s’était occupée d’elle et elle avait fini par s’endormir.
Puis Trowa avait demandé à parler à Heero. Duo avait entendu les deux ex-Preventers parler de cette dénommée Hilde. Des Maganacs avaient observé discrètement les Preventers envoyés en urgence à Chambord. Apparemment cette fille avait fait fouiller tout le château, avait posé de très nombreuses questions au directeur, ainsi qu’aux élèves. La classe des soleils n’avait sûrement rien dit mais les élèves des autres classes s’étaient chargés de révéler ce qu’ils avaient vu. Les cinq vampires avaient été démasqués, un avis de recherche était lancé contre eux. Heureusement, leurs familles qui étaient puissantes et possédaient de nombreuses résidences ne risquaient rien. Les trois étranges stagiaires et les deux Preventers avaient disparu dans la nature. La version officielle était qu’un groupe de vampires s’était introduit dans le château et avait tué des élèves. Il ne serait rien dit au sujet des Preventers qui étaient sur place pour ne pas entacher la réputation d’OZ, ni au sujet des chimères. De nombreux élèves risquaient d’être retirés de Chambord par leurs parents. Le château serait sûrement considéré comme une école dangereuse… Duo avait eu envie de vomir.
Mahaut avait compris que les nouvelles n’étaient pas bonnes et elle avait voulu leur remonter le moral en parlant, parlant, parlant… Elle les avait assommés pendant toute l’après-midi, elle les avait conduits dans le salon et leur avait parlé de tout : sa merveilleuse recette de Kougelhof, sa fille qui habitait à l’étranger et qui viendrait la voir pour les fêtes de fin d’année, la beauté du château de Neuschwanstein qu’ils allaient avoir la chance de visiter… Duo lui était reconnaissant de vouloir leur changer les idées, mais ce dont il avait envie c’était de se retrouver seul avec Heero pour discuter de la situation, de ce qu’ils allaient faire. Pour être seul avec lui tout simplement…
– Auriez-vous des livres sur la Croisade ? demanda Heero en profitant d’un seconde de silence de leur hôtesse.
Duo s’intéressa momentanément à la conversation, délaissant la rubrique santé « Le secret d’une meilleure hydratation de la peau » de l’émission écoutée par la voisine.
– Oui bien sûr ! dit Mahaut fièrement. Qu’est-ce qui vous intéresse exactement?
– Les chimères, répondit Heero.
– Et l’Archange, ajouta Duo.
Mahaut sourit, heureuse de pouvoir distraire efficacement ses hôtes.
– Je vais vous trouver ça ! dit-elle en partant vers le premier étage.
Quand elle leur avait fait visiter la maison, elle leur avait rapidement montré une bibliothèque en face de leurs chambres.
– A quoi tu penses ? demanda Heero quand elle fut partie.
– Je pense qu’on va être tranquilles pendant cinq minutes…
Heero sourit.
– Pourquoi l’Archange ?
– Solo m’en a parlé… Apparemment c’est une chimère et il est l’arme du Vatican. Selon Solo il s’affaiblirait. C’est ce qu’ils vont vérifier là-bas.
– Tu ne m’en avais pas parlé…
– Je n’en ai pas eu le temps. Et puis je ne sais presque rien à ce sujet... Tu en as déjà entendu parler toi ?
– De l’Archange ? Oui, comme tout le monde. On dit que c’est un homme saint, qu’il est immortel, qu’il est mort puis qu’il est revenu à la vie comme le Christ lui-même. Je n’avais pas pensé que « revenir à la vie » pouvait signifier « être transformé en chimère ».
– Oui c’est bizarre… Et puis l’Archange n’est pas n’importe qui, c’est le bras droit du Pape. Les gens viennent des quatre coins de la planète pour l’apercevoir. Si c’était une chimère, quelqu’un l’aurait remarqué. Peut-être que Solo déraille parfois…
Heero haussa les épaules en signe d’incertitude. Mahaut revint à cet instant avec une pile de livres dans les bras. Elle se rassit dans son fauteuil, la pile sur les genoux.
– Voilà, j’en ai trouvé plusieurs ! Ces deux livres traitent assez longuement des chimères. C’est un livre d’histoire et une autobiographie, les deux ont été écrits par des vampires et le sujet des chimères est abordé à plusieurs reprises.
Elle donna les deux ouvrages à Heero qui la remercia.
– Et ces trois livres parlent de l’Eglise, du rôle du Vatican pendant la Croisade, des Prêtres aux Epées d’Argent et de l’Archange.
Elle les tendit à Duo.
– Merci Mahaut.
– De rien mes enfants, j’espère que vous trouverez les informations que vous cherchez. Je vais préparer du thé, dit-elle en se levant.
Le silence s’installa dans le petit salon. Duo remercia intérieurement la stratégie de l’ex-Preventer qui leur avait permis d’obtenir un moment de calme. Il feuilleta distraitement un livre illustré traitant de la Croisade. Il était perdu dans ses pensées et s’inquiétait pour Sally qu’ils avaient abandonnée à Chambord. On l’avait souvent vue en compagnie des vampires… Et si les Preventers l’interrogeaient ? Et si on la forçait à révéler ce qu’elle savait ? Et si on lui faisait du mal ? Et si l’Empereur d’Allemagne refusait de les écouter et s’alliait au Roi de France pour déclarer la guerre aux humains ? Il survola les images en se demandant s’il ne devrait pas appeler Sally pour lui dire de quitter Chambord discrètement, avant qu’elle soit en danger, avant que la guerre n’éclate. Une photo représentait un groupe d’activistes anti-vampires d’avant la Croisade, puis il y avait des photos de la guerre, des soldats armés, une ville déserte jonchée de cadavres. Quatre pourrait l’accueil dans une de ses résidences, et cela ferait du bien à Mary-Beth et Wufei de la savoir en sécurité avec eux. D’autres photos montraient des religieuses offrant un repas à des mendiants, des orphelins, des gens blessés… Duo soupira. C’était une mauvaise idée. S’il y avait encore des Preventers à Chambord, ils surveillaient sûrement la classe des soleils qui avait été proche des vampires. En appelant Sally il ne ferait que lui poser des problèmes. Et en lui demandant de quitter Chambord, il la rendrait encore plus suspecte et la forcerait à quitter le monde des humains et à vivre pour toujours avec des vampires.
Son regard s’arrêta sur la photo d’un prêtre portant une épée. Duo tourna les pages un peu plus lentement, les photos qui suivaient se ressemblaient toutes : des groupes de jeunes hommes en costume de prêtre, tenant des épées étincelantes. Nombre d’entre eux étaient jeunes mais on lisait la détermination dans leur regard. On les voyait victorieux à côté de cadavres de vampires, patrouillant dans les quartiers d’une ville, s’entraînant au combat, redonnant le sourire à de pauvres gens.
Les yeux de Duo se figèrent à la vue d’une longue tresse caramel. Il fut parcouru d’un frisson. C’était une grande photo, elle occupait une page entière en papier glacé. On voyait deux garçons de moins de vingt ans, habillés en noir, au milieu des ruines d’une maison. Le premier était assis sur un muret, son épée était plantée dans le sol à côté de lui, il avait une carte repliée dans la main, une longue natte aux reflets miel tombait dans son dos et le long de la pierre blanche. Son visage était levé, il parlait visiblement à l’autre garçon à l’instant où la photo avait été prise. Il était tellement lumineux que Duo n’était pas certain de le reconnaître. Ses yeux étaient rieurs, ses lèvres étaient retroussées comme s’il parlait de quelque chose d’amusant, son visage était plus plein, plus coloré, mille fois plus vivant, mille fois plus joyeux. L’autre garçon était debout appuyé contre un mur, il avait les bras croisés et paraissait beaucoup plus sérieux. Il était typé asiatique, avait de longs cheveux noirs, des yeux sombres en amande. Une croix d’or brillait à son cou que Duo reconnut pour l’avoir portée pendant cinquante ans. En observant plus attentivement le regard qu’ils échangeaient, Duo eut la sensation qu’une force invisible reliait les deux personnages de la photo. L’humeur rieuse du premier semblait adoucir la sévérité du second, et le calme sérieux du second faisait apparaître de la gravité dans les traits du premier. Prise dans son ensemble, cette scène dégageait une inexplicable aura de force et de confiance.
Duo baissa les yeux sur la légende « Solo Maxwell et Heero Yuy, ruines d’un village d’Autriche, octobre 2333 ».
Leurs noms apparaissaient à plusieurs reprises dans le texte à côté de l’image, les deux prêtres « s’étaient illustrés dans de nombreux combats, notamment la libération de Bâle pendant la bataille des Trois Jours de Sang », ils « symbolisaient un espoir de victoire pour les humains », un « modèle de courage »… Ils étaient amis depuis des années disait un paragraphe. Ils étaient morts huit mois après la prise de cette photo concluait le texte.
– Je sais pourquoi Solo a réagi bizarrement la première fois qu’il a entendu ton nom, dit Duo en tendant le livre au brun.
Il n’aurait pas su dire pour quelle raison exactement, à cause de Sally ou à cause du livre, il se sentait affreusement triste.
†.†.†
2h du matin
Heero marchait dans un endroit sombre. Quelque chose le poursuivait. Terrifié, il marchait de plus en plus vite, il paniquait, il regardait frénétiquement autour de lui, et se mettait soudain à courir. Mais la chose avait attrapé son bras et il se retournait vivement. Une fillette était là, devant lui, à moitié transparente, elle ressemblait plus à un squelette qu’à une petite fille. Ses yeux étaient profondément enfoncés dans leurs orbites, sa peau était tombante et craquelée, ses os saillaient écorchant sa chair…
Heero tentait de se dégager mais la poigne du monstre était de fer. « Descends avec nous ! » ordonna la morte d’une horrible voix en attirant Heero à elle pour le dévorer.
Le brun se réveilla en sursaut. Il était dans le noir. Sa respiration s’accéléra, il y avait quelqu’un d’autre dans la chambre. Quelque chose bougea à côté de son lit. Il glissa vivement la main sous l’oreiller pour se saisir de son pistolet mais la présence fut plus rapide que lui et elle immobilisa son bras.
– Heero c’est moi ! chuchota Duo en arrêtant le coup qu’il avait tenté de lui donner.
Le brun se calma instantanément.
– Excuse-moi, je suis venu dans ta chambre parce que je t’ai entendu faire du bruit. C’était sûrement un cauchemar, pardon si je t’ai effrayé…
– Pourquoi tu ne dors pas ? demanda Heero en sentant le vampire s’asseoir sur le bord de son lit.
– Je vais aller me coucher. J’étais juste occupé à rechercher des précisions sur l’Archange et je n’ai pas vu le temps passer. Il n’y a pas de photo de lui dans aucun des livres, je trouve ça bizarre, en plus…
– Duo ! C’est la nuit et tu es fatigué. Tu feras tes recherches demain.
Et Heero saisit le natté et le fit basculer à côté de lui sur le lit. Duo, trop surpris, ne fit rien pour l’en empêcher.
– Dors.
Duo sourit dans le noir.
– Tu n’as vraiment pas peur de moi en fait…
Heero soupira.
– Dans mes cauchemars, ce sont des chimères qui me dévorent vivant. Je crois que ma peur des vampires a été reléguée au second plan, répondit-il d’une voix très basse.
Duo entra dans les couvertures et profita que le brun ne puisse pas voir dans le noir pour l’observer longuement.
Heero avait fermé les yeux pour se rendormir et soudain il les rouvrit comme s’il avait oublié quelque chose d’important. Il se rapprocha de Duo et passa un bras autour de son épaule pour l’attirer à lui.
– Qu’est-ce que tu fais ? demanda le vampire trop content de la soudaine chaleur contre lui pour se plaindre.
– On va en ville demain, acheter les billets de train pour l’Allemagne et faire des courses pour Mahaut, ce sera plus prudent que tu aies l’air humain. Déjà que tu refuses de boire du sang, si en plus ta peau est froide… Les Preventers ont sûrement déjà lancé un avis de recherche tu sais.
Duo sourit de l’excuse habile et se blottit un peu plus dans la chaleur de l’humain. Heero sentait trop bon pour son propre bien. Le vampire rapprocha son visage de celui du brun qui ouvrit de nouveau les yeux en sentant sa présence près de lui. Ses pupilles étaient dilatées pour essayer désespérément de capter une lumière dans la nuit, son pouls s’accéléra légèrement, sa respiration aussi, la chaleur de son corps augmenta imperceptiblement. Duo sourit et posa ses lèvres sur celles de l’humain. Il ne s’émerveillerait jamais assez de la magie que renfermaient les humains, de la façon dont leurs corps communiquaient avec le monde quand celui des vampires restait silencieux. Il les avait toujours trouvés faibles, mais maintenant qu’il découvrait l’emprise qu’un seul humain pouvait avoir sur lui, il se demandait ce qui avait pu faire qu’il les croie vulnérables.
Les lèvres d’Heero répondirent aux siennes, elles étaient douces, sa peau était chaude et sentait bon, sa salive avait un goût délicieux, sa langue aussi. La main de l’humain glissa sur sa nuque, le faisant frissonner de plaisir. Il finit par s’écarter pour laisser le brun reprendre son souffle. Regrettant d’avoir mis fin au baiser à l’instant même où leurs lèvres ne furent plus en contact. Aucun d’eux ne parla. Duo s’interdit de recommencer ce qu’il venait de faire. Se maudissant d’avoir cédé au désir mais ne pouvant s’empêcher de penser que c’était le meilleur baiser de toute sa longue vie. Il plongea son visage dans le cou de l’ex-Preventer et s’endormit contre sa peau. Leurs vies était trop compliquées pour ce genre de relation et ils n’en parleraient pas au matin, ils feraient tous deux comme si rien ne s’était passé.
Pourtant Duo savait qu’à partir de maintenant, tout était différent.
A suivre…
Ecriture achevée le 26/05/2010 |