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Groupe W
Par KalySo
Gundam Wing/AC  -  Action/Aventure  -  fr
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Sous le soleil... Exactement!

Episode 4 : Sous le soleil… Exactement !

QG des Olders

"Oui, c’est moi. Ecoute, il faut que tu sois très prudent… Non, Treize est là-bas également, il faut que vous l’évitiez… Et bien débrouille-toi mais évitez-le !… Un de nos hommes sera sur place, arrange-toi pour le démasquer et au besoin, élimine-le… C’est parfait… Fais gaffe !"

L’homme coupa la communication et rejoignit ses collègues autour de la table de réunion. Désormais, tout dépendrait des décisions du Premier.

"Messieurs, commence celui-ci, Heero Yuy et Kushrenada sont actuellement aux Antilles. J’espère de tout cœur que vos poulains savent ce qu’ils ont à faire afin que l’homme que j’ai pris soin d’envoyer sur place n’ait pas à commettre un regrettable accident…"

"Oui", s’inclinèrent les quatre autres.

"Dans ce cas, à la semaine prochaine."

* * * 

Suite royale, Grand Hôtel, Caraïbes

"Et bah, mazette ! J’en connais un qui va pas s’ennuyer pendant son séjour…"

Duo promena son regard à travers la suite. Les pièces respiraient le luxe : rideaux d’organdi blanc brodé d’or, dessus de lit en macramé et sièges de velours, table en acajou massif et robinets dorés, vaisselles de porcelaine, de cristal et d’argent. Il s’efforça de ne pas siffler d’admiration, le groom ne le quittant pas des yeux depuis son entrée remarquée dans l’hôtel. L’hôtesse d’accueil n’avait pas eu l’air d’apprécier sa remarque à propos d’un manche à balai…

Son attention revint sur ses compagnons. Wufei inspectait les lieux à la recherche d’éventuels micros ou autres installations électroniques indésirables, Quatre et Trowa se tenaient au milieu du salon et installaient les dossiers dont Heero aurait besoin au cours de son séjour. Et Heero faisait le tour de l’hôtel avec le directeur : il avait refusé toute escorte, prétextant qu’il ne risquait rien dans l’enceinte de l’établissement, au plus grand soulagement du responsable bedonnant.

Duo avait protesté, après tout c’était son rôle que de l’accompagner dans ses déplacements pour veiller à sa sécurité, mais si Heero refusait lui-même d’être protégé, Duo n’avait plus qu’à rendre son tablier ! Quatre était bien heureusement intervenu avant que la dispute ne dégénère et chacun s’était réfugié dans un semblant de fierté mal placée, au plus grand dam des trois autres.

Il faut dire que depuis quelques jours, les tensions étaient palpables entre le multimilliardaire et son ami Américain : leur refus de céder à leur attirance mutuelle n’entraînait que mauvaise humeur et crises de nerfs, mettant les autres membres de l’équipe mal à l’aise en leur présence. Chacun attendait avec appréhension la prochaine altercation tout en souhaitant y mettre fin.

"Duo ? Pourrais-tu aller chercher Heero, s’il te plaît ?" demanda Quatre. "Il me faut son avis sur le planning de sa semaine."

"D’accord", accepta l’Américain. "A plus !"

A peine sorti, Trowa et Wufei regardèrent le jeune Arabe avec de grands yeux. Celui-ci haussa les épaules.

"Je crois qu’il est plus que temps qu’ils mettent les choses au point", se justifia-t-il.

"Tu as raison", approuva Trowa. "Nous avons une mission sur place. Il ne faut pas que leurs disputes à répétition ne viennent tout faire foirer."

Wufei se contenta d’acquiescer puis retourne à son inspection de la chambre, non sans marmonner quelque chose concernant son patron, un certain shazi et l’évacuation forcée des ondes négatives.

* * * 

Plage privée du Grand Hôtel, Caraïbes

Le soleil descendait lentement vers la grande étendue bleue. Le ciel s’embrasait progressivement dans un dégradé de rouge et or. Aucun nuage ne venait troubler la descente de l’astre solaire, promettent un magnifique coucher de soleil.

Lorsque Duo arriva sur la plage, il ne mit que quelques secondes pour s’adapter à l’aveuglante lumière du crépuscule. En revanche, il lui fallut près d’une minute pour réaliser que la silhouette se tenant au bord de l’eau, le bas de son jean retroussé et la chemise blanche volant au vent, n’était autre que son cher patron.

Reprenant ses esprits, le garde du corps se mit pieds nus afin d’apprécier la délicate morsure du sable blanc et s’avança à hauteur du Japonais. Un infime tressaillement dans le cou de ce dernier lui apprit que Heero s’était rendu compte de sa présence. N’y voyant cependant aucun inconvénient, Duo continua sa progression.

"Quatre souhaite te voir pour le planning de la semaine."

"Hum."

Le soleil avait presque atteint l’horizon. Un agréable silence s’installa entre les deux hommes, les plongeant chacun dans leurs pensées. Pour Heero, l’intervention de Duo semblait être un signe : il avait l’intention d’aller lui parler afin de mettre les choses au point avant leur mission, mais il ne savait absolument pas comment l’aborder. Duo, quant à lui, appréciait le silence détendu du moment : pour une fois qu’ils ne se disputaient pas ! Cette dernière semaine, alors qu’ils effectuaient une tournée en Amérique du Sud pour visiter les différentes filiales du Groupe W, la tension était peu à peu montée entre eux, à tel point que l’Américain avait la désagréable impression d’avoir été transformé en cocotte minute. Il était plus que temps qu’ils en parlent ensemble à tête reposée.

"Duo, il faudrait…"

"Heero, je crois…"

Ils s’interrompirent tous les deux et partirent d’un rire nerveux. Heero reprit le premier la parole et invita Duo à s’exprimer d’abord.

"Okay mais tu n’y couperas pas", prévint l’Américain.

Le Japonais acquiesça et son garde du corps prit une profonde inspiration en vue de son discours.

"Je crois qu’on a un sérieux problème à régler tous les deux."

Le brun hocha la tête.

"Et je crois aussi que nous savons tous les deux d’où vient le problème."

Deuxième acquiescement.

"Mais je crois également qu’il ne sera pas facile et rapide de le régler."

Heero détourna le regard. Duo avança lentement sa main vers son visage et lui remonta délicatement le menton afin de voir ses yeux. Le soleil avait terminé sa course et le voile bleu nuit du ciel se reflétait parfaitement dans le regard prussien qui lui faisait face. La châtain déglutit puis reprit, se laissant entraîner par le trop plein de ses émotions refoulées :

"Je sais pertinemment que les autres ne sont pas encore à l’aise avec moi… Wufei est un solitaire et je pense qu’il ne me fait pas encore confiance ; il a sûrement ses raisons… Trowa et Quatre, ils se regardent dans le blanc des yeux à longueur de journée et ne cessent de se tourner autour. Alors il ne me reste que toi, et pourtant on passe nos journées à s’engueuler. Et pour quoi ? Pour une histoire de fierté ! Une sale putain de fierté mal placée qui fait qu’à chaque fois que je te vois, j’ai envie de te sauter dessus, mais là je me rappelle que je n’en aie pas le droit par respect pour toi… Je me doute que tu n’as pas toujours eu une vie de rêve où tout allait pour le mieux. Moi non plus. Nous devons tous faire des choix qui nous laissent plus ou moins heureux de notre sort…"

Il se radoucit soudainement. Ses yeux s’ancrèrent à ceux de son vis-à-vis et il se rapprocha lentement de lui jusqu’à ne plus être qu’à quelques centimètres de son visage.

"Je respecterai tes choix et tes envies. Si tu penses que je ferai mieux de quitter l’équipe, pour le bien de la mission autant que pour notre amitié, je le ferai."

Il posa alors sa main sur la joue de Heero et se colla contre lui, frissonnant dans la fraîcheur de la nuit tropicale.

"Je ne te demande rien, ni de promettre et encore moins de m’aimer. Sois juste honnête avec toi-même, avec ton cœur et avec moi."

Il déposa un chaste baiser sur les lèvres du Japonais et, ne lui laissant pas le temps de réagir, tourna les talons et rejoignit la route.

Heero demeurait impassible sur le sable. Et pourtant, un véritable tourbillon s’était levé en lui à l’instant même où les lèvres de Duo s’étaient posées sur les siennes. Il avait la désagréable impression que son estomac se prenait pour une serre à papillons ! Lentement, il se laissa tomber au sol, remerciant silencieusement l’Américain de lui laisser le temps de mettre ses idées au clair. Il décida de rester encore un peu sur la plage, occultant totalement la demande de Quatre, afin de réfléchir sérieusement à la situation.

« Pourquoi suis-je comme ça avec lui depuis quelques temps ? Il suffit qu’il entre dans une pièce pour que la colère me saisisse… Et pourtant je ne lui en veux pas, qu’aurai-je à lui reprocher ? La fusillade ? C’est oublié depuis longtemps, même si lui en gardera les cicatrices physiques une bonne partie de sa vie… Mais est-ce bien de la colère ? J’ai eu l’impression d’éprouver le même sentiment lorsqu’il m’a embrassé, mais en beaucoup plus puissant… Que dois-je faire ? Si seulement Kai était là, il me dirait quoi faire… »

Finalement, le jeune multimilliardaire se plongea dans ses réflexions et n’en sortit qu’une heure plus tard avec une unique certitude, plus déstabilisante pour lui que réellement réconfortante :

« Je l’aime. »

Il ne put cependant pas s’attarder plus sur cette magnifique découverte : les moustiques tropicaux eurent raison de lui et il se dépêcha de rentrer à l’hôtel.

* * * 

Quelque part au sud de l’île

La bicoque ressemblait plus à un amas de débris végétaux qu’à une modeste demeure. Aucune lumière ne filtrait de l’intérieur, et pourtant, quiconque aurait tendu l’oreille aurait distinctement entendu les bruits caractéristiques de la présence d’une vie humaine. La jeune femme ne semblait pas avoir plus de trente ans : ses cheveux clairs mi longs étaient retenus en de courtes tresses qui encadraient parfaitement son visage fin aux traits métissés asiatiques. Elle se préparait à sortir, et se tourna vers un vieux miroir piqué afin de vérifier une dernière fois son image. Ses yeux bleu-vert détaillèrent sa silhouette fine, n’esquissant une grimace qu’à la vue de la minuscule cicatrice qu’offrait son poignet découvert. Elle n’avait cependant pas le choix ce soir : la réception n’admettait pas les robes à manches longues.

« Encore une bizarrerie du monde aristocratique » se dit-elle.

Se détournant de la surface abîmée pas les années, elle saisit son sac posé sur la petite table derrière elle et en vérifia le contenu, s’assurant que l’arme qu’elle avait placée à l’intérieur n’avait pas bougé. Rassurée, elle quitta la case et prit la direction du parking public le plus proche. Elle monta dans une voiture de location et démarra, prenant la direction de l’Ouest.

* * * 

Salle de réception du Grand Hôtel, Caraïbes

"Qui devons-nous avoir à l’œil ?"

"Tout homme susceptible de porter une arme."

"Seulement les hommes ?"

"Tu ne crois tout de même pas qu’une femme…"

"Et pourquoi pas ? Une de mes amies est tueuse à gages, et je peux t’assurer qu’elle foutrait les pétoches à plus d’un !"

"Peut-être, mais mes sources m’ont assuré que le tueur serait un homme, probablement de race blanche. Alors ne va pas chercher midi à quatorze heures !"

"Okay Fei ! Mais n’oublie pas que JE suis le chef de la sécurité…"

Sur cette petite mise au point, Duo reporta son attention sur les invités qui commençaient à remplir doucement la salle. Vaste et richement décorée, elle accueillait ce soir-là de hauts dirigeants internationaux, des hommes politiques de renom ou encore de grands financiers et directeurs de multinationales.

« Un véritable cortège de pingouins qui ont oublié que le balai dans le cul était désormais une option » railla l’Américain en balayant la salle du regard.

Il cherchait son patron naturellement. Ils n’avaient pas eu l’occasion de se croiser depuis la veille au soir sur la plage : Duo devait vérifier le système de sécurité de l’hôtel et Heero avait rencontré la plupart des invités ici présents afin de tâter le terrain sur d’éventuelles affaires futures. Cependant, le natté ne s’en portait pas plus mal : il préférait prendre ses distances après une telle déclaration afin de ne pas brusquer le brun.

Un mouvement de foule et son regard se redirigea vers l’entrée de la salle. Il ne fut pas surpris d’y reconnaître Heero, en tailleur noir et chemise blanche bien qu’il détestât les smokings, faire son apparition. A sa simple vue, les conversations s’étaient tues ; après tout c’était lui l’organisateur de cette petite réception. Et également l’homme le plus riche du monde, mais ce n’est qu’un détail !

Il s’avança parmi ses invités, aussi à l’aise que s’il avait fait ça toute sa vie. Ce qui était loin d’être le cas. Duo repéra Quatre près du buffet, en grande conversation avec un l’ambassadeur d’Egypte, puis Trowa, à quelques mètres de là, qui tentait de ne pas paraître impoli en n’écoutant strictement rien à ce que disaient deux vieux généraux slaves. Duo sourit en le regardant jeter des coups d’œil suspicieux au jeune ambassadeur. Pour finir, il aperçut Wufei et écarquilla les yeux. Il regarda le Chinois s’approcher d’une magnifique jeune femme, sûrement métisse asiatique, et engager la conversation. Bien qu’intrigué, il ne pouvait décemment pas abandonner son poste uniquement pour satisfaire sa curiosité.

* * *

Il ne cessait de scruter la foule, à la recherche d’un éventuel suspect, lorsqu’il la vit. Son corps mince guindé dans un robe fourreau d’un noir de jais, une longue fente laissant deviner des jambes interminables et des cheveux que l’on devinait soyeux retenus en deux tresses parfaitement symétriques, un visage fin où le métissage se devinait à peine : elle était sans conteste la plus belle femme qu’il ait jamais vue… Après Mei, bien entendu !

Se reprenant avant que quiconque ne puisse le voir, Wufei attendit que la jeune femme s’approche du buffet pour engager la conversation.

"Bonsoir, je m’appelle Chang Wufei."

Elle le regarda brièvement avant de serrer la main qu’il lui tendait.

"Sally Po, enchantée."

"La réception vous plait-elle ?" s’enquit le Chinois, mal à l’aise d’une certaine froideur qu’il percevait chez la dénommée Sally.

"A vrai dire ce genre de soirée m’ennuie profondément, mais mon père n’ayant pu faire le déplacement, il fallait bien que quelqu’un face honneur à la famille."

Elle prononça le mot honneur comme s’il lui écorchait la bouche. Wufei leva un sourcil étonné mais ne releva pas, bien que pour lui qui avait reçu une éducation très traditionnelle, l’honneur était la base de son mode de vie. Revenant à ce que la jeune femme disait, il remarqua qu’elle ne cessait de jeter des coups d’œil en direction de Heero Yuy. Il eut alors une idée.

"Souhaiteriez-vous le rencontrer ?"

"Vous le connaissez ?" s’étonna-t-elle.

"En quelque sorte", répondit-il évasivement. "C’est mon patron. Venez", ajouta-t-il en lui prenant la main sans lui laisser le temps de réagir.

Ils se rapprochèrent donc du jeune chef d’entreprise et attendirent quelques minutes qu’il termine sa conversation avec l’éminent dirigeant d’une grande compagnie informatique. Puis il se tourna vers eux, détailla la jeune femme et revint sur le Chinois en levant un sourcil intrigué.

"Je te présente Sally Po", l’informa Wufei. "Elle est ici en raison de la mauvaise santé de son père et elle souhaitait te rencontrer."

"Ravi de faire votre connaissance Mademoiselle Po", fit Heero en lui baisant la main.

"Ravissement partagé Monsieur Yuy. J’aimerai m’entretenir avec vous de la Wing Gen'."

Réprimant un frisson, Heero regarda Wufei dans les yeux et celui-ci disparut instantanément à la recherche de leurs compagnons. Puis le Japonais de retourna vers la jeune femme.

"Veuillez me suivre jusqu’à mon bureau s’il vous plaît. Nous serons plus tranquille pour discuter, et je pense que ce que vous avez à me dire me sera utile très prochainement."

* * * 

Bureau de Heero Yuy, suite royale, Grand Hôtel, Caraïbes

"Installez-vous, je vous prie."

Sally s’assit dans le grand fauteuil devant le bureau en chêne massif et croisa les jambes. Elle était magnifique, mais ses yeux comportaient une certaine tristesse que Heero reconnut immédiatement : celle causée par la mort d’un être cher.

"Vous souhaitiez m’entretenir à propos de la Wing Gen’. Je vous écoute."

"Je sais de source sûre que vous n’êtes pas le genre de patron à laisser les employés agir impunément lorsque ces agissements sont criminels. Et il se trouve que certains employés de la Wing Gen’ agissent de manière criminelle, ou du moins fort répréhensible."

Heero acquiesça et se leva, se postant devant la baie vitrée qui donnait sur la lagune.

"Si je suis ici, poursuivit la jeune femme, si je suis venue vous voir, c’est parce que je pense que vous ne me décevrez pas… Je l’espère en tous cas."

"Vous pouvez parler en toute confiance, il n’y a que vous et moi ici, et tout ce que vous direz restera entre nous."

Elle lui sourit, mais son sourire ne monta pas jusqu’à ses yeux. Qui avait-elle donc perdu ?

"Mon frère a été tué. Il est mort pour avoir découvert certains de ces agissements que j’ai évoqués. Il a tout juste eu le temps de me transmettre ses fichiers et ses prises de notes sur ses différentes découvertes, et lorsque j’ai voulu le contacter, sa logeuse m’a appris qu’il s’était suicidé."

Elle avait presque craché ce mot tant il la révulsait.

"Mon frère ne se serait jamais donné la mort !" s’exclama-t-elle, sa colère remontant à la surface. "Pas tant que les coupables n’auraient pas été punis pour ce qu’ils ont fait…"

Elle se tut subitement et Heero leva un sourcil.

"Qu’ont-ils fait Mademoiselle Po ? Qu’est-ce qui motivait tant votre frère ?"

Elle sembla perdue, ses yeux écarquillés comme ceux d’une biche prise dans les phares d’une voiture. Puis elle se ressaisit et poussa un soupir de résignation.

"Mon frère… avait une épouse. Elle était employée à la Wing Gen’ et travaillait dans les bureaux, au service de gestion. Un soir elle n’est pas rentrée et mon frère s’est inquiété… Il est allé la chercher, mais lorsqu’il est arrivé, le concierge l’a rabroué en affirmant que tous les employés étaient rentrés chez eux. Mon frère a fait demi-tour et est rentré chez lui. Deux jours plus tard, un avis de recherche était diffusé, et une semaine après, le corps de ma belle-sœur était retrouvé dans une crique au nord de l’île."

Sally acheva sa phrase d’une voix froide dénuée de toute émotion. Les mois avaient laissé le désir de vengeance prendre la place du chagrin. Et puis s’apitoyer n’avait jamais rien résolu !

Heero sentit une profonde compassion l’envahir en voyant le regard de la jeune femme se durcir de la sorte par la haine. Il décida de lui laisser quelques minutes de répit avant de commencer la flopé de questions qui lui venait en tête.

* * * 

Salon de la suite royale, Grand Hôtel, Caraïbes

Le silence régnait dans la pièce adjacente. Les quatre hommes attendaient, avec plus ou moins de patience, que l’entretien s’achève. Ils se rendaient bien compte que cette jeune femme était une chance inespérée de faire cesser enfin les agissements de la firme génétique, mais ils n’en appréhendaient pas moins le fait qu’elle coure un grave danger.

Quatre observa tour à tour ses compagnons. Wufei n’avait pas quitté la porte des yeux, adossé au mur qui y faisait face, les lèvres légèrement pincées, semblant concentré comme s’il pouvait entendre ce qui s’y disait. Une fine ride de mécontentement plissait son front entre les deux sourcils, seul signe de son impatience grandissante. Trowa, assis tout comme l’arabe dans un des fauteuils disposés autour de la table basse, avait fermé les yeux. Il ne dormait pas, mais étendait ses sens très affinés afin de percevoir le moindre changement d’atmosphère dans la pièce voisine. Quatre se dit encore une fois que le jeune européen était bien mystérieux. Duo, quant à lui, avait finalement cessé de faire les cent pas, pour ne pas creuser une tranchée dans la moquette hors de prix, et s’était perché sur le comptoir du bar, les jambes croisées et la mine songeuse. Il semblait ne plus être dans la pièce, bien que Quatre soit certain qu’au moindre problème, il réagirait au quart de tour.

Tout comme les deux autres, le jeune arabe connaissait parfaitement la nature du lien particulier qui unissait son patron et le chef de la sécurité. Cependant, il doutait encore que les choses s’arrangent aussi rapidement qu’il le prétendait. Bien sûr il l’espérait, mais avec les deux caractères bien trempés des deux protagonistes, l’affaire était loin d’être bouclée.

La poignée du bureau s’abaissa et Quatre eut à peine le temps de cligner des yeux que Duo se tenait devant la porte, prêt à répondre aux ordres, Trowa s’était levé prestement et Wufei avait décollé son dos du mur. Il contint un sourire d’autosatisfaction en se rendant compte qu’il avait parfaitement prémédité les réactions de ses collègues puis se tourna vers Heero qui sortait de la pièce, Sally Po derrière lui.

Il fut frappé de plein fouet par la tristesse émanant de la jeune femme. Tout dans sa posture et son expression portait à croire qu’elle n’avait pas souri depuis trop longtemps déjà.

"Wufei", interpella Heero.

Le Chinois leva les yeux et se redressa en attendant les ordres.

"Peux-tu raccompagner Mademoiselle Po à la chambre que je viens de lui faire réserver ? Il se tourna vers elle et poursuivit : Allez vous reposer, nous nous occupons du reste."

"Merci infiniment, Monsieur Yuy. Tenez moi au courant, s’il vous plaît."

"Bien entendu."

Wufei s’approcha alors et lui présenta son bras. Elle l’accepta et se laissa raccompagner.

Lorsque le couple franchit la porte, Heero regarda ses collègues. D’un regard, il leur fit comprendre de se rendre dans le bureau. Duo fut le dernier à entrer, il referma la porte et s’y adossa. Il n’avait pas eu l’occasion de parler à Heero depuis leur conversation sur la plage, et il doutait que le moment soit le bienvenu pour le lui rappeler. En effet, son patron expliqua immédiatement l’affaire qui venait de lui être exposée.

"Sally a perdu son frère et sa belle-sœur suite aux agissements de la Wing Gen’. D’après les notes que son frère a recueillies avant de mourir, je peux affirmer avec certitude que Treize Kushrenada est bien impliqué dans cette affaire. Ainsi que OZ, cela va sans dire…"

"Ne devrions-nous pas attendre Wufei avant d’entamer le gros de l’investigation ?" demanda Quatre. ""Il serait inutile de répéter ce que tu viens de dire."

"Sally s’en chargera pour nous, ne t’en fais pas", répondit évasivement Heero. "Pour ce qui est de la phase pratique, je voudrai que vous étudiiez les plans de l’usine et des bureaux. Trowa et Quatre, je vous laisse mettre au point notre infiltration. Duo, tu te chargeras de l’achat du matériel nécessaire à la réalisation de cette mission. Wufei t’accompagnera dès qu’il reviendra."

Tous acquiescèrent et ils sortirent du bureau. Trowa et Quatre se dirigèrent vers la table de la salle à manger afin d’y étaler les plans. Les voyant se mettre de suite au travail, il saisit sa veste et se dirigea vers l’entrée.

"Et toi ?"

Heero se tourna vers Duo, instinctivement sur la défensive après presque trois semaines de prises de bec incessantes.

"Quoi moi ?" questionna-t-il exaspéré.

"Tu vas faire quoi ? Je suis ton garde du corps, il faut au moins que je sache où tu vas si jamais il t’arrivait quelque chose…"

Le Japonais retint un soupir, mélange d’exaspération et de soulagement.

"Je retourne à la réception. Le directeur dot être au bord de l’apoplexie en pensant que je l’ai abandonné au beau milieu de cette bande de requins."

Il se retourna, estimant qu’il n’avait pas à se justifier d’avantage. Cependant, Duo le stoppa net en prononçant ces mots :

"N’hésite pas à m’appeler si tu as besoin…"

"Merci, je n’y manquerai pas."

Il ouvrit la porte et sortit. Lorsque Duo revint dans le salon, Quatre et Trowa avaient déjà esquissé la moitié du plan d’infiltration et établi une liste de matériel très précise. Il ne manquait plus que Wufei pour que la fête commence.

* * * 

Chambre 56, Grand Hôtel, Caraïbes

Sally referma la porte derrière elle et s’y adossa. Son sac à main lui échappa des mains, mais elle ne fit rien pour le rattraper, encore plongée dans la conversation qu’elle venait d’avoir avec Chang Wufei. Il s’était montré extrêmement serviable et poli, ni trop curieux, ni trop réservé.

"Monsieur Yuy a-t-il su répondre à vos questions ?" avait-il demandé dans l’ascenseur.

"En partie, oui. Le reste, il faudra que je le trouve moi-même…"

"J’espère que vous parviendrez à votre but. Si pour cela je peux vous être d’une quelconque utilité, n’hésitez pas à me contacter."

Il lui avait alors tendu une carte de visite. Elle y avait jeté un coup d’œil suspect avant de se raviser et de la prendre. Ce jeune homme pouvait ce montrer utile : qui de mieux qu’une personne de l’entourage de Yuy pour la tenir au courant de l’avancement de l’enquête.

"Vous êtes arrivée."

Elle était sortie brusquement de ces réflexions et avait découvert la porte de sa chambre. Se tournant, elle prit conscience que Wufei s’était déjà éloigné pour retourner vers la cage d’escalier.

"Vous ne souhaitez pas entrer ?" s’était-elle étonnée. "Je peux vous offrir un petit quelque chose sorti tout droit du minibar."

"Non, merci", avait-il décliné, un fin sourire ourlant ses lèvres. "Je pense que nous aurons d’autres occasions pour boire un ‘petit quelque chose’. Bonne nuit, mademoiselle Po."

"Bonne nuit."

Et il avait disparu dans la cage d’escalier.

Elle sentait qu’elle pouvait lui faire confiance, alors qu’elle ne faisait plus confiance à personne depuis la mort de son frère. Il avait été sa seule famille après la mort de leurs parents, et le perdre à son tour dans des circonstances aussi tragiques ne faisait qu’ajouter à son chagrin et renforcer sa soif de vengeance.

Elle passa finalement à la salle de bain, se changea puis se coucha.

Pour la première fois depuis plusieurs mois, elle ne fit aucun cauchemar cette nuit-là.

* * * 

Suite royale, Grand Hôtel, Caraïbes

La réception venait de se terminer et Heero pénétra dans sa suite avec un soupir de soulagement. Décidément, ce genre de mondanités n’était vraiment pas sa tasse de thé ! La lumière provenant du salon lui apprit qu’il n’était pas seul, et il s’y dirigea en espérant que ses amis auraient de bonnes nouvelles à lui apprendre.

Il se figea sur le pas de la porte, souhaitant de toutes ses forces que ce qu’il voyait ne fût pas réel. Trowa et Quatre avaient disparu, laissant seul un Duo en pleine concentration, penché sur une liasse de documents qu’il étudiait avec une minutie que le Japonais ne lui connaissait pas. Heero ne se sentait pas le courage d’entamer une conversation d’ordre sentimentale après la soirée qu’il venait de passer. Il n’avait en tête qu’une seule envie : dormir ! Il s’apprêtait donc à faire demi tour au moment où l’Américain l’interpella :

"Ca va ? T’as survécu, finalement ?"

Heero revint sur ses pas et s’assit à une chaise que le natté avait poussée du pied à son encontre.

"On peut dire ça… Où sont les autres ?"

"Tro et Quat’ sont allés se coucher ‑ notre blondinet ne tenait plus debout – et Wufei est repassé rapidement après avoir ramené Sally : il a emmené une pile de papiers pour les étudier ‘au calme’ dans sa chambre. Genre que je fais du bruit, moi !" ajouta-t-il en levant les yeux au ciel.

Heero étouffa un sourire devant les mimiques que faisait le châtain. Ce dernier ne semblait pas se rendre compte de l’amusement de son patron, continuant ses imitations de leur ami Chinois. Il s’arrêta finalement et darda sur Heero un regard où perçait la curiosité.

"Au fait, c’est toi qui a fait mettre Tro et Quat’ dans la même chambre, non ?"

"Oui, pourquoi ?" s’enquit le Japonais en déglutissant péniblement sous le regard troublant de son vis-à-vis.

"Je savais pas que t’aimais jouer les entremetteurs…"

Le sourire qui accompagna cet aveu fit chavirer le cœur de Heero. Si seulement l’Américain pouvait arrêter de lui faire cet effet-là, peut-être qu’il pourrait trouver rapidement de quoi répliquer… Trop, tard, le natté s’était détourné et était retourné à son inspection minutieuse des documents qu’ils avaient pu collecter au sujet de la Wing Gen’.

* * *

Duo profita du léger égarement de son patron pour se détourner. Il n’était pas sûr de pouvoir contrôler son désir de l’embrasser s’il restait trop longtemps à le fixer, et il n’avait aucune envie de voir leur récente entente voler en éclat au profit d’une nouvelle crise de nerfs. Si seulement Heero pouvait lui répondre une bonne fois pour toutes ! Positivement ou négativement, mais qu’il puisse cesser ces longues nuits blanches dont il ne voyait pas le bout depuis maintenant un mois.

Ses pensées étaient monopolisées par le jeune chef d’entreprise, et il supportait de moins en moins leur proximité professionnelle au détriment d’un rapprochement plus personnel. Plus le temps passait, plus il lui semblait que cette situation était vouée à perdurer. Chose qu’il ne pourrait accepter et qui avait entraîné sa déclaration sur la plage la veille.

Heureusement, la mission qu’ils s’étaient fixés en venant ici lui permettait de mettre de côté ses préoccupations personnelles. Et l’arrivée de Sally Po avait redonné un coup de pouce à leur enquête qui, depuis leur départ de New York, avait quelque peu stagné. Duo tenta donc de se replonger dans l’étude des documents étalés devant lui sur la table, mais la simple présence silencieuse de Heero n’aidait pas à sa concentration.

Il fut presque soulagé lorsque ce dernier se leva et prit la direction de sa chambre. Il devait être exténué après cette soirée où poignées de mains collantes rivalisaient avec les sourires hypocrites. Quelques minutes plus tard, un bruit d’eau lu parvint de la salle de bains. Aussitôt, son imagination débordante se mit en marche et il fut incapable de se concentrer définitivement sur ses recherches. Se détestant de réagir aussi violemment, il respira profondément afin de se clamer avant que Heero ne revienne.

Succès total au retour de son patron qui ne se douta de rien lorsqu’il se rassit sur sa chaise avant de saisir une des piles situées devant lui.

"Qu’est-ce que tu fais ?" s’étonna Duo.

"Je t’aide", fit calmement remarquer le Japonais. "Tu ne vas tout de même pas te taper tout le sale boulot !"

Le silence s’installa, bien vite brisé par des bâillements mal étouffés.

"Tu devrais aller te coucher", déclara Duo.

"Je n’ai pas besoin d’une nounou", répliqua Heero d’un ton neutre.

Duo s’impatienta.

"Peut-être bien, mais tu n’es pas fichu de prendre soin de toi-même, alors il faut bien que quelqu’un le fasse !"

"Il me semble que nous avons déjà eu ce genre de discussion…"

"Justement ! Mon job est d’assurer ta sécurité, et si tu dormais convenablement, j’aurai un souci de moins sur les épaules."

"Je croyais que tu en avais marre qu’on se dispute ?" observa Heero, un sourcil ironiquement relevé.

"La faute à qui ? Tu ne tiens compte d’aucun de mes conseils", s’emporta Duo. "J’en ai marre de devoir surveiller un type qui se fout royalement de sa propre sécurité. Je ne peux pas te surveiller 24 heures sur 24, il faut donc que tu t’assumes un peu !"

"24 heures sur 24, hein ?" ironisa Heero. "J’avais pourtant cru comprendre que c’était ce que tu voulais…"

Il se tut brutalement. Duo avait baissé la tête, les poings serrés de chaque côté de la feuille qu’il étudiait avant leur dispute.

Heero s’en voulut immédiatement. Il n’avait pas voulu se montrer blessant, mais sa colère l’avait emporté et les mots avaient jailli de sa bouche avant qu’il ne s’en rende compte. Il tenta aussitôt de s’excuser :

"Gomen ne, Duo… Je ne pensais pas… Je n’ai pas voulu… Excuse-moi, je ne voulais pas…"

Instinctivement, il lui prit la main pour attirer son regard. Il s’en voulut d’avantage en lisant l’immense tristesse qui envahissait les yeux de Duo. Sans comprendre pourquoi, ni comment, le Japonais se retrouva à genoux devant Duo, tenant toujours sa main dans la sienne, son autre paume posée délicatement sur la joue de son ami en un geste consolateur.

"Je suis vraiment désolé, Duo… Je ne voulais vraiment pas… J’étais en colère… Pardonne-moi, s’il te plaît…"

Il se sentit soulager d’un immense poids quand Duo acquiesça silencieusement en appuyant sa joue contre la paume de Heero. De nouveau, il bougea sans chercher à comprendre ce qu’il faisait.

Duo admira le visage du Japonais qui s’approcha doucement du sien jusqu’à ce que leurs fronts se touchent. Inconsciemment, il se rendit compte que ce moment était unique. Il ne fallait surtout pas le briser.

La voix calme et grave d’Heero s’éleva alors, prolongeant ce sentiment d’unicité :

"Tu sais, j’ai beaucoup réfléchi à ce que tu m’as dit hier…"

Le rythme cardiaque de Duo accéléra brutalement : il allait enfin être fixé.

"A propos de l’honnêteté et des choix… Il y a quelques années, j’ai du faire un choix personnel très douloureux…"

Son cœur se serra au souvenir de cette période. Son monde s’était écroulé et il avait eu énormément de mal à refaire surface. La perte de Kai avait été une des épreuves les plus dures de sa jeunesse, et la plaie n’était pas entièrement cicatrisée.

"Je ne tiens pas à m’étaler sur le sujet pour le moment", continua-t-il. "Je ne veux pas que tu quittes l’équipe… Malgré nos disputes et nos débuts quelque peu… tumultueux, je me suis attaché à toi plus vite que je ne le pensais… Je ne veux pas te voir t’éloigner…"

Les bras de Duo entourèrent ses épaules et il dévia sa tête pour la faire reposer au creux du cou du natté.

"Je ne m’éloignerai pas Heero", assura-t-il alors. "Pas tant que tu voudras que je reste."

Il sentit le Japonais acquiescer en silence et se laissa glisser à ses côtés sur la moquette du salon pour resserrer ses bras sur la silhouette qui semblait si fragile en cet instant. Les mains de Heero se posèrent timidement dans son dos, faisant frissonner l’Américain. Il recula de quelques centimètres afin de voir le visage de son compagnon. Le regard prussien d’ordinaire détaché et froid n’avait jamais semblé aussi fragile et brûlant à Duo qui sentit son estomac se contracter. Incapable de résister plus longtemps, il avança son visage vers celui de son vis-à-vis et déposa délicatement ses lèvres sur celles de Heero. La réponse du Japonais ne se fit pas attendre et leurs langues se rencontrèrent en un ballet doux et sensuel, électrisant leurs sens et brouillant leur conscience. Les mains jusque là chastes se firent câlines sur l’arrondi d’une épaule, caressante au creux des reins qui s’échauffaient lentement.

Les deux hommes se séparèrent au bout de quelques minutes. Le moment avait été fort et magique, mais ils ne pouvaient se permettre de poursuivre. Et ils le savaient tous les deux.

"Je crois…", commença Duo.

"Il ne faut pas…", le coupa Heero.

Un sourire charmé envahit les lèvres de l’Américain à la vue de petits macarons rouges sur les pommettes du brun qui eut de suite envie d’en reprendre possession. Mais ils savaient aussi bien l’un que l’autre que le moment n’était pas venu.

"Je pense que je vais aller me coucher", déclara Duo. "Il se fait tard et nous avons une grosse journée demain."

Heero acquiesça d’un signe de tête et ils s’aidèrent mutuellement à se relever. Duo garda la main du Japonais dans la sienne jusqu’à la porte de la suite où il l’embrassa une dernière fois avant de traverser le couloir et de pénétrer dans la chambre d’en face.

* * * 

Chambre 34, Grand Hôtel, Caraïbes

Dans la pénombre dispensée par le clair de lune, Quatre sourit mystérieusement. Allongé sur le dos, il observait depuis près d’une demi heure le jeu des ombres sur le plafond tout en analysant les émotions qu’il recevait de ses amis, à quelques portes de là.

Le jeune Arabe avait remarqué que, depuis qu’il se travaillait avec l’USS, ses perceptions émotionnelles s’étaient grandement améliorées, allant jusqu’à décrypter les émotions de son entourage proche. Il lui semblait que ce phénomène s’était déjà produit dans son enfance, mais ses souvenirs vagues ne lui étaient d’aucun secours. Au moins, il se tenait au courant en temps et en heure de l’évolution des relations entre son patron et son meilleur ami. Et le dernier rapport était on ne peut plus encourageant !

Quatre se tourna entre les draps, un fin sourire aux lèvres. Son regard tomba immanquablement sur la silhouette occupant le lit jumeau du sien et une légère chaleur envahit son visage. Trowa se montrait très protecteur envers lui, comme en témoignait l’épisode du Touch, mais il ne parvenait pas à lire en lui comme avec les autres et cela l’intriguait. Il avait l’impression que l’Européen s’était forgé un rempart autour de son cœur et de ses émotions, empêchant quiconque de l’atteindre trop personnellement. Quatre, même s’il ne le montrait pas, se sentait blessé par ce manque de confiance envers leur groupe, mais plus particulièrement envers lui. Il avait pensé que leur séjour en Russie les aurait rapproché : pendant près d’une semaine, ils avaient vécu tous les deux, sans interactions extérieures, à glaner des informations pour le compte de leur nouveau patron et ami ; puis ils avaient pu passer trois jours à visiter Moscou et St Petersbourg, enchaînant musées, ballades dans les quartiers pittoresques et bars à la mode. Quatre avait passé d’excellents moments en compagnie du Français, il avait même réussi à obtenir l’un de ses si rares sourires. Mais les émotions du brun restaient totalement hermétiques à son étrange pouvoir de perception.

Le soupir de découragement qu’il poussa fendit l’âme de Trowa. Ce dernier ne dormait pas non plus, trop occupé à écouter tous les petits bruits que faisait son ‘colocataire’. Depuis la Russie, il ne pouvait s’empêcher d’éprouver un élan de tendresse envers le jeune homme blond qui n’inspirait que sympathie autour de lui. Mais il n’était pas prêt à accepter ses sentiments : ce flot d’émotions qui bouillonnait en lui depuis sa rencontre avec l’Arabe était encore totalement ingérable pour lui. Dès sa plus tendre enfance, il avait été obligé de cacher toutes sortes de sentiments, et leur interprétation lui était aujourd’hui parfaitement impossible.

De plus, le comportement parfois énigmatique de Quatre le mettait mal à l’aise, et cela c’était accentué depuis l’intégration de Duo à leur équipe. Quatre semblait plus préoccupé par l’Américain que par son amitié naissante avec le Français, et cela le blessait plus qu’il n’osait l’admettre.

La respiration calme et régulière provenant du lit voisin lui apprit que Quatre s’était enfin endormi. Il se tourna alors vers lui et observa son visage à la lueur d’un rayon lunaire. Les lèvres pleines et rose, le petit droit, le menton fier et noble, les paupières délicates protégeant deux iris d’un bleu déroutant, les cheveux de soie d’un blond si clair qu’en cet instant ils paraissaient blancs. Si Trowa ne se savait pas éveillé, cette inspection nocturne lui aurait fait croire en l’existence des anges.

Comblé par cette vision de douceur, il s’endormit à son tour en souhaitant qu’un jour il soit capable de se comprendre lui-même.

* * * 

Siège de la Wing Gen’, Caraïbes

"Comme vous pouvez le voir, nos installations sont parfaitement aux normes en vigueur sur le territoire américain", commenta le responsable du laboratoire. "Les travaux entrepris il y a quatre ans portent enfin leurs fruits, et nous enregistrons actuellement une hausse de commandes dans le domaine agroalimentaire, notamment la branche des OGM. Si vous voulez bien me suivre, la visite se poursuit…"

Le petit groupe se dandina docilement à la suite du jeune cadre dynamique à travers un dédale de couloirs. Heero Yuy, à l’avant du cortège, profitait des commentaires éclairés de leur guide tandis que ses quatre compagnons traînaient à l’arrière, attendant l’occasion de se faufiler en douce par la première porte menant aux installations souterraines. Ces dernières n’étaient bien entendu pas incluses dans la visite, n’étant même pas mentionnées sur les plans de construction. Il leur avait fallu une journée entière de recherches et d’interrogatoires divers pour récolter les informations dont ils avaient besoin afin d’atteindre les sous-sol sans dommages. La commande de rayons lasers et de caméras infrarouge leur avait bien vite mis la puce à l’oreille compte tenu du fait qu’ils n’avaient été installés dans aucune des salles visibles de l’entreprise.

"Et voici maintenant le laboratoire de recherches sur le génome humain", annonça fièrement le guide. "Nous travaillons actuellement sur un nouveau type de clonage, couramment utilisé depuis plus de cinq ans : le bébé médicament !"

Un murmure surpris se propagea dans l’assistance : depuis quand le Groupe W travaillait-il sur des enfants ?

"Je vous rassure de suite, mesdames et messieurs", clama le cadre en haussant la voix, "nos recherches se cantonnent à des embryons non viables, généreusement et bénévolement donnés par les employés de notre entreprise."

Heero eut un sursaut. Il commençait à comprendre ce qui avait pu arriver à la femme du frère de Sally Po. De son côté, Wufei contenait difficilement sa rage. La veille, il avait eu l’occasion de revoir Sally, et leur entretien avait été bénéfique à la jeune femme sur le plan psychologique : elle avait pu enfin déverser toute sa rancœur et sa soif de vengeance à l’encontre des malfrats qui avaient assassiné son frère et sa belle-sœur. Le Chinois avait réussi à gagner sa confiance, et un indicible lien s’était créé entre eux, nourri par leur origine commune et une psychologie très proche. Ce qu’il venait d’entendre ne pouvait que confirmer les doutes de la jeune femme et augmenter son désir de l’aider à connaître la vérité.

Quatre et Trowa restaient silencieux, le premier analysant les différents sentiments qu’il recevait de ses compagnons, le second cherchant des yeux l’issue la plus proche et la plus propice à leur escapade souterraine. Sa main se posa sur le bras du blond lorsqu’il trouva enfin une porte savamment intégrée au mur du couloir, à une dizaine de pas du guide. Quatre hocha la tête en signe de compréhension, puis se tourna vers Duo qui se tenait sur sa droite.

L’Américain n’avait pas quitté Heero des yeux de toute la conférence, et il avait noté son léger sursaut à la déclaration du jeune cadre. La lumière s’était rapidement faite dans son esprit, et il chercha confirmation du côté de Quatre au moment où celui-ci de tournait vers lui. Lui indiquant d’un signe de tête la porte dérobée, il entraîna calmement le Français dans cette direction, laissant Duo s’occuper de ramener Wufei.

Lorsque Heero se retourna pour s’assurer que Duo et les autres avaient aussi bien compris que lui ce qui se tramait dans ce laboratoire, il esquissa un sourire en ne voyant aucune trace de ses compagnons. Nul doute qu’ils avaient profité de l’agitation provoquée par l’annonce de leur guide pour s’éclipser.

* * * 

Sous-sol, siège de la Wing Gen’, Caraïbes

Leur progression avait été rapide et ils n’avaient rencontré aucun obstacle majeur en dehors de deux ou trois agents de sécurité, vite maîtrisés. Au premier croisement de couloirs, Duo, chef de l’opération, avait divisé l’équipe en deux groupes : Trowa et Quatre s’étaient éloignés vers les laboratoires pendant que Wufei et lui prenaient la direction des bureaux.

Avançant prudemment, armés chacun d’une arme à feu, Quatre et Trowa se dirigeaient vers les laboratoires lorsqu’un bruit de bottes les arrêta. D’un signe de la main, le Français signifia à son compagnon de s’effacer dans le renfoncement du couloir pendant que lui-même s’enfonçait dans l’embrasure d’une porte. Ils retinrent leur respiration le temps de voir passer une demi douzaine de gardes armés en tenue militaire, puis ils attendirent que le résonnement des bottes s’éloignent avant de continuer leur route. Quatre en profita pour informer Duo que les locaux étaient arpentés de paramilitaires via son oreillette.

"Que font des militaires dans les sous-sols d’une entreprise de génétique ?" s’étonna Quatre au bout de quelques instants.

"Je n’en sais rien, avoua Trowa, mais ce n’était pas des militaires. C’était des miliciens."

"Comment le sais-tu ?"

"Leurs uniformes étaient loin d’être réglementaires."

"Ah…"

Le fait que Trowa sache différencier un uniforme de l’armée d’un uniforme de milicien ne faisait qu’ajouter au mystère qui l’entourait et que l’Arabe commençait à exécrer. Il aurait tant aimé que le brun se confie un peu plus à lui, mais plus le temps passait, et plus cette option lui paraissait improbable.

De son côté, Trowa avait bien perçu le ton légèrement blessé de Quatre dans sa dernière réplique. Il s’en voulait de ne pas se faire plus confiance, mais ce n’était ni le temps ni le lieu pour faire part de son passé trouble au jeune blond.

« Tout vient à point à qui sait attendre » pensa-t-il, philosophe. Et pour le moment, la mission était la priorité.

Au détour d’un couloir, ils débouchèrent sur un cul de sac. Retenant un juron, Trowa s’approcha du mur à la recherche d’une porte dérobée. Quatre mit en route ses méninges, repassant dans sa mémoire les couloirs qu’ils avaient parcourus : peut-être s’étaient-ils trompés à un croisement ? Plongés dans ses pensées, il prit appui sur le mur… Qui s’effaça !

Un petit cri surpris fit se retourner Trowa qui fut surpris de ne pas trouver son ami derrière lui. A la place, le mur revenait à sa place. Ne se posant pas plus de questions, il se rua à la suite de Quatre et se glissa de justesse entre la paroi pivotante et le mur.

* * *

Ils avaient atteint les bureaux en un temps record et sans rencontrer personne. Passé un temps de surprise, Duo s’était empressé de forcer la porte pendant que Wufei grommelait dans sa barbe inexistante à propos des manières de Yankees de son collègue. Ignorant le Chinois, le natté ouvrit la porte et se glissa silencieusement dans la pièce.

Longue et faiblement éclairée, elle semblait vide à première vue. Une fois leurs yeux habitués à la faible luminosité, ils purent distingués au fond de la pièce une gigantesque armoire grise. Lentement, ils traversèrent les trois quarts de la pièce et posèrent chacun une main sur la poignée. L’oreillette de Duo grésilla à cet instant, les faisant presque sursauter :

« 04 à 02. On vient de croiser une patrouille de paramilitaires. Elle se dirige vers vous. Terminé »

"Bien reçu, 04. Terminé."

Duo se tourna vers Wufei pour avoir confirmation qu’il avait bien eu l’information à son tour. Un hochement de tête et ils se retournèrent leur attention sur l’immense armoire. D’un signe, ils ouvrirent les battants dans une parfaite synchronisation.

Des étagères jusqu’au plafond. Des étagères croulant sous le poids de centaines de dossiers et de classeurs. Rangés par ordre alphabétique, les deux espions n’eurent aucun mal à deviner ce qu’ils contenaient. Sous chaque rangée, une étiquette indiquait les dates et le sujet des dossiers alignés. Rapidement, ils repérèrent celui qui les intéressait :

Po-Ling, exp.2-005

D’une main tremblante d’appréhension, Wufei se saisit du dossier et le feuilleta rapidement pendant que Duo faisait un rapide tour d’horizon du reste de la pièce qui, malheureusement, ne contenait rien d’autre que cette armoire.

Soudain, un martèlement reconnaissable entre tous les interrompit.

"Merde !" laissa échapper Duo. "La patrouille dont parlait Quat’."

"Dans l’armoire ! Vite !" ordonna Wufei.

Ils s’installèrent rapidement entre deux rangées de dossiers et refermèrent les portes quand celle donnant sur le couloir s’ouvrait. Aucune parole ne fut prononcée à l’entrée de la troupe. Les seuls bruits que distinguaient le natté et son collègue ressemblaient à des raclements métalliques qui leur faisaient serrer les dents. Enfin, la porte s’ouvrit de nouveau et ils entendirent la troupe ressortir. Ils patientèrent quelques minutes afin de s’assurer que tous les soldats étaient partis puis émergèrent de l’armoire, armes au poing et les sens en alerte.

Ils remarquèrent alors seulement les rayures imprimées dans le sol au bas de chaque mur latéral. S’approchant prudemment d’une des parois, Duo fit courir ses doigts sur toute la surface. Wufei le regarda, intrigué, puis entreprit de faire de même sur le mur d’en face.

Ils repérèrent simultanément une encoche sur le bas des murs. Ils l’observèrent attentivement et y appliquèrent leur main au même instant. En quelques secondes, les murs disparurent et laissèrent place à des centaines d’écrans de contrôle.

"Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?" grogna l’Américain.

"Une salle de contrôle", répondit Wufei avec condescendance.

"Merci, Wuwu, j’avais remarqué !"

"C’est Wufei, Maxwell ! Et je n’ai fait que répondre à ta question idiote."

"Ce que je me demandais, c’est ce que faisait cette salle de contrôle alors que nous en avons visité une en surface…"

"Et bien celle-là permet de surveiller le sous-sol… Et de traquer les intrus", ajouta-t-il en montrant un des écrans où ils reconnurent Trowa et Quatre au beau milieu des laboratoires.

"Et merde ! 02 à 04 !" hurla Duo dans son oreillette, "02 à 04, les soldats vous ont repérés ! Repliez-vous immédiatement !"

A l’écran, leurs deux amis n’eurent aucune réaction. Les laboratoires devaient être équipés de brouilleurs fit remarquer le Chinois. Duo n’attendit pas plus de temps et sortit immédiatement de la pièce, suivi de Wufei.

"Wu, tu remontes chercher Heero avec le dossier Po. Tu le mets au courant de ce qu’on a découvert. Moi je vais essayer d’aller tirer nos deux tourtereaux du pétrin dans lequel ils se sont fourrés."

"Très bien. On se retrouve où ?"

"Dans une heure à l’hôtel. Sinon… On verra bien. Allez, exécution !"

Ils se séparèrent au pied de l’escalier et Duo poursuivit sa route sur les traces de Quatre et Trowa.

* * *

Ils s’immobilisèrent au beau milieu de la pièce, figés par la vision que leur offrait le laboratoire. D’une blancheur aveuglante, les murs étaient parcourus d’interminables rangées de bocaux. Remplis de formol, les petites formes vaguement humaines qu’ils contenaient ne laissaient plus aucun doute sur les recherches illégales entreprises dans les souterrains de la Wing Gen’.

Une vitre à double épaisseur maintenait Quatre et Trowa à distance de la réserve. Une tentative du Français leur apprit qu’elle était également blindée. Appuyé sur un des bureaux meublant cette partie de la pièce, le blond n’avait pas fait un geste, pétrifié par les horreurs qui s’offraient à ses yeux. Il tentait vainement de se persuader que ce qu’il voyait n’était qu’un rêve, un cauchemar. Mais la main large et chaude qui se posa sur son épaule le tira de son abrutissement et il retint difficilement une larme de rage et de compassion.

"J’ai fait quelques clichés des lieux", lui annonça la voix lointaine de Trowa. "Je pense qu’on en a assez vu. Viens."

Ils atteignaient le seuil de la porte lorsqu’un déclic leur fit lever la tête. Une soudaine angoisse saisit le cœur de Quatre, bien vite confirmée par la vision d’une rangée de rangers. Instinctivement, il se baissa et roula derrière un bureau et se plaça de manière à mettre ses adversaires en joue. Des tirs provenant de sa droite lui apprirent que Trowa faisait de même de son côté.

La partie était loin d’être gagnée : la troupe de soldats qui leur faisait face semblait déterminée à ne pas les laisser sortir vivants de cette pièce. Une courte accalmie des tirs permit à Trowa de jeter un coup d’œil par dessus son abri de fortune… Et de se précipiter au côté de Quatre pour éviter le tir de lance-rocket que les paramilitaires venaient d’apporter. Passant un bras autour de ses épaules, il protégea le blond d’éventuels éclats, puis d’un hochement de tête, ils reprirent les tirs de concert.

* * * 

Etage de la direction, siège de la Wing Gen’, Caraïbes

Assis dans un confortable fauteuil de cuir, Heero attendait le directeur de sa filiale. D’après la secrétaire, ce dernier était encore en rendez-vous avec son client précédent. Un vague malaise avait saisi le brun depuis une dizaine de minutes, et il espérait que tout se passait bien en sous-sol. Le calme régnant en surface ne semblait pas lui prouver le contraire, et il se replongea dans ses pensées.

Quelque chose le tracassait : depuis qu’ils étaient ici, ils n’avaient eu aucune nouvelle de Treize. Cet état de fait le rendait un brin nerveux, l’homme agissant d’ordinaire avec une extrême prévisibilité, il souhaitait de tout cœur qu’il ne lui ait pas échappé une fois encore.

Cet à ce moment-là que la porte du bureau du directeur s’ouvrit, découvrant un grand homme brun à la stature imposante et au port altier. Heero bondit hors de son siège et le braqua instantanément. L’homme n’était autre que Treize Kushrenada en personne.

"Quand on parle du loup", récita l’ancien directeur après un moment d’incrédulité.

"Je pensais justement à vous, Treize", l’informa Heero d’un ton ironique. "Vous êtes tellement prévisible !"

"Je peux dire la même chose de vous, jeune homme. Il m’aura suffit d’un enlèvement pour que vous rappliquiez !"

"C’était donc vous !" siffla le Japonais. "Je m’en doutais… J’aurai mieux fait de vous abattre lorsque j’en ai eu l’occasion."

D’une moue dubitative, Kushrenada lui signifia son indifférence et fit le tour de la pièce pour se poster devant la baie vitrée. Heero contourna son fauteuil, de sorte qu’il faisait dos à la porte du bureau du directeur.

"Pourquoi vous en être pris à Duo ?" interrogea-t-il.

"Duo ? Ah, M.Maxwell ! Eh bien, d’une part parce qu’il savait beaucoup trop de choses, et d’autre part parce que je savais que vous ne le laisseriez pas mourir. Je me trompe ?"

Un regard noir fut sa seule réponse.

"Vous voyez, vous aussi vous êtes trop prévisible, M.Yuy."

Le Japonais contint difficilement son envie d’étrangler son ancien employé. Mais il lui restait encore une question à poser.

"En quoi une société de génétique peut-elle vous intéresser, Treize ? Je dois avouer que ce point reste encore flou dans mon esprit…"

"Je suppose que vos hommes ne sont pas encore parvenus jusqu’au laboratoire, alors. Je suppose que vous êtes au courant des nombreux décès dont cette entreprise est frappée depuis quelques mois ? Bien. Je vous avoue que j’y suis pour beaucoup, même si je n’ai pas tué ses personnes moi-même, bien évidemment. Elle sont servi de… cobayes, dirons-nous, à une nouvelle expérience que j’ai fait mettre au point pas d’éminents spécialistes du clonage. Malheureusement, les effets secondaires étaient tels que les patients n’ont pas survécu… Quel dommage, nous étions si près du but !"

Kushrenada se retourna alors vers Heero et un sourire carnassier découvrit ses dents. Son regard s’embrasa de démence, faisant inconsciemment reculer Heero d’un pas.

"Mais à quoi bon savoir tout ceci, M.Yuy, puisque vous ne vivrez pas assez longtemps pour le révéler au monde !"

Une détonation résonna dans la pièce, et le bruit mat d’un corps qui tombe le suivit de peu.

* * * 

Sous-sol, siège de la Wing Gen’, Caraïbes

Les coups de feu résonnaient à ses oreilles, l’orientant à chaque intersection qu’il rencontrait. Il sauta par dessus quelques corps, et piqua un dernier sprint… Avant de faire rapidement demi tour en tombant nez au dos de la troupe ! Se glissant silencieusement dans les ombres, Duo se plaqua contre un mur et avança précautionneusement vers le soldat le plus proche. Ses lames de firent aucun bruit en transperçant la chair, et bientôt une dizaine d’homme joncha le sol du couloir.

Son intervention ne passa malheureusement pas inaperçue aux yeux du chef de section.

"Qui est là ?" aboya-t-il.

Un éclair fugace attira son regard, et il tomba face contre terre, des bouillons de sang jaillissant de sa gorge. En quelques secondes, il ne resta plus aucun homme à l’entrée du laboratoire et Duo y pénétra, espérant que Quatre et Trowa ne soient pas blessés.

"Les mecs ?" appela-t-il. "Vous êtes vivants ?"

Une tête blonde émergea lentement de derrière un bureau sur sa droite, et le légendaire sourire de Quatre le rassura immédiatement.

"Duo ! Merci, on commençait à être à cours de munitions", s’excusa l’Arabe, penaud.

"T’inquiète, Kitty-Kat, j’allais pas vous laisser dans le pétrin."

Trowa apparut à se côtés, une légère estafilade à l’épaule gauche. D’un regard, il le remercia puis s’approcha des corps de leurs ennemis à la recherche de munitions.

"Je vous propose de pas traîner dans le coin", déclara Duo. Les renforts ne devraient pas tarder à rappliquer.

"Tu as raison", approuva Quatre. "Trowa, allons-y."

Un hochement de tête et ils prirent la direction de escaliers. Il n’avait rien dit, mais Duo avait un mauvais pressentiment.

* * * 

Etage de la direction, siège de la Wing Gen’, Caraïbes

Incrédule, Treize regarda vers la porte d’entrée de la salle d’attente et y découvrit Wufei, son arme encore fumante à la main, le regard haineux braqué sur lui.

"Je te savais fourbe, Treize, mais pas lâche !" lâcha-t-il sur un ton qui en disait long sur sa rancœur et son dégoût.

Heero examinait le corps de l’homme qui un instant plus tôt le tenait en joue dans le dos. Il souffla un imperceptible soupir de soulagement et remercia Wufei qui s’était approché.

"Nous avons trouvé le dossier de la belle-sœur de Sally, et Quatre et Trowa ont pénétré dans les labos. Une patrouille paramilitaire est à leurs trousses et Duo les a rejoins pour les aider…"

"Mais que se passe-t-il ici !"

Dans un sursaut, les trois hommes se tournèrent vers le directeur de la filiale qui venait de pénétrer dans la pièce. Son visage hagard et son teint blanc rappela à Heero le méchant d’une des bandes-dessinées de son enfance : un psychopathe phobique des chauves-souris.

Profitant du moment d’égarement des deux asiatiques, Treize saisit le nouveau venu par le bras et l’immobilisa contre lui, le canon de son arme pointé sur sa tempe.

"Encore une fois vous n’aurez pas tenu votre promesse, Yuy. Mais ne vous inquiétez pas, nous nous reverrons très bientôt !"

Il sortit à reculons de la salle. Une cavalcade le fit se retourner. Duo, Trowa et Quatre arrivait en courant. Ils se figèrent à la vue de Kushrenada et de son otage. Un geste de leur patron leur signifia de ne rien entreprendre et ils regardèrent Treize s’enfuir.

Lorsqu’il eut disparu, un grognement de rage provenant de Heero les fit sursauter. Duo s’approcha de lui et desserra sa main de la crosse de son arme.

"Ne t’inquiète pas, on l’aura la prochaine fois", le rassura-t-il en lui caressant discrètement le dos de la main.

La tempête quitta instantanément les yeux bleus de l’asiatique qui acquiesça. Il s’adressa alors aux autres membres de l’équipe.

"Vous avez trouvé ce qu’il nous fallait ?"

"Oui", répondit Trowa en agitant un mini appareil photo. "Wufei a le dossier avec lui."

"Bon !" s’exclama Duo. "Et si on profitait de la plage maintenant !"

* * * 

Bureau de Heero Yuy, siège du Groupe W, Manhattan, New York

"Mille mercis encore, M.Yuy. Je ne sais pas quoi dire de plus…"

"Alors ne dîtes rien. Mais si cela ne vous fait rien, j’aimerai beaucoup que l’on se tutoie, Sally."

"Comme tu voudras, Heero !"

Un merveilleux sourire illumina le visage de la jeune femme. Elle se leva et saisit le dossier posé devant elle sur le bureau de l’homme le plus riche du monde.

"Wufei, tu voudras bien raccompagner Sally jusqu’à sa voiture ?" proposa malicieusement Heero.

"Mais bien sûr !" s’empressa de répondre le Chinois en offrant son bras à sa compatriote et amie.

Ils sortirent du bureau bras dessus bras dessous. La porte se refermait à peine qu’un concert d’éclats de rire retentissait dans la pièce.

"Heero, tu es aussi discret qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine", cita Quatre.

"Sûrement", approuva Duo, "mais Wufei est bien le seul à n’avoir rien remarqué !"

Un imperceptible frémissement signifia à Quatre que Trowa souriait, du moins intérieurement. Il en fut ravi et vint s’asseoir à ses côtés sur le canapé. Duo échangea un regard complice avec Heero, assis à son bureau dans son grand fauteuil de cuir noir. L’Américain se plaça derrière lui et s’accouda au dossier. Incapable de résister à sa curiosité grandissante, il entama le sujet que tous évitaient depuis leur retour la veille.

"Des nouvelles de Treize ?"

Quatre lui fit les gros yeux et Trowa pinça les lèvres. Grimaçant en attente de la réponse de Heero, il contourna le fauteuil et s’appuya sur le plan du bureau, plongeant ses yeux dans les iris glacés de l’asiatique.

"Heero ?" questionna l’Américain d’une voix peu assurée.

"Il n’a pas été vu depuis notre dernière rencontre", grogna le brun.

"Bah ! Peut-être qu’il a enfin compris qu’on était trop fort pour lui", ironisa le natté.

Heero pivota légèrement sur son fauteuil et posa sa main sur celle de Duo. Un regard tendre et complice passa de l’un à l’autre. Ils se plongèrent dans les océans qui leur faisaient face pendant quelques instants, puis Duo sourit.

"Bon, bah c’est pas tout ça, mais je commence à avoir faim, moi ! Kitty-Kat ?"

"Oui ?"

"Tu peux me passer ton portable, s’il te plaît ?"

"Pourquoi faire ?" s’étonna le blond.

"Le numéro du livreur de pizzas est enregistré sur ta carte."

Et une seconde vague d’éclats de rire retentit au dernier étage du plus grand immeuble de New York.

* * * 

QG des Olders

"Une fois de plus, votre plan a échoué, Premier !"

L’accusation lancée dès l’ouverture de la réunion glaça le sang des Troisième, Quatrième et Cinquième membres. Jamais personne ne s’était encore opposé au Premier, bien que depuis quelques temps le Second ne cessait de le critiquer.

"Et une fois de plus, G, c’est votre précieux Joker qui a ruiné la mission de notre homme !" s’invectiva J.

"Sauf votre respect, monsieur", intervint le Cinquième, "cette fois-ci c’est le mien qui est responsable de la mort de notre tireur."

Un lourd silence suivit cette déclaration : le Premier venait de se faire clouer le bec en toute beauté !

"Messieurs, ceci est mon dernier avertissement. Si vos protégés ne cessent pas de suite de contrecarrer nos intentions, je prendrai les mesures qui s’imposent dans ce genre de situation. Pour ceux à qui la mémoire manquerait, je vous conseille de revoir le dossier Kairu/Solo, disponible à la Réserve."

Il fit une pause, augmentant la portée de ses paroles, puis poursuivit :

"En ce qui concerne Treize Kushrenada, ses derniers agissements montrent qu’il n’a en aucun cas les mêmes buts que nous concernant Heero Yuy et son entourage. L’affaire est donc classée. Bonsoir, messieurs."

Il sortit de la pièce dans un grincement métallique qui fit grimacer les quatre autres. Immédiatement, le Second reprit la parole :

"Bien, il me semble qu’il est temps de mettre en place les éléments de notre revanche, messieurs."

Trois hochements de tête déterminés lui répondirent. Le Second se dirigea vers une petite porte dissimulée dans le mur derrière sa chaise et l’ouvrit.

"Entrez, je vous en prie."

Il s’écarta, livrant le passage à deux jeunes hommes. Le premier n’était pas plus grand que G, les yeux et les cheveux d’un noir de jais, alors que le second mesurait près d’un mètre quatre-vingt et avait des cheveux blonds cendrés et des yeux verts. Leur regard était déterminé et une aura de puissance se dégageait d’eux, faisant presque se reculer les Olders.

Passé le temps de l’examen visuel, le Second reprit la parole :

"Messieurs, j’ai l’immense plaisir de vous présenter Solo MacKenzie et Iyari Kairu."

To Be Continued

 

Achevée le 1er mai 2005. Dernière modification le 1er mai 2005.

 
 
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